Ann Hamilton : l’expérience ou le champ des possibles

p. 205-212

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Parce que l’installation représente le mode privilégié de l’artiste américaine Ann Hamilton (Lima, Ohio, 1956), la problématique de l’expérience se trouve naturellement au cœur de son travail. Depuis la seconde moitié du xxe siècle, et plus encore à partir des années quatre-vingt-dix qui ont vu l’art de l’installation s’imposer comme l’un des standards de la création contemporaine, l’expérience est devenue un lieu commun dans les discours et les visées de nombreux artistes. La notion n’en reste pas moins complexe et les enjeux qu’elle soulève sont d’autant plus importants qu’ils concernent nos manières d’être, de penser et d’agir, à une époque où les capacités de perception, de mémoire et d’imagination, les croyances et les engagements ne semblent plus garants d’un avenir commun, ni de l’amélioration possible de nos conditions. L’intérêt que porte Ann Hamilton à l’expérience du spectateur au sein de ses installations répond à de tels enjeux.

Connue depuis la fin des années quatre-vingt pour la qualité sensorielle et poétique de ses grandes installations, l’artiste américaine développe une réflexion singulière sur la place et la valeur que nous accordons à notre expérience perceptive et à ce savoir dynamique et ouvert que livre le corps en interaction avec son milieu. Or, si l’on a souvent insisté sur la particularité immersive et sensorielle de ses installations, sur la volonté qui est la sienne de faire réagir le spectateur en le mettant phénoménologiquement à l’écoute de ce qui l’entoure au-delà de toute forme de représentation symbolique, on a trop peu considéré en revanche cette préoccupation initiale qui habite son œuvre entière depuis près de quarante ans : celle d’une perte fondamentale, tout à la fois individuelle et collective, inhérente à l’époque dans laquelle nous vivons.

Il faut souligner les nombreuses affinités qui se font jour entre les préoccupations de l’artiste et les discours – ou les lamentations – sur ce que l’on peut nommer, à la suite de l’historien Martin Jay, la « crise de l’expérience » à l’époque moderne1. Ce sentiment de malaise et d’inquiétude face à une modernité qui nous rend de plus en plus étrangers à notre environnement physique et sensible, aux lieux que nous occupons, aux objets que nous utilisons, ainsi qu’aux autres et à nous-mêmes, est en effet le symptôme d’une crise dont Walter Benjamin avait déjà, dès les années 1930, annoncé les prémisses et diagnostiqué les méfaits2. Pour le philosophe allemand comme pour les nombreux penseurs qui ont à sa suite observé et commenté, tout au long du xxe siècle, ce phénomène de déclin imputé aux transformations de la vie moderne3, la chute de l’expérience – ou pour le dire autrement, la perte progressive d’une forme d’expérience dite « authentique », transformatrice et féconde, au profit d’un rapport au réel superficiel, amnésique et vide de sens – serait devenue le cadre général de la modernité occidentale4.

C’est à l’aune de ce contexte de crise de l’expérience et de ses enjeux qu’il convient d’appréhender le travail d’Ann Hamilton. Depuis ses premières œuvres dans les années quatre-vingt, l’artiste produit des environnements immersifs complexes, constitués d’objets et de matériaux convoquant tous les sens du spectateur et dont les surprenantes associations, ou leur importante accumulation, provoquent chez celui-ci de multiples réponses physiques, psychiques et affectives bien souvent difficiles à décrire ou à restituer par le simple langage. Dans son ouvrage consacré à l’histoire de l’installation, Claire Bishop ne manque pas de souligner combien l’expérience perceptive des œuvres d’Ann Hamilton vise « à réhabiliter notre relation sensorielle au monde physique et organique à travers la mémoire et l’association inconsciente. La perception sensorielle, écrit-elle, est toujours mise au service de déclencheurs émotionnels entraînant ce que l’artiste appelle un “état de rêverie suspendue”5». Absorbé par la présence matérielle de ce qui l’entoure, le spectateur est en effet invité à s’abandonner aussi longtemps que possible dans ce qu’il éprouve, à se mettre à l’écoute de la situation, dans une attitude ouverte et accueillante aux multiples phénomènes et mouvements intérieurs qui participent de ce que l’artiste désigne comme un « acte d’attention ».

