Le Tiers-Ordre enseignant dominicain et les caravanes d’Arcueil

The Third Order of Saint Dominic and the Caravanes d’Arcueil

Der Dritte Lehrorden der Dominikaner und die Caravanes d’Arcueil

DOI : 10.57086/sources.90

p. 73-90

Résumés

Les caravanes du collège Albert le Grand d’Arcueil (dirigé par le Tiers-Ordre enseignant de saint Dominique), en s’appuyant sur les initiatives du Club Alpin Français à partir de 1878, constituent un exemple tout à fait original de voyages scolaires au xixe siècle. Elles furent d’abord orientées vers la montagne puis ouvertes à des destinations plus variées. Les souvenirs des élèves, les sources imprimées et les correspondances échangées par les religieux renseignent sur l’organisation de ces séjours, sur leur originalité par rapport à d’autres voyages de jeunes du même type, et aussi sur l’influence qu’eut cette initiative. Les échanges transfrontaliers et la réputation de ces « caravanes » incitèrent en effet d’autres pays à demander aux dominicains de venir sur leur territoire, ce qui contribua à diffuser leur modèle. Leurs périples, donnant lieu à des recueils de témoignages, les conduisirent jusqu’aux Jeux Olympiques, en Grèce, sous la direction du Père Didon.

The “caravans” organised by the collège Albert le Grand in Arcueil (managed by teaching Dominicans from the Third Order of Saint Dominic), following the initiatives developed by the Club Alpin Français from 1878 on, were very original examples of educational school trips in the 19th century. They first consisted in trips to the mountains then extended to more varied destinations. The memories collected from pupils, printed sources and letters between the Dominican teachers provide information on the way these trips were organised, on their originality as compared to other types of educational trips and on the influence of such initiatives. Thanks to cross-border exchanges and due to the reputation gained by the “caravans”, the Dominicans were asked to come to other countries, which contributed to spreading their model. The journeys they organised, which were commemorated in collections of written accounts, even led them to the Olympic Games, in Greece, with Father Didon as their leader.

Die „Karawanen“ der vom Dritten Lehrorden der Dominikaner geleiteten Mittelschule Albert le Grand aus Arcueil stützten sich auf Praktiken, mit denen der französische Alpenverein 1878 begonnen hatte, und liefern ein ausgesprochen originelles Beispiel von Schulreisen im 19. Jahrhundert. Diese waren zunächst auf die Berge und in der Folge auch auf weitere Destinationen gerichtet. Erinnerungsschriften der Schüler, gedruckte Quellen und die Korrespondenz zwischen Geistlichen geben Auskunft über die Organisation solcher Aufenthalte, ihre Originalität im Vergleich zu anderen Reisen von Jugendlichen sowie den Einfluss dieser Initiative. Die grenzüberschreitenden Austausche und das hohe Ansehen der „Karawanen“ stießen andere Länder dazu an, die Dominikaner um die Verbreitung dieses Modells auf ihrem Territorium zu bitten. Die Reisen, die in Sammelerzählungen festgehalten sind, führten die Schüler unter der Leitung von Pater Didon bis nach Griechenland zu den Olympischen Spielen.

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Organisées pour nos élèves dès 1878, les caravanes ont produit des résultats si satisfaisants au point de vue de l’instruction, de la santé et de la formation du caractère, que nous n’hésitons pas à leur donner une place dans le programme général de nos Écoles.

La fatigue qu’elles occasionnent aux touristes est salutaire ; elle assouplit les muscles, en les fortifiant. On n’a pas l’idée de ce que peuvent supporter des jeunes avec un maître expérimenté, une bonne alimentation, un entraînement intelligent et progressif.

Les dangers pourraient exister, si les excursions étaient improvisées à la hâte et conduites par des hommes ne connaissant pas les voyages ; mais, sous un chef qui a de la pratique, elles n’offrent aucun risque sérieux. Il y a des guides sûrs dans toutes les vallées, et les clubs alpins suisse et autrichien mettent avec une extrême obligeance au service des caravanes scolaires les avantages de leur puissante organisation. La dépense est ce qu’on veut qu’elle soit.

Les chemins de fer accordent à nos caravanes des réductions de 30 à 50% ; les hôteliers sont toujours disposés à faire des conditions modérées à un groupe nombreux de touristes.

Le résultat est d’avoir, en dix-huit années, fait voyager dans les plus belles parties des Alpes françaises, en Suisse, en Italie, en Autriche, en Turquie, en Grèce et conduit jusqu’au cap Nord, plus de quatre cents élèves, qui sont chaque fois revenus en France avec des trésors de santé, les calepins bourrés de notes et de croquis, le cœur débordant d’enthousiasme. Ce qu’ils rapportent surtout de ces voyages à l’étranger, c’est la résolution de travailler au bien de leur pays, de cette France qu’ils aiment et admirent plus encore, après avoir vu de près les autres peuples1.

On connaît les travaux d’historiens du voyage comme Sylvain Venayre, Antoine de Baecque ou Philippe Antoine, qui ont interrogé les pratiques viatiques au prisme des notions d’aventure2, de randonnée3, de marche4, de promenade5 ou de pèlerinage6. Et l’on connaît aussi les études de Dominique Lejeune7, Alain Corbin8 ou encore Philippe Tétart9 sur l’histoire du sport, de l’alpinisme et des loisirs considérée dans ses rapports avec la question éducative10. Cependant, on connaît moins les « caravanes » scolaires du Collège Albert le Grand d’Arcueil, c’est-à-dire ces excursions de groupes d’élèves, en milieu montagnard le plus souvent, qui furent organisées et encadrées par leurs enseignants, du seuil des années 1870 jusqu’au début du xxe siècle. Et surtout, elles n’avaient pas encore été étudiées comme nous proposons de le faire ici dans la double perspective d’une histoire des voyages et de l’activité physique comme outil éducatif. Cet article s’appuiera sur un dossier de sources inédites consacrées à la vingtaine de « caravanes » qui furent mises en place par l’ordre dominicain, comprenant des témoignages rétrospectifs d’élèves et d’enseignants y ayant pris part, ainsi que des textes et correspondances laissés par les principaux animateurs du mouvement.

Le Tiers-Ordre enseignant dominicain rassemblait des éducateurs travaillant dans la lignée de Lacordaire, dans le cadre d’établissements confessionnels comme Sorèze, dans le Tarn, Arcueil, dans le Val-de-Marne, ou bien Oullins, près de Lyon. En lien avec l’enseignement dispensé sur place, ces caravanes permettaient de faire découvrir aux élèves des pays nouveaux. Olivier Hoibian avait mentionné ces caravanes scolaires dans son histoire du Club Alpin Français, qui fut lié au lancement de cette initiative à partir de 1874, ainsi que dans ses travaux sur l’alpinisme et les sports de plein air pour les jeunes11. Il s’agira ici plus précisément de traiter des excursions effectuées par les élèves de l’École Albert le Grand pour situer ce mode de voyage éducatif par rapport à la chronologie des voyages de jeunes encadrés par des adultes qui conduit, au xxe siècle, aux patronages, aux colonies de vacances, aux classes vertes et aux initiatives de Résistants comme Hélène et Philippe Viannay avec le Centre nautique des Glénans.

Après avoir replacé cette entreprise des caravanes d’Arcueil dans son contexte (idéologie patriotique, héritage des « tours » inspirés ou imités du voyage de formation et de culture à l’anglaise, importance de figures comme celle de Rodolphe Töpffer), nous analyserons ainsi le rôle éducatif prêté à ces caravanes scolaires, et tenterons de montrer en quoi cette innovation a pu être influencée par la pédagogie propre à chaque établissement, jusqu’à permettre aux écoles de décider de leur propres itinéraires en élargissant leurs horizons vers d’autres sites, y compris en dehors de la montagne et hors de France.

