Le Saint-Office de Malte et les irréductibles de l’apostasie (xvie-xviie siècles)

The Holy Office of Malta and irreducible apostates (16th and 17th centuries)

Das Heilige Offizium von Malta und die unbeugsamen Apostaten (16.-17. Jahrhundert)

DOI : 10.57086/sources.156

p. 19-38

Résumés

Aux xvie et xviie siècles, Malte est une frontière de la chrétienté. L’inquisition est en charge de la réconciliation des chrétiens qui ont été capturés, réduits en esclavage et pour certains convertis de force à l’islam ou séduits par une religion autre et ennemie. Les inquisiteurs s’accordent à penser que l’apostasie résultant de la peur ou de la contrainte doit être considérée avec une certaine indulgence. Mais la relation avec les renégats est fondée sur le précepte de saint Augustin, selon lequel il aurait mieux valu « mourir de faim que de se nourrir d’idolâtrie » – c’est-à-dire que la mort pour un chrétien devrait toujours être préférable à l’apostasie. La grande majorité des cas est résolue. La réconciliation témoigne de la victoire du catholicisme sur l’islam. Mais le Saint-Office est confronté à des cas extrêmes de refus du catholicisme. L’article établit le cadre religieux et juridique, expose les méthodes et analyse les professions de foi des accusés, destinées à arracher le pardon du tribunal. Le sort fait aux irréductibles témoigne de la sévérité toujours plus grande des sentences prononcées par le tribunal inquisitorial entre la fin du xvie et le milieu du xviie siècle. Les renégats irréconciliables risquent le bûcher et plus tard les galères à vie. Dans tous les cas, la procédure fait une démonstration publique de l’infamie des renégats, témoigne de la puissance de l’Église catholique et rappelle le refus absolu du franchissement de la frontière avec l’islam.

During the 16th and 17th centuries, Malta was a frontier of Christendom. The Inquisition was in charge of reconciling the Christians who had been captured, enslaved and had sometimes been forced to convert to Islam or had been seduced by a foreign religion. Inquisitors agreed that apostasy, when it had been motivated by fear or coercion, had to be treated with leniency. But their relation with the renegades was based on St Augustine’s precept that “it would be better to die of starvation than to take [idolatry] for nourishment”, i.e. that for a Christian death should always be preferable to apostasy. In most cases, the renegades were reconciled with the Church and this ceremony showed the victory of Catholicism over Islam. But the Holy Office was also faced with cases in which the renegades absolutely refused to become Christians again. This article presents the religious and legal framework, analyses the court’s methods and the professions of faith made by the accused with a view to obtaining a pardon from the Court. The fate of the renegades testifies to the ever increasing severity of the sentences which were meted out to them between the end of the 16th century and the middle of the 17th century. Die-hard apostates could be burned at the stake and later sentenced to the galleys for life. In all cases, the procedure made a public demonstration of the infamy of the renegades, extolled the power of the Catholic Church and expressed the absolute condemnation of any attempt at crossing the border with Islam.

Anne Brogini is professor of modern history and a member of the Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine (CMMC EA 1193) at the university of Côte d’Azur.

Im 16. und 17. Jahrhundert bildete Malta eine Grenze des Christentums. Die Inquisition war mit der Wiederversöhnung der Christen beauftragt, die in Gefangenschaft geraten, versklavt und manchmal zum Übertritt zum Islam gezwungen oder von einer feindlichen Religion überzeugt worden waren. Die Inquisitoren waren sich darüber einig, dass die Apostasie mit Nachsicht zu betrachten sei, wenn sie auf Angst oder Zwang beruhte. Allerdings hörten sie auch auf das Gebot von Sankt Augustin, dem zufolge man „eher vor Hunger sterben als sich von Idolatrie ernähren lassen“ solle – also der Tod der Apostasie vorzuziehen sei. In den meisten Fällen kam es zu einer Lösung, die den Sieg des Katholizismus über den Islam anzeigte. Jedoch gab es auch extreme Fälle der totalen Ablehnung der katholischen Religion. Der Beitrag präsentiert den religiösen und juristischen Rahmen, zeigt die Methoden auf und analysiert die Glaubensbekenntnisse, mit denen die Angeklagten versuchten, vom Gericht begnadigt zu werden. Die Urteilssprüche gegenüber den Unbeugsamen zeugen von der wachsenden Strenge des Inquisitionsgerichts zwischen dem Ende des 16. und der ersten Hälfte des 17. Jahrhunderts. Die Renegaten konnten auf dem Scheiterhaufen landen oder den Rest ihres Lebens in Galeeren verbringen. Das Verfahren stellte in jedem Fall die Schande des Renegaten öffentlich zur Schau, unterstrich die Macht der katholischen Kirche und rief die absolut unüberschreitbare Grenze zum Islam in Erinnerung.

Anne Brogini ist Professorin für Neue Geschichte an der Université Côte d’Azur und Mitglied des Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine (CMMC EA 1193).

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Texte

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« Che fa questo, Monsignore, io no solo non voglio tornar alla fede cristiana ma voglio vivere et morire in questa fede maomettana 1 . »

« Que m’importe tout cela Monseigneur, moi, non seulement je ne veux pas revenir à la religion chrétienne, mais je veux vivre et mourir dans la religion musulmane. »

C’est sur ce ton résolu et sur ces paroles définitives que, le 2 mars 1581, le Génois Ali Pantaleone, dit Ali de Tripoli, âgé d’environ 38 ans, choisit de conclure son interrogatoire au palais du Saint-Office de Malte, mettant un terme à son procès et à toute velléité de l’inquisiteur de définir si l’apostasie a été volontaire ou contrainte, et si l’accusé peut échapper au bûcher. À la fois sincère et provocatrice, sa calme détermination atteste d’une volonté peu commune chez un renégat comparaissant devant le tribunal inquisitorial, mais représente, pour l’autorité religieuse, un camouflet sévère qui ne peut être ignoré. Car si les inquisiteurs s’accordent à penser que l’apostasie résultant de la peur ou de la contrainte doit être considérée avec une certaine indulgence, ils sont bien conscients que leur rôle est de punir sévèrement tous ceux qui ne respectent pas le précepte de saint Augustin, selon lequel il vaut mieux « mourir de faim que de se nourrir d’idolâtrie » – c’est-à-dire que la mort pour un chrétien est toujours préférable à l’apostasie2.

Quoique peu nombreux à Malte au temps du « siècle corsaire » (env. 1580-env. 1680), les irréductibles de l’apostasie constituent indubita-blement, pour les autorités politiques et religieuses, la plus grave menace identitaire et un cas extrême de résistance, conforme à la thématique du séminaire « Trop, c’est trop ! ». Dans une île considérée comme frontière de la chrétienté3, mais ouverte à cette époque aux échanges corsaires et marchands qui mettent en relation les Maltais avec des étrangers de toutes nations et religions, le sentiment de la différence religieuse doit être absolument préservé au sein de la population, par le biais d’une défense farouche du catholicisme. C’est notamment le rôle dévolu au Saint-Office romain, officiellement établi dans le port depuis 1574, après que les chevaliers de Malte ont sollicité du pape son installation, pour les aider à préserver l’ordre social et religieux.

