Éditorial

p. 5-7

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Sous les auspices de quelques métaphores

Il y a tout juste deux ans, l’EA 3400, équipe strasbourgeous retrouvions ainsi confrontés à des questions, encore assez neuves pour les universitaires, qui en revanche font depuis longtemps le quotidien des gens de marketing. Le nom choisi pour le « produit » saura-t-il être véhicule efficace d’une « culture d’entreprise » commune ? En fait, compte tenu du caractère plus humble et non lucratif, évidemment, des ambitions d’une équipe de recherche en sciences historiques, pareille interrogation n’était pas à ce point cruciale qu’elle nous eût empêché de trancher, et de baptiser. Ce fut donc pour nous l’acronyme d’Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe : ARCHE, dont les signifiés semblaient pouvoir promettre une certaine bonne fortune.

Cet acronyme nous paraissait porteur de métaphores à la fois parlantes pour tous, adéquates à l’équipe, et stimulantes, propitiatoires pour elle. Embarcation navale, voire arche de Noé, s’il est vrai, par définition, qu’une Équipe d’Accueil regroupe des chercheurs d’espèces variées – en l’occurrence des historiens et des historiens de l’art, en outre médiévistes, modernistes ou encore contemporanéistes – auxquels elle apporte les moyens de communiquer puis de mettre en œuvre leurs projets communs, ceci dans des contextes parfois (financièrement) critiques. Arche, par ailleurs, comme structure architectonique de liaison, comme pont, entre ces spécialistes de domaines bien différents, mais convaincus de la fertilité des questionnements transdisciplinaires. Ainsi les trois axes de recherche de l’équipe ARCHE pour 2013-2017 : Sources, Savoirs, Méthodes ; Espaces, Identités, Frontières ; Autorité, Contrainte, Liberté1.

Émanation de l’ARCHE, la revue dont nous livrons ici le premier numéro s’est choisi un titre qui ne prétend pas à une absolue singularité : il rappellera d’abord que les sources sont le matériau essentiel de nos travaux – qu’il s’agisse d’éditer ces sources, inédites ou méconnues, de produire des bases de données, ou d’ambitionner de les exploiter avec des outils nouveaux, notamment à travers l’échange de méthodes d’analyse propres aux archives textuelles d’une part, visuelles de l’autre. Cette propension à mettre de nouvelles sources à la disposition de la communauté savante et à renouveler les outils qui en permettent l’édition et la critique, c’est bien là une partie de la valeur ajoutée de l’équipe ARCHE dans le monde des historiens et des historiens de l’art. L’équipe a voulu donner un signal fort en dégageant dans son organisation un axe dénommé « Sources, Savoirs, Méthodes », dont la programmation est d’ailleurs conçue comme très perméable aux deux autres.

Par ailleurs, on aura noté l’insertion de parenthèses dans le titre, Source(s), de cette revue, lequel pourra donc s’entendre tout aussi bien au singulier, « source », et dès lors placer le projet sous le signe du flux – autre métaphore aquatique après celle de l’arche, bien sûr –, soit la circulation, des hommes et des idées, dans l’histoire comme dans la pratique historique. D’ailleurs, « flux » est sans doute moins à entendre au sens de la fluidité, que comme courant(s), contraires, rapides ou inégaux, imprévisibles, comme tension. Où l’historien se donne pour tâche de mesurer des rapports de force, et se trouve lui-même pris, engagé dans ce flux. On songe au célèbre texte de Walter Benjamin, sur « l’ange de l’histoire2 ». Celui-ci usait d’une métaphore peut-être un peu trop mystique pour notre époque actuelle si pratique, métaphore quoi qu’il en soit parlante pour tout historien qui aura fait l’expérience, admirablement décrite par Benjamin, d’être ainsi « soufflé », impérieusement, par ce courant fait de tourbillons et de débris, de « décombres » en mouvement poussant du passé vers le présent, et l’avenir. Et on songe aussi à l’évocation par Roger Caillois du fleuve Alphée, qui au lieu de descendre vers la mer et de s’y perdre remontait vers sa source, en traversant l’océan livresque des connaissances et en s’en libérant pour regagner son paysage premier3.

Source(s) se composera, pour chaque numéro, de trois rubriques. I. Un dossier d’articles, dont le thème, pour ce numéro 1, est particulièrement relatif aux flux de l’histoire : les circulations et transferts entre France, Italie, et plus largement Méditerranée, où voisineront histoire économique, histoire religieuse et histoire de l’art. II. Une partie dédiée à l’édition et l’exploration attentive d’un document, à savoir ici le carnet inédit d’un voyage maritime de 1874, qui nous place sous les auspices de la « source » (aux sens évoqués supra) mieux peut-être que ne saurait le faire une archive moins « ordinaire ». III. Enfin la rubrique consacrée aux chantiers en cours, qui est appelée à s’étoffer : destinée à donner un aperçu à la fois de la programmation annuelle de l’équipe ARCHE et des résultats de sa programmation déjà écoulée, elle accueillera les textes programmatiques et les calendriers de nos séminaires, les synthèses d’événements tels que journées d’études, ateliers doctoraux, workshops. Et nous formons le vœu qu’elle s’alimentera tout naturellement par la suite des comptes rendus des recherches menées par les doctorants associés à l’équipe. Ainsi, sans avoir la prétention d’avoir créé une revue savante supplémentaire, dans un paysage déjà très encombré, nous avons l’espoir de faire vivre de longues années un support qui permette de donner une nouvelle visibilité aux recherches collectives en cours à l’Université de Strasbourg, chez les historiens et historiens de l’art de l’équipe ARCHE.

1 Voir le site de l’équipe, où cette revue figurera aussi en téléchargement : <http://www.ea3400.unistra.fr>

2 Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, IX [1940], Paris, Gallimard, 2000, p.  434.

3 Roger Caillois, Le fleuve Alphée, Paris, Gallimard, 1978.

Notes

1 Voir le site de l’équipe, où cette revue figurera aussi en téléchargement : <http://www.ea3400.unistra.fr>

2 Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, IX [1940], Paris, Gallimard, 2000, p.  434.

3 Roger Caillois, Le fleuve Alphée, Paris, Gallimard, 1978.

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Référence papier

« Éditorial », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 1 | 2012, 5-7.

Référence électronique

« Éditorial », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 1 | 2012, mis en ligne le 18 octobre 2022, consulté le 18 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=458

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