Effets de sources et effets de seuil de la sexualité cléricale. Mise en regard des ecclésiastiques à la Bastille et à l’officialité de Paris au xviiie siècle

Source effects and threshold effects in the recording of clerical sexuality. Clerics in the Bastille and the ecclesiastical court of Paris in the 18th century

Quellen- und Schwelleneffekte der klerikalen Sexualität. Ein Blick auf die Geistlichen in der Bastille und am Kirchengericht von Paris im 18. Jahrhundert

DOI : 10.57086/sources.252

p. 69-87

Résumés

Dans le sillage d’une historiographie en plein essor sur la criminalité ecclésiastique à l’époque moderne, une comparaison entre les archives de la Bastille et de l’officialité de Paris au xviiie siècle offre une réflexion sur les effets de seuils. Seuil méthodologique tout d’abord, dans la mesure où la source apparaît comme un miroir incomplet et déformant de la déviance sexuelle et cléricale. Seuil d’indulgence ensuite, tant l’enregistrement archivistique est corrélé à ce que l’institution et la société s’avèrent capables d’accepter. Relevant d’une marche à l’étendue variable ou au contraire correspondant à un élément déclencheur, l’inconduite ecclésiastique ne parvient bien souvent à la connaissance de l’historien qu’en dernier maillon d’une chaîne de temporisations, laissant donc dans l’ombre les exactions tolérées, impossibles à quantifier.

In the wake of growing interest in the history of clerical criminality in the modern period, a comparison between the archives of the Bastille and of the ecclesiastical court of Paris in the 18th century provides insights into threshold effects. It sheds light, first, on the methodological threshold since the source appears as but an incomplete and distorting mirror of sexual and clerical transgressions; then, on the tolerance threshold, since archival record is closely bound to what the institution and the society deem acceptable. Whether it is part of a process varying in extent and time or triggered by a specific event, clerical misconduct often comes to the knowledge of the historian as the last stage in a series of negotiations and deferrals, thus leaving in the dark the previous, tolerated misdeeds, now impossible to quantify.

Myriam Deniel-Ternant is a doctor in history and member of the Center for social and cultural history of the West (EA 1587 CHISCO) at the university Paris Ouest Nanterre La Défense.

Im Zuge einer sich stark entfaltenden Historiographie der geistlichen Kriminalität in der Neuzeit ermöglicht der Vergleich zwischen den Archiven der Bastille und des Pariser Kirchengerichts eine Reflexion über die Effekte von Schwellen. Gemeint ist damit zum einen die methodologische Schwelle, die dadurch entsteht, dass die Quellen sich als inkompletter und deformierender Spiegel der sexuellen und klerikalen Devianz erweisen. Zum anderen ist eine Schwelle der Nachsicht zu beachten, weil schließlich die archivalische Verarbeitung daran gebunden war, was die Institution und die Gesellschaft zu akzeptieren bereit waren. Als Ergebnis eines unterschiedlich langen Weges oder, im Gegenteil, eines auslösenden Ereignisses, gerät das Fehlverhalten von Geistlichen oft erst als letztes Glied einer Verzögerungskette in das Sichtfeld des Historikers. Damit bleiben die tolerierten, nicht quantifizierbaren Missbrauchsdelikte im Dunkeln.

Myriam Deniel-Ternant ist Doktorandin im Bereich Geschichtswissenschaft und Mitglied des Centre d’histoire sociale et culturelle de l’Occident (EA 1587 CHISCO) der Universität Paris Ouest Nanterre La Défense

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« Malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! »

Nouveau Testament, Matthieu, 18:7.

L’historiographie dominante s’accorde sur l’avènement d’un bon prêtre au xviiie siècle, forgé par la mise en place des séminaires, exécutant des tâches de plus en plus nombreuses dans un contexte post-tridentin. L’homme d’Église serait donc rentré dans le rang théologique et moral. Pourtant, des travaux récents, dans la lignée d’une histoire de la criminalité, de la justice et de la déviance, montrent la persistance d’un clergé irrespectueux de la norme de chasteté1. L’entreprise est en soi une gageure : il s’agit de parvenir à écrire une histoire de l’ultime transgression, la transgression de la chair par ceux qui se doivent au contraire d’étouffer et de sublimer tout désir afin d’oublier leur condition d’homme et se consacrer à Dieu. La composition d’un corpus éclectique de sources, policières, judiciaires, arbitraires, extraordinaires et littéraires permet d’accéder autant que faire se peut aux modalités de cette déviance, tout autant qu’aux perceptions dont elle fait l’objet et aux réponses qui y sont apportées. La mise en regard des ecclésiastiques incarcérés dans les geôles de la Bastille ou poursuivis par l’officialité parisienne dégage les points de convergences et de divergences d’un outrepassement de la norme sexuelle par le premier ordre du royaume.

La source, miroir incomplet et déformant de la déviance sexuelle et cléricale

La difficulté de tout champ de recherche réside dans l’impératif de sources. Afin de pister la déviance sexuelle du clergé, un des ressorts possibles pourrait être l’étude des dossiers de prisonniers.

L’angle biaisé de la peine carcérale

À la Bastille, sur l’ensemble du xviiie siècle, une vingtaine de cas ont pu être dénombrés. Mais ce chiffre doit être appréhendé avec précaution tant il ne peut être représentatif de la réalité de l’inconduite cléricale en matière de respect de la chasteté.

Rappelons tout d’abord le fait que la prison n’est pas une peine carcérale au siècle des Lumières, à quelques exceptions près. En 1729, le chancelier d’Aguesseau souligne le fait que « les prisons […] ne sont destinées qu’à la garde des criminels et non pas à la correction de ceux dont on peut craindre les violences2. » Ferrière la définit comme un « lieu public, qui est destiné à garder les criminels […] et non pas pour les punir3. » Elles font figure de « lieu de sûreté4 ». Leur recours ne se situe pas en aval d’un jugement mais en amont, lors de la phase inquisitoire régie par l’impératif du secret. Étudier la déviance sexuelle du clergé à l’aune d’une peine carcérale anachronique est donc une stratégie inefficiente.

De surcroît, la Bastille n’est qu’une prison d’État parmi d’autres. D’après une ancienne étude d’Henri Debord en 1938, le nombre d’ecclésiastiques emprisonnés arbitrairement, c’est-à-dire sans passer par la procédure judiciaire, s’élèverait à 6 000 entre 1741 et 1775 (176 en moyenne annuelle), bien loin du nombre de dossiers des clercs embastillés.

Qui plus est, les parcours carcéraux des ecclésiastiques s’avèrent particulièrement sinueux et loin d’être circonscrits à un seul espace d’enfermement. Observons ainsi le cas extrême de Pierre Charles de Moncriff, doyen de l’église d’Autun : il entre à la Bastille le 18 août 1741, avant d’être conduit au couvent des cordeliers de Tanlay en Bourgogne, dont il sort le 1er juin de l’année suivante pour être transféré à la Charité de Senlis en septembre 1751. Le 9 août 1752, on le retrouve dans les geôles de la Bastille, puis quatre mois plus tard à Vincennes où il reste sept ans. Il est enfin libéré et exilé dans un prieuré5.

Un même individu peut donc se trouver dans plusieurs structures consécutives. Au contraire, il peut échapper à l’historien s’il ne fait l’objet que d’un seul enfermement dans une enceinte carcérale moins étudiée que la Bastille, telle Charenton. Le chiffrage de ces incarcérations est donc particulièrement délicat à réaliser.