Reconnaître et juger les apostats

Pour reconnaître un apostat et appliquer la peine la mieux appropriée à son crime, les inquisiteurs de Malte fondent leurs connaissances et leur pratique judiciaire sur des manuels et sur des instructions qui leur sont envoyés régulièrement par le Saint-Office de Rome. L’un des premiers manuels à l’usage des inquisiteurs, imprimé pour la première fois en 1503, puis réédité cinq fois entre 1578 et 1607 (dont trois fois à Rome, en 1578, 1585 et 1587), est le Directorium inquisitorum de Nicolau Eymerich, daté de 13764. Le manuel d’Eymerich, commenté dans sa réédition de 1578 par l’inquisiteur Peña, et expédié aux divers inquisiteurs en fonction, appelle à sanctionner sévèrement

quiconque s’oppose à l’Église de Rome et ose contester la dignité qu’elle a reçue de Dieu […] ; crée une nouvelle secte ou adhère à une secte existante ; n’accepte pas la doctrine romaine en matière de sacrements ; opine autrement que l’Église de Rome sur un ou plusieurs articles de foi ; doute de sa foi5[…]

Les convertis au judaïsme ou à l’islam encourent des peines très sévères (amende élevée, bastonnade, prison, voire le bûcher quand l’accusé s’entête dans son apostasie)6. Naturellement au xviie siècle, obéissant aux impératifs stratégiques et économiques liés à l’essor de la course en Méditerranée, la condamnation aux galères remplace pour les hommes la peine d’emprisonnement, désormais réservée aux condamnés inaptes à la rame (femmes, adolescents et vieillards).

La méthode

Concernant le déroulement des procès, les manuels sont formels : l’inquisiteur doit commencer par demander à l’accusé, qui ignore son chef d’inculpation (afin de ne pas échapper aux pièges de l’interrogatoire) s’il connait la raison de sa comparution. Cette question ouverte, qui met le suspect en condition de se sentir coupable, conduit souvent, pour le plus grand malheur du prévenu, à la révélation d’autres fautes que celle pour laquelle il a été dénoncé, et allonge d’autant le procès et l’emprisonnement dans les geôles inquisitoriales. L’inquisiteur pose ensuite des questions destinées à cerner au plus près la vérité ; dans les dix premiers jours de sa détention, il doit également dire à l’accusé qu’il se montrera plus miséricordieux si celui-ci avoue immédiatement sa faute7. Les schémas d’interrogation sont donc construits de manière rigoureuse et servent de base au travail de l’inquisiteur, qui peut toujours, selon le déroulement de chaque procès, choisir les questions et l’ordre dans lequel il est plus profitable de les poser. À Malte, c’est à l’égard des renégats que ce schéma est le plus précisément construit, à l’aide notamment des instructions du Saint-Office : entre 1575 et le milieu du xviie siècle, il évolue pour cerner au mieux l’ennemi musulman et déjouer son influence potentielle sur la population catholique de l’île.

En 1594, quand les procès pour apostasie deviennent plus nombreux, les inquisiteurs de Malte obtiennent de Rome les premières instructions officielles, censées les aider dans leur interrogatoire8. Ces dernières se résument d’abord à deux points principaux, que l’inquisiteur doit préciser durant le procès. Il s’agit de déterminer si l’apostat a renié sous la contrainte : a-t-il été maltraité ou menacé de mort, au point que le reniement ait été sa seule chance de survie ? La seconde préoccupation est de définir précisément si le renégat a renié « avec son cœur », c’est-à-dire en étant intimement persuadé que l’islam pouvait le sauver, ou « simplement avec sa bouche », conservant alors en son cœur la foi dans la religion chrétienne9 Ce schéma initial d’interrogation évolue ensuite très vite. Trois ans plus tard, en 1597, le Saint-Office de Rome expédie un nouveau guide, pourvu cette fois de six questions très précises10 :

Le renégat a-t-il cru sincèrement à l’Islam, le tenant pour foi véritable ?

A-t-il renié pour avoir la possibilité de recouvrer sa liberté et rejoindre la chrétienté ?

Est-il circoncis ?

Après avoir renié et après avoir été circoncis, s’est-il délibérément laisser appeler par un nom musulman ?

A-t-il vécu « à la turque », fréquentant les mosquées, croyant en Mahomet et suivant les rites musulmans ?

A-t-il conservé en son cœur la foi chrétienne, ou bien a-t-il adhéré de tout son cœur à l’Islam ?

À partir de ce questionnaire et au fil des aveux, les procès de l’Inquisition de Malte évoluent progressivement et se structurent de manière implacable. De 1574 (date de son installation officielle) au milieu des années 1580, l’inquisiteur se contente d’un rapide récit des conditions de capture du renégat, de celles de son reniement et de son retour en chrétienté. Les interrogatoires sont alors succincts et les procès ne contiennent qu’une à deux pages d’aveux. En 1585, l’inquisiteur demande pour la première fois à l’apostat s’il a cru « en son cœur » à l’islam11, question qui devient récurrente dès après réception des instructions romaines de 1594. Cette même année, une nouvelle question apparaît dans les procès, concernant la vie quotidienne de l’apostat après son reniement (à laquelle le renégat répond avoir vécu « à la mode turque pendant six ans12 ») ; la question devient obligatoire à partir des instructions de 1597. Entre 1600 et 1625, les procès s’allongent, les questions se diversifient et les réponses sont toujours plus denses et précises : les inquisiteurs s’intéressent désormais en détail à la circoncision13, au nom musulman porté par les renégats14, à la shahada prononcée lors de la cérémonie du reniement15, à leur croyance en Mahomet16, à l’arrêt de la consommation de porc17, à leur fréquentation éventuelle des mosquées et aux prières qu’ils ont pu faire18. À la fin des années 1620, la procédure inquisitoriale apparaît définitivement rodée, se centrant sur la spécificité des rites musulmans, et les questions ne varient plus de tout le siècle et du siècle suivant.

L’arsenal interrogatoire déployé par l’Inquisition reflète moins un désir de connaissance de la religion ennemie, qu’une volonté affirmée de définir un autre. Depuis la trêve de 1577 qui a mis fin à la guerre entre les empires ottoman et espagnol, le destin de Malte est celui d’une île corsaire désormais ouverte aux échanges, où les musulmans deviennent de potentiels partenaires commerciaux. Tout l’enjeu du discours inquisitorial consiste en une conservation de la perception de l’Infidèle comme ennemi absolu sur les plans religieux et identitaire. En caractérisant l’autre, en le cernant, en l’identifiant grâce aux questions, le Saint-Office le reconnait au sein de la population insulaire, et peut accomplir son œuvre de purification, par l’exclusion ou par la réinsertion des déviants pardonnés dans la conformité religieuse et sociale maltaise. Pour ce faire, il faut obtenir de la bouche même des coupables les aveux et récits conformes aux attentes du tribunal. Dans la crainte du châtiment et leur désir désespéré de s’y soustraire, les renégats, dans une large majorité, saisissent bien vite l’intérêt de donner toutes les justifications souhaitées à leur apostasie19. Ils se présentent successivement comme les victimes des violences exercées par leur patron ou de leur propre faiblesse ; ils insistent sur leur jeune âge et leur naïveté, sur le fait qu’ils n’ont jamais abjuré le catholicisme dans leur cœur. Profitant de la méconnaissance qu’ont les inquisiteurs de la religion musulmane, les renégats soulignent qu’ils n’ont pas fréquenté les mosquées, preuve qu’ils sont demeurés chrétiens au fond d’eux-mêmes20. Ils évoquent enfin leurs parents, se lamentant de mourir musulmans alors que leurs parents étaient de sincères chrétiens21, et suppliant parfois l’inquisiteur de les réconcilier avant de les condamner, afin qu’ils soient sûrs d’être sauvés22.