Mens sana in corpore sano

Des voyages patriotiques

Lorsque l’École Albert le Grand ouvre ses portes, en 1863, le Conseil Provincial du Tiers-Ordre enseignant confie sa direction au Père Eugène Captier, alors prieur du Collège Saint-Thomas-d’Aquin d’Oullins, près de Lyon. L’établissement est situé à Arcueil (Val-de-Marne), dans l’ancienne résidence du chimiste Berthollet. Dès 1865, il est complété par une « École Préparatoire » de grands élèves en vue du baccalauréat ès sciences et des grandes écoles de l’État comme Saint-Cyr, Navale ou Polytechnique. Durant la guerre de 1870-1871 et le Siège de Paris est créée « l’Ambulance des dominicains d’Arcueil ». Cependant, après l’insurrection du 18 mars 1871, les relations avec les Fédérés sont difficiles. Le 19 mai, les bataillons communards qui tenaient les forts de Montrouge et de Bicêtre, repoussés vers Paris, emmènent en otages le Père Captier, entre autres religieux, les sœurs, ainsi que certains des professeurs et des employés de l’École : le Père et ses douze compagnons tombent sous les balles des Fédérés, le 25 mai, à la barrière d’Italie12. Le Père Lécuyer reprend la direction du Collège13, dont le relèvement est difficile et dont les effectifs baissent nettement. En 1878, en accord avec le Club Alpin Français, le Père Barral de Baret, qui est sur place depuis la fondation, crée cependant les « caravanes d’Arcueil », des voyages scolaires organisés pendant les vacances de printemps et d’été, où participent grands élèves, jeunes anciens et parfois même certains parents d’élèves14. Une autre figure essentielle est par ailleurs celle du Père Henri Didon : à la tête de l’École de 1890 à 1900, il va relancer et transformer l’établissement, complétant notamment le Collège par l’École Laplace, qui prépare aux écoles supérieures d’agriculture et de commerce (il rachète à cette occasion le parc et le château Laplace, mitoyens du site Albert le Grand). Il élargit également l’horizon des caravanes, jusque-là surtout restreint à la France et à l’Italie. Admirateur des collèges anglais, il modernise les programmes d’enseignement et introduit la pratique sportive, dont il avait bénéficié lui-même dès l’époque de sa formation religieuse, dans les années 1850 : au petit séminaire du Rondeau, près de Grenoble, des élèves avaient en effet pris l’habitude, tous les quatre ans, d’organiser des épreuves olympiques inspirées des anciens jeux qu’ils avaient découverts dans le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce de l’abbé Barthélémy, un classique de la littérature scolaire de la fin de l’Ancien Régime et du premier xixe siècle15. À Arcueil, il va créer par exemple un bassin de natation et un manège équestre. Didon a également la réputation d’un libéral, soucieux de réconcilier Église et modernité, et il a pris des initiatives qui en font un précurseur du Ralliement. Pierre de Coubertin fait ainsi appel à lui, à la fin de l’année 1890, pour faciliter l’organisation de rencontres sportives entre établissements confessionnels et écoles publiques laïques16. Les compétitions se tiennent trois mois plus tard, en 1891, et c’est à cette occasion que Didon forge la devise « Citius, altius, fortius » (« Plus vite, plus haut, plus fort »), que Coubertin fait adopter par le Congrès international olympique de la Sorbonne, en 1894, et qui deviendra plus tard la devise du Comité International Olympique17. Mais l’établissement d’Arcueil, qui avait démarré sous le Second Empire malgré une défiance marquée des pouvoirs publics, ne devait pas survivre, à l’orée du xxe siècle, à l’offensive de la République combiste contre les congrégations enseignantes non autorisées. Il ferma ses portes définitivement en 190818.

À côté de personnalités telles que Captier et Didon, celle de Louis Emmanuel Barral de Baret (1837-1897) est tout particulièrement importante. Né à Florensac, près de Béziers, il étudie à Sorèze de 1849 à 1857 sous la direction de Lacordaire. Formé par le Tiers-Ordre enseignant, il y prendra part ensuite lui-même sous la bure dominicaine. Lacordaire voit en lui l’honneur de l’École et lui dédie ses Lettres à un jeune homme sur la vie chrétienne. Aumônier militaire en 1870-1871, Barral a connu l’épreuve de la guerre franco-allemande avant de devenir sous-prieur et censeur à Arcueil19. Pour lui, le patriotisme bien compris consiste à connaître et à aimer son pays en communiquant cet amour et ce savoir à l’étranger, tout en y découvrant les richesses des autres contrées, en s’y ouvrant à l’altérité. Le patriotisme s’inscrit dans l’enseignement prévu à l’époque par tous les établissements de l’ordre dominicain, parmi lesquels Arcueil, dont les élèves sont souvent destinés à des carrières militaires. Dans cette perspective, le voyage contribue à la formation physique, intellectuelle et morale, en lien avec les objectifs des éducateurs, particulièrement ceux du Tiers-Ordre enseignant, qui veulent faire de leurs élèves des hommes accomplis. Et Barral estime ainsi que :

les courses, d’abord modérées puis plus soutenues, l’effort moral nécessaire pour surmonter les émotions ou les difficultés de l’ascension, tout cela repose l’esprit et l’élève, trempe la volonté, développe le corps en assouplissant les membres et en les fortifiant, aiguise le courage, provoque l’initiative individuelle et rend plus homme au sens noble du mot20.

Ce modèle de virilité, que l’on peut rapprocher de celui de l’éducation physique républicaine et du service militaire (réformé précisément dans la France des années 1870 et 1880), est donc implicitement mis au service du relèvement français. C’est d’autant plus manifeste qu’il existait des connexions entre les milieux militaires et la première génération des animateurs du Club Alpin Français.

Le journal présentant les activités de l’Ordre, L’Année dominicaine, rapporte les nouvelles des caravanes régulièrement, et en détaille également le programme :

Ces voyages, tout à la fois amusants, instructifs et hygiéniques, ont aussi pour résultat, non seulement de faire voir à ceux qui les exécutent les pays les plus variés comme sites et comme populations, mais aussi de montrer aux étrangers qu’il existe encore en France des jeunes gens désireux de visiter leur pays, d’en étudier les mœurs et les coutumes et de voir les produits de leur industrie et de leur commerce. Aucune instruction technique, aucun cours de faculté ou d’école spéciale ne saurait approcher, même de loin, une semblable méthode d’éducation. Ceux qui auront participé une ou plusieurs fois à ces excursions, où une franche gaieté n’exclut pas de judicieuses observations, auront sur leurs jeunes compatriotes, assidus seulement du boulevard ou des villégiatures à la mode, la supériorité que donne une expérience acquise pour ainsi dire d’elle-même. Et si un jour ils sont appelés, comme cela arrivera certainement pour plusieurs, à prendre part aux affaires publiques, ils pourront montrer dans leurs relations avec l’extérieur que la pratique des langues et des institutions à l’étranger n’est plus un vain mot inscrit sur un programme officiel. Tout l’honneur en reviendra à celui qui a eu la hardiesse de prendre cette initiative et dont le succès a couronné jusqu’ici les efforts21.

Destinés, donc, à renforcer le patriotisme des élèves et à les préparer à servir fidèlement et efficacement la France, ces voyages ont lieu dans la bonne humeur, sous la direction d’un Père Barral qui a tout du chef d’expédition. Eugène Ebel l’a décrit en caravane : « Le jour du départ était pour lui un jour de bonheur. Il avait retrouvé sa jeunesse, il débordait d’entrain et d’activité ». Quand il arrivait, guêtré de toile jaune, la sacoche en bandoulière et le piolet à la main,

[o]n l’acclamait, on l’applaudissait. Il faisait chorus aux éclats de rire, s’asseyant tout rayonnant, et dès lors il n’était plus le Père Barral, mais le Capitaine de la caravane ; on ne lui donnait plus d’autre nom. Il se montrait en caravane dans sa vraie nature : beaucoup de bonhomie, une rondeur un peu brusque, une franche gaîté22.

