L’architecte et le tissu ou comment le décor textile a participé à la notion d’unité décorative dans les intérieurs au xviiie siècle

  • Architects and Fabrics: How Textile Decoration contributed to the Emergence of the Notion of Decorative Unity in 18th Century Interior Design
  • Architekten und Stoffe: Wie die Textildekoration zur Entstehung des Begriffs der dekorativen Einheit in der Innenarchitektur des 18. Jahrhunderts beitrug

DOI : 10.57086/sources.533

p. 13-16

L’unité de l’art au sein de l’architecture est souvent considérée comme une invention dans le contexte des avant-gardes de la fin du xixe siècle lorsque le bâtiment et son mobilier ont été présentés comme une œuvre totale. Dans une certaine mesure cette réflexion a été amorcée au xviiie siècle, lorsque les architectes ont interrogé la notion de distribution intérieure et l’idée d’une décoration globale en intégrant le mobilier dans la conception architecturale. Les traités théoriques diffusent des modèles d’intérieurs où sont mis en valeur l’adéquation du décor mural et du mobilier. Dans la conception d’ensemble décoratif, les revêtements textiles connaissent un emploi de plus en plus important grâce aux préconisations des architectes et à l’intervention des tapissiers dans l’ameublement. Les architectes Germain Boffrand et Jean-François Blondel ont accordé une attention nouvelle aux étoffes et à leur harmonie avec l’architecture. Au même moment, l’importance prise par les tapissiers dans l’aménagement des intérieurs est révélatrice de la place prépondérante des étoffes pour l’ameublement et le décor des intérieurs, réaménagés régulièrement dans les demeures les plus luxueuses. La comparaison entre les préconisations théoriques des architectes et les archives du magasin des étoffes au Garde-Meuble de la Couronne donne un aperçu de l’importance progressive accordée au textile dans les appartements de la monarchie française. L’intervention des tapissiers, les commandes aux manufactures et les achats aux marchands-merciers parisiens sont révélateurs d’une nouvelle conception décorative défendue par les architectes dont la mode se propage dans les intérieurs de la Couronne, puis des élites.

It is often considered that the late 19th century avant-garde movements invented the notion of unity of art in architecture, presenting the building and its furniture as a total art work. To some extent, this idea had already emerged in the 18th century, when architects started exploring the notions of interior distribution and overall decoration by integrating furniture into their architectural vision. Theoretical treatises described interiors in which wall decoration matched the furniture. Textile coverings were increasingly used to create a decorative ensemble, in line with the recommendations of architects and thanks to the role now played by upholsterers in interior design. Architects Germain Boffrand and Jean-François Blondel paid new attention to fabrics and to the harmony between fabrics and the architecture. At the same time, the new importance given to upholsterers in interior design reflected the central place fabrics were acquiring in the furnishing and decoration of interiors, which were regularly redesigned in the most luxurious mansions. The comparative study of architects’ theoretical recommendations and of the archives of the cloth store at the Garde-Meuble de la Couronne suggests the increasing importance of fabrics in the apartments of the French monarchy. The use of upholsterers, the orders made to factories and the purchases from Parisian marchands-merciers reveal the emergence of a new decorative conception defended by architects, which spread to the interiors of the French Crown and then of the elite.

Es wird oft angenommen, dass die Avantgarde-Bewegungen des späten 19. Jahrhunderts den Begriff der künstlerischen Einheit in der Architektur erfunden haben, indem sie das Gebäude und sein Mobiliar als Gesamtkunstwerk darstellten. In gewisser Weise war diese Idee jedoch bereits im 18. Jahrhundert entstanden, als Architekten begannen, die Begriffe der Innenraumaufteilung und der Gesamtdekoration zu erforschen, indem sie Möbel in ihre architektonische Konzeption integrierten. In theoretischen Abhandlungen wurden Innenräume beschrieben, in denen die Wanddekoration auf die Möbel abgestimmt war. Textile Bezüge wurden nun immer häufiger verwendet, um ein dekoratives Ensemble zu schaffen, auf Grundlage der Empfehlungen von Architekten und Einflussnahmen von Tapezierern-Dekorateuren. Die Architekten Germain Boffrand und Jean-François Blondel schenkten den Stoffen und der Harmonie zwischen Stoffen und Architektur eine neue Aufmerksamkeit. Gleichzeitig spiegelt die gewachsene Bedeutung der Tapezierer-Dekorateure in der Innenarchitektur den zentralen Platz wider, den die Stoffe bei der Einrichtung und Dekoration der Innenräume einnahmen, die in den luxuriösesten Villen regelmäßig umgestaltet wurden. Der Vergleich zwischen den theoretischen Vorstellungen der Architekten und den Archiven des Tuchlagers im Garde-Meuble de la Couronne zeigt die zunehmende Bedeutung von Stoffen in den Appartements der französischen Monarchie. Die Eingriffe von Tapezierern-Dekorateuren, die Aufträge an Fabriken und die Einkäufe bei den Pariser marchands-merciers zeugen von der Entstehung eines neuen Dekorationskonzepts, das von den Architekten verteidigt wurde und sich auf die Innenräume der französischen Krone und schließlich der Elite ausweitete.