Les résultats

Ces professions de foi, destinées à arracher le pardon du tribunal, ne sont bien souvent qu’« impostures », selon le mot de Bartolomé Bennassar23, la preuve étant que la plupart des retours en chrétienté des renégats ne sont pas volontaires et que la moitié des comparution devant l’inquisiteur résulte de dénonciations. Proclamées généralement à l’extrême fin du procès, afin de laisser la meilleure impression possible, elles paraissent convaincre les inquisiteurs, qui ne se soucient guère d’approfondir. C’est que l’intérêt politique et religieux du tribunal ne réside pas dans la connaissance détaillée de la vie menée par les renégats en terre d’islam, mais plutôt dans l’aptitude de ces derniers à se conformer au moule interrogatoire qui, inévitablement, les conduit successivement (avec recours à la torture si besoin24) à l’abjuration, à la réconciliation et au châtiment déterminé par la gravité de leur faute. Déjà en 1599, le Saint-Office de Rome a recommandé aux inquisiteurs de Malte d’agir avec douceur et de ne jamais effrayer les renégats qui se présentent à eux, afin de ne pas les détourner de l’Église à laquelle ils doivent absolument être réintégrés25. Accompagnée ou non de peines temporelles26, la réconciliation témoigne en effet de la victoire du catholicisme sur l’islam, du retour officiel dans le giron de l’Église des brebis égarées, et imprègne les esprits du rôle fondamental joué par l’Inquisition dans le maintien de la conscience du contraste des civilisations.

La conformité de la plupart des renégats au discours attendu, ainsi que les instructions régulièrement envoyées à Malte, contribuent progressivement à instituer la différence entre le reniement, involontaire et forcé, dont on peut espérer une abjuration et une réconciliation, et la conversion, délibérée et assumée27, qui caractérise les véritables transgresseurs revendiquant publi-quement la supériorité de l’islam sur la religion chrétienne28.

Parcours d’irréductibles et péril identitaire

Les irréductibles de l’apostasie, c’est-à-dire tous ceux qui revendiquent ouvertement leur conversion, bafouent non seulement l’autorité religieuse devant laquelle ils comparaissent, mais peuvent mettre en péril tout l’équilibre de la société civile. Dans une île appartenant à l’empire espagnol, dont elle trace la frontière méridionale en Méditerranée centrale, l’apostasie revendiquée marque la souillure religieuse de l’individu29 et le risque de contaminer le reste du corps social, en un lieu où la proximité géographique de la rive musulmane cristallise le sentiment du danger, et l’inévitable attraction qu’exercent les richesses corsaires et les opportunités de fortune des renégats dans les Régences barbaresques30. Sur un total de 922 renégats condamnés entre 1574 et 1670, ces irréductibles représentent une petite minorité de 24 individus, soit une proportion extrêmement faible de 2,6%.

Quatre femmes

Parmi eux, quatre femmes présentent des profils similaires et sont originaires de provinces ottomanes (Grèce, Albanie, Chypre). Toutes ont été enlevées et épousées dans leur jeunesse par des soldats turcs présents dans des garnisons voisines de leur village, puis capturées lors des razzias littorales et des entreprises corsaires conduites par les Hospitaliers contre les forteresses ottomanes des littoraux grecs ou levantins.

Malgré le faible effectif, la proportion de femmes irréductibles (17,3%) est légèrement supérieure à celle des renégates condamnées par le tribunal de 1574 à 1670 (12%)31, ce qui atteste d’une volonté affirmée, chez certaines femmes, de demeurer fidèle à leur vie en terre d’islam. Cela tient à leur âge (deux ont déjà plus de 50 ans, une a presque la quarantaine32 et seule Angela de Grèce ne compte que 26 années) et au fait qu’elles ont vécu plusieurs années, voire plusieurs décennies, en tant que musulmanes, période durant laquelle elles ont chacune noué des liens affectifs durables. Stammata et Maria d’Albanie ont chacune été recueillie tout enfant par une famille turque aimante, puis mariée à un homme avec lequel elles ont mené une vie harmonieuse. Esclaves à Malte depuis plusieurs années (trente ans pour Stammata !), elles comparaissent devant l’inquisiteur après dénonciation et refusent obstinément toute proposition de réconciliation, répugnant manifestement à renier une vie dont tout laisse à penser qu’elle était heureuse ; Stammata ne cède qu’après trois comparutions et Maria au second interrogatoire.

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Tab. 1. Irréductibles ayant revendiqué officiellement leur apostasie devant le tribunal de Malte (1574-1670). Source : AIM, Processi 6B à 66A.

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Tab. 2. Irréductibles ayant revendiqué officiellement leur apostasie devant le tribunal de Malte (1574-1670). Source : AIM, Processi 6B à 66A.

Plus bouleversant est le procès d’Isabella de Chypre, âgée d’environ 50 ans : durant toute l’année 1606, elle résiste à cinq interrogatoires et à la torture, refusant d’être réconciliée et suppliant le tribunal de la laisser repartir vers son pays, son mari et ses enfants. Enlevée à l’âge de neuf ans par des musulmans de Chypre, elle a été vendue à une Turque d’Anatolie qui l’a fait renier puis l’a éduquée comme sa propre fille, avant de la marier à un homme qui lui donna trois fils. Capturée par un navire de l’Ordre de Malte deux ans auparavant, Isabella reste esclave jusqu’au décès de sa patronne, et, depuis un an, vit librement dans l’île comme musulmane, attendant d’avoir assez d’argent pour rentrer chez elle. Elle avoue volontiers son apostasie au tribunal, avant de se défendre en disant qu’ayant été enlevée enfant, elle ne conserve aucun souvenir d’elle-même chrétienne ; elle se rétracte quelques mois plus tard et change de stratégie de défense, se présentant désormais comme musulmane de naissance : « Je suis Turque et comme telle je me considère, et jamais je n’ai dit que j’étais chrétienne33 ».

Le reniement masculin est aisément décelable puisqu’il est presque toujours accompagné d’une circoncision : près de 89% des renégats comparaissant devant les tribunaux espagnols sont circoncis34, proportion sensiblement équivalente pour les procès du Saint-Office romain de Malte. En revanche, le reniement féminin est plus difficile à prouver ; celles qui refusent d’avouer et conservent, au fil de leurs interrogatoires, une même version des faits, ont donc plus de chances que les hommes d’être considérées par le tribunal comme des musulmanes de naissance. Mais ce n’est pas le cas d’Isabella, qui multiplie les déclarations contradictoires durant ses comparutions, alternant paroles véhémentes et supplications déchirantes. Lors du quatrième interrogatoire, elle clame avec violence :

Je ne me connais que comme Turque et Turque je veux rester et je ne me sens pas le cœur de devenir chrétienne. Moi, je ne suis pas chrétienne. Que Votre Seigneurie fasse de moi ce qu’elle veut, je ne serai pas chrétienne parce que je ne veux pas être tourmentée35 !

Elle finit par s’effondrer lors de sa cinquième comparution, qui suit la torture. Elle déclare en pleurant n’avoir jamais souhaité dire du mal du christianisme, qu’elle voudrait bien revenir à la foi chrétienne, mais qu’elle ne le peut pas à cause de son mari et de ses enfants. Elle supplie l’inquisiteur de considérer son grand âge et sa solitude, avoue n’avoir que faire de la religion et n’être qu’une personne négligeable qui désire seulement, de tout son cœur, retourner auprès des siens36. Absoute et réconciliée, elle est condamnée par le tribunal à ne jamais pouvoir quitter Malte et à y vivre la fin de sa vie comme femme catholique37.

Deux enfants

Outre ces femmes, deux enfants, Ahmat de Valachie et Basile de Russie, comparaissent respectivement dans les années 1605 et 1624. Agé de 9 ans à peine, Ahmat pleure durant toute sa première comparution devant l’inquisiteur ; s’il avoue son apostasie, il déclare vouloir rester absolument musulman et demande à être renvoyé dans la prison des enfants esclaves. Trois jours plus tard, vraisemblablement formaté par des renégats adultes désireux de lui éviter des démêlés avec la justice, il change radicalement de discours, disant avoir beaucoup réfléchi « pendant ces deux ou trois jours en prison, s’être informé de la sainte foi, être prêt à l’embrasser et se repentir de ne pas avoir demandé immédiatement à redevenir chrétien38 ».