Discipline et liberté se mêlent alors : la liberté de discussion entre maîtres et élèves est particulièrement favorisée par ces voyages qui les mènent hors des murs de l’établissement.

Généalogie des caravanes

Les racines de cette entreprise des caravanes d’Arcueil sont complexes. Après le Grand Tour des jeunes gens de l’aristocratie, voyage de culture et de formation mais aussi de maturation du caractère vers l’âge adulte, diffusé en Europe depuis l’Angleterre, les excursions proposant aux enfants des tours nationaux complets ou partiels ont été en vogue à partir des années 1830. Le but était à la fois de leur faire connaître leurs pays respectifs et de leur offrir une sorte de suite d’épreuves physiques et pratiques, encourageant la résistance à l’effort aussi bien que l’esprit d’observation, perspective où l’on reconnaît l’empreinte de Rousseau et également celle des éducateurs allemands23. C’est ainsi qu’en Suisse, au début de la décennie 1830, le pédagogue protestant Rodolphe Töpffer (1799-1846), qui dirigeait une institution privée pour garçons à Genève, entraîne ses élèves dans des excursions pédestres à travers les Alpes. Au retour, il en publie le récit dans les Voyages en zigzag, qui connaissent une grande notoriété24. Cet exemple inspire les caravanes d’Arcueil du point de vue des pratiques du voyage pour jeunes aussi bien que pour l’encouragement qui est donné à leur mise en écriture. Töpffer est en effet à l’origine d’une « littérature d’estampes », souvent brillante et enjouée, dont peu de caravanes françaises seront en mesure de relever le défi. C’est tout un exercice d’écriture qui se met aussi en place au retour, chez les élèves mais aussi chez les maîtres accompagnateurs qui, dans le cas d’Arcueil, adressent leurs comptes rendus au Club Alpin Français. Le ton du Père Barral est cependant différent de celui de Töpffer, car il prend beaucoup moins le parti des rapprochements humoristiques entre textes et images et n’hésite pas à témoigner de son admiration devant certains paysages qui cultivent en l’homme ce que celui-ci a de plus noble :

L’effort de l’ascension, les effets de l’altitude, la confrontation au spectacle grandiose de la haute montagne inspirent des pensées plus nobles. Ils conduisent à une sorte d’élévation spirituelle et à un détachement des contingences habituelles souvent empreintes d’une certaine médiocrité de sentiments25.

Mais pour mieux comprendre comment l’on passe de Töpffer à Barral, donc comment un modèle protestant s’exporte vers un contexte catholique, il faut suivre la généalogie de ces projets de voyages éducatifs. Une figure importante dans cette perspective est celle d’Émile Talbert (1820-1882)26, d’abord censeur au lycée de Rouen (1854), puis à Louis-le-Grand (1855), et enfin directeur du collège municipal Rollin de 1864 jusqu’à sa retraite en 1876. Adhérent au Club Alpin Français, il initie les caravanes scolaires d’abord pour le collège Rollin, puis pour les lycées parisiens : « Ces petites expéditions, dit-il, ont pour but de développer chez la jeunesse française le goût des voyages et surtout des voyages à pied, et de lui faire connaître la France27. » Lors de l’un de ces voyages, une caravane part du collège Rollin, tandis qu’une autre, dirigée par l’abbé Bugniot, suit l’itinéraire du pasteur Albert Freundler, qui avait lui-même suivi les deux derniers voyages en zigzag dirigés par son maître Töpffer. Le toast d’un banquet scelle cette amitié œcuménique28.

Une fois à la retraite, Talbert rédige29 l’article « Club Alpin » du Diction-naire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson30 – autre pédagogue lié au protestantisme –, avant de publier Les Alpes, études et souvenirs. Dans ces textes, il indique que son entreprise a reçu l’appui de ministres de l’Instruction publique, et revendique le fait de s’être inspiré de Töpffer :

Ces Voyages en zigzag sont devenus nos caravanes scolaires. C’est un article suisse que j’ai contribué à importer en France […] en faisant avec mes élèves des caravanes scolaires – comme M. Jourdain faisait de la prose – sans le savoir, le nom n’étant pas encore inventé. Depuis la fondation du Club Alpin en 1874, c’est sous sa marque qu’elles circulent en France et à l’étranger31.

En outre, il précise qu’il s’agissait d’éloigner les jeunes de l’énervement suscité par les activités des villes, de développer leur connaissance du pays, de renforcer leur santé, et de travailler (comme le fait le service militaire) à leur endurcissement.

Il faut souligner aussi que Talbert était un ancien élève d’Oullins, où le collège Saint-Thomas d’Aquin était dirigé par le Tiers-Ordre enseignant. Talbert avait rencontré Barral à Paris et lui vanta les bienfaits des excursions en montagne pour la santé des enfants, ce qui incita Barral à organiser pour son propre collège des voyages en groupes, qu’il accompagna dix ans durant à travers le Dauphiné, la Suisse, le Tyrol, l’Engadine, etc. Leur communauté d’idées en matière d’éducation et de patriotisme se doublait, bien entendu, d’une vraie communion religieuse. Une anecdote tragique est à cet égard révélatrice : Barral, lors d’une visite improvisée chez son ami, découvre celuici à l’agonie, lui demandant les derniers sacrements32… C’est donc aussi une amitié de coreligionnaires qui s’était établie entre ces maîtres d’œuvre des caravanes scolaires, véritables pionniers qui marquent les élèves et leurs projets d’écriture – les figures d’accompagnateurs jouant dans le projet éducatif comme dans la mise en récits de ces voyages un rôle aussi important que les lieux visités.

Les caravanes racontées par les élèves

En relation avec les objectifs pédagogiques des voyages formateurs pour la jeunesse, une citation du Père Lacordaire (Lettres inédites) mérite d’être rappelée : « Les voyages achèvent l’homme, donnent un nouveau tour à son esprit, agrandissent son imagination et lui font aimer sa patrie33 ». Le Tiers-Ordre enseignant se place donc dans la droite ligne du fondateur et de sa conception de la valeur pédagogique des excursions. Dans cette perspective, un texte en particulier mérite de retenir l’attention : deux des onze jeunes participants à la première caravane d’Arcueil34, Eugène Ebel et Georges Muleur35, en retracent l’itinéraire dans un ouvrage dont certaines illustrations reproduisent les photos prises par leur accompagnateur. Ils le dédient aux élèves des collèges de France et principalement à leurs condisciples des écoles dominicaines de la Congrégation enseignante : Arcueil, Oullins, Sorèze, Saint-Brieuc et Arcachon.

Ils racontent leur périple de trente-et-un jours accompagnés de deux maîtres, présentant aussi avec humour leur inexpérience :

Nous n’avons pas la prétention de faire œuvre de littérature ni d’élever un monument de critique. Sur le conseil de nos maîtres, nous avons pris quelques notes et consigné dans nos carnets les souvenirs les plus frappants : les voilà, mais en ordre et cousus les uns sur les autres, tant bien que mal, comme nous avons pu le faire. Si ces écrits ont la bonne fortune de faire naître dans le cœur de quelques-uns de nos condisciples le désir de tenter une pareille entreprise, nous serons contents. Mais nous le serions encore plus d’être de la partie, et nous bénissons la providence de Dieu de ménager à notre jeunesse des délassements qui, suivant une heureuse expression, « achèvent l’homme », en fortifiant son corps et en élevant son âme36.

Les considérations hygiénistes sur les activités de plein air à l’origine de ces voyages sont associées, pour ces écoles, à l’idée d’admirer la Création, œuvre divine. Cet aspect est par ailleurs dans la droite ligne de l’idée thomiste de développer le Bien, le Bon et le Beau :

À notre âge, on est moins insensible qu’on ne le croit aux charmes de la nature. Nous sommes calomniés et, puisque l’occasion s’en présente, nous protestons de toutes nos forces contre cette réputation imméritée37.