Il est significatif de constater que selon plusieurs analyses critiques et observations sur la crise de l’expérience, c’est justement la qualité attentionnelle des individus qui conditionne une expérience authentique, et avec elle, les processus de mémorisation, d’imagination, de pensée et d’action6. Plusieurs auteurs, tels que Yves Citton en France ou le philosophe Matthew Crawford7 aux États-Unis, confirment ce que l’historien de l’art Jonathan Crary avait identifié comme une « crise permanente de l’attention » depuis le dernier tiers du xixe siècle8. Comme le rappelle Matthew Crawford, le rôle de l’attention consiste avant tout à nous relier au monde, à nous mettre en rapport avec lui en fonction de ce qui est pertinent pour guider nos actions. Par conséquent, lorsque notre attention se trouve assujettie par des formes d’appropriation technologique, non seulement nous ne choisissons plus ce à quoi nous souhaitons prêter attention, mais nous ne sommes plus capables d’agir en fonction de ce qui est réel pour nous, autrement dit, de ce qui est vraiment présent à notre conscience. C’est la cohérence de notre conscience individuelle et le sens de notre agentivité9 qui s’en trouvent menacés.

Créer les conditions spécifiques d’une expérience pleine et entière au cours de laquelle le spectateur engagera un certain mode d’être, une qualité d’attention ouverte et réflexive mobilisant tout à la fois ses capacités de perception, de mémoire, d’imagination et d’action, tel est bien l’objectif des installations d’Ann Hamilton. Et cette intention, parce qu’elle répond précisément à ce contexte de crise généralisée que traversent nos sociétés occidentales, relève d’une pensée résolument éthique et philosophique dont cette thèse entend révéler la portée. Si le déficit attentionnel et la pauvreté en expérience, marqueurs de la période actuelle, nous contraignent à « habiter le temps sur le mode de l’impuissance10 » – pour reprendre la formule de Jonathan Crary –, l’artiste américaine affirme la nécessité de réinvestir notre pouvoir de faire, de créer, d’imaginer et de reconfigurer nos propres horizons individuels et collectifs.

La configuration de ce champ des possibles constitue selon nous l’enjeu sous-jacent et fondamental de l’œuvre d’Ann Hamilton. C’est cette idée qui s’est affirmée au fur et à mesure de notre recherche et qui s’est trouvée sans cesse confirmée par les discussions menées avec l’artiste pendant de nombreuses années. Ce travail s’inscrivant dans le champ de l’histoire de l’art contemporain, le discours de l’artiste, sa parole et son intention, constitue en effet un matériau essentiel. Nous nous sommes donc largement appuyés sur les entretiens que nous avons réalisés, dont trois sont retranscrits et traduits à la fin du premier volume de la thèse. Cette proximité avec l’artiste nous a permis en outre de réunir des matériaux de première main, de travailler à partir de sources non publiées généreusement transmises par Ann Hamilton, afin de documenter l’ensemble de ses installations depuis les premières réalisations dans les années quatre-vingt jusqu’aux plus récentes.

Ainsi notre étude propose une lecture tout à fait inédite de l’œuvre d’Ann Hamilton dont le travail reste relativement peu connu en France11, alors même qu’il compte aujourd’hui parmi les plus influents et les plus salués de la scène artistique américaine. Il faut signaler les deux seules monographies en langue anglaise que l’historienne de l’art Joan Simon a consacrées à l’artiste en 2002, puis en 2006. Sous la forme d’un catalogue raisonné, la première répertorie une soixantaine d’installations jusqu’au début des années 2000 – incluant deux textes de présentation biographique et artistique –, tandis que la seconde se veut un inventaire des objets composant les œuvres12. Il manquait donc une étude critique documentant l’ensemble des installations créées par Ann Hamilton depuis bientôt quarante ans et visant à mettre au jour les fondements et les questionnements qui sous-tendent cette œuvre complexe et la situent véritablement au cœur de son époque.