Surtout, le prisme de l’enfermement laisse dans l’ombre les incartades qui ont été réglées autrement. Car l’absence d’écrits ne signifie pas l’absence d’exactions, surtout dans le cadre d’une sexualité mise sous le boisseau car théoriquement impossible. En ce sens, l’existence même de la source carcérale, mais également judiciaire, criminalise une déviance qui aurait pu passer inaperçue sans la sollicitation ou l’intervention des instances officielles. Travaillant sur le Cambrésis, Véronique Demars-Sion a mis en évidence les tentatives plus ou moins heureuses élaborées par les clercs incontinents à l’égard des « femmes séduites et abandonnées6 » : le curé Dumetz rassure la paroissienne enceinte de ses œuvres en lui promettant qu’« il parleroit à son père, et lui diroit qu’il n’y avoit que lui qui le scavoit par confession7 », tandis que l’abbé Antoine intimide une fille portant son deuxième enfant « tant par des menaces les plus terribles telles que de lui brûler la cervelle que par des protestations de fidélité8 ».

Une proportion inconnue de dérèglements reste inaccessible au travail de l’historien. De fait, les sources sur lesquelles il travaille font figure de borne-témoin d’un échec : échec de modification comportementale de la part du déviant, échec d’accommodement entre les protagonistes du déséquilibre.

La source, borne témoin d’un échec

La postérité a consacré la Bastille comme lieu d’enfermement suite à la mise en application arbitraire d’une lettre de cachet émanant du Roi. Le terme arbitraire désigne par un raccourci simplificateur l’injustice dont est victime le prisonnier9. Or l’embastillement ne répond pas à un caprice du souverain mais émane principalement des familles du contrevenant10. L’arrestation résulte donc d’une stratégie fondée sur la protection d’une réputation collective, souvent réalisée dans l’urgence11. Le lieutenant de police est le réceptacle de ces missives aux accents plaintifs, visant à « faire renfermer les mauvais sujets qui pouvoient les déshonorer12 ». Il s’agit donc de prévenir plutôt que de guérir les dégâts que pourrait causer la conduite répréhensible d’un membre de la famille.

Le chiffrage de la déviance sexuelle des ecclésiastiques dépend donc du seuil d’indulgence de leur entourage et laisse dans l’ombre ceux qui parviennent à composer entre leur dérèglement et la perception individuelle et familiale de celui-ci. Il dépend également de la bonne volonté et de la réactivité des autorités étatiques, répondant aux désirs des proches ou les rejetant. En 1725, le cardinal de Noailles fait ainsi part au lieutenant général de police de la sollicitation des parents de Claude-François d’Héméry, un prêtre surpris dans un « lieu honteux », lesquels parents quémandent la discrétion afin que la conduite de leur fils ne rejaillisse pas sur eux :

A Paris, ce 14 may 1725.

Je suis sollicité, Monsieur, de la part des parens du prêtre, que vous avez fait arrêter au Luxembourg, de consentir qu’il se retire aux Camaldules, pour y faire pénitence, et ils offrent de l’y faire conduire : quoique l’énormité de son crime mérite un traitement plus rigoureux, cependant pour épargner à ses parens, dont on dit du bien, la douleur de le voir dans un lieu honteux et pour sauver l’honneur de son caractère, je veux bien user de clémence à cet égard. Je ne doute point, Monsieur, que ces motifs ne vous portent aussi à entrer dans les mêmes sentimens, mais je vous prie de faire prendre toutes les mesures de prudence, pour que le coupable soit remis sûrement dans le Couvent des Camaldules. J’écriray au Supérieur de cette maison de le recevoir et de le garder soigneusement jusqu’à nouvel ordre. Soyez toujours persuadé, s’il vous plaît, que je vous honore, Monsieur, très parfaitement.

Le Cardinal de Noailles13.

Le choix du couvent, préféré à la prison, garantit ici la dissimulation des turpitudes cléricales. La gravité de l’inconduite réclame un exil négocié par la famille.

Un cas notable parmi les procès de l’officialité diocésaine de Paris montre l’utilisation préventive de la justice ecclésiastique. Charles Eustache Hue, prêtre et chanoine de Saint-Paul-de-l’Estrée à Saint-Denis, est présent sur le banc des accusés en raison du scandale occasionné par sa conduite. L’acte de la plainte et permis d’informer de février 1767 précise qu’il a « gardé chés lui pendant plusieurs années une personne du sexe qui n’a pas l’âge requis par les statuts du diocèse14 ». L’ecclésiastique a en effet eu à son service pendant quatre à cinq ans, une femme veuve, du nom de Martincourt, dont le bruit public prétend qu’elle aurait de plus connu plusieurs accouchements pendant cet intervalle15. Les témoignages déploient un vaste champ lexical composé des termes et expressions « bruits », « beaucoup jasé », « bruit public », « publiquement », « grave scandale », « caquets », « beaucoup de rumeurs », « bruits scandaleux », « bruits fort fâcheux ». En réalité, la teneur des témoignages montre le faible crédit de la rumeur de paternité ecclésiastique, le chanoine ayant « toujours paru très honneste », exerçant ses fonctions « avec zèle et ediffication », se présentant comme un « parfait honneste homme remplissant ses devoirs », un « homme de bien » et « prêtre très respectable ». L’ampleur du scandale tient plutôt au fait que le curé n’ait précisément pas prêté attention aux racontars, les alimentant par ses silences et son absence de réaction. Une ouvrière en linge suggère le danger d’un tel mutisme car « il est bien fâcheux pour la religion que ces bruits s’étoient répandus parce que les libertins s’authorisent de cet exemple vray ou faux ». La rumeur est en soi délétère et porteuse de dérèglements. Après le départ de la veuve Martincourt, le prêtre se résout à embaucher une autre servante, dont il est mentionné incidemment qu’elle est « très jeune ». Ce n’est donc pas la preuve de la compromission charnelle du clerc qui entraîne sa poursuite judiciaire, mais l’engagement de cette nouvelle jeune femme, perçue comme porteuse d’une réactivation des rumeurs. Cet exemple donne à voir le fait que ce qui est en jeu dans le procès intenté contre le sieur Hue n’est pas sa bonne conduite morale réelle, mais son incapacité à faire se tarir les bruits que ses choix de vie peuvent entraîner. L’officialité a par conséquent anticipé un nouvel épisode discursif scandaleux, en lançant une procédure judiciaire contre lui, s’appuyant sur l’âge ancillaire fixé par les statuts synodaux.

L’échec dont témoigne l’existence de la source, intervient néanmoins majoritairement lorsque la consommation de l’action est avérée, et que les tentatives d’accommodement infrajudiciaires sont restées sans suite.

Revenons à Moncriff, doyen de l’église d’Autun : un document de date et d’auteur inconnus met en effet en lumière les tractations qui s’opèrent afin de faire taire le scandale et de rétablir l’honneur, non seulement de la famille coupable mais également de la famille victime, dans la tradition de l’infrajudiciaire encore couramment répandue en cette fin d’époque moderne16 :

M. et Madame de Poilhon de Valence nous ont donné le mémoire […]17 de leurs filles et de sieur abbé de Moncriff qui les a séduites sous l’apparence de piété. Depuis j’ay cru qu’on pourroit concilier cette affaire avec la famille de cet abbé, j’ay cru qu’à cet effet M. de Romieu son beau frère qui a tenté la conséquence d’empêcher les père et mère de se plaindre, ce qu’ils étoient près de faire ayant retenu datte. Je les ay exhortés de ne pas la faire pour l’hônneur des deux familles et leur ay dit que M de Romieu avait promi de faire [verser] une pension à ces demoiselles pour rester dans leur convent en Province. Les père et mère ont ouï la mère du dit abbé qui paroit solliciter un ordre pour faire enfermer son fils et ne paroit pas d’accord avec M. son gendre. Ce qui les inquiète beaucoup au sujet de leurs deux filles, auxquelles ils ne sont pas en état de pourvoir et il seroit dangereux qu’elles ne continuassent une mauvaise conduite. Dans l’intention de les en retirer, j’étois convenu avec elle et Romieu de chercher où elles demeurent et quand ils auroient son ordre pour l’abbé, d’arrester ces demoiselles et le dit abbé dans le même instant, de les mettre en sûreté jusqu’à ce qu’on peu les conduire à leur destination18.