Le rôle éducatif des caravanes scolaires : les spécificités d’Arcueil

Sous la direction des Pères

Après avoir replacé l’entreprise des caravanes d’Arcueil dans son contexte, nous allons à présent nous concentrer sur ses spécificités, notamment éducatives. Le 9 août 1878, le voyage de la première caravane d’Arcueil commence par une messe à l’église Notre-Dame des Victoires pour se placer sous sa protection. Les voyageurs rencontrent le directeur du Club Alpin avant de prendre le train gare de Lyon en rêvant déjà de Belledonne et de la Mer de Glace. Le ton est lyrique. La gare leur semble une prison, et le désir d’évasion fait naître les images espérées de la destination :

Nous n’étions qu’à Fontainebleau et déjà par l’étroite portière du compartiment, et l’imagination aidant, nous avions vu des forêts plus impénétrables, des sapins plus antiques et plus moussus que n’en contient tout le massif de la Grande Chartreuse38.

De leur propre aveu, certains élèves n’ont vu comme montagnes que « Montmartre, le Mont Valérien ou les collines de Normandie39 ». Des surnoms sont par ailleurs donnés afin de renforcer l’esprit d’équipe, comme le Brigadier, M. Conseil – « qui a en grande estime le proverbe Mens sana in corpore sano40 » –, le Docteur, Maître Croqueur, le Procureur, Frère Anonyme, Frère Placide, l’Historiographe, le Pharmacien, etc.

Les prêtres accompagnateurs sont le Père Barral et le Père Lachau, originaire du Dauphiné, qui a selon les élèves l’« allure d’un colonel en activité de service41 ». Les préceptes alimentaires du vendredi sont respectés, et le parcours est jalonné par des passages dans des communautés dominicaines ou amies – passages propres au réseau de l’École –, puis par des séjours dans des hôtels en lien avec les recommandations du Club Alpin. Les voyageurs passent d’abord par Coublevie, noviciat des dominicains. Là-bas, le Père Barral leur donne des explications sur les projets de décoration de son confrère le Père Lécuyer, implantant déjà le périple dans l’histoire de l’ordre et de l’institution, en lien donc avec l’histoire et la vie d’Arcueil. Ils rejoignent ainsi Chalais, noviciat des dominicains du Tiers-Ordre enseignant où Lacordaire était présent de 1862 à 1865. Certains sites donnent lieu à la lecture de poésies, comme le Bret avec la fontaine du Vieil-Homme et sa légende, lue par le Père Lachau42. Les élèves ont donc la surprise de découvrir de nouvelles références littéraires in situ, leurs enseignants ne leur ayant pas annoncé cette lecture et n’hésitant pas à faire ce type de pauses littéraires lors du périple. Et de la même manière, en Italie, les voyageurs vont visiter les lieux notables de pèlerinages dominicains, comme Bologne, où se trouve le tombeau de saint Dominique.

La nature constitue également une révélation pour ces jeunes gens, qui apostrophent leurs camarades à ce sujet :

Ah ! chers condisciples, où étiez-vous pendant ce temps-là ? Peut-être dans un brillant salon peuplé de cartes, de dominos, de visiteurs, de compliments et d’ennuis, peut-être dans un bel équipage attelé de pur-sang intrépides, peut-être à la chasse, peut-être à la pêche. Prosaïsme que tout cela ! Vous étiez où vous ne deviez pas être, vous n’étiez pas à Chalais ! C’est là qu’on se sent vivre, c’est là que le cœur s’agrandit, que l’esprit et l’imagination prennent de l’envergure tandis que la volonté se trempe comme de l’acier43.

Pour célébrer ces expériences formatrices, les enfants entonnent des chants, et notamment « Les enfants d’Arcueil », l’hymne de leur établissement, dont le livre reprend aussi la devise, constituée des dernières paroles adressées par le Père Captier à ses camarades fusillés avec lui en 1871 : « Allons, mes Amis, pour le Bon Dieu ». Le blason d’Arcueil et celui du Club Alpin Français figurent également entremêlés sur l’ouvrage d’Ebel et Muleur : on retrouve le blason avec la croix et la palme du martyre, les branches bicolores en noir et blanc de la croix de l’ordre des Frères Prêcheurs, les étoiles de la couronne de la Sainte Vierge, le piolet avec le drapeau du Club et le bâton de marche.

Enseignement libre

Il ne faudrait pas penser pour autant que le voyage devient austère ou excessivement solennel. Si les accompagnateurs en dessinent les grandes lignes éducatives, les élèves, en leur qualité d’apprentis écrivains, sont aussi pour beaucoup dans ce que devient le voyage. L’expédition est ainsi rythmée par plusieurs péripéties (comme la chute du mulet avec sa cargaison ou des rencontres avec les habitants intrigués par le passage de la caravane) qui fournissent le prétexte à des passages comiques dans le récit : ainsi, certains prennent les voyageurs pour une troupe de saltimbanques se rendant à la foire de Grenoble. Ils croisent également de jeunes Anglaises cherchant une diligence. Un élève a fait tomber son chapeau en forêt, ce qui donne lieu à de nouvelles péripéties lorsque deux vaches lui barrent la route. L’autodérision est de mise :

Heureusement personne n’avait de respect humain. Là où la pente était trop rapide, on s’aidait de ses bras, de ses mains, on glissait sur le derrière et l’on arrivait ainsi en bas aussi vite que les camarades ! Nos sacs nous jouaient de vilains tours, car ils déplaçaient le centre de gravité, et ils furent la cause de bien des chutes. Nous acquîmes ainsi la preuve que nous étions des montagnards encore bien novices. Enfin, après une bonne heure de marche, égayée par les rires qu’excitaient nos dégringolades, et en particulier celles du procureur qui voulait cueillir toutes les fraises qu’il rencontrait, nous arrivâmes dans la vallée de la Charmette au chalet des gardes forestiers44.

Cela dit, la liberté que suppose l’autodérision est aussi l’occasion de développements sérieux. Dans leur livre, les élèves ne manquent pas de mettre en avant la liberté de l’enseignement comme à l’occasion de leur rencontre avec des Chartreux à La Charmette :

Quel spectacle ! Quelle impression une pareille apparition n’eût-elle pas faite dans ce désert à un homme du monde qui en aurait été témoin ! Si les malheureux qui ont la haine des Instituts religieux pouvaient voir de telles scènes, puis suivre ces moines, entrer avec eux dans leurs cellules, vivre de leur vie pendant quelques jours, surprendre les prodiges de patience et de charité qu’ils accomplissent, pour appeler sur ceux qui les persécutent la miséricorde de Dieu, combien ils reconnaîtraient vite qu’on les trompe et que la vraie liberté, la vraie égalité, la vraie fraternité, si elles se trouvent quelque part sur la terre, se trouvent dans le cloître45 !

Leurs observations permettent donc aussi aux élèves d’argumenter sur la liberté d’enseignement en faisant le lien avec la situation politique de leur pays et en rappelant ainsi la spécificité de leur éducation. Évoquant Savonarole lors des visites culturelles en Italie, ils établissent un parallèle avec Lacordaire, réformateur de l’Ordre dominicain en France :

nous savions que peu d’hommes ont aimé aussi ardemment que lui la vérité et la liberté. C’est ce double amour qui a ressuscité en France l’ordre de saint Dominique46.

Nouveaux itinéraires : du partenariat au choix de nouveaux sites

De la Montagne Noire au Monténégro

Le choix d’itinéraires s’écartant des sentiers battus fait également partie de la stratégie pédagogique des organisateurs des caravanes. Il peut prendre deux formes : soit les caravanes empruntent des chemins difficiles, notamment en montagne ; soit les voyageurs quittent la France pour faire l’expérience de l’étranger. Selon Olivier Hoibian, les caravanes d’Arcueil figuraient parmi « les plus audacieuses par l’altitude (plus de 4 000 m) et par l’éloignement (voyage en Bosnie-Herzégovine)47 ». Lors de la quatrième caravane, en août 1881, les courses dans l’Oisans sont encadrées par des alpinistes réputés comme Pierre Gaspard et son fils (qui avaient été, avec Emmanuel Boileau de Castelnau, les premiers à faire l’ascension de la Meije en 1877). Ce goût des chemins difficiles n’est pas sans rapport avec le fait que le Père Didon, ami de Pierre de Coubertin, avait introduit la pratique de sports athlétiques dans les programmes de l’École.