L’objectif principal de ce travail consistant à proposer une analyse de l’œuvre d’Ann Hamilton, non pas internaliste, mais précisément envisagée à l’aune du contexte technologique, social et culturel de nos sociétés occidentales, il s’agissait donc de mettre en perspective les installations et leur mode opératoire avec les problématiques et les enjeux décisifs auxquels nous sommes confrontés au xxie siècle, et qui ont partie liée avec ce phénomène de crise de l’expérience dans un monde où les multiples dispositifs et extensions technologiques ont transformé en profondeur nos manières d’être et d’agir. C’est assez dire que l’objet d’étude que constituent les œuvres d’Ann Hamilton nécessite un regard croisé, une méthodologie qui déborde le champ de l’histoire de l’art. L’ouverture pluridisciplinaire, appréhendée comme une « boîte à outils », nous a ainsi permis de convoquer des notions ou des réflexions contemporaines issues de diverses sciences humaines et sociales afin de mieux comprendre les enjeux de notre temps et la façon dont l’œuvre de l’artiste américaine y répond.

Dans cette visée, la première partie de notre argumentation s’intéresse à la manière dont les installations d’Ann Hamilton focalisent notre attention sur certains éléments structurants de notre culture occidentale et invitent à porter un regard critique sur les nombreux réflexes culturels et technologiques qui nous éloignent de notre propre expérience. Le constat que fait l’artiste d’un appauvrissement dans nos manières de percevoir et de sentir, et d’une perte générale de proximité sensible et tactile avec le monde, n’est pas sans analogie avec le déséquilibre sensoriel opéré depuis des siècles d’histoire humaine par la multiplication des médias, considérés comme des prothèses ou des extensions prolongeant ou accélérant les capacités et les fonctions naturelles du corps humain. C’est notamment à ces transformations du sensorium ainsi qu’à leurs conséquences sur les pratiques et les modes de pensée, que les œuvres d’Ann Hamilton s’efforcent de nous rendre vigilants. Ses grandes installations polyphoniques et polysémiques répondent précisément aux conditionnements culturels et technologiques qui ont peu à peu transformé notre expérience du réel et contribué à mettre en péril les fondamentaux par lesquels nous percevons et comprenons le monde : le temps, l’espace, la matérialité, le geste, la présence humaine et le vivant dans toute sa diversité. Si comme l’affirme Marshall McLuhan, « les arts sont des “contre-milieux” ou des antidotes qui nous donnent les moyens de percevoir le milieu lui-même13 », il est en effet possible de considérer les installations d’Ann Hamilton comme autant d’« anti-environnements » nous permettant de devenir conscients de nos habitudes de pensée et de comportement, ainsi que de la perte « de ce qui fut à l’origine du commerce sensible entretenu avec le monde14 », pour reprendre les mots de Georges Balandier.

L’un des constats que dressent les œuvres, et sur lequel nous avons particulièrement insisté en nous appuyant sur les travaux de l’anthropologue Edward T. Hall, concerne le mécanisme d’extériorisation de l’expérience qu’entraînent les multiples extensions que l’homme s’est inventées afin d’améliorer ses facultés et son pouvoir de maîtrise sur le monde, aux dépens de sa propre nature. Cependant, il était important d’indiquer que l’artiste ne porte pas de jugement et ne dénonce jamais la technologie, mais cherche à rétablir un équilibre en revalorisant le savoir du corps, du toucher, du travail manuel et du labeur collectif, face au caractère de plus en plus désincarné et individualiste de l’expérience moderne. Notre propos contredit ainsi les auteurs qui ont cru déceler dans l’œuvre d’Ann Hamilton une veine nostalgique qu’elle ne contient pas ; puisqu’il n’y a jamais, chez l’artiste, une quelconque volonté de restaurer un passé supposé meilleur. Il n’y a donc pas de place pour les histoires de rédemption, Ann Hamilton nous invite simplement à prendre la mesure de ces mutations, à en évaluer les gains et les pertes, et à reconsidérer la valeur et l’importance de ce qui se joue à l’échelle du corps humain.