Le document n’étant pas daté, il est impossible de savoir de façon certaine s’il est à l’origine de l’arrestation de l’ecclésiastique. Il semble néanmoins que ce soit un autre papier contenu dans le dossier d’archives qui ait entraîné son emprisonnement, marque de l’échec d’une procédure infrajudiciaire. Demander un ordre du roi contre Moncriff paraît être le dernier recours auquel se livre son père, dans la lettre qu’il adresse au lieutenant général de police :

J’ai pris la liberté le 5 juin d’importuner par une lettre respectueuse à votre éminence et de lui adresser un placet au Roi pour tacher de remédier par une lettre de cachet à l’extrême folie, à la dissipation continuelle, et au dérangement total de la conduitte de mon malheureux fils, Pierre Charles De Moncriff, doyen et chanoine d’Autun ; et je me suis imaginé depuis que vostre éminence chargée d’ailleurs d’affaires infiniment plus importantes avoit renvoyé ce placet pour en faire asseurer la vérité ; mais n’ayant pû en rien découvrir, sinon que cet insensé avoit eu la témérité dans son voyage clandestin de paroistre en faux dévot et figure ridicule devant vostre éminence, et qu’il se vante de l’avoir prévenue en sa faveur et s’estre mis en garde contre touttes sortes de plaintes ; je ne puis au milieu de mes infirmitées faire autre chose de mieux que de reytérer ma très humble sollicitation dans la crainte des inconvénients fascheux ; si elle a le malheur de ne produire aucun effet, d’envoyer ma femme aussy affligée que moy avec le sieur Romieu, nostre gendre, secrétaire général de la marine pour faire nos représentations à vostre éminence. Après quoy je croyois m’estre acquitté de mes devoirs, n’avoir plus rien à me reprocher, et ne doit rester responsable envers Dieu ny envers les hommes de tout le mal qui en résultera infailliblement, lequel ne pourra abréger ma vie, qu’en abrégeant du moins mes chagrins et les laissant à ma famille.

J’ay l’honneur d’estre, avec le plus profond respect de vostre éminence, Monseigneur, le très humble et très obéissant serviteur De Moncriff, Lieutenant des Chasses, rue de Meslay. A Paris, ce 26 juin 1741.

La lettre est très riche d’enseignements quant aux motivations du père de l’ecclésiastique. Ces dernières relèvent à la fois de « Dieu » et des « hommes ». Cette double orientation, divine et humaine, illustre la double conséquence morale et sociale qu’implique le dérèglement de son fils. Le père, dont on sent qu’il est tout comme son épouse, en fin de vie, tient à laver l’infamie qui macule sa famille19. Parvenir à enfermer son fils, quitte à être insistant, est l’ultime objectif à atteindre pour recouvrer la dignité perdue. Il s’agit du deuxième courrier qu’il adresse au lieutenant général de police20. Si ce dernier reste lettre morte, il annonce d’autres actions, en faisant intervenir sa femme, puis son gendre. Il ne fait preuve d’aucune indulgence à l’égard de Moncriff, d’ailleurs connu d’une certaine opinion publique puisque mentionné par le libraire Hardy21. Cette deuxième tentative parentale d’enfermer le fils déviant atteint son objectif puisque le doyen et chanoine de l’église cathédrale d’Autun est arrêté en août 174122. Au risque de tomber dans l’uchronie, nous pouvons élaborer l’hypothèse que sans ce second courrier, Moncriff n’aurait peut-être pas été incarcéré et aurait ainsi échappé à l’historicisation.

L’archive est un miroir incomplet et déformant de la déviance sexuelle du clergé. Elle n’est que la partie visible d’une déviance impossible à évaluer numériquement. Son existence est étroitement dépendante et révélatrice du franchissement d’un seuil d’indulgence.

Une existence de la source corrélée au franchissement d’un seuil d’indulgence

Dans son article « Du geste à la parole : délits sexuels et archives judiciaires (1690-1750) », Jean-Paul Desaive remarque avec pertinence le hiatus entre le temps de la déviance et le temps de la réponse institutionnelle : « la justice ne se met pas en branle avec une promptitude égale, ni dans tous les cas, ni à l’égard de tout le monde23. » On observe ainsi une temporalité plurielle, qu’il s’agisse des clercs de la Bastille ou de l’officialité.

Dénouer le fil du temps

L’examen des dossiers des prisonniers comme des procédures judiciaires montre un délai parfois considérable entre la chronologie des faits reprochés et la réaction institutionnelle. Cette élasticité chronologique prouve une grande permissivité de la part de l’entourage clérical : un témoin, répondant à la question des mœurs dissolues du curé Tranchard, répond ainsi qu’il ignore personnellement ce dont il s’agit, n’étant que depuis trois ans dans la paroisse24. Cette durée est jugée trop courte pour se faire une idée de la moralité du clerc, lors même que les rumeurs sur ses incartades vont déjà bon train. À l’aide des pièces des procédures inquisitoriales présentes dans les archives de l’officialité de Paris et pour certains embastillés également, il est possible de dater les exactions des clercs, circonstanciées par les dépositions des témoins et les interrogatoires, et de dater la judiciarisation à l’aide du dépôt de plainte ou de l’embastillement. La transgression de normes obéit donc à une double temporalité, reflet du franchissement d’un seuil d’indulgence bien souvent invisible.

Délais entre les faits reprochés et la judiciarisation ou l’incarcération Nombre d’occurrences pour l’officialité Nombre d’occurrences pour la Bastille
Aucun délai 1 5
Entre 1 an et 2 ans 2 1
Entre 2 et 3 ans 2 1
Entre 4 et 5 ans 2  
Entre 5 et 6 ans 5  
Entre 6 et 7 ans 1  
Entre 8 et 9 ans 1  
Entre 15 et 16 ans   1
Entre 20 et 21 ans   1
Entre 22 et 23 ans 1  

Tab. 1. Un temps de réaction élastique.

On observe qu’en moyenne le délai entre les faits incriminés et la réponse institutionnelle est de quatre ans et demi. Mais ce chiffre dissimule de grandes disparités : le temps de réaction varie de l’immédiateté, soit moins d’un an, à 22 ans. Cette temporalité, double, est en fait bien souvent plus complexe car de multiples accusations alimentent les mécanismes arbitraire et judiciaire.

L’affaire de Jacques-François Ruellan, poursuivi par l’officialité de Paris, permet de décomposer chronologiquement les étapes et maillons de la chaîne de réaction25. En 1758, Ruellan engage une jeune servante, Marie-Jeanne Thorigny, âgée de 24 ans. Deux ans plus tard, il devient le curé de Valenton et emmène avec lui sa domestique. Au bout d’un an, des soupçons de grossesse poussent la population à faire venir l’archidiacre, lequel se déplace en juillet 1761 pour le convaincre, en vain, de la renvoyer. Il faut attendre 1763 pour qu’une plainte soit déposée, l’accusant d’avoir « gardé chez luy une servante qui n’avoit pas l’âge porté par les statuts synodaux du diocèse » et à qui il aurait fait un enfant. On observe ici encore combien la réponse institutionnelle n’intervient qu’à l’extrémité d’une chaîne d’indulgence relative, tant qu’aucun enfant n’est supposé, et de tentatives de solutions intermédiaires. L’intervention de la justice n’est que le dernier recours employé, après l’échec d’accommodements préalables.

La longueur du délai entre les faits reprochés et la plainte déposée à l’official peut également s’expliquer par le fait qu’elle correspond à un appel d’une instance inférieure. Christophe Barthélémy Mayer est ainsi jugé à l’officialité de Paris en 1764 suite à une procédure d’appel de l’official de Mâcon. Par conséquent, huit années se sont écoulées entre les premières exactions et le jugement en dernier appel à l’officialité métropolitaine de Paris.

Le tableau montre également une légère dissonance de réponse entre la Bastille et l’officialité. À l’exception de deux ecclésiastiques, dont Moncriff, précédemment cité, l’embastillement intervient rapidement après les exactions, dans les semaines et les mois qui suivent pour cinq d’entre eux. Il n’existe donc pas d’écart chronologique significatif, et ce, en raison de la nature de l’institution : la célérité se justifie par l’obligation de circonscrire la menace que fait courir le contrevenant pour l’ordre public.