Mais, au-delà de cette dimension sportive des caravanes, les organisateurs font franchir les frontières nationales aux élèves, ce qui peut répondre à des préoccupations d’éducation sociale :

Ces voyages sont aussi une façon de préparer les jeunes à la vie sociale et presque mondaine de la bonne bourgeoisie. […] Si on sort de France, la visite au consulat, voire à l’ambassade de France, est presque de rigueur. La caravane menée par l’abbé Barral en Bosnie rencontre même l’évêque de Maglaj48.

Toutefois, il ne s’agit pas là seulement de sociabilité : ces nouveaux itinéraires répondent à l’invitation de Mgr Strossmayer (1815-1905), archevêque de Dakovo, en Croatie, depuis 185049 – lequel, après avoir bâti sa cathédrale, pense s’inspirer des caravanes pour les jeunes de son université. Parmi celles du voyage de la neuvième caravane50, le Père Barral a conservé la photographie de cette figure du catholicisme balkanique51, que L’Année dominicaine d’août 1887 décrivait comme un évêque patriote, illustre pour avoir appelé les Slaves du Sud à la Renaissance littéraire. La treizième caravane retourna d’ailleurs le rencontrer, avec le Père Didon, en 1889-1890. Le 2 mai 1886, alors qu’il songe à la préparation de la neuvième caravane, Barral note donc :

J’ai reçu de Monseigneur Strossmayer, évêque de Croatie, une lettre nous invitant à aller chez lui, il a ce grand désir de voir comment les caravanes fonctionnent et voudrait pousser les jeunes gens de son pays dans cette voie52.

L’archevêque souhaite de fait promouvoir l’enseignement supérieur dans son diocèse, et il compte s’inspirer de ces voyages rappelant le Grand Tour à travers l’Europe53. Le 30 du même mois, dans une lettre où il demande l’imprimatur à son supérieur pour le récit de voyage de l’été précédent, même si cela ne lui est pas nécessaire (puisqu’il ne s’agit pas d’une œuvre de théologie, de philosophie ou d’histoire), Barral ajoute concernant le prélat :

J’ai le désir et l’intention d’aller en août prochain en Tyrol et en Bosnie pour profiter de l’invitation de Monseigneur Strossmayer, le grand prélat croate. Je vous envoie sa lettre afin que vous puissiez voir par vous-même ses sentiments vis-à-vis de nous et de nos voyages scolaires. J’arriverai dans ce pays avec toutes les recommandations possibles, car nos amis de Paris nous offrent leurs bons services, auprès des gouvernements hongrois, autrichiens et slaves. Voici mon itinéraire grosso modo54 […].

Il compte s’adjoindre un groupe de cinq à dix touristes liés à Arcueil – notamment Ebel et Muleur –, ainsi qu’un ou deux pères d’Arcueil, sans oublier le Père Guyot, pour sa connaissance de l’allemand. Les correspondants de Barral se réjouissent qu’il soit en contact avec le prélat, dont les liens avec le catholicisme intransigeant et avec le nationalisme croate sont parfaitement connus.

La neuvième caravane visite donc le Tyrol, la Bosnie, l’Herzégovine, le Monténégro et les côtes de Dalmatie. Le Père Barral, lui-même ancien élève de Sorèze, dans la Montagne Noire, conduit ses élèves en direction du Monténégro, où ils visitent Cetinje. Sur la présentation d’un ministre, le prince du Monténégro Nicolas Ier leur accorde une audience dans le grand salon du palais avant de demander à ses équipages de les conduire à Cattaro, en recommandant à la caravane de lui écrire :

Le prince Nikita, qui se trouve dans toute la force de l’âge, réalise, au physique comme au moral, le type du parfait chevalier. […] Son fils, le prince héritier, âgé de quatorze ans, est déjà presque aussi grand que son père. […] – Mon fils, nous dit le prince, termine en ce moment ses études à Pétersbourg. Quand il aura votre âge, je le ferai voyager comme vous pour compléter son instruction55.

Ainsi, grâce à la forme d’indépendance qu’Arcueil a toujours conservée dans l’organisation de ses caravanes, celles-ci se détachent finalement de l’alpinisme et des circuits du Club Alpin Français pour s’aventurer dans d’autres pays choisis en fonction des contacts et des intérêts des professeurs. Ce qui ne signifie nullement que la dimension sportive et hygiéniste de ces voyages disparaît. Ainsi, le Père Didon conduit ses élèves aux Jeux Olympiques, en Grèce :

En 1894, la dix-neuvième Caravane d’Arcueil se rendit à Constantinople par Vienne, Budapest, Belgrade, Sofia et la Grèce. On visite notamment le Mont Athos, Athènes, Sparte, Olympie et Patras. En 1896, lors des Jeux Olympiques, non seulement le Père Didon entraîna ses disciples aux Olympiades ressuscitées mais, pour la course de 1500 mètres, sur sept athlètes qui se présentaient pour disputer l’épreuve, le seul français qui se mit en ligne était un élève d’Arcueil : J. de la Mézière, âgé de 17 ans.

D’autres grands voyages à l’étranger peuvent par ailleurs être mentionnés : le 1er janvier 1893, le Père Barral organise pour Pâques une caravane à Rome, pour le jubilé épiscopal du pape Léon XIII, et la vingt-troisième caravane, en 1901, va dans les îles Britanniques avec le Père Le Roy56.

Des voyages « écologiques » avant l’heure ?

Ce qui est important également, c’est que ces voyages, à l’étranger comme en France, donnent aux élèves l’occasion de croiser des représentants d’autres milieux sociaux ou d’autres spécialités professionnelles. Croisant à l’occasion des touristes venus d’Angleterre, les jeunes gens découvrent au fil de leurs voyages scolaires des populations très variées. C’est toute la société qui défile, depuis le jeune souverain italien Humbert Ier, accoudé à la balustrade de son wagon lorsqu’ils arrivent à Milan en même temps que le train royal, jusqu’à des bergers dans les montagnes, qu’ils parlent, selon leurs propres termes, d’« apprivoiser » en se renseignant sur leur métier et leur vie57. Ils photo-graphient et dessinent les costumes, et visitent des fabriques – comme une manufacture d’anis à Flavigny, observant ainsi à la fois l’élaboration d’une spécialité locale et le fonctionnement d’une entreprise. C’est donc un large éventail de la population qui s’offre aux jeunes voyageurs.

Tout comme le Club Alpin Français, les caravanes d’Arcueil se trouvent au cœur des débats sur l’industrialisation et l’exode rural, à mi-chemin entre le tournant causé par l’essor de ce tourisme dont ils sont les pionniers et l’exigence naissante de préservation de la nature :

Mais, depuis vingt ans, le désert de la Grande-Chartreuse a cessé d’être désert […], observent par exemple Ebel et Muleur : on exploite vigoureusement les forêts ; on bâtit des usines, et dans quelques années, il ne restera que le souvenir de ces admirables solitudes et de ces pays enchanteurs58.