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Les décorations intérieures des appartements sont à présent à Paris une partie considérable de l’architecture ; elles font négliger la décoration extérieure, non seulement des maisons parti-culières, mais encore des palais & des édifices publics qui doivent être distingués des maisons des marchands & des artisans1.

Au xviiie siècle, l’architecture privée est marquée par un intérêt grandissant pour la distribution et la décoration intérieure. En 1738, l’aménagement des petits appartements de Louis XV à Versailles annonce une prise en considération de nouveaux critères où l’embellissement s’accompagne d’une recherche de confort. La manière d’habiter évolue entre appartement d’apparat et pièces à vivre plus intimes, les intérieurs les plus prestigieux revendiquent cette distinction entre espaces publics et privés2. Dans la première moitié du siècle, les livres d’architecture contribuent à diffuser ces préceptes dans les aménagements et les constructions parisiennes pour l’aristocratie3. Les publications des architectes attestent des préoccupations décoratives dans la conception des intérieurs, les lambris sculptés sont ainsi appréhendés selon l’usage des pièces et les préconisations tiennent compte de l’ameublement, proposant une intégration du mobilier dans les lambris4. Les architectes s’intéressent à l’aménagement intérieur et revendiquent le métier de décorateur alors que d’anciens hôtels particuliers font l’objet de chantiers pour suivre les dernières modes en matière de décoration5 :

Après la distribution des appartements, la décoration intérieure est peut-être la partie la plus véritablement intéressante de l’Architecture, & celle qui a éprouvé le plus de révolution depuis un siècle. Il faut pour s’en acquitter avec succès, être plus instruit qu’un Architecte ordinaire, se connaître en général aux Beaux-Arts, & savoir choisir les Artistes dans chaque genre qui doivent concourir à son exécution6.

Les chercheurs ont depuis longtemps montré l’importance du décor dans les architectures prestigieuses liées à l’exercice du pouvoir et les hôtels particuliers au xviiie siècle dans le contexte de l’essor des arts décoratifs parisiens7. Alors que les architectes accordent une attention nouvelle à l’utilisation des étoffes dans l’embellissement des appartements, selon les principes d’harmonie et d’ensemble, la question du décor reste appréhendée du seul point de vue de l’architecte et du « sculpteur d’ornements », artisan de l’aménagement des lambris8. Tout au long du xviiie siècle, les étoffes dans les intérieurs participent de la recherche de confort et des modes décoratives. Auparavant réservées aux intérieurs les plus riches où les étoffes concourent à la recherche décorative, l’essor de l’industrie textile encourage ces pratiques, même dans les intérieurs plus modestes où objets et meubles augmentent9. Décorer son intérieur avec des produits de dernière mode nécessite un certain niveau d’éducation et de moyens, impliquant le recours aux tapissiers, acteurs indispensables du décor textile dans l’aménagement des salons et des chambres, rarement étudiés, sans doute parce que les vestiges n’en conservent pas traces10. Pourtant, les commandes aux manufactures, les achats chez les marchands merciers parisiens et l’intervention des tapissiers sont révélateurs d’une idée du décor dont la vogue se propage dans les intérieurs dès la fin du xviie siècle. La consommation des étoffes à la cour, chez le roi et dans son entourage, offre un aperçu de la hiérarchie exprimée par les décors textiles, en suivant les contraintes de l’étiquette. Les archives de la maison du roi, particulièrement bien documentées pour le xviiie siècle, témoignent des pratiques et de l’importance accrue des étoffes dans les aménagements successifs des résidences royales. Pour appréhender l’importance des étoffes dans la décoration au xviiie siècle, les traités d’architectures offrent des éléments de réponses, ainsi que les pratiques des tapissiers dont l’activité montre leur rôle dans l’élaboration du décor et de la notion d’unité décorative.