Trois ecclésiastiques ont d’ailleurs déjà eu maille à partir avec la justice, notamment ecclésiastique. Leur passif judiciaire a sans doute entraîné une vigilance accrue, expliquant ensuite l’immédiateté de la réponse institutionnelle. Le prêtre Jacques Chabert de Fauxbonne, qui a pour coutume d’alpaguer les jeunes hommes sur les quais parisiens et de leur proposer de se « divertir ensemble », se livre à des actes d’exhibition sans équivoque : « il sortoit ses parties de sa culotte et alloit fouiller dans celle des autres26 ». Il fait l’objet d’une surveillance étroite afin de s’assurer de la véracité des rumeurs le concernant et de l’arrêter à bon escient. Bernardin Vaucher est lui aussi conduit dans la prison d’État suite à un flagrant délit. Ce cistercien a « prêté son habit à un jeune libertin et [a] été avec lui courir dans différents endroits de Paris » en y faisant preuve de « débauche » et de « scandale27 ».

Les délais entre l’inconduite et l’embastillement sont sans surprise plus courts, voire inexistants. Ils dépendent en effet de la fonction de l’instance opérante comme de l’espace concerné par la menace d’une conduite répréhensible. Le zèle arbitraire traduit la volonté d’enrayer toute perturbation sociale et à une échelle plus fine, répond à une volonté de préservation de l’honneur familial. L’officialité, elle, est une réponse au franchissement du seuil d’indulgence de la communauté paroissiale, estimant que : trop, c’est trop !

Trop, c’est trop !

Les ecclésiastiques présents dans les archives ne le sont rarement qu’en vertu d’une seule transgression. Au contraire, ils font figure de récidivistes avant la lettre. Ce concept juridique est en effet anachronique dans le droit pénal d’Ancien Régime. En revanche, le droit coutumier en fait usage sous la forme de « récidive spéciale », désignant la réitération d’un même délit, et de « récidive générale » attribuable à l’individu habitué à la pluralité des délits et des crimes28. La notion d’incorrigibilité existe en outre et a été forgée par la discipline cléricale s’introduisant ensuite dans le champ sémantique laïc29. Les contrevenants peuvent cumuler un même type de dérèglement ou les multiplier. Nous avons classé ces manquements et exactions en six catégories.

Une première concerne les délits qualifiables d’ecclésiastiques, correspondant aux manquements du clerc dans ses attributions théologiques, pastorales, sacramentelles : refus de confession, négligence dans l’instruction du catéchisme des enfants, du prône, morts sans sacrements, insultes à la Vierge, non résidence, etc.

Une deuxième catégorie correspond au comportement inadéquat de l’homme d’Église, ne parvenant pas à afficher la décence qui sied à son ordre, se livrant à l’ivrognerie ou à des débordements : chansons, paroles libres, fréquentation de lieux tels que les cabarets ou les fêtes de mariage où ils peuvent être vus danser.

De cette catégorie nous avons extrait l’incontinence sexuelle, pour plus de visibilité, sans distinguer toutefois le type de fréquentation et la nature de la relation, consentie ou non.

Un quatrième groupe rassemble les tentatives cléricales de s’enrichir, soit le vol, les escroqueries ou abus de confiance : extorsions, surcoût des enterrements, manipulation testamentaire, détournement des fonds d’un collège, organisation de séances de sorcellerie et de spiritisme, dettes non honorées, faux et usages de faux, faux billets de loterie, faux lingots d’or, faux démissoire, etc.

Un cinquième ensemble confronte les différentes formes de violences, verbales et physiques : menaces de soufflet, menaces avec un pistolet, coups de poing et de pied, de canne et… de goupillon !

Enfin, la dernière catégorie, intitulée commodément « autres » désigne des chefs d’accusation plus rares telles que la tendance à la chicane, les propositions simoniaques dans le but d’obtenir la résignation d’une cure, l’écriture de libelles contre la religion, l’État et les bonnes mœurs, le faux complot contre le Roi.

Les clercs ont été classés par ordre alphabétique dans deux tableaux successifs. 80 % des clercs étudiés prêtent le flanc à de nombreuses critiques du fait de leurs multiples et diverses transgressions. Six d’entre eux cumulent au moins quatre chefs d’accusation différents. La déviance sexuelle n’est donc ici qu’un élément parmi d’autres de la poursuite judiciaire.

Nous pouvons introduire quelques nuances de comparaison entre le tableau correspondant aux affaires traitées par l’officialité parisienne et les dossiers des embastillés. Les délits ecclésiastiques, ainsi que les comportements indécents et les violences sont moins représentés dans les geôles de la prison d’État, contrairement aux vols et escroqueries. Les archives de la Bastille comportent des motifs inédits d’incarcération, résultats de conduites jugées attentatoires à la stabilité politique et sociale du royaume. « Nécessité de la raison d’État » : la forteresse musèle ceux qui nuisent à son équilibre30.

  Délits ecclésiastiques Indécences Incontinence sexuelle Vénalité Violences Autres
Bérard     1      
Blanchet     1     1
Corion 2 1 3 1    
Cornilliard   1 2      
Dardet 4   3 1    
Durand 3 4 4     2
Ferrand     2      
Havet 2   2 2    
Hue     3      
Mariette 3 2 3   1 1
Mayer 1 1 3   1 1
Rivot     4 1   2
Ruellan     2 1 3 1
Sell 3 3 2      
Tranchard 3 3 4 1 3  

Tab. 2. Les ecclésiastiques incorrigibles poursuivis par l’officialité de Paris.

  Délits ecclésiastiques Indécences Incontinence sexuelle Vénalité Violences Autres
Cardon     1     1
Chabert de Fauxbonne     1      
Desforges     1      
Garches de Villers     2      
Gilliard     2     1
Godeau     1     1
Gouffé 1   1 1    
Heude     1     1
Lacoste 1   3 1   2
Lenglet-Dufresnoy     1 1   2
Moncriff 1   3 2   1
Nourry     1     1
Sève     1 1    
Tauniet 4   3 3    
Vaucher 1   1      

Tab. 3. Les ecclésiastiques incorrigibles embastillés.

Dans cette accumulation des déviances, c’est la déviance sexuelle qui est le plus souvent formulée pour déposer une plainte. Pourtant, la chronologie des exactions va à l’encontre de la gravité du reproche formulé car le manquement à la chasteté est fréquemment ancien. Étudions à ce titre le cas d’Adrien-Nicolas-Pierre Dardet, curé de la paroisse de l’île Saint-Denis. La plainte contre lui est déposée le 4 décembre 1767 et la procédure court jusqu’au mois de juin 1768. Sept chefs d’accusation ont été retenus contre lui, énoncés dans l’ordre de la plainte :

1° mettre le trouble dans la plupart des familles de la paroisse. 2° [on prétend] qu’il exerce contre plusieurs de ses paroissiens des vexations contraires à l’esprit de paix que doit amener un pasteur. 3° qu’il a disposé de l’argenterie de l’église de la fabrique de la paroisse sans observer le règlement prescrit à ce sujet. 4° qu’il néglige le service divin. 5° qu’il a refusé d’entendre en confession plusieurs de ses paroissiens. 6° qu’il manque à la résidence ce qui pouroit exposer les malades à être privé des derniers sacremens ce qui a failly arriver au mois de janvier 1766. 7° qu’il est libre avec les femmes31.