Beaucoup plus résolu se montre le jeune Basile, âgé de 12 ans : s’il commence par se revendiquer musulman de naissance, il avoue rapidement son reniement dès qu’il est confronté à plusieurs témoignages qui l’accablent, mais exprime fermement sa volonté de rester musulman. Ce n’est qu’au quatrième interrogatoire qu’il cède et demande officiellement à être réconcilié avec l’Église39. Eu égard à son âge tendre au moment de l’apostasie (6 ans environ), il n’est condamné qu’à des peines spirituelles et à être instruit de la religion catholique.

Et dix-huit hommes

Quant aux hommes, ils présentent un profil légèrement différent des renégats ordinaires, qui offrent un discours « conforme » aux attentes du Saint-Office : la moyenne d’âge des irréductibles (38 ans) est nettement plus élevée que celle des autres (25 ans), ce qui explique en partie, comme pour les femmes, leur détermination religieuse. Ce ne sont pas moins de 67% d’hommes (12 sur 18) qui résistent au moins jusqu’au troisième interrogatoire, voire ne cèdent pas, ou bien ont profité de leur liberté pour redevenir musulman ; et parmi ceux qui cèdent au troisième interrogatoire, deux sont très jeunes (16 ans et 18 ans), pensant gagner la liberté en abjurant leur apostasie. Ainsi, quand femmes, enfants et adolescents finissent tous par se rétracter, les hommes d’âge mûr se montrent les plus déterminés, bravant le tribunal jusqu’aux condamnations suprêmes (prison et esclavage à vie ; bûcher), soit en refusant définitivement de redevenir chrétiens, soit en étant jugés comme relaps.

Comme pour les femmes, leur fermeté relève d’abord du domaine de l’intime (nostalgie des années passées en terre musulmane, regret de liens familiaux brutalement rompus), mais tient aussi aux activités professionnelles et rentables qu’ils exerçaient, comme la course maritime ou des charges militaires réservées aux Turcs. En 1605, Marco de Sicile, 25 ans, déclare qu’il ne peut absolument pas redevenir chrétien, car il a laissé un père à Tripoli dont il ne peut trahir l’affection en se convertissant : « Seigneur, je ne peux absolument pas redevenir chrétien parce que maintenant, je suis Turc et fils d’un Turc qui m’aime comme un père et que je dois retrouver40 ».

Capturé à l’âge de 11 ans sur un navire où il était mousse, il est acheté sur le marché des esclaves de Bizerte par un Turc de Tripoli, qui se prend d’une véritable tendresse paternelle pour lui ; son patron le fait renier et circoncire, puis, le trouvant intelligent, lui enseigne à lire et à écrire, avant de l’envoyer dans une école où Marco apprend l’arabe et le turc et où il étudie de nombreux ouvrages. Son père adoptif lui permet ensuite d’entrer dans le corps des janissaires, où il fait carrière pendant quatre ans. Il devient dans le même temps corsaire, et c’est lors d’une course qu’il est capturé par les galères de Malte au large de Jerba41. Il cède à la seconde comparution, demandant à être réconcilié. Pareillement, le Génois Ali Pantaleone (38 ans), ancien mousse ayant vécu comme corsaire plus de 25 ans à Tripoli, déclare à l’inquisiteur que « sa vie est à Tripoli où sont sa femme et ses enfants42 ».

Quant à Haj Mustafa Piccimin, demeuré 35 ans au service d’Uludj Ali, et dont il devient l’homme de confiance, il n’évoque aucune famille, mais ne peut s’empêcher de mentionner plusieurs fois les liens qui l’associent à Uludj Ali et l’admiration qu’il voue au corsaire barbaresque. Nommé par ce dernier responsable de sa maison à Alger, qui compte 2 500 esclaves chrétiens, Mustafa Piccimin assiste également son maître en tant que soldat et corsaire, dans ses principales entreprises militaires (à Jerba en 1560, à Malte en 1565, à Tunis en 1574) et fait partie de ses familiers, quand Uludj Ali se rend à Istanbul rendre hommage au nouveau sultan Sélim II, après la mort de Soliman le Magnifique en 1566, et quand le sultan lui offre en 1568 le gouvernement de Tripoli43. Comme tant d’autres renégats dans les Régences barbaresques, Haj Mustafa est donc devenu un homme riche et puissant, lorsqu’il est capturé, au milieu des années 1590, par les galères de l’Ordre de Malte, sur le retour d’un pèlerinage à La Mecque ; preuve de son haut rang social, les chevaliers fixent son prix de rachat à 1 500 écus d’or44. Dénoncé au Saint-Office, il assume son apostasie, se revendiquant musulman et déclarant que « [Sa] Seigneurie Illustrissime peut bien [lui] couper le cou quand elle le désirera45 ».

Un tel entêtement pousse l’inquisiteur à envisager le recours à la torture, finalement déconseillée par le chirurgien du tribunal, qui juge l’homme trop vieux et lui découvre une hernie dorsale et une fistule purulente à la main droite46. Finalement, si Haj Mustafa Piccimin échappe à une condamnation du tribunal, après plusieurs années de procédure, c’est uniquement parce que les Hospitaliers saisissent le Saint-Office de Rome pour réclamer que l’esclave leur soit restitué, pour être échangé contre un chevalier esclave ou racheté au prix initialement fixé47.

Des abjurations calculées

Certains des hommes qui cèdent à la pression des interrogatoires finissent par avouer sans détour que c’est la quête de liberté qui constitue la principale motivation de leur aveu. Georgio le Grec revendique d’être renégat et d’avoir vécu heureux en terre d’islam pendant une quarantaine d’années, possédant famille et maison en Anatolie et précise qu’il « redeviendrait volontiers chrétien, à la seule condition qu’on lui rende sa liberté ». Quand l’inquisiteur lui rétorque que son retour au catholicisme assurera plutôt son Salut que sa liberté, le renégat se montre beaucoup plus hésitant et réclame un délai de réflexion48. Il en va de même pour Nicolas, de Grèce, âgé de 30 ans, qui est esclave à Malte depuis quatre ans ; il déclare tout net ne pas vouloir redevenir chrétien, sauf si on l’affranchit de sa condition servile :

Moi, je ne veux absolument pas revenir à la religion chrétienne… Mais si vous me promettez de me donner la liberté et de me laisser partir libre, j’y reviendrai de bonne grâce, sinon, je ne redeviendrai jamais chrétien49.

Il va sans dire que l’Inquisition finit par le réconcilier, avant de le condamner à des peines spirituelles et… à demeurer esclave à Malte50 !

Il n’y a guère qu’une seule femme, Angela, qui ose réclamer ouvertement sa libération en échange de sa réconciliation (ce qui ne lui est évidemment pas accordé) : « Je souhaiterais recouvrer la liberté, parce que ce n’est pas volontiers que je reviens à la religion chrétienne, surtout si je ne redeviens pas libre51 ».

Le discours des irréductibles

Le contre-discours des irréductibles débute souvent par la présentation de leur conversion comme un acte délibéré. En 1641, Zatulo de la Mer Noire, qui a été enlevé par les Turcs à l’âge de 10 ans, affirme qu’il a, de son plein gré, demandé à son patron de le convertir et de le faire circoncire : « c’est de ma propre volonté qu’il m’a fait circoncire et j’ai levé le doigt et proféré les paroles de reniement et on me donna le nom d’Hussain52 ».