Les étoffes dans l’ameublement, entre préconisations et pratiques décoratives

Le textile a toujours tenu une place importante dans la décoration des intérieurs les plus aisés. Depuis la fin du Moyen Âge, les tapisseries sont employées comme élément de décor et pour lutter contre le froid, l’humidité et les courants d’air. Au xviie siècle, l’essor de l’industrie textile en France entraîne une diversification des étoffes d’ameublement, mais les riches brocarts, les damas et velours ciselés restent des produits de luxe, réservés aux intérieurs les plus riches. Les tapisseries sont encore très présentes dans les demeures, productions des manufactures royales de Beauvais et des Gobelins pour les plus fortunés et tapisseries de Bergame pour les intérieurs modestes. Elles continuent d’être employées, mais ne sont plus, comme au siècle précédent, de grandes tentures couvrant l’ensemble des murs et destinées autant à protéger du froid qu’à décorer les pièces d’apparat. Si leur aspect décoratif prime désormais, leurs dimensions se réduisent, tandis que leur usage et leurs sujets restent dépendants de la peinture.

La hiérarchie sociale est alors visible selon la qualité des tapisseries, leurs dimensions et leurs dessins, composés de cycles figuratifs pour les plus prestigieuses et de végétaux pour les productions ordinaires. Au xviiie siècle, les tapisseries figuratives sont des éléments de décorations très présents dans les inventaires après-décès, leur usage ne se limite plus aux intérieurs luxueux, le recyclage qui accompagne le phénomène de consommation entraînant une diffusion de ces étoffes dans les pièces secondaires de la maison ou dans les intérieurs moins aisés. La consommation sous le signe des apparences s’étend aux bourgeois et aux artisans des villes, la décoration murale reste un luxe qui devient, selon les étoffes, abordable11. L’heure est désormais aux intérieurs confortables et intimes dans lesquels les étoffes contribuent à une nouvelle définition du bien-être. Le textile fait déjà partie de l’ameublement (rideaux de fenêtres, pentes de lit, portières, tentures, draperies, paravents, écrans de cheminée) mais il faut attendre les années 1760 pour que l’usage des tissus muraux s’impose un peu partout, remplaçant les tapisseries et donnant lieu à une véritable mode décorative12. Au xviiie siècle, l’introduction des lambris sculptés modifie l’utilisation des tapisseries ou des étoffes qui, après avoir revêtu des murs entiers, s’intègrent maintenant à l’intérieur des boiseries :

Il se fait deux sortes de lambris, les uns se nomment lambris d’appui, & les autres lambris de hauteur. Les lambris d’appui ont ordinairement la hauteur des appartements de croisées, quelques fois on se conforme à la hauteur des tapisseries, on leur donne un pouce d’épaisseur, & on les orne selon la beauté des appartements. On fait les lambris en hauteur conformément aux desseins qu’en donne l’architecte ; ces sortes de lambris sont plus ou moins riches, selon la richesse des appartements13.

L’architecte Jacques-François Blondel regrette cet usage car « tous les meubles qui se font d’une même étoffe, forment un ensemble, dont l’uniformité est agréable, ainsi qu’on le pratiquait souvent dans le dernier siècle, où les lambris étaient si peu en usage14 ». Le meuble, c’est-à-dire l’ameublement complet d’une pièce ou d’un appartement, devient d’un usage courant, une même étoffe pouvant être utilisée pour les rideaux aux fenêtres, le lit à la duchesse avec ses tentures, le revêtement des murs, des fauteuils et des chaises. Les architectes s’accordent sur les préconisations du décor textile dans les intérieurs qui accompagnent le développement des appartements privés et la recherche de confort en multipliant les petites pièces. Les tentures de tapisseries, en particulier les productions des Gobelins, conservent leur rôle de prestige pour les appartements de parade. En 1738, Blondel dans son Traité d’architecture dans le goût moderne recommande leur emploi pour la décoration des « chambres de parade » :

De toutes les pièces qui composent un appartement de parade, il n’en est point qui exigent plus de richesse, de bon goût & de régularité que celles-ci. Le nom qu’on leur donne, doit s’entendre de leur décoration, de l’assortiment des meubles, de la symétrie des glaces, des tableaux & autres ornements qui doivent y être placés avec une parfaite intelligence. Quoique la richesse semble ici être autorisée, elle ne demande pas moins qu’on y observe des repos entre chacune des parties supérieures qui composent leur décoration (…). Dans la Planche 82 on voit la décoration de cet alcôve & celle du lit que j’ai tenu fort orné & placé sur un fond de tapisserie posé sur un lambris d’appui, l’usage n’étant pas de revêtir de menuiserie toute la hauteur des murs contre lesquels un lit de parade est adossé : j’en ai usé ainsi sur les côtés qui forment la profondeur de l’alcôve, afin d’en détacher la décoration d’avec celle du dedans de la chambre, qui est toute de menuiserie15.

