Bouda Etemad et Jean Batou (éd.), Le miracle suisse selon Paul Bairoch

p. 111-112

Référence(s) :

Bouda Etemad et Jean Batou (éd.), Le miracle suisse selon Paul Bairoch. Droz, 2020.

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Né à Anvers où sa famille juive polonaise a émigré, Paul Bairoch (1930-1999) a entamé des études d’ingénieur en Israël après la Deuxième Guerre mondiale avant de revenir en Europe étudier l’histoire économique. Après avoir soutenu sa thèse en 1963 publiée sous le titre Révolution industrielle et sous-développement, il a connu une carrière exceptionnelle qui l’a mené successivement de l’université libre de Bruxelles au GATT (Genève) où il s’est intéressé au commerce international et à son histoire, à l’université de Montréal, à l’EPHE où Fernand Braudel lui-même lui avait proposé un poste de directeur d’études puis, finalement, à l’université de Genève (1972) comme professeur ordinaire d’histoire économique à la faculté des sciences économiques et sociales. Ses travaux, qui ont renouvelé profondément l’histoire économique (industrialisation, processus de développement, etc.) grâce à l’usage systématique de la quantification (d’abord établir des statistiques macro-économiques, ensuite formuler des hypothèses à partir de la théorie économique avant de les infirmer ou de les valider), restent aujourd’hui bien connus des étudiants. Dans sa monumentale production académique – plus de 120 articles et une vingtaine d’ouvrages – la Suisse occupe « une place à part » comme le montrent deux de ses anciens collaborateurs Bouda Etemad et Jean Batou qui ont eu l’heureuse idée de rassembler les huit études (articles de revues, contributions à des ouvrages collectifs ou à des mélanges) consacrées par le Maître à l’histoire économique helvétique.

Comme le souligne Laurent Tissot dans sa riche introduction, si quelques appréciations relatives aux répercussions de la non-adhésion de la Suisse à l’Union Européenne, à l’évolution du secteur horloger ou de celui du chocolat « mériteraient d’être reformulées », « nous ne pouvons qu’être impressionnés par la pertinence, la qualité et l’actualité de ses analyses. Les décennies qui passent ne les ont pas rendues obsolètes ». C’est que l’auteur de Mythes et paradoxes de l’histoire économique (1994) construit son « œuvre helvétique » grâce aux mêmes outils quantitatifs que ceux qu’il utilise pour Victoires et déboires. LHistoire économique et sociale du monde du xvie siècle à nos jours, somme parue en 1997. C’est ainsi que le premier texte « Le volume des exportations de la suisse de 1851 à 1975 », issu d’une présentation à la Société suisse d’histoire économique et sociale en 1976, présente les éléments disponibles sur l’évolution du volume des exportations suisses avant 1913. La deuxième étude, « L’économie suisse dans le contexte européen 1913-1939 », qui reprend un exposé fait lors d’un séminaire de 3e cycle en 1980, analyse les principaux aspects structurels de l’économie suisse dans le contexte européen et lui permet de pointer des spécificités « nombreuses » et « accusées » – taux d’urbanisation plus faible que ne le justifie son niveau de développement en raison de la décentralisation, du relief ou du tourisme ; proportion de main-d’œuvre étrangère neuf fois supérieure à celle du reste de l’Europe ; restructuration réussie de ses exportations (les produits chimiques et les machines remplacent le textile et les produits laitiers) ; maintien d’une très forte fréquentation touristique ; rôle des banques ; etc. – et de conclure « La Suisse un pays riche ? Oui… même très riche, puisqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, elle était encore le pays au revenu par habitant le plus élevé d’Europe continentale ».

Suivent d’autres textes consacrés à la Suisse dans le contexte international aux xixe et xxe siècles, aux succès et déboires de son industrie manufacturière, à la spécificité des chemins de fer suisses. Enfin, les deux derniers concernent Genève et ses habitants. D’une part, « Chiffres froids et données vivantes ou quelques aspects de la vie des genevois depuis le début du xixe siècle » permet de « suivre les habitants de Genève comme va la vie : de la naissance à la mort » grâce au premier annuaire statistique rétrospectif publié par le département d’histoire économique de l’université de Genève en 1986 – une soixantaine de tableaux et 14  000 informations chiffrées. D’autre part, « Genève dans le contexte des villes suisse et européennes à l’époque moderne » examine l’évolution de la ville afin de la comparer à celles d’autres villes européennes de tailles voisines et chercher à voir quelle place a occupé la cité dans la hiérarchie urbaine de l’Europe entre 1500 et 1800.

Au final, « l’œuvre helvétique » de Paul Bairoch nous permet de mieux comprendre l’histoire économique suisse, ses nombreux succès et ses rares déboires, son inscription dans le contexte international. Bien qu’écrite entre 1978 et 1996, elle reste également d’une actualité remarquable  !

Citer cet article

Référence papier

Régis Boulat, « Bouda Etemad et Jean Batou (éd.), Le miracle suisse selon Paul Bairoch », Revue du Rhin supérieur, 3 | 2021, 111-112.

Référence électronique

Régis Boulat, « Bouda Etemad et Jean Batou (éd.), Le miracle suisse selon Paul Bairoch », Revue du Rhin supérieur [En ligne], 3 | 2021, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/rrs/index.php?id=195

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Régis Boulat

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