Les avis des jeunes voyageurs et de leur encadrement sont cependant loin d’être unanimes sur le sujet, comme le montre le passage suivant, où la caravane suit le Guiers et franchit le pont Pérant, à 42 m au-dessus du torrent :

À partir de ce moment le gracieux succède au grandiose, jusqu’au moment où on arrive aux usines de la Société Vicat. Là, la poésie cesse et la prose commence. La route est défoncée par les charrettes qui portent la pierre ; l’air est obscurci et empesté par la fumée sulfureuse des fours ; le torrent est déparé par des prises d’eau ; aussi nous maudissons cette soif du lucre qui n’a pas su respecter cette route de la Chartreuse si admirée, si aimée et si populaire. Je me trompe, nous n’étions pas tous unanimes dans nos malédictions. Frère Jacques, qui ne voit rien de supérieur à une machine à vapeur ou à une roue hydraulique et qui hait les arts et les lettres, parce qu’il étudie les sciences, s’écrie avec enthousiasme : « Ce n’est pas Cicéron qui aurait trouvé cela59 ! »

Ces considérations renvoient aux débats qui ont traversé l’Église catholique elle-même, autour de l’acceptation du progrès technique. Comme l’a noté Michel Lagrée,

[i]l y avait pourtant dans [la résistance de certains hommes d’Église au progrès technique] quelque paradoxe, puisque ces imprécateurs, à l’évidence, savaient utiliser le chemin de fer quand ils en avaient besoin60.

De même, cette hésitation entre bienfaits et méfaits du progrès par rapport à la tradition se retrouve dans la littérature scolaire ou parascolaire qui met en scène les « tours de la nation par des enfants ». Car l’un des objectifs de ces tours, dont l’un des plus célèbres est le volume consacré à la France par Augustine Fouillée, sous le pseudonyme de G. Bruno, en 1877, est de rallier la jeunesse à l’idée d’un progrès maîtrisé, qui ne serait pas facteur de désordres sociaux mais qui favoriserait un développement bien canalisé de la tradition61.

Talbert se fait d’ailleurs également l’écho des débats entre respect de la nature et développement du tourisme concernant le chemin de fer et autres aménagements près de Grenoble :

On a crié à la profanation, de même qu’un alpiniste anglais a protesté contre les refuges et tout ce qui rend moins difficiles les grandes excursions. Ces conservateurs de la nature sauvage ne rappellent-ils pas des conservateurs d’un autre genre dont P.-L. Courier62 se moque agréa-blement ? « S’ils avaient, dit-il, vécu au moment de la Création, ils se seraient écriés : Seigneur, conservez le chaos63 ».

Il y a donc presque une réflexion « écologique » avant l’heure chez les voyageurs d’Arcueil – et ce d’autant plus qu’ils empruntent des routes auparavant peu fréquentées ou mal connues, dont l’aspect sauvage contraste avec celui d’autre lieux, où le Père Lacordaire avait pu encore emprunter de modestes chemins, mais que la construction de grandes routes avait largement transformés depuis déjà vingt ans64. L’équilibre entre l’invitation à la découverte de la montagne et la préservation de ses espaces préoccupait bien évidemment le Club Alpin Français, puisqu’à la même période où étaient construits des refuges s’opéraient, dès 1906, des restaurations de terrains et de sites de montagne.

Conclusion

Les caravanes scolaires en milieu montagnard initiées par le Club Alpin Français à partir de 1874 se développent jusqu’à la Grande Guerre. Si elles déclinent nettement ensuite pour disparaître finalement dans les années 193065, elles n’en constituent pas moins un chapitre très important de l’histoire des voyages éducatifs en France et en Europe. On l’a vu, la multiplication de ces excursions à la fois éducatives et sportives, en résonance avec l’alpinisme mais aussi parfois totalement en dehors, a poussé des générations de jeunes gens à découvrir des lieux pour eux inhabituels et a servi de multiples objectifs. Les caravanes d’Arcueil que nous avons examinées ici s’inscrivent dans le prolongement du modèle expérimenté par Rodolphe Töpffer, tout en mettant en avant les particularités de l’établissement dominicain, et leur succès est en relation avec le développement et la modernisation de l’enseignement libre dans le contexte bien particulier de la France de l’après 1870. Patriotisme, hygiénisme, progressisme modéré deviennent les notions-clefs de ces voyages scolaires catholiques, qui peuvent paraître en phase, par instants, avec l’« esprit nouveau ». Le fait que leur renommée attire l’attention de prélats étrangers comme Mgr Strossmayer et d’autres personnalités, qui s’en inspirent pour leurs propres projets de relèvement ou de raffermissement national, autorise à voir en elles un modèle éducatif d’envergure européenne.

1 Archives Dominicaines de la Province de Toulouse (désormais ADPT), École Albert le Grand, p. 25. Pochette Arcueil (1902-1907), B5.

2 Voir les travaux de Sylvain Venayre : La Gloire de l’aventure. Genèse d’une mystique moderne : 1850-1940, Paris, Aubier, 2002 ; et Idem, « L’

3 Voir par exemple Antoine de Baecque (textes choisis et présentés par), Les Écrivains randonneurs, Paris, Omnibus, 2013.

4 Voir notamment Idem, Une histoire de la marche, Paris, Perrin, 2017 ; et Idem, La Traversée des Alpes : essai d’histoire marchée, Paris, Gallimard

5 Voir Philippe Antoine, Quand le voyage devient promenade, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011.

6 Voir Sylvain Venayre, « Catholicisme, romantisme et tourisme : le pèlerin en France de 1815 à 1870 », dans Dominique Dinet, Jean-Noël Grandhomme et

7 Voir Dominique Lejeune, Les “Alpinistes” en France à la fin du xixe et au début du xxe siècle (vers 1875-vers 1919). Étude d’histoire sociale, étude

8 Voir par exemple Alain Corbin (dir.), L’Avènement des loisirs (1850-1960), Paris, Flammarion, 1995. 

9 Voir notamment Philippe Tétart, Histoire du sport en France. Le temps de la conquête, 1850-1945, Paris, Vuibert, 2007.

10 Voir Sylvain Venayre, « Du récit élitaire au roman démocratique : les avatars littéraires du “Grand Tour” dans la France du xixe siècle », dans

11 Voir Olivier Hoibian, « Les voyages pédestres de scolaires à la fin du xixe siècle. Santé, éducation et littérature de voyage », Babel, n° 20, 2009

12 Sur l’œuvre de Captier, voir notamment Philippe Blanc, « Le père Captier, éducateur de la jeunesse, disciple de Lacordaire », Mémoire dominicaine

13 On emploie le terme « École » au sens générique, pour désigner l’établissement scolaire, tandis que le mot « Collège » sert davantage à distinguer

14 D’où lectures de C. Cavallier, Les Caravanes d’Arcueil (1re et 4e) Montpellier 1885 ; 4e 1881 Oisans ; abbé Barral 5e 1882, 6e 1883, 7e 1884 ; avec

15 Voir Jean-Jacques Bruxelle, « Le Père Henri Didon (1840-1900) et une certaine conception de l’élitisme », Educatio. Revue scientifique de l’

16 Voir notamment Alain Arvin-Bérod, Les Enfants d’Olympie, 1796-1896, Paris, Éditions du Cerf, 1996 ; et Idem, « Et Didon créa la devise des Jeux

17 Yvon Tranvouez, « DIDON Henri », Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, <http://journals.openedition.org/dominicains/1827> (consulté le 18

18 Les locaux furent acquis par la Caisse des dépôts et consignations, qui y est toujours installée.

19 Prieur en 1889-1890.

20 Archives de la Province Dominicaine de Toulouse (ci-après APDT), texte du Père Barral sur l’Otler, p. 41 ; Dossier Caravanes scolaires.

21 L’Année dominicaine, novembre 1887, p. 542.

22 APDT, Eugène Ebel, Notice manuscrite sur le Père Barral, p. 8.

23 Voir sur G. Bruno et Töpffer : Francis Marcoin (dir.), Cahiers Robinson, n° 3 (« Voyages d’enfants : “Tours” »), 1998.