L’autre dynamique importante, que met en évidence la deuxième partie de notre étude, concerne plus particulièrement les modalités d’expérience vécues par le spectateur en immersion dans l’œuvre : à savoir, la relation attentionnelle et la qualité d’ouverture que requiert l’épreuve phénoméno-logique du dispositif. La présence physique, l’ampleur et le caractère sensoriel des installations d’Ann Hamilton plongent toujours le public dans une situation immersive complexe qui l’incite à se confronter à sa propre expérience et aux diverses tensions et mouvements intérieurs qu’elle génère. Lever les nombreuses résistances culturelles et épistémologiques qui surviennent lorsque nous décidons de quitter notre position de surplomb, retarder l’activité interprétative et résister, aussi longtemps que possible, au besoin de nommer et de catégoriser, en constitue les enjeux principaux. Cet engagement téméraire vers l’inconnu est à la base du processus créatif d’Ann Hamilton ; c’est précisément cette attitude, résolument pragmatiste, que l’artiste souhaite faire adopter au spectateur. Rester en suspens, accueillir l’imprévisible et l’incertitude, s’oppose à notre besoin de sûreté et de sécurité. Transgresser les frontières et les clôtures, explorer les seuils, les ponts et les relations multiples auxquelles la culture occidentale résiste, permet d’ouvrir la pensée, de la mettre en mouvement. L’entre-deux est un espace fertile, dynamique, en devenir. C’est la raison pour laquelle Ann Hamilton ne cesse de placer le spectateur dans ce va-et-vient, cette oscillation, ce balancement vivant et continu.

C’est là que s’affirme l’une des idées majeures que propose la thèse : c’est-à-dire, la marque profonde de la culture américaine et de la philosophie pragmatiste sur l’œuvre d’Ann Hamilton. En rappelant que la foi en l’expérience et le « sens de l’ouvert » sont des aspects significatifs de l’histoire et de la culture des États-Unis, nous avons montré le lien qui existe entre l’œuvre de l’artiste et la pensée pluraliste de William James, le déterminisme géographique des paysages du Midwest – dont Ann Hamilton est originaire –, l’influence de la pédagogie de l’expérience du Black Mountain College, ou encore l’esthétique pragmatiste de la littérature et de la poésie américaine. Il était particulièrement important d’insister sur ce dernier point, car l’influence des poètes pragmatistes se révèle être un élément essentiel pour comprendre le « scepticisme linguistique » de l’œuvre d’Ann Hamilton. Souvent mal interprété, le rapport de l’artiste au langage s’éclaire à partir d’une esthétique littéraire et poétique soucieuse de placer le récepteur dans un état d’entre-deux. Au lieu de fixer et d’enfermer le réel dans des catégories, les mots des poètes perturbent et déstabilisent pour mieux mettre à l’écoute, réveiller la mémoire et l’imagination.

Cet ancrage pragmatiste que nous mettons ici au jour, permet donc de reconnaître et d’expliquer, dans l’œuvre d’Ann Hamilton, la volonté de maintenir un monde ouvert, dont la construction continue dépend de chacune de nos actions. C’est ainsi l’idée d’agentivité, cette capacité de transformation du réel propre à chaque individu, qui est indispensable pour saisir la portée éthique de l’œuvre. L’importance qu’Ann Hamilton accorde à notre capacité d’agir se double en effet de la croyance que chacun de nos gestes – à l’échelle intime du regard, de la main ou de la voix – compte et contribue à changer le cours des choses. Cette affirmation d’un monde en devenir suppose alors une remise en question de la tradition philosophique occidentale et des notions de permanence et d’éternité qu’elle privilégie, mais elle implique aussi l’idée que le changement dépend de nos actions. À partir d’une analyse des installations récentes, la troisième et dernière partie de notre argumentation montre que les thématiques de l’écoute, de la voix et de la parole, qui marquent véritablement un tournant dans l’œuvre à partir des années 2000, sont intimement liées à de telles préoccupations.