Cet ordre laisse à penser que la liberté prise avec les femmes est l’action la plus intolérable de l’énumération car elle est citée en dernier. Or l’interrogatoire et les 23 témoignages établissent un long passif d’inconduites, dont les plus anciennes datent de 22 ans. On peut dès lors remonter le cours du temps et établir la chronologie suivante :

En 1746, la jeune Marie Françoise du Moutier, âgée de 20 ans, prétend avoir été entreprise par le clerc, lui demandant si elle avait des enfants et ayant répondu que non, « il luy répliqué que s’il doutoit du fait, il la visiteroit parce qu’il s’y connoissoit » (1er témoin « sur la liberté avec les femmes »). En 1753, Geneviève Descoing, âgée de 22 ans, narre les attouchements dont elle aurait été la victime. Il lui aurait « porté la main droite sur ses habits à l’endroit des cuisses et de la nature, luy [auroit] pincé à travers ses hardes la peau de ses cuisses et luy [auroit] demandé si cet attouchement ne lui faisoit point d’impression ». Elle ajoute encore que « peu d’instant après […] il luy [auroit] porté la main sur le sein en dedans d’un corps de baleine qu’elle avoit, l’avoit enfoncé profondément, luy avoit dit qu’elle n’avoit point de gorge parce qu’elle se serroit trop » (2e témoin). En 1756, Marie-Louise Joly (10e témoin), âgée de 25 ans, relate le viol auquel elle a échappé de justesse par deux fois. Elle raconte :

Qu’étant fille et jusqu’à son mariage elle alloit à confesse [chez] l’accusé, qu’un an ou dix huit mois avant son mariage, l’accusé est venu plusieurs fois dans la maison de son père lorsque la déposante étoit seulle, qu’un jour d’hiver ayant trouvé la déposante dans la chambre où elle couchoit, il la caressa beaucoup, lui mis la main dans le sein, l’embrassa, mis sa langue dans la bouche de la déposante, lui mis la main sous la juppe, la jetta sur son lit, déboutonna sa culotte et luy montra ce que la pudeur deffend de nommer, leva les juppes et chemise de la déposante, prit la main de la déposante, et luy fit tenir la verge, tandis que lui accusé de son côté porta sa main sur la nature de la déposante et introduisit son doigt dans la matrice pour exciter la déposante au plaisir, qu’il s’étendit ensuitte sur le corps de la déposante pour consommer l’action, ce qu’il n’a pû faire la déposante ne l’aiant pas voulu surquoi ledit accusé luy dit laisse toy faire il n’y paroitra rien, que ces parolles ayant fait connoitre à la déposante ce qu’elle ignoroit, elle s’étoit débarrassée de luy et s’étoit sauvée…

En 1758, deux témoins attestent d’attouchements similaires et confirment le goût de l’ecclésiastique pour le pincement des cuisses, s’asseyant à califourchon sur les genoux d’une des déposantes, lui enjoignant de faire une fente à sa jupe pour en faciliter l’accès, et tentant d’étourdir l’autre en lui faisant boire une liqueur quelconque (3e et 4e témoins). En 1760, Marie-Madeleine Marson, âgée de 30 ans raconte qu’étant alitée, l’accusé serait venu la voir et, « sous le prétexte de connoître l’état de sa maladie, il avoit passé la main sur le sein et sur le ventre, luy avoit demandé si elle étoit réglée et lui avoit dit que lorsqu’elle seroit rétablie, elle vint chez lui accusé dans le temps de ses règles affin qu’il examina si elle étoit en bon état » (21e témoin).

À cette chronologie des dérèglements sexuels du sieur Dardet, auquel il faudrait joindre une liaison avec une veuve dont la datation reste inconnue, s’ajoutent de multiples inconduites, autres que sexuelles, réparties inégalement dans le temps : la première en 1746-1747 (selon la mention du fait par un témoin), la deuxième en 1752-1753, le plus grand nombre en 1760-1761, etc. De plus, les négligences du service divin relatives au prône, tout comme la revente illégale de l’argenterie liturgique ne sont pas datées.

L’on remarque toutefois que l’incontinence sexuelle est très ancienne, la dernière frasque du clerc s’étant produite dix ans avant la procédure judiciaire. Cette dernière n’est donc pas motivée par le non-respect de l’impératif de chasteté mais par des manquements de nature sacerdotale et sociale. Le pêcheur Robert Vautché, âgé de 83 ans, relate dans sa déposition qu’« au lieu d’entretenir la paix et l’union dans les familles de la paroisse, [il] excite ses paroissiens à plaider les uns contre les autres, ce qui cause la ruine de plusieurs habitants ».

Cet exemple nourrit l’hypothèse selon laquelle un ecclésiastique entrenant des relations charnelles avec des personnes du sexe, que ces relations soient consenties ou non, est susceptible de ne pas être inquiété s’il assure de manière satisfaisante ses charges pastorales et sociales32. Bien que mises en valeur dans l’information comme dans les conclusions définitives du 11 juin 1768, les incartades sexuelles ne semblent finalement constituer qu’une circonstance aggravante à d’autres faits plus récents. Elles n’ont apparemment pas fait l’objet de poursuites au moment où elles se sont produites. Cet aspect du procès confirme qu’un pan non négligeable du clergé délinquant sexuel échappe à l’historicisation. Cette indulgence vis-à-vis des dérives d’un clergé délinquant est fréquente, voire confine à la protection. Serge Brunet, dans son étude sur les Pyrénées centrales fait état du fréquent silence qui entoure la moralité du prêtre visité par ses supérieurs33.

Comment expliquer dès lors la mention de ces chefs d’accusation dans la procédure judiciaire ? Ils auraient tout simplement pu être passés sous silence puisqu’ils ne semblent pas constituer en soi un motif de saisine de justice. Il est probable que la communauté paroissiale, non seulement n’ait pas le même seuil d’indulgence que l’instance judiciaire, mais ait conscience de cette dichotomie. L’accusation à caractère sexuel relèverait alors d’une stratégie visant à augmenter les chances de condamnation du prêtre récalcitrant.

Si ce ne sont les incartades sexuelles qui ont précipité la poursuite, existe-t-il un catalyseur ?

La quête du point de bascule

Quand la coupe est pleine

Dans le cas de Christophe Barthélémy Mayer, l’élément déclencheur relève de la séquestration de l’ancien curé de Saint-Cloud afin d’obtenir de lui la résignation de la cure34. L’exaction, dénoncée à l’officialité de Mâcon, examinée ensuite en appel par l’officialité métropolitaine de Paris, lève le voile sur un cortège de dérèglements, notamment charnels.

Louis-René Blanchet, chanoine de l’église de Mantes-sur-Seine, paraît également avoir attiré l’attention des autorités compétentes en raison de la manière trouble dont il a obtenu la résignation de la cure de Guyancourt35. Les faits sont de plus contemporains de son arrestation dans une auberge parisienne, en compagnie d’une femme qu’il fait passer pour sa sœur.

En ce qui concerne Barthélémy Joseph Tranchard, le point de bascule semble avoir été la mort sans sacrements de plusieurs de ses paroissiens, ainsi que s’en enquiert l’official Antoine Paris36 :

A lui remontré que la nommée Desbrosses est morte sans sacrements il y a environ un mois et qu’ayant été averty de l’aller voir il avoit répondu qu’il y avoit trop de boüe dans les chemins ?

A dit qu’il n’a point de connoissance que la ditte femme soit morte sans sacrements qu’il n’a point été averty d’y aller et qu’il ne peut avoir fait la réponse qu’on lui objette.

Enquis s’il n’est pas arrivé souvent que lorsqu’on le venoit avertir pour les sacrements, on ne le trouvoit pas parce qu’il est presque toujours hors sa maison ou que si on le trouvoit, il se plaignoit et murmuroit de ce qu’on venoit l’importuner ?

A dit qu’on peut bien être venu l’avertir pour les sacrements et qu’il ne soit point trouvé à la maison et que lors qu’on le trouvoit et qu’on venoit l’avertir trop tard, il représentoit qu’on auroit du l’avertir plutôt et qu’on ne laissoit pas d’y aller luy ou son vicaire et que ce n’étoit point par murmure ny par humeur qu’il s’en plaignoit mais pour être en état d’administrer les sacrements avec plus de décence en plein jour.

Les manquements dans les fonctions curiales engendrent la vindicte de la population qui y voit une mise en danger de son intégrité.