Iannis de Paros déclare la même chose en 1631, et de nouveau lors de sa seconde comparution en 1638, insistant sur le fait que c’est lui qui a choisi de devenir musulman quand il était tout enfant et que, depuis, il a toujours vécu comme tel53. Le désir assumé de la circoncision apparaît comme une sorte de nouvelle naissance, choisie en toute conscience à l’inverse de la naissance physique. La cérémonie marque l’avènement d’un nouvel individu et le commencement de sa nouvelle vie dans une religion autre. Les musulmans ne s’y trompent pas, qui organisent toujours de joyeuses festivités publiques lorsque la conversion et la circoncision sont réclamées par le converti lui-même, afin de les distinguer des cérémonies privées qui caractérisent les conversions imposées par un patron à ses esclaves. Le choix volontaire de l’apostasie atteste de celui d’une autre religion, considérée comme plus séduisante et attractive que le christianisme. Après leur « naissance » (ou conversion volontaire), les irréductibles évoquent successivement leur vie de musulman, puis leur souhait de mourir comme tels. En 1622, Andronico de Chypre, âgé de 35 ans, défie le tribunal lors de ses deux premiers interrogatoires : « Même si je suis chrétien, né de parents chrétiens, je suis Turc et comme Turc je veux vivre et mourir54 ». Détermination provocatrice qui lui vaut une condamnation à dix ans de galères, lorsque, à la troisième comparution, il s’effondre et finit par réclamer une réconciliation avec l’Église. De son côté, Costantino de Leros, jugé comme relaps en 1612, se vante lors de son second procès d’être retourné de son plein gré en Barbarie et accuse carrément l’inquisiteur de l’avoir réconcilié de force, alors qu’il a toujours désiré rester musulman55.

Le Saint-Office de Malte face aux plus intransigeants

Confronté à ces volontés affirmées et à des paroles qui bafouent l’autorité du tribunal et de l’Église, l’inquisiteur recourt à la prison et à la torture, même si depuis 1591, le Saint-Office de Rome recommande un usage modéré de la torture pour obtenir des aveux56. Les supplices romains sont semblables à ceux de l’Inquisition espagnole. À Malte sont particulièrement utilisés celui de la corde, conseillé par Rome en 1570, qui consiste à attacher le coupable sur un chevalet par des liens auxquels le bourreau donne des tours successifs, et celui de la poulie, recommandé en 157757, par lequel on suspend une personne les bras attachés dans le dos, avant de la laisser retomber brutalement ou par secousses successives. Cette dernière torture est abandonnée au début du xviie siècle, à la demande de l’Ordre de Malte, désireux de récupérer des esclaves aptes à la rame et non pas estropiés. La seule mention de la torture et les longs séjours en prison suffisent souvent à briser les volontés les plus fortes : un mois après avoir pratiquement insulté l’inquisiteur, Costantino se rétracte pour éviter la torture, avoue ses fautes et supplie qu’on le réconcilie58. Quant à Daniel de Russie, qui comparaît quatre fois devant le tribunal, il finit par céder après six mois de prison, en décembre 1656, sans même avoir été menacé de la torture59.

Le système inquisitorial apparaît donc le plus souvent efficace, conduisant même les renégats les plus résistants à se conformer au discours de l’autorité. Les défaillances concernent les rares qui résistent à la torture ou à la prison, contre lesquels on ne peut rien faire, hormis les exclure physiquement de la société insulaire, ou bien ceux, bien plus nombreux, qui se jouent habilement du discours de leur juge. C’est particulièrement le cas des relaps.

Conformément aux instructions reçues de Rome60, l’Inquisition maltaise de la fin du xvie siècle libère régulièrement de leur servitude les renégats qui ont fui les territoires musulmans et ceux qui se se présentent spontanément au tribunal pour avouer leur apostasie et s’en repentir. La moyenne d’âge des cinq renégats qui n’ont jamais cédé à l’inquisiteur ou qui ont été jugés comme relaps est de 45 ans, c’est-à-dire plus élevée encore que celle de tous les irréductibles masculins. Contrairement aux obstinés qui défendent jusqu’au bout leur apostasie, les relaps tiennent à l’inquisiteur le discours que celui-ci attend d’eux dès leur première comparution, ce qui leur garantit réconciliation et libération. Costantino de Leros comparait sur dénonciation en 1604. Âgé de 26 ans, il présente au tribunal tous les arguments visant à atténuer sa faute : il a été contraint au reniement quand il avait seulement 12 ans, avant d’être circoncis de force, et s’il a cru sincèrement à l’islam, c’est parce qu’il était trop jeune pour comprendre que seul le christianisme pouvait le sauver. L’inquisiteur le réconcilie, le condamne à des peines spirituelles eu égard à son jeune âge, mais le maintient en esclavage car il ne s’est pas présenté spontanément. Costantino parvient à s’évader, regagne Tripoli de Syrie, s’illustre comme corsaire, puis se fait engager comme soldat de l’armée turque. Comparaissant de nouveau devant l’inquisiteur de Malte en 1612, il provoque le tribunal en se vantant d’être parvenu à fuir la chrétienté et en assumant sa seconde apostasie. Jugé comme relaps, il est condamné à 10 ans de rame au service de l’Ordre, puis à être restitué à son patron et à demeurer définitivement son esclave61.

Le parcours aventureux du Maltais Benedetto Bonnici lui permet également de servir à l’inquisiteur un discours conforme à ses attentes : il insiste sur le fait qu’il est orphelin très jeune, qu’il s’est battu aux côtés des chrétiens durant le siège de Malte de 1565, mais qu’il a été banni de l’île après avoir tué un homme durant une rixe. Devenu corsaire en Sicile, il est capturé en Méditerranée occidentale par Uludj Ali, dont il est esclave, d’abord à Tripoli, puis à Istanbul, le corsaire l’emmenant avec lui. Benedetto reste quelques années dans la capitale ottomane, en compagnie de son patron, jusqu’à ce qu’il soit capturé par les chrétiens lors de la bataille de Lépante. Conduit à Malte, il est libéré comme chrétien, mais se rend de nouveau coupable de crime et est encore une fois expulsé. Une nouvelle fois capturé par les Barbaresques, il est contraint de renier et n’aurait donc apostasié que tardivement62. Le fait paraît peu crédible : la proximité avec son patron Uludj Ali, qui transparaît dans ses paroles, laisse plutôt supposer que Benedetto avait non seulement renié très vite, mais qu’il devait avoir mis au service des Barbaresques ses compétences de corsaire. Après sa libération, il est dénoncé trois ans plus tard pour s’être vanté publiquement d’avoir dupé l’Inquisition et de n’avoir jamais cessé en réalité d’être musulman. Il est condamné à recevoir le fouet au son des trompettes et par toutes les rues des deux cités de Vittoriosa et La Valette, ainsi qu’à dix ans de galères63.

Les deux derniers relaps, Iannis et Constantin de Paros, sont pour leur part condamnés au bûcher. Tous deux ont des parcours assez similaires : capturés en mer quand ils étaient enfants, ils ont vécu plusieurs années à Alger (trente ans pour Iannis, un peu moins pour Constantin), travaillant comme gens de mer (calfats, puis corsaires). Constantin résiste à trois comparutions et Iannis à quatre, avant de déclarer regretter leur apostasie et de solliciter une réconciliation. Compte tenu de leurs activités corsaires, le tribunal exige pour eux le port de l’habit d’infamie (abitello), jaune à croix rouge, et les condamne à la prison à vie. Graciés en 1636, ils s’enfuient tous deux de Malte pour gagner Tripoli, redevenir musulmans et reprendre la mer en tant que corsaires. Capturés de nouveau par les galères de l’Ordre, ils sont relâchés au bras séculier par le Saint-Office et brûlés vifs en 163964.