À une époque où nos gestes, de plus en plus étendus par nos nombreuses technologies, deviennent « aussi aveugles qu’indigents », comment prenons-nous conscience de notre propre capacité d’agir ? Si chaque geste compte, comment devons-nous utiliser notre voix et quels mots avons-nous besoin de dire ? Pour Ann Hamilton, cela dépasse l’enjeu individuel. Alors même que nos décisions et nos actions sont de moins en moins fondées sur une expérience réelle et empathique avec le monde, notre sentiment d’être des agents impliqués dans une dynamique collective rétrécit. Dans ce climat mondial où le geste de réciprocité entre l’écoute et la parole décline, la tâche de l’artiste consiste à créer des formes, des situations ou des conditions qui nous rapprochent de notre sens de l’engagement et de la réponse. L’enveloppement physique du spectateur dans la matérialité sonore et tactile de la voix devient alors le moyen d’engager ce dernier dans une forme d’expérience patiente et attentive, vécue et comprise comme premier acte de parole et de responsabilité. Parler, c’est toujours répondre à une voix antérieure, et cette réponse s’ordonne dans le « silence actif de l’attention », bien avant l’articulation des premiers mots. Pour Ann Hamilton, ce sens particulier de l’engagement est une manière éthique d’être-au-monde, la promesse d’un horizon de possibilités.

La thèse, dirigée par Mme Valérie Da Costa, maître de conférence HDR en histoire de l’art contemporain à l’Université de Strasbourg, membre de l’équipe ARCHE UR3400, a été soutenue à Strasbourg le 25 novembre 2019, devant un jury composé des membres suivants : Mme Corine Pencenat, maître de conférence HDR en arts à l’Université de Strasbourg, M. Fabrice Flahutez, professeur d’histoire de l’art à l’Université de Lyon - Saint-Étienne (rapporteur et président), M. Alain Quemin, professeur en sociologie de l’art à l’Université de Vincennes - Paris 8 (rapporteur).

1 Voir, à ce sujet, Martin Jay, Songs of Experience. Modern American and European Variations on a Universal Theme, Berkeley, University of California

2 Le problème de la chute de l’expérience occupe une place centrale dans la pensée de Walter Benjamin. Nous renvoyons ici aux textes les plus

3 Aux États-Unis, dans le contexte de la « Grande Société » (cf. Graham Wallas) du début du xxe siècle, le philosophe américain John Dewey a également

4 Sur la question de la dépossession de l’expérience à l’époque contemporaine, nous renvoyons plus particulièrement à l’ouvrage de Giorgio Agamben

5 « […]to reawaken our sensory relationship to the organic physical world through memory and unconscious association. Sensory perception is always

6 Les philosophes Walter Benjamin et John Dewey ont sans doute été parmi les premiers, au début du xxe siècle, à dénoncer le phénomène d’inattention

7 Voir Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, Paris, Seuil, 2014 ; Idem (dir.), L’économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ?

8 Cf. Jonathan Crary, Suspensions of Perception, Attention, Spectacle And Modern Culture, Cambridge, MIT Press, 2001 ; voir également, Idem, « Le

9 Le terme d’agentivité – de l’anglais agency – ici employé désigne la capacité d’un individu à influer de manière intentionnelle sur le cours de sa

10 J. Crary, « Le capitalisme comme crise… », op. cit., p. 38.

11 En France, seules deux expositions personnelles ont été consacrées à Ann Hamilton, en 1997 (Musée d’art contemporain de Lyon) et 2005 (Maison rouge

12 Cf. Joan Simon, Ann Hamilton, New York, Harry N. Abrams, 2002 ; Joan Simon, Ann Hamilton : An Inventory of Objects, New

13 Marshall Mcluhan, Pour comprendre les médias, trad. fr. par Jean Paré, Paris, Mame/Seuil, 1977, p. 14 (éd. original 1964 ; trad. 1968).

14 Georges Balandier, Le grand dérangement, Paris, Presses universitaires de France, 2005, p. 63‑64.

Notes

1 Voir, à ce sujet, Martin Jay, Songs of Experience. Modern American and European Variations on a Universal Theme, Berkeley, University of California Press, 2005, et Idem, « L’expérience est-elle toujours en crise ? Réflexions sur une lamentation de l’École de Francfort », trad. fr. par Fabien Ollier et Henri Vaugrand, X-ALTA, n°5 (« Vers un discours de la nouvelle servitude volontaire »), octobre 2001, p. 55-66.

2 Le problème de la chute de l’expérience occupe une place centrale dans la pensée de Walter Benjamin. Nous renvoyons ici aux textes les plus représentatifs et les plus fréquemment cités. Cf. « Expérience et pauvreté », 1933 (Œuvres II, Gallimard, 2000, p. 364-372) et « Le conteur », 1936 (Œuvres III, Gallimard, 2000, p. 114-151).