Dans le cas de Dardet, curé de l’île Saint-Denis, l’élément déclencheur tiendrait à une ultime chicane de l’ecclésiastique. Six mois avant le dépôt de plainte, un certain Marson est arrêté et conduit dans les prisons du Grand Châtelet. Il rend son curé responsable de son emprisonnement, ce dernier l’ayant en effet qualifié de « voleur », espérant qu’il ne « sortiroit de la prison que la corde au cou37 ». Après sa libération, Dardet renchérit, affirmant qu’il « alloit le faire rentrer en prison et l’y feroit pourrir et qu’il falloit que lui curé ou Pierre Marson quitta la paroisse ». Cet ultimatum est peut-être la clé de la poursuite judiciaire dont fait finalement les frais le curé de Saint-Denis. La communauté aurait choisi de sacrifier un ecclésiastique qui semait la zizanie judiciaire, négligeait son rôle pastoral et sacerdotal et avait, plus jeune, lutiné voire malmené certaines femmes.

Scandale

Le dérangement d’une commnauté n’est pas directement lié aux dérèglements de son chef spirituel, mais à leur publicité. Les papiers Fiaux de la Bibliothèque historique de la ville de Paris, dans un dossier intitulé « Mœurs de prêtres » comportent d’ailleurs un document attestant l’utilité prophylactique des relations ancillaires : « Il est des communes où le prêtre n’est bien accueilli par les habitants que lorsqu’on le voit vivre avec une dame de compagnie, une servante encore jeune et pouvant servir d’une concubine encore désirable. Par là, nos paysans sentent leurs femmes et leurs filles […] garanties contre toute poursuite38 ». Les unions clandestines servent donc de garde-fou au prêtre d’après cet auteur anonyme, à condition que ces relations restent discrètes.

Frédéric Meyer relate l’affaire de Pascal Barral, curé de La Saulce-en-Tarentaise avec la femme de son neveu en 1780. Ce qui précipite la chute du prêtre n’est pas vraiment leur liaison, puisque la jeune fille vivait avec lui dans son presbytère. L’élément déclencheur est le fait que tous deux aient consommé l’action dans une chambre d’un cabaret, bruyamment et impudiquement, puisque « de nombreux témoins se sont succédé derrière sa porte et ont regardé par le trou de la serrure pour authentifier l’origine des bruits39 ». C’est bien la « parade de la corruption de mœurs » plutôt que la dépravation elle-même qui est en jeu40. La publicité de la transgression fait de cette déviance un crime, au sens qu’en donne Ferrière dans son Dictionnaire de droit et de pratique, à savoir « un fait défendu par la Loi, qui blesse directement l’intérêt public » et non pas seulement le particulier41. Dans ce cadre, le flagrant délit prête le flanc à la rumeur, au scandale, et explique la rapidité de la réponse institutionnelle. L’inconduite de Jean-Jacques Ferrand, curé d’Andrezel, illustre un cas de réaction immédiate. Le 18 août 1745, une plainte est déposée à son encontre pour des faits produits deux jours auparavant, résumés dans la requête déposée au lieutenant criminel du Châtelet de Melun42 :

Expose le procureur du Roi qu’il a eu avis que le lundi seize du présent mois d’aoust cinq heures de relevée, un quidam habillé cléricalement étant vêtu d’une soutanne noire faitte de cinq pieds, quelque pouce, cheveux noirs et maigre de visage, étoit venu chez Rousselot, chartier demeurant actuellement au Petit Champeaux, paroisse d’Andrezelles dans une maison qui est isolée et éloignée de celle des autres du village, dans l’intention de jouir de la nommée Marie Madelaine Rousselot, sa fille ainée âgée de vingt-huit à vingt-neuf ans ; il savoit que le père étoit absent étant en condition chés Jean Chaillot, laboureur à la porde d’Andrezelles. Comme ce quidam vit que la nommée Marie Margueritte Rousselot, la sœur cadette étoit dans la maison, il parla de choses indifférentes ; dès que la ditte Marie Margueritte Rousselot fut sortie pour aller aux champs, ce quidam aussitôt ferma la porte d’étoille pour n’être point vu, et alla sur la nommée Marie Magdelaine Rousselot, lui leva ses jupes et les mit tout à l’entour de la ceinture, lui aiant mis les mains par derrière qu’il tenoit dans les jupes, ce quidam l’emporta de cette façon de dessus un lit qui étoit dans une chambre à costé ; la nommée Marie Magdelaine Rousselot eut beau se deffendre, elle ne put se débarrasser dudit quidam qui se mit en devoir de contenter sa passion. Comme ce quidam la forçait, la nommée Marie Madelaine Rousselot qui se sentit blessée le repoussa vivement avec ses deux mains qui se trouvèrent heureusement débarrassées, ce quidam se retira de dessus elle. Aussitost elle sortit de dessus le lit et voulant gagner la porte, elle se sentit foible de la perte de son sang qui couloit dessus le plancher, elle fust obligée de s’asseoir sur une chaise où elle se trouvat évanouie. Ce quidam se mit à lui faire respirer de l’eau de la reine de Hongrie43 et lui en mit dans les mains ce qui la fit revenir un peu et lui dit : Madelaine, est-ce que tu veux me perdre ? Ce quidam lui laissa la bouteille d’eau de la reine d’Hongrie et lui dit qu’il reviendroit la voir le soir. Ce quidam s’en allant lui dit que pour qu’on ne vit pas son sang qui étoit sur le plancher il falloit répandre de la cendre.

Aussitôt, un médecin du Roi est assigné pour constater la véracité des dires de la jeune fille, grâce à un examen minutieux. L’homme conclut l’avoir « trouvée actuellement réglée et avoir été vue d’homme par coït, sans pouvoir assuré qu’il n’y avoit eu viol de la part de l’homme qui l’a vuë ». Les jours suivants, Marie Madeleine, son père et cinq autres témoins sont entendus. Le désordre des vêtements, le fait que la jeune fille soit ensuite allée dans les champs pour chercher sa sœur, ait croisé deux femmes qui lui ont apporté leur aide, le sang, la parole de la victime, tout concourt à une célérité institutionnelle. La conclusion, si elle débouche sur l’innocentement du prêtre, déchargé de toute accusation, est censée mettre fin au flot discursif.

Atrocité de l’acte

Un dernier flagrant délit, celui de Garches de Villers, incarcéré à la Bastille montre la gravité que peut constituer l’abus d’une jeune victime de sept ans. Dans sa supplique destinée à obtenir sa libération, le chanoine de Beauvais fait le récit de ce qu’il présente comme une dramatique mésaventure44. Le 16 novembre 1775, il serait rentré comme à son habitude dans la boutique d’un couple de relieurs et marchands de livres répondant au nom de Godet. La femme, le voyant, serait allé chercher sa fille, habituée à sa fréquentation, et lui aurait par la même occasion présenté son garçonnet, réclamant pour lui des bonbons. Pris au dépourvu, l’ecclésiastique aurait autorisé les enfants à venir chez lui, ce qu’ils auraient exécuté dans la demi-heure suivante. Non sans détails pittoresques, le chanoine raconte la dynamique de rivalité au sein de la fratrie, la fillette faisant auprès de son frère sa « petite régente », sa « petite gouvernante » dictant ordres et interdictions, raison pour laquelle le chanoine l’aurait attirée sur ses genoux :

Le Sr de G l’attira par le bras contre le bois du fauteuil, car ne pouvant sans doute plus s’agiter et remuer à sa volonté, elle luy dit fort doucement, sans cris, sans larme et sans émotion, et même sans perdre un coup de dent sur le biscuit … ça me fait mal, le Sr de G … crut que c’étoit par malice et que c’étoit pour être plus libre pour tourmenter le petit qui bondissoit comme un chevreau et lui dit … allons tu te mocque achève ton biscuit … où ça te fait-il mal … là dit elle en portant la main au ventre et fit même plus que le nécessaire pour désigner, ou simplicité que le Sr de G réprima sur le champs ne pouvant s’empêcher d’en hausser les épaules, cela dit, plus de plainte, le biscuit achevé, il leur fit donner à chacune une poire et voilà les deux enfants partis très gays45.