Conclusion

Les 24 procès maltais d’irréductibles de l’apostasie témoignent de manière nette de la sévérité toujours plus grande des sentences prononcées par le tribunal inquisitorial entre la fin du xvie et le milieu du xviie siècle. À cela, plusieurs raisons, dont la première est évidemment liée au corso barbaresque, qui menace les littoraux de l’empire espagnol, et auquel répond celui des chevaliers de Malte, au nom d’une poursuite fantasmée de la guerre sainte. Activité de déprédations et d’enrichissement rapide, la course apparaît très attractive pour des hommes jeunes en quête de fortune et d’une promotion sociale qui est toujours beaucoup plus aisée et rapide dans les Régences barbaresques qu’en chrétienté. Ensuite, la proximité géographique de Malte avec la rive musulmane ne peut qu’attiser fortement le désir de départ chez les esclaves, chez les renégats souhaitant renouer avec leur vie d’apostat, et même chez de pauvres insulaires voulant échapper à un quotidien de misère et rêvant de courses maritimes en échange – et cela peut leur sembler dérisoire – d’une simple conversion. Enfin, la relative tolérance du Saint-Office romain de Malte, qui libère à l’origine tous les renégats venus de leur propre chef avouer leur erreur, incite à l’évasion des apostats réconciliés. Un rapport de l’Ordre à Rome rappelle qu’en une seule année (1599-1600), onze renégats réconciliés ont profité de leur libération pour regagner les Régences barbaresques ou le Levant. L’un d’entre eux, le raïs Memi Ostriff Ogli (Nicolas de Rhodes) est redevenu corsaire à Bizerte et conduit désormais toutes ses incursions dans le canal de Malte, à la tête de quatre galiotes65. L’Ordre réclame donc que les « vrais renégats » (convertis à l’âge adulte, anciens corsaires, irréductibles) soient désormais condamnés aux galères à vie plutôt qu’au bûcher, afin de ravitailler les chiourmes de Malte et de soutenir la course chrétienne contre les musulmans66.

Confrontés à un péril à la fois concret (les corsaires mettent au service des musulmans leurs compétences maritimes et leur connaissance des rivages chrétiens) et symbolique (la course permet d’affirmer la supériorité d’une religion sur l’autre), le Saint-Office de Malte a donc évolué vers une intransigeance plus grande, pour lutter plus efficacement contre ces transgresseurs qui, non seulement revendiquent la trahison de leur propre camp, mais assument le rôle qu’ils ont joué dans le renforcement de la rive ennemie et dans l’affaiblissement des frontières chrétiennes. Par le biais des procès et des sentences, l’Inquisition contribue à édifier une image négative de l’Infidèle, qui permet d’éviter la banalisation des relations d’amitié avec les non-chrétiens. Quant à la cérémonie de réconciliation, qui s’accompagne souvent du port de l’abitello et de pénitences physiques, elle entretient le sentiment de leur honte, par la démonstration publique de leur infamie, en même temps qu’elle témoigne de la puissance de l’Église catholique et qu’elle fortifie, au sein de la population, le refus absolu du franchissement de la frontière.

1 Archives of the Inquisition of Mdina (désormais AIM), Processo 6B, procès d’Ali de Tripoli, f°884v., 2 mars 1581

2 Nicolau Eymerich et Francisco Peña, Le manuel des inquisiteurs, introduction et traduction de Louis Sala-Molins, Paris, Albin Michel, 2001 (1 ère

3 Anne Brogini, Malte, frontière de chrétienté (1530-1670), Rome, Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome (n° 326), 2006.

4 N. Eymerich et F. Peña, Le manuel des inquisiteurs, op. cit., p. 19.

5 Ibid., p. 77-78.

6 Ibid., p. 105-106.

7 Ibid., p. 161-162.

8 Archivio della Congregazione per la Dottrina della Fede (désormais ACDF), St. St. Q 3-d, f°39v.-f°40r., 22 juillet 1594.

9 ACDF, St. St. Q 3-d, Raccolti di testi di lettere de istruzioni del Santo Offizio agli Inquisitori, f°39v.-f°40r.

10 Ibid., f°39r.-f°39v., 14 janvier 1597.

11 AIM, Proc. 7B, procès de Luis Martinez, f°953v., 22 mars 1585.

12 Ibid., Proc. 13, procès de Pedro Guagliato de Valence, f°400r., 14 avril 1596 (« ho vissuto alla moda turchesca per spatio di sei anni continui »).

13 Ibid., Proc. 17, procès de Nicolò Vetero de Calabre, f°53r., 18 juin 1600 (premier récit de la cérémonie de la circoncision qui accompagne toujours

14 Ibid., Proc. 19A, procès de Micheli de Metelin, f°68v., 28 décembre 1600 (l’inquisiteur réclame pour la première fois que lui soit cité le nom

15 Ibid., Proc. 21A, procès du Français Thomas Vince, f°254v., 23 mars 1603 (l’inquisiteur demande que l’accusé lui cite les « paroles que prononcent

16 Ibid., Proc. 22D, procès du Français Mathieu Demar, f°1370r., 3 février 1604 (le renégat précise avoir « cru que Mahomet était le Grand Prophète »)

17 Ibid., Proc. 31B, procès du Français Jean Menigue de Bretagne, f°454v., 2 juin 1613 (il précise n’avoir plus respecté les jours maigres des

18 Ibid., Proc. 45A, procès de Pedro Ferragut de Majorque, f°83v., 13 janvier 1626 (il avoue avoir « fréquenté les mosquées, fait la prière, mangeant

19 Lucia Rostagno, Mi faccio Turco. Esperienze ed immagini dell’Islam nell’Italia moderna, Istituto per l’Oriente, Roma, 1983 ; Gianclaudio Civale

20 AIM, Proc. 44A, f°610v., 19 avril 1629, procès de Lazare Astur qui déclare « n’avoir jamais cru en son cœur à la religion musulmane, puisqu’il n’

21 Ibid., Proc. 52B, f°487v., 12 octobre 1637 (procès de Charles de Hongrie).

22 Ibid., Proc. 43C, f°867r., 24 mars 1624 (procès du Napolitain Carlo de Bellis).

23 Bartolomé Bennassar et Lucile Bennassar, Les Chrétiens d’Allah. Histoire extraordinaire des renégats (xvie-xviie siècles), Paris, Perrin, 1989, p. 

24 ACDF, St. St. Q 3-d, Raccolti di testi di lettere ed istruzioni…, f°287r, 24 juin 1570 ; f°288r., 26 février 1591 ; f°288v., 7 avril 1593 (ces

25 Ibid., St. St. HH 3-b, Inquisizione di Malta, f°404v., 13 août 1599.

26 Giovanni Romeo, « Confesseurs et inquisiteurs dans l’Italie moderne : un bilan », Revue de l’Histoire des religions, t. 220, n° 2, 2003, p. 156.

27 ACDF, St. St. M 3-g, Repertorio di decreti antichi (1548-1620), p. 232-234, 13 août 1599.

28 Bartolomé Bennassar, « Conversion ou reniement ? Modalités d’une adhésion ambiguë des chrétiens à l’islam (xvie-xviie siècles) », Annales.

29 Anne Duprat, « Renégats du Siècle d’Or : naissance des héros noirs de la course en Méditerranée (1670-1530) », Seizième siècle, n° 5, 2009, p. 80.

30 Bruno Léal, « Conversion et intégration des renégats en terre d’islam aux xvie et xviie siècles : l’exemple de trois renégats jugés par le

31 Anne Brogini, « The Renegades and the Roman Inquisition of Malta, 16th-17th centuries », dans Kenneth Cassar (dir.), The Roman Inquisition in Malta

32 Isabella de Chypre a plus de 50 ans (AIM, Proc. 24B, f°623v, 2 janvier 1606) ; Stammata d’Albanie a 55 ans (AIM, Proc. 19A, f°134v., 5 novembre

33 AIM, Proc. 24B, f°626r.-f°626v., 17 octobre 1606.

34 Bartolomé Bennassar, « Chrétiens convertis à l’Islam et circoncision aux xvie et xviie siècles », Horizons maghrébins, n° 14-15, 1989, p. 65 (

35 AIM, Proc. 24B, f°637r., 14 décembre 1606 (« Non mi conosco se non turca, et turca voglio restare et non mi sento cuore di pigliar la fede

36 Ibid., Proc. 24B, f°641v.-f°644r., 7 décembre 1606.

37 Ibid., Proc. 24B, f°646r., 31 décembre 1606.

38 Ibid., Proc. 26B, f°350r., 31 juin 1605 (« …in queste due o tre giorne son stato informato delle cose della santa fede, son pronto di volerla

39 Ibid., Proc. 43D, f°941r.-f°942v., 25 mai 1624.

40 Ibid., Proc. 23B, f°752r.-f°753r., 8 février 1605 (« Signore non posso assolutamente ritornar cristiano perche adesso son turco et figlio di un

41 Ibid., Proc. 23B, f°752v., 8 février 1605.

42 Ibid., Proc. 6B, f°883r.-f°885r., 2 mars 1581.

43 Ibid. Proc. 6B, f°502r.-f°504v., 19 octobre 1600.

44 Entre 1590 et 1620 à Malte, le prix moyen de rachat d’un homme de l’âge de Mustafa Piccimin (64 ans) tourne autour de 140 écus d’or. La somme de 1 

45 AIM, Proc. 6B, f°504v.

46 Ibid., Proc. 6B, f°506v., 6 novembre 1600.

47 ACDF, St. St. HH3-b, Inquisizione di Malta, f°388r.-f°392v., sans date ; AIM, Proc. 6B, f°507r.-f°507v., 13 novembre 1600.