3 Aux États-Unis, dans le contexte de la « Grande Société » (cf. Graham Wallas) du début du xxe siècle, le philosophe américain John Dewey a également mis en évidence les formes d’aliénation, d’enrôlement et de conformisme qui résultent de la dépossession de l’expérience chez les individus dès lors privés de toute possibilité de penser et d’agir sur leurs propres conditions. Voir à ce sujet, les ouvrages de Joëlle Zask, L’opinion publique et son double. Livre II : John Dewey, philosophe du public, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 155 ;eadem, Introduction à John Dewey, Paris, La Découverte, 2015, p. 10-15.

4 Sur la question de la dépossession de l’expérience à l’époque contemporaine, nous renvoyons plus particulièrement à l’ouvrage de Giorgio Agamben, Enfance et histoire. Destruction de l’expérience et origine de l’histoire, trad. fr. par Yves Hersant, Paris, Payot, 2002 (éd. originale 1978).

5 « […]to reawaken our sensory relationship to the organic physical world through memory and unconscious association. Sensory perception is always placed in the service of emotional triggers to prompt what Hamilton calls a “state of suspended reverie” ». Claire Bishop, Installation Art. A Critical History, New York, Routledge, 2005, p. 39 [traduction : Pascale Saarbach].

6 Les philosophes Walter Benjamin et John Dewey ont sans doute été parmi les premiers, au début du xxe siècle, à dénoncer le phénomène d’inattention, ou de distraction, qui réduit la possibilité de vivre une expérience au sens fort du terme. La surenchère de stimuli et l’accélération des modes de vie modernes produisent sur les individus une sorte d’« anesthésie » auto-protectrice, un déficit d’attention qui ne leur permet plus de prendre conscience de ce qui leur arrive. La possibilité d’effectuer une expérience se trouve limitée par les pressions extérieures qui, comme le remarquait John Dewey, ne laissent « pas à une seule expérience une chance d’arriver à son terme car on s’empresse d’en commencer une autre. L’expérience (ou ce que l’on désigne par ce terme) devient si dispersée et si hétéroclite qu’elle ne mérite plus guère cette appellation. » Cf. John Dewey, L’art comme expérience, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 2010, p. 95 (éd. originale 1934).

7 Voir Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, Paris, Seuil, 2014 ; Idem (dir.), L’économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ?, Paris, La Découverte, 2014 ; Matthew B. Crawford, Contact. Pourquoi nous avons perdu le monde, et comment le retrouver, trad. fr. par Marc Saint-Upéry et Christophe Jaquet, Paris, La Découverte, 2015.

8 Cf. Jonathan Crary, Suspensions of Perception, Attention, Spectacle And Modern Culture, Cambridge, MIT Press, 2001 ; voir également, Idem, « Le capitalisme comme crise permanente de l’attention », dans Y. Citton (dir.), L’économie de l’attention…, op. cit., p. 35-54.

9 Le terme d’agentivité – de l’anglais agency – ici employé désigne la capacité d’un individu à influer de manière intentionnelle sur le cours de sa vie et de ses actions.

10 J. Crary, « Le capitalisme comme crise… », op. cit., p. 38.

11 En France, seules deux expositions personnelles ont été consacrées à Ann Hamilton, en 1997 (Musée d’art contemporain de Lyon) et 2005 (Maison rouge, Paris).

12 Cf. Joan Simon, Ann Hamilton, New York, Harry N. Abrams, 2002 ; Joan Simon, Ann Hamilton : An Inventory of Objects, New York, Gregory R. Miller & Co., 2006.

13 Marshall Mcluhan, Pour comprendre les médias, trad. fr. par Jean Paré, Paris, Mame/Seuil, 1977, p. 14 (éd. original 1964 ; trad. 1968).

14 Georges Balandier, Le grand dérangement, Paris, Presses universitaires de France, 2005, p. 63‑64.

Citer cet article

Référence papier

Pascale Saarbach, « Ann Hamilton : l’expérience ou le champ des possibles », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 16 | 2020, 205-212.

Référence électronique

Pascale Saarbach, « Ann Hamilton : l’expérience ou le champ des possibles », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 16 | 2020, mis en ligne le 20 octobre 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=149

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Pascale Saarbach

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