Le soir même, il aurait reçu la visite du doyen, l’abbé de Pronleroy, son parent et ami, qui lui fit part des plaintes de la mère le rendant responsable du viol de sa fille. L’embastillement du chanoine pour un motif unique fait ici figure d’exception dans l’analyse de notre échantillon et s’explique par la gravité des faits reprochés.

Notre étude met en évidence le miroir déformant que peut constituer la source, laquelle n’existe d’ailleurs qu’en raison d’échecs de temporisations et d’accommodements préalables. La violation de l’impératif de chasteté n’entraîne pas de manière automatique la poursuite de son auteur, car l’existence d’une loi n’est pas la condition d’une judiciarisation de sa transgression. L’enregistrement de la déviance sexuelle cléricale est dès lors lié au franchissement d’un seuil d’indulgence qui peut varier en fonction des instances examinées, qu’il s’agisse de la police, plus prompte à réagir et incarcérer, principalement sur demande des familles, ou de l’officialité, saisie en cas de menace d’un équilibre et d’un dérangement principalement paroissial. L’accumulation des écarts de conduite explique néanmoins bien souvent la réponse sociale ou institutionnelle, non dénuée d’ambivalences, à moins que l’élément déclencheur ne consiste en un acte extrêmement grave ou dont le flagrant délit occasionne un scandale incontrôlable.

1 Myriam Deniel-Ternant, Ecclésiastiques en débauche. 1700-1790, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017 ; Sarah Dumortier, Le célibat ecclésiastique offensé au

2 Henri-François d’Aguesseau, Œuvres, Paris, 1776, t. IX, p. 104, cité dans Yves Bongert, « Quelques aspects de la prison au xviiie siècle », Études

3 Claude-Joseph de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de coutumes et de

4 Ibid.

5 Bibliothèque de l’Arsenal [désormais B. Arsenal], ms. 10880, f. 253-268 ; ms. 10887, f. 316-318 ; ms. 11534, f. 299-301 ; ms. 11754, f. 275-277 ; ms

6 Véronique Demars-Sion, Femmes séduites et abandonnées au xviiie siècle. L’exemple du Cambrésis, Lille, L’espace juridique, 1991, p. 51-52. Archives

7 Ibid.

8 Ibid.

9 Monique Cottret rappelle combien l’image du roi justicier est ternie par ses serviteurs. La signature du souverain au bas de la lettre de cachet n’

10 Arlette Farge et Michel Foucault, Le Désordre des familles. Lettres de cachet des archives de la Bastille, Paris, Gallimard, 1982.

11 Claude Quétel, « Entre la faute et le délit : la correction par lettre de cachet », dans Justice et répression. Actes du 107e Congrès national des

12 Jacques Peuchet, Encyclopédie méthodique, t. X, Jurisprudence, contenant la police et les municipalités, Paris, Panckoucke, 1791, art. « Police »

13 B. Arsenal, ms. 10255, 14 mai 1725. L’orthographe a été conservée, mais les accents ont été ajoutés afin de faciliter la lecture et la

14 Archives Nationales de France [désormais A.N.F.], Z/1o/225B, acte de la plainte et permis d’informer du 7 février 1767.

15 Par exemple, la femme du nommé La Croix, maçon, plaisante bruyamment sur la place publique de ses formes arrondies.

16 Benoît Garnot présente cette infrajustice qu’il qualifie de « traditionnelle » car fondée sur la « négociation directe, ou […] l’entremise des amis

17 Le passage est illisible. L’ensemble du document est rédigé dans un style ponctuellement peu compréhensible.

18 B. Arsenal, ms. 11811(1), f. 195. Dossier Moncriff pour tout ce qui suit. 

19 Une lettre jointe au dossier annonce la mort de celui-ci la même année que son courrier, c’est désormais la mère de Moncriff qui s’acquitte du

20 La copie de la première lettre est également jointe au dossier mais sa date n’est pas mentionnée. Son contenu est sensiblement de la même tonalité

21 Siméon-Prosper Hardy, Mes loisirs ou journal d’événemens tels qu’ils apparoissent à ma connoissance, Daniel Roche et Pascal Bastien (éd.), Presses

22 B. Arsenal, ms. 11811(1), f. 5.

23 Jean-Paul Desaive, « Du geste à la parole : délits sexuels et archives judiciaires (1690-1750) », Communications, n° 46, 1987, p. 121.

24 A.N.F., Z/1o/231, Information du 6 décembre 1757.

25 A.N.F., Z/1o/225A, Plainte du 31 janvier 1763.

26 B. Arsenal, ms. 10551, f. 2.

27 B. Arsenal, ms. 10992, f. 100, 3 juillet 1727.

28 Jean-Marie Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 233.

29 Françoise Briegel et Michel Porret (dir.), Le criminel endurci. Récidive et récidivistes du Moyen Âge au xxe siècle, Genève, Droz, 2006.

30 Pierre Chaunu, « Préface », dans Monique Cottret, La Bastille à prendre, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 9-13.

31 A.N.F., Z/1o/225A.

32 J.-P. Desaive, « Du geste à la parole… », op. cit., p. 122. L’historien remarque à propos des laïcs que « les infractions de ce genre [infractions

33 Serge Brunet, Les prêtres des montagnes. La vie, la mort, la foi dans les Pyrénées centrales sous l’Ancien Régime, Aspet, Pyrégraph, 2001, p. 199.

34 A.N.F., Z/1o/225B.

35 A.N.F., Z/1o/226, Plainte du 26 août 1780.

36 A.N.F., Z/1o/231, Interrogatoire du 17 décembre 1757.

37 A.N.F., Z/1o/225A.

38 Bibliothèque historique de la Ville de Paris, ms. 1728. Merci à Madame Françoise de Noirfontaine d’avoir attiré mon attention sur cette source.

39 Frédéric Meyer, « Enfance et violences ecclésiastiques en Savoie au xviiie siècle », dans Olivier Christin et Bernard Hours (dir.), Enfance

40 Ibid.

41 C.-J. de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., t. I, nouvelle édition, Paris, V. Brunet, 1769, art. « Crime », p. 405-406.

42 A.N.F., Z/1o/225A.

43 Il s’agit d’un parfum, précisément un alcoolat de romarin auquel on attribuait des pouvoirs revitalisants.

44 B. Arsenal, ms. 12463.

45 Les points de suspension sont contenus dans l’archive.

Notes

1 Myriam Deniel-Ternant, Ecclésiastiques en débauche. 1700-1790, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017 ; Sarah Dumortier, Le célibat ecclésiastique offensé au sein du clergé paroissial de la France septentrionale (xvie-début xixe siècle), à paraître aux Presses universitaires du Septentrion ; Kévin Saule, Le curé au prétoire. La délinquance ecclésiastique face à l’officialité au xviie siècle, Paris, Institut universitaire de Varenne, 2014.

2 Henri-François d’Aguesseau, Œuvres, Paris, 1776, t. IX, p. 104, cité dans Yves Bongert, « Quelques aspects de la prison au xviiie siècle », Études destinées à la mémoire du professeur Gérard Dehove, Paris, Presses universitaires de France, 1983, p. 69-99.

3 Claude-Joseph de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de coutumes et de pratique avec les jurisdictions de France, t. II, nouvelle édition, Paris, Saugrain, 1755, art. « Prisons », p. 573-574.

4 Ibid.

5 Bibliothèque de l’Arsenal [désormais B. Arsenal], ms. 10880, f. 253-268 ; ms. 10887, f. 316-318 ; ms. 11534, f. 299-301 ; ms. 11754, f. 275-277 ; ms. 11754, f. 275-277 ; ms. 12479 ; ms. 12488, f. 34 ; ms. 12491, f. 172 ; ms. 12723 ; ms. 12550.