48 AIM, Proc. 19B, f°542r.-f°543v., 6 juin 1601.

49 Ibid., Proc. 22B, f°749v., 4 mars 1604 (« Io non voglio altrimente tornare alla fede cristiana… ma si me promettete dare la libertà et lasciarme

50 Ibid., Proc. 22B, f°753r., 11 avril 1604, sentence de l’inquisiteur.

51 Ibid., Proc. 26B, f°394r.-f°394v., 13 juin 1603 (« desideria di conseguir la libertà, perche mal volentieri ritorno alla fede cristiana se non la

52 Ibid., Proc. 57A, f°285v., 26 septembre 1641 (« …di mia volontà m’ha fatto tagliare et io alzò il deto et proferì le parole d’abnegatione et mi fù

53 Ibid., Proc. 54 Bis, f°38v., 25 juin 1638 (« …Io da piccolo m’ho fatto turco e sempre ho vissuto come turco… ») et désirait come turco vivere et

54 Ibid., Proc. 42A, f°150r., 4 février 1622 (« …seben ero cristiano, nato di parenti cristiani, son turco e turco voglio vivere et morire… »).

55 Ibid., Proc. 29B, f°757r., 22 mars 1612.

56 ACDF, St. St. Q3-d, f°288r., 26 février 1591.

57 Ibid., St. St. Q3-d, f°287r., 24 juin 1570 et f°287v., 17 mai 1577.

58 AIM, Proc. 29B, f°58r., 13 avril 1612.

59 Ibid., Proc. 66A, f°33r., 21 décembre 1656.

60 ACDF, St. St. HH3-b, Inquisizione di Malta, f°404r.-f°405r., 13 août 1599.

61 AIM, Proc. 29B, f°757r.-f°757v., 22 mars 1612.

62 Ibid., Proc. 7B, f°735r.-f°736r., 19 octobre 1584.

63 Ibid., Proc. 7B, f°782r., 30 mai 1587.

64 Ibid., Proc. 54 Bis, f°79r.-f°82r. et f°89r.-f°121r., 10 juillet 1639 (sentences de l’inquisiteur).

65 ACDF, St. St. HH3-b, Inquisizione di Malta, f°394v., sans date.

66 Ibid., f°394r.

Notes

1 Archives of the Inquisition of Mdina (désormais AIM), Processo 6B, procès d’Ali de Tripoli, f°884v., 2 mars 1581

2 Nicolau Eymerich et Francisco Peña, Le manuel des inquisiteurs, introduction et traduction de Louis Sala-Molins, Paris, Albin Michel, 2001 (1 ère édition 1973), p. 19.

3 Anne Brogini, Malte, frontière de chrétienté (1530-1670), Rome, Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome (n° 326), 2006.

4 N. Eymerich et F. Peña, Le manuel des inquisiteurs, op. cit., p. 19.

5 Ibid., p. 77-78.

6 Ibid., p. 105-106.

7 Ibid., p. 161-162.

8 Archivio della Congregazione per la Dottrina della Fede (désormais ACDF), St. St. Q 3-d, f°39v.-f°40r., 22 juillet 1594.

9 ACDF, St. St. Q 3-d, Raccolti di testi di lettere de istruzioni del Santo Offizio agli Inquisitori, f°39v.-f°40r.

10 Ibid., f°39r.-f°39v., 14 janvier 1597.

11 AIM, Proc. 7B, procès de Luis Martinez, f°953v., 22 mars 1585.

12 Ibid., Proc. 13, procès de Pedro Guagliato de Valence, f°400r., 14 avril 1596 (« ho vissuto alla moda turchesca per spatio di sei anni continui »).

13 Ibid., Proc. 17, procès de Nicolò Vetero de Calabre, f°53r., 18 juin 1600 (premier récit de la cérémonie de la circoncision qui accompagne toujours le reniement).

14 Ibid., Proc. 19A, procès de Micheli de Metelin, f°68v., 28 décembre 1600 (l’inquisiteur réclame pour la première fois que lui soit cité le nom musulman de l’apostat).

15 Ibid., Proc. 21A, procès du Français Thomas Vince, f°254v., 23 mars 1603 (l’inquisiteur demande que l’accusé lui cite les « paroles que prononcent les renégats »).

16 Ibid., Proc. 22D, procès du Français Mathieu Demar, f°1370r., 3 février 1604 (le renégat précise avoir « cru que Mahomet était le Grand Prophète »).

17 Ibid., Proc. 31B, procès du Français Jean Menigue de Bretagne, f°454v., 2 juin 1613 (il précise n’avoir plus respecté les jours maigres des chrétiens et s’être plié aux interdits religieux des musulmans concernant la viande).

18 Ibid., Proc. 45A, procès de Pedro Ferragut de Majorque, f°83v., 13 janvier 1626 (il avoue avoir « fréquenté les mosquées, fait la prière, mangeant et se vêtant comme un Turc »).

19 Lucia Rostagno, Mi faccio Turco. Esperienze ed immagini dell’Islam nell’Italia moderna, Istituto per l’Oriente, Roma, 1983 ; Gianclaudio Civale, Guerrieri di Cristo. Inquisitori, gesuiti e soldati alla battaglia di Lepanto, Milan, Edizioni Unicopli, 2009, p. 167-174.

20 AIM, Proc. 44A, f°610v., 19 avril 1629, procès de Lazare Astur qui déclare « n’avoir jamais cru en son cœur à la religion musulmane, puisqu’il n’avait jamais fréquenté les mosquées, ni jamais fait les prières ».

21 Ibid., Proc. 52B, f°487v., 12 octobre 1637 (procès de Charles de Hongrie).

22 Ibid., Proc. 43C, f°867r., 24 mars 1624 (procès du Napolitain Carlo de Bellis).

23 Bartolomé Bennassar et Lucile Bennassar, Les Chrétiens d’Allah. Histoire extraordinaire des renégats (xvie-xviie siècles), Paris, Perrin, 1989, p. 448.

24 ACDF, St. St. Q 3-d, Raccolti di testi di lettere ed istruzioni…, f°287r, 24 juin 1570 ; f°288r., 26 février 1591 ; f°288v., 7 avril 1593 (ces différentes instructions recommandent le recours à la torture, mais conseillent de ne jamais en abuser et d’éviter les plus rigoureuses).

25 Ibid., St. St. HH 3-b, Inquisizione di Malta, f°404v., 13 août 1599.

26 Giovanni Romeo, « Confesseurs et inquisiteurs dans l’Italie moderne : un bilan », Revue de l’Histoire des religions, t. 220, n° 2, 2003, p. 156. Dans l’Inquisition romaine, ceux qui comparaissent spontanément devant le tribunal (spontanea comparitio), qui avouent leurs délits et fournissent éventuellement le nom d’autres coupables bénéficient d’un procès rapide, d’une abjuration privée et de pénitences presque exclusivement spirituelles.