24 Olivier Hoibian, « Les voyages en zigzag de Rodolphe Töpffer », Babel, n° 8, 2003, <http://journals.openedition.org/babel/1311> (consulté le 19 avr

25 Idem, « Les voyages pédestres… », op. cit.

26 Voir sa notice dans Patrick Dubois (dir.), Le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson. Répertoire biographique des

27 Voir l’article « Talbert, Émile (1820-1882), de l’École normale au Club alpin », dans TEXTES RARES. Témoignages sur le monde de l’édition du xve au

28 Eugène Ebel et Georges Muleur, La Première Caravane d’Arcueil : récit de voyage de la caravane scolaire de l’école Albert le Grand pendant les

29 Patrick Dubois, « Le Dictionnaire de F. Buisson et ses auteurs (1878-1887) », Histoire de l’éducation, n° 85, 2000, <http://journals.openedition.or

30 Paris, Hachette, 1878.

31 Émile Talbert, Les Alpes, études et souvenirs, Paris, Hachette, 1904, p. 131.

32 APDT, Notice sur le Père Barral, p. 15.

33 Ibid., p. 7.

34 Voir E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, op. cit.

35 Le premier, né en 1860, deviendra professeur ; le second, né en 1858, médecin. Voir la notice suivante, en ligne : <http://www.bib

36 E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, op. cit., p. 6.

37 Ibid., p. 27.

38 Ibid., p. 14.

39 Ibid., p. 24.

40 Ibid., p. 55.

41 Ibid., p. 23.

42 Voir A. Des Monts, Voiron et le Bret. Notes d’un voyage humoristique et descriptif, Grenoble, Xavier Drevet éditeur, 1877. Disponible également sur

43 E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, p. 54-55.

44 Ibid., p. 68.

45 Ibid., p. 71.

46 Ibid.

Ibid., p. 183.

47 Olivier Hoibian, Les Alpinistes en France, 1870-1950 : une histoire culturelle, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 45.

48 Jean-Paul Zuanon, « Quand montagne rimait avec patriotisme, les annuaires du CAF (1874-1903) », Babel, n° 20, 2009, <http://journals.openedition.or

49 Notice biographique sur le site de son diocèse, en ligne : <http://djos.hr/spomen-muzej-biskupa-josipa-jurja-strossmayera> (consulté le 19 avril

50 Il n’y a pas de mention du Père Barral et des caravanes dans la biographie du prélat par Matija Pavić et Milko Cepelić, Josip Juraj Strossmayer

51 Voir la deuxième photographie présentée sur ce document, en ligne : <http://djos.hr/wp-content/uploads/2014/04/04-02-ispravno-stross.pdf> (consul

52 APDT, Lettre du Père Barral, Enveloppe Barral de Baret (1881-1883).

53 Notice « Strossmayer », encyclopédie Catholicisme, fasc. 65, Paris, Letouzey et Ané, 1994, p. 506.

54 APDT, Lettre du Père Barral, Enveloppe Barral de Baret (1881-1883).

55 Voir supra, note 14, « 10e en pays slave », p. 29. 

56 L’Univers, n° 2519, jeudi 26 juillet 1888. APDT, Carton Congrégation Enseignante Papiers Photos et Souvenirs des Religieux (grand format) 3 Didon.

57 E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, op. cit., p. 64.

58 Ibid., p. 73.

59 Ibid., p. 91-92.

60 Michel Lagrée, La Bénédiction de Prométhée. Religion et technologie, xixe-xxe siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 223.

61 Voir notamment les analyses de Patrick Cabanel, Le Tour de la nation par des enfants. Romans scolaires et espaces nationaux, xixe-xxe siècles

62 1772-1825, écrivain et pamphlétaire.

63 É. Talbert, Les Alpes…, op. cit., p. 180. Cette sensibilité nouvelle à la nature alpestre, que les visiteurs du début du xixe siècle percevaient

64 E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, op. cit., p. 68.

65 Voir O. Hoibian, « L’œuvre des “caravanes scolaires”… », op. cit.

Notes

1 Archives Dominicaines de la Province de Toulouse (désormais ADPT), École Albert le Grand, p. 25. Pochette Arcueil (1902-1907), B5.

2 Voir les travaux de Sylvain Venayre : La Gloire de l’aventure. Genèse d’une mystique moderne : 1850-1940, Paris, Aubier, 2002 ; et Idem, « L’alpinisme, une aventure ? Remarques sur l’historicité de l’aventure », dans Olivier Hoibian et Jacques Defrance (dir.), Deux siècles d’alpinismes européens. Origine et mutations des activités de grimpe, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 163-174.

3 Voir par exemple Antoine de Baecque (textes choisis et présentés par), Les Écrivains randonneurs, Paris, Omnibus, 2013.

4 Voir notamment Idem, Une histoire de la marche, Paris, Perrin, 2017 ; et Idem, La Traversée des Alpes : essai d’histoire marchée, Paris, Gallimard, 2014.

5 Voir Philippe Antoine, Quand le voyage devient promenade, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011.

6 Voir Sylvain Venayre, « Catholicisme, romantisme et tourisme : le pèlerin en France de 1815 à 1870 », dans Dominique Dinet, Jean-Noël Grandhomme et Isabelle Laboulais (dir.), Les Formes du voyage. Approches interdisciplinaires, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2010, p. 79-92.

7 Voir Dominique Lejeune, Les “Alpinistes” en France à la fin du xixe et au début du xxe siècle (vers 1875-vers 1919). Étude d’histoire sociale, étude de mentalité, Paris, Éditions du CTHS, 1988.

8 Voir par exemple Alain Corbin (dir.), L’Avènement des loisirs (1850-1960), Paris, Flammarion, 1995. 

9 Voir notamment Philippe Tétart, Histoire du sport en France. Le temps de la conquête, 1850-1945, Paris, Vuibert, 2007.

10 Voir Sylvain Venayre, « Du récit élitaire au roman démocratique : les avatars littéraires du “Grand Tour” dans la France du xixe siècle », dans Christine Bouneau et Caroline Le Mao (dir.), Jeunesse(s) et élites. Des rapports paradoxaux en Europe de l’Ancien Régime à nos jours, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, p. 311-322.

11 Voir Olivier Hoibian, « Les voyages pédestres de scolaires à la fin du xixe siècle. Santé, éducation et littérature de voyage », Babel, n° 20, 2009, <http://journals.openedition.org/babel/674> (consulté le 11 septembre 2020), et Idem, « L’œuvre des “caravanes scolaires” : un programme d’éducation globale à la périphérie de l’école républicaine (1874-1934) », Revue française de pédagogie, n° 195, 2016, <https://journals.openedition.org/rfp/5019> (consulté le 19 avril 2021). Signalons également : Olivier Hoibian (dir.), L’Invention de l’alpinisme. La montagne et l’affirmation de la bourgeoisie cultivée, 1786-1914, Paris, Belin, 2008.

12 Sur l’œuvre de Captier, voir notamment Philippe Blanc, « Le père Captier, éducateur de la jeunesse, disciple de Lacordaire », Mémoire dominicaine, 1993, n° 3 (« Écoles et collèges »), p. 71-84.

13 On emploie le terme « École » au sens générique, pour désigner l’établissement scolaire, tandis que le mot « Collège » sert davantage à distinguer le site arcueillais d’Albert Le Grand par rapport aux autres implantations dominicaines de la région parisienne : Laplace (également à Arcueil), Saint-Dominique et Lacordaire (à Paris).

14 D’où lectures de C. Cavallier, Les Caravanes d’Arcueil (1re et 4e) Montpellier 1885 ; 4e 1881 Oisans ; abbé Barral 5e 1882, 6e 1883, 7e 1884 ; avec E. Ebel : 8e 1885 Ortler ; 1re E. Ebel et G. Muleur 1878, 4e 1881 Oisans, 5e 1882, 8e Caravane 1885 Ortler ; 10e en pays slave G. Demanche 1887, 19e P. Lhermitte 1894 Constantinople et Grèce, 20e Cap Nord 1895, 21e Grèce JO 1896, 24e Égypte et Palestine 1900.