6 Véronique Demars-Sion, Femmes séduites et abandonnées au xviiie siècle. L’exemple du Cambrésis, Lille, L’espace juridique, 1991, p. 51-52. Archives Départementales du Nord, 5G 518. A. Dumetz (1706) ; A.D. Nord, 5G 530 (1787).

7 Ibid.

8 Ibid.

9 Monique Cottret rappelle combien l’image du roi justicier est ternie par ses serviteurs. La signature du souverain au bas de la lettre de cachet n’est qu’un alibi, une garantie de l’origine royale de la décision, lors même que son origine pratique se trouve dans les bureaux de la lieutenance de police, dans Monique Cottret, La Bastille à prendre, Paris, Presses universitaires de France, 1986.

10 Arlette Farge et Michel Foucault, Le Désordre des familles. Lettres de cachet des archives de la Bastille, Paris, Gallimard, 1982.

11 Claude Quétel, « Entre la faute et le délit : la correction par lettre de cachet », dans Justice et répression. Actes du 107e Congrès national des sociétés savantes, Brest 1982, vol. 1, Paris, C.T.H.S., 1984, p. 43-50, ici p. 50.

12 Jacques Peuchet, Encyclopédie méthodique, t. X, Jurisprudence, contenant la police et les municipalités, Paris, Panckoucke, 1791, art. « Police », p. 641.

13 B. Arsenal, ms. 10255, 14 mai 1725. L’orthographe a été conservée, mais les accents ont été ajoutés afin de faciliter la lecture et la compréhension des sources.

14 Archives Nationales de France [désormais A.N.F.], Z/1o/225B, acte de la plainte et permis d’informer du 7 février 1767.

15 Par exemple, la femme du nommé La Croix, maçon, plaisante bruyamment sur la place publique de ses formes arrondies.

16 Benoît Garnot présente cette infrajustice qu’il qualifie de « traditionnelle » car fondée sur la « négociation directe, ou […] l’entremise des amis et parents voire de quelques notables locaux », dans Benoît Garnot (dir.), La justice et l’histoire. Sources judiciaires à l’époque moderne (xvie-xviie-xviiie siècles), Paris, Bréal, p. 250 et sq.

17 Le passage est illisible. L’ensemble du document est rédigé dans un style ponctuellement peu compréhensible.

18 B. Arsenal, ms. 11811(1), f. 195. Dossier Moncriff pour tout ce qui suit. 

19 Une lettre jointe au dossier annonce la mort de celui-ci la même année que son courrier, c’est désormais la mère de Moncriff qui s’acquitte du paiement de la pension de ce dernier.

20 La copie de la première lettre est également jointe au dossier mais sa date n’est pas mentionnée. Son contenu est sensiblement de la même tonalité, mais le récit comporte des éléments précis sur la mauvaise conduite de cet ecclésiastique : « Le sieur de Moncriff, Lieutenant des Chasses et sa femme, et le sieur Romieu, secrétaire général de la Marine leur gendre. Demandent un ordre du Roi pour que Pierre Charles de Moncriff leur fils, âgé de 42 ans, doyen et chanoine d’Autun, soit arrêté et conduit dans le couvent des Cordeliers de Tanlay, d’offrant de payer la capture et la conduite, et à l’égard de sa pension de 500 L convenue avec le gardien des Cordeliers, elle sera prise sur le revenu de ses bénéfices dont mention sera faite du tout dans l’ordre du Roi et de la lettre de cachet. Exposent que cet ecclésiastique est un esprit violent, fou, orgueuilleux, menteur voulant se faire descendre des rois d’Ecosse quoiqu’il ne soit que roturier. Qu’il est ignorant n’ayant jamais fait que de mauvaises études, mais que par leurs amis et les dépenses considérables qu’ils ont faits pour l’avance dans l’Etat ecclésiastique, il étoit parvenu à être théologal de la Rochelle où il s’est fait tellement mépriser de son évêque et du chapitre qu’il en a été chassé. Qu’ensuite, ayant obtenu à Rome le titre de pronotaire du Saint Siège, il a eu la folie de se faire porter la queue en robe violette et rouge dans le chœur de la cathédralle d’Autun ce qui lui a été deffendu par arrest du Parlement de Dijon… » L’exposé des motifs de la demande détaille de façon exhaustive les excès du clerc.

21 Siméon-Prosper Hardy, Mes loisirs ou journal d’événemens tels qu’ils apparoissent à ma connoissance, Daniel Roche et Pascal Bastien (éd.), Presses universitaires de Laval, 2008, II. Mardi 19 mars 1771, p. 178. Vers libres à l’encontre de l’évêque de Senlis M. de Roquelaure : « Les ris les plaisirs et les grâces / Avec Moncriff sont au cercueil / Mais toi, prélat qui le remplace / Tu n’as de lui que le fauteuil. »

22 B. Arsenal, ms. 11811(1), f. 5.

23 Jean-Paul Desaive, « Du geste à la parole : délits sexuels et archives judiciaires (1690-1750) », Communications, n° 46, 1987, p. 121.

24 A.N.F., Z/1o/231, Information du 6 décembre 1757.

25 A.N.F., Z/1o/225A, Plainte du 31 janvier 1763.

26 B. Arsenal, ms. 10551, f. 2.

27 B. Arsenal, ms. 10992, f. 100, 3 juillet 1727.

28 Jean-Marie Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 233.

29 Françoise Briegel et Michel Porret (dir.), Le criminel endurci. Récidive et récidivistes du Moyen Âge au xxe siècle, Genève, Droz, 2006.

30 Pierre Chaunu, « Préface », dans Monique Cottret, La Bastille à prendre, Paris, Presses universitaires de France, 1986, p. 9-13.

31 A.N.F., Z/1o/225A.

32 J.-P. Desaive, « Du geste à la parole… », op. cit., p. 122. L’historien remarque à propos des laïcs que « les infractions de ce genre [infractions sexuelles] ont du reste moins d’importance que l’impiété affichée ».

33 Serge Brunet, Les prêtres des montagnes. La vie, la mort, la foi dans les Pyrénées centrales sous l’Ancien Régime, Aspet, Pyrégraph, 2001, p. 199.

34 A.N.F., Z/1o/225B.

35 A.N.F., Z/1o/226, Plainte du 26 août 1780.

36 A.N.F., Z/1o/231, Interrogatoire du 17 décembre 1757.

37 A.N.F., Z/1o/225A.

38 Bibliothèque historique de la Ville de Paris, ms. 1728. Merci à Madame Françoise de Noirfontaine d’avoir attiré mon attention sur cette source.

39 Frédéric Meyer, « Enfance et violences ecclésiastiques en Savoie au xviiie siècle », dans Olivier Christin et Bernard Hours (dir.), Enfance, assistance et religion, Lyon, CNRS (Chrétiens et Sociétés. Documents et mémoires), 2006, p. 93-110.

40 Ibid.

41 C.-J. de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique…, op. cit., t. I, nouvelle édition, Paris, V. Brunet, 1769, art. « Crime », p. 405-406.

42 A.N.F., Z/1o/225A.

43 Il s’agit d’un parfum, précisément un alcoolat de romarin auquel on attribuait des pouvoirs revitalisants.

44 B. Arsenal, ms. 12463.

45 Les points de suspension sont contenus dans l’archive.

Citer cet article

Référence papier

Myriam Deniel-Ternant, « Effets de sources et effets de seuil de la sexualité cléricale. Mise en regard des ecclésiastiques à la Bastille et à l’officialité de Paris au xviiie siècle », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 11 | 2017, 69-87.

Référence électronique

Myriam Deniel-Ternant, « Effets de sources et effets de seuil de la sexualité cléricale. Mise en regard des ecclésiastiques à la Bastille et à l’officialité de Paris au xviiie siècle », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 11 | 2017, mis en ligne le 22 septembre 2023, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=252

Auteur

Myriam Deniel-Ternant

Myriam Deniel-Ternant est docteure en histoire, Centre d’histoire sociale et culturelle de l’Occident (EA 1587 CHISCO) de l’université Paris Ouest Nanterre La Défense.

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