27 ACDF, St. St. M 3-g, Repertorio di decreti antichi (1548-1620), p. 232-234, 13 août 1599.

28 Bartolomé Bennassar, « Conversion ou reniement ? Modalités d’une adhésion ambiguë des chrétiens à l’islam (xvie-xviie siècles) », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 43e année, n° 6, 1988, p. 1357.

29 Anne Duprat, « Renégats du Siècle d’Or : naissance des héros noirs de la course en Méditerranée (1670-1530) », Seizième siècle, n° 5, 2009, p. 80.

30 Bruno Léal, « Conversion et intégration des renégats en terre d’islam aux xvie et xviie siècles : l’exemple de trois renégats jugés par le Saint-Office de Lisbonne », Horizons maghrébins, n° 18-19, 1992, p. 101-102 ; Sadok Boubaker, « Négoce et enrichissement individuel à Tunis du xviie au début du xixe siècle », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, n° 50-4, 2003, p. 36-37 ; Anne Brogini, « Un observatoire des mobilités : Tunis à la fin du xvie siècle », Hepéris-Tamuda, n° LIII, 2018, p. 292-294.

31 Anne Brogini, « The Renegades and the Roman Inquisition of Malta, 16th-17th centuries », dans Kenneth Cassar (dir.), The Roman Inquisition in Malta and Elsewhere, International Conference Vittoriosa-Malta (18-20 septembre 2014), Malte, Malta Libraries and Heritage Malta, 2017, p. 186.

32 Isabella de Chypre a plus de 50 ans (AIM, Proc. 24B, f°623v, 2 janvier 1606) ; Stammata d’Albanie a 55 ans (AIM, Proc. 19A, f°134v., 5 novembre 1600) ; Maria d’Albanie a 38 ans (AIM, Proc. 28A, f°340r., 7 décembre 1605) ; Angela de Grèce a 26 ans (AIM, Proc. 26B, f°394r., 13 juin 1603).

33 AIM, Proc. 24B, f°626r.-f°626v., 17 octobre 1606.

34 Bartolomé Bennassar, « Chrétiens convertis à l’Islam et circoncision aux xvie et xviie siècles », Horizons maghrébins, n° 14-15, 1989, p. 65 (Bartolomé Bennassar a recensé 866 hommes et garçons circoncis contre 115 qui ne l’ont pas été, sur 981 procès évoquant la cérémonie de la circoncision).

35 AIM, Proc. 24B, f°637r., 14 décembre 1606 (« Non mi conosco se non turca, et turca voglio restare et non mi sento cuore di pigliar la fede cristiana… Io non sono cristiana. Vostra Signoria Illustrissima faccia di me quel che gli pore et non saro io cristiana perché devo esser tormentata… »).

36 Ibid., Proc. 24B, f°641v.-f°644r., 7 décembre 1606.

37 Ibid., Proc. 24B, f°646r., 31 décembre 1606.

38 Ibid., Proc. 26B, f°350r., 31 juin 1605 (« …in queste due o tre giorne son stato informato delle cose della santa fede, son pronto di volerla abraciare et me ripento di non haverla confessata l’altro hieri… »).

39 Ibid., Proc. 43D, f°941r.-f°942v., 25 mai 1624.

40 Ibid., Proc. 23B, f°752r.-f°753r., 8 février 1605 (« Signore non posso assolutamente ritornar cristiano perche adesso son turco et figlio di un Turco che mi ama come padre et che devo ritrovare »).

41 Ibid., Proc. 23B, f°752v., 8 février 1605.

42 Ibid., Proc. 6B, f°883r.-f°885r., 2 mars 1581.

43 Ibid. Proc. 6B, f°502r.-f°504v., 19 octobre 1600.

44 Entre 1590 et 1620 à Malte, le prix moyen de rachat d’un homme de l’âge de Mustafa Piccimin (64 ans) tourne autour de 140 écus d’or. La somme de 1 500 écus d’or, qui correspond généralement au rachat d’un chevalier de Malte ou d’un grand raïs barbaresque, atteste donc du haut niveau social de l’esclave et de ses relations socio-économiques, qui lui garantissent un rachat rapide (A. Brogini, Malte, frontière de chrétienté…, op. cit., p. 361).

45 AIM, Proc. 6B, f°504v.

46 Ibid., Proc. 6B, f°506v., 6 novembre 1600.

47 ACDF, St. St. HH3-b, Inquisizione di Malta, f°388r.-f°392v., sans date ; AIM, Proc. 6B, f°507r.-f°507v., 13 novembre 1600.

48 AIM, Proc. 19B, f°542r.-f°543v., 6 juin 1601.

49 Ibid., Proc. 22B, f°749v., 4 mars 1604 (« Io non voglio altrimente tornare alla fede cristiana… ma si me promettete dare la libertà et lasciarme franco, tornero de buona volunta, altrimente non tornaro mai cristiano… »).

50 Ibid., Proc. 22B, f°753r., 11 avril 1604, sentence de l’inquisiteur.

51 Ibid., Proc. 26B, f°394r.-f°394v., 13 juin 1603 (« desideria di conseguir la libertà, perche mal volentieri ritorno alla fede cristiana se non la conseguiro detta libertà… »).

52 Ibid., Proc. 57A, f°285v., 26 septembre 1641 (« …di mia volontà m’ha fatto tagliare et io alzò il deto et proferì le parole d’abnegatione et mi fù imposto il nome d’Hussayn… »).

53 Ibid., Proc. 54 Bis, f°38v., 25 juin 1638 (« …Io da piccolo m’ho fatto turco e sempre ho vissuto come turco… ») et désirait come turco vivere et morire… »).

54 Ibid., Proc. 42A, f°150r., 4 février 1622 (« …seben ero cristiano, nato di parenti cristiani, son turco e turco voglio vivere et morire… »).

55 Ibid., Proc. 29B, f°757r., 22 mars 1612.

56 ACDF, St. St. Q3-d, f°288r., 26 février 1591.

57 Ibid., St. St. Q3-d, f°287r., 24 juin 1570 et f°287v., 17 mai 1577.

58 AIM, Proc. 29B, f°58r., 13 avril 1612.

59 Ibid., Proc. 66A, f°33r., 21 décembre 1656.

60 ACDF, St. St. HH3-b, Inquisizione di Malta, f°404r.-f°405r., 13 août 1599.

61 AIM, Proc. 29B, f°757r.-f°757v., 22 mars 1612.

62 Ibid., Proc. 7B, f°735r.-f°736r., 19 octobre 1584.

63 Ibid., Proc. 7B, f°782r., 30 mai 1587.

64 Ibid., Proc. 54 Bis, f°79r.-f°82r. et f°89r.-f°121r., 10 juillet 1639 (sentences de l’inquisiteur).

65 ACDF, St. St. HH3-b, Inquisizione di Malta, f°394v., sans date.

66 Ibid., f°394r.

Illustrations

Tab. 1. Irréductibles ayant revendiqué officiellement leur apostasie devant le tribunal de Malte (1574-1670). Source : AIM, Processi 6B à 66A.

Tab. 2. Irréductibles ayant revendiqué officiellement leur apostasie devant le tribunal de Malte (1574-1670). Source : AIM, Processi 6B à 66A.

Citer cet article

Référence papier

Anne Brogini, « Le Saint-Office de Malte et les irréductibles de l’apostasie (xvie-xviie siècles) », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 14-15 | 2019, 19-38.

Référence électronique

Anne Brogini, « Le Saint-Office de Malte et les irréductibles de l’apostasie (xvie-xviie siècles) », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 14-15 | 2019, mis en ligne le 25 septembre 2023, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=156

Auteur

Anne Brogini

Anne Brogini est professeur d’histoire moderne au Centre de la méditerranée moderne et contemporaine (CMMC EA 1193) à l’Université Côte d’Azur.

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