15 Voir Jean-Jacques Bruxelle, « Le Père Henri Didon (1840-1900) et une certaine conception de l’élitisme », Educatio. Revue scientifique de l’éducation chrétienne, n° 5, 2016, <http://revue-educatio.eu/wp/wp-content/uploads/2016/03/E-2.5-Bruxelle-MF_20160315.pdf>.

16 Voir notamment Alain Arvin-Bérod, Les Enfants d’Olympie, 1796-1896, Paris, Éditions du Cerf, 1996 ; et Idem, « Et Didon créa la devise des Jeux Olympiques », Échirolles, Éditions Sciriolus, 2003 [1994].

17 Yvon Tranvouez, « DIDON Henri », Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, <http://journals.openedition.org/dominicains/1827> (consulté le 18 avril 2021).

18 Les locaux furent acquis par la Caisse des dépôts et consignations, qui y est toujours installée.

19 Prieur en 1889-1890.

20 Archives de la Province Dominicaine de Toulouse (ci-après APDT), texte du Père Barral sur l’Otler, p. 41 ; Dossier Caravanes scolaires.

21 L’Année dominicaine, novembre 1887, p. 542.

22 APDT, Eugène Ebel, Notice manuscrite sur le Père Barral, p. 8.

23 Voir sur G. Bruno et Töpffer : Francis Marcoin (dir.), Cahiers Robinson, n° 3 (« Voyages d’enfants : “Tours” »), 1998.

24 Olivier Hoibian, « Les voyages en zigzag de Rodolphe Töpffer », Babel, n° 8, 2003, <http://journals.openedition.org/babel/1311> (consulté le 19 avril 2021).

25 Idem, « Les voyages pédestres… », op. cit.

26 Voir sa notice dans Patrick Dubois (dir.), Le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson. Répertoire biographique des auteurs, Paris, Publications de l’INRP, 2002, p. 127.

27 Voir l’article « Talbert, Émile (1820-1882), de l’École normale au Club alpin », dans TEXTES RARES. Témoignages sur le monde de l’édition du xve au xixe siècle, textes et images / Philosophie française du xixe siècle / Histoire de l’éducation au xixe siècle, <https://www.textesrares.com/pages/Histoire-de-l-education/Talbert-Emile-1820-1882-de-l-Ecole-normale-au-Club-alpin.html> (consulté le 19 avril 2021).

28 Eugène Ebel et Georges Muleur, La Première Caravane d’Arcueil : récit de voyage de la caravane scolaire de l’école Albert le Grand pendant les vacances, Paris, Librairie Victor Lecoffre, 1879, p. 210.

29 Patrick Dubois, « Le Dictionnaire de F. Buisson et ses auteurs (1878-1887) », Histoire de l’éducation, n° 85, 2000, <http://journals.openedition.org/histoire-education/1233> (consulté le 19 avril 2021).

30 Paris, Hachette, 1878.

31 Émile Talbert, Les Alpes, études et souvenirs, Paris, Hachette, 1904, p. 131.

32 APDT, Notice sur le Père Barral, p. 15.

33 Ibid., p. 7.

34 Voir E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, op. cit.

35 Le premier, né en 1860, deviendra professeur ; le second, né en 1858, médecin. Voir la notice suivante, en ligne : <http://www.bibliotheque-dauphinoise.com/premiere_caravane_arcueil_ebel_muleur.html> (consulté le 19 avril 2021).

36 E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, op. cit., p. 6.

37 Ibid., p. 27.

38 Ibid., p. 14.

39 Ibid., p. 24.

40 Ibid., p. 55.

41 Ibid., p. 23.

42 Voir A. Des Monts, Voiron et le Bret. Notes d’un voyage humoristique et descriptif, Grenoble, Xavier Drevet éditeur, 1877. Disponible également sur Gallica : <https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57832720> (consulté le 19 avril 2021). Le touriste passe également par Voiron et visite les mêmes lieux notables du Dauphiné. La légende mentionnée par le Père, qui présente alors cette brochure aux élèves, est à la page 42.

43 E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, p. 54-55.

44 Ibid., p. 68.

45 Ibid., p. 71.

46 Ibid.

Ibid., p. 183.

47 Olivier Hoibian, Les Alpinistes en France, 1870-1950 : une histoire culturelle, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 45.

48 Jean-Paul Zuanon, « Quand montagne rimait avec patriotisme, les annuaires du CAF (1874-1903) », Babel, n° 20, 2009, <http://journals.openedition.org/babel/670> (consulté le 19 avril 2021).

49 Notice biographique sur le site de son diocèse, en ligne : <http://djos.hr/spomen-muzej-biskupa-josipa-jurja-strossmayera> (consulté le 19 avril 2021).

50 Il n’y a pas de mention du Père Barral et des caravanes dans la biographie du prélat par Matija Pavić et Milko Cepelić, Josip Juraj Strossmayer biskup bosansko-djakovački i sriemski god. 1850-1900, Đakovo, Spomen muzej biskupa Strossmayera, 2013. Il n’y a rien non plus dans les archives diocésaines ou au musée de Dakovo les concernant. Merci à l’archiviste Vlatko Dolančić pour ces informations (en date du 31 juillet 2020).

51 Voir la deuxième photographie présentée sur ce document, en ligne : <http://djos.hr/wp-content/uploads/2014/04/04-02-ispravno-stross.pdf> (consulté le 19 avril 2021).

52 APDT, Lettre du Père Barral, Enveloppe Barral de Baret (1881-1883).

53 Notice « Strossmayer », encyclopédie Catholicisme, fasc. 65, Paris, Letouzey et Ané, 1994, p. 506.

54 APDT, Lettre du Père Barral, Enveloppe Barral de Baret (1881-1883).

55 Voir supra, note 14, « 10e en pays slave », p. 29. 

56 L’Univers, n° 2519, jeudi 26 juillet 1888. APDT, Carton Congrégation Enseignante Papiers Photos et Souvenirs des Religieux (grand format) 3 Didon.

57 E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, op. cit., p. 64.

58 Ibid., p. 73.

59 Ibid., p. 91-92.

60 Michel Lagrée, La Bénédiction de Prométhée. Religion et technologie, xixe-xxe siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 223.

61 Voir notamment les analyses de Patrick Cabanel, Le Tour de la nation par des enfants. Romans scolaires et espaces nationaux, xixe-xxe siècles, Paris, Belin, 2007.

62 1772-1825, écrivain et pamphlétaire.

63 É. Talbert, Les Alpes…, op. cit., p. 180. Cette sensibilité nouvelle à la nature alpestre, que les visiteurs du début du xixe siècle percevaient encore bien souvent comme un chaos terrifiant mais que les développements de l’activité touristique contribuaient à « domestiquer », est notamment évoquée dans O. Hoibian (dir.), L’Invention de l’alpinisme…, op. cit., et dans Laurent Tissot, Naissance d’une industrie touristique. Les Anglais et la Suisse au xixe siècle, Lausanne, Payot, 2000.

64 E. Ebel et G. Muleur, La Première Caravane d’Arcueil…, op. cit., p. 68.

65 Voir O. Hoibian, « L’œuvre des “caravanes scolaires”… », op. cit.

Citer cet article

Référence papier

Marie-Thérèse Duffau, « Le Tiers-Ordre enseignant dominicain et les caravanes d’Arcueil », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 18 | 2021, 73-90.

Référence électronique

Marie-Thérèse Duffau, « Le Tiers-Ordre enseignant dominicain et les caravanes d’Arcueil », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 18 | 2021, mis en ligne le 21 septembre 2023, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=90

Auteur

Marie-Thérèse Duffau

Marie-Thérèse Duffau est chargée de recherche à l’UMR 5136 FRAMESPA. / Marie-Thérèse Duffau is a research assistant at UMR 5136 FRAMESPA. / Marie-Thérèse Duffau ist Forschungsmitarbeiterin an der UMR 5136 FRAMESPA.

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