Les architectes se font l’écho de l’engouement pour les riches étoffes d’ameublement dont le commerce se développe chez les merciers de la capitale16. Les brocarts et velours qui ont eu la faveur des intérieurs royaux sous Louis XIV, sont désormais employés dans les hôtels particuliers parisiens. Cette évolution se perçoit au milieu du siècle dans les traités d’architecture, elle explique le glissement sémantique du terme tapisserie qui s’emploie désormais pour désigner tous les revêtements des murs qu’il s’agisse d’étoffes ou de « papier tenture », c’est-à-dire de papier peint.

Les murs des chambres sont ordinairement couverts de tapisseries représentant des histoires, des paysages, ou d’autres sujets ; les belles tapisseries sont rares, & lorsqu’elles sont bien dessinées, on ne doit point les couvrir de tableaux qui souvent sont mauvais ou médiocres. Quelquefois elles sont de velours ou d’autres étoffes de différentes couleurs pour l’hiver, & de taffetas pour l’été, qui y donnent un air de fraîcheur & y distinguent les saisons : sur ces sortes de tapisseries on peut mettre des tableaux : mais en général il ne faut pas mettre de mauvais ornements lorsqu’on peut s’en passer ; il faut même éviter de les placer avec profusion & sans fonds sur ces tapisseries d’étoffes ; une chambre ne doit pas ressembler à un magasin de marchand17.

Entre la définition donnée par Furetière en 1690 et l’article de l’Encyclopédie, les dictionnaires attestent de cette évolution. Chez Furetière, les tapisseries servent « à parer une chambre et à en cacher les murailles » :

On fait des tapisseries de haute & basse lice, au métier avec de la laine, de la soie ; & on les rehausse d’or et d’argent. La manufacture des tapisseries des Gobelins est une chose merveilleuse, aussi bien que celles de la Savonnerie. Celles des Flandres, d’Oudenaarde, d’Auvergne, sont infiniment au-dessous […]. Les tapisseries des pauvres sont de Rouen, de Bergame, faites de fil, de laine, & de coton18.

Fig. 1 : Jacques-François Blondel, Traité d’architecture dans le goût moderne. De la distribution des maisons de plaisance et de la décoration des édifices en général, Paris, 1738, tome II, planche 82.

Fig. 1 : Jacques-François Blondel, Traité d’architecture dans le goût moderne. De la distribution des maisons de plaisance et de la décoration des édifices en général, Paris, 1738, tome II, planche 82.

Au xviie siècle, le terme tapisserie est réservé au tissage des lainages sur les métiers et inclut les productions très simples, connues sous le nom de « tapisseries de Bergame ». Les inventaires après-décès attestent d’un usage très répandu de ces étoffes dans les intérieurs de la capitale qui sont progressivement remplacées par des toiles peintes et du papier peint19. En 1741, Savary des Bruslons tient compte de l’évolution de l’usage du mot tapisserie :

pièce d’étoffe ou d’ouvrage, qui sert à parer une chambre, ou quelqu’autre appartement d’une maison, ce avec quoi on en couvre les murailles. Cette sorte d’ameublement se peut faire de toutes espèces d’étoffes, comme de velours, de damas, de brocards, de brocatelle, de satin de Bruges, de calmande, de cadis, etc. ; mais quoique toutes ces étoffes taillées & montées se nomment tapisseries, ce qu’on doit néanmoins appeler ainsi ne sont que les hautes & basses lisses, les bergames20.

Dans les intérieurs aisés, le développement des appartements privés et la multiplication des petites pièces où les décors sont plus simples que dans les espaces d’apparat et de réception, entraîne un besoin accru d’étoffes. Les descriptions d’intérieurs consignées dans les inventaires après décès rendent compte de la prodigieuse variété des étoffes employées en ameublement. L’attention désormais accordée à la décoration des intérieurs se traduit par l’harmonisation des tissus dans les pièces, pratique qui se répand jusque dans les couches populaires, la richesse et la qualité des étoffes faisant la différence21. La question de l’unité décorative est une préoccupation que partagent architectes et tapissiers :

En assortissant plusieurs pièces d’étoffes, soit en Damas ou autres étoffes à fleurs il arrive souvent que les dessins sont plus ou moins grands, ce qui rend difficile le rapport des fleurs. Autre difficulté quand les nuances du fond & des fleurs différent d’une pièce d’étoffe à une autre pièce ; si on ne peut éviter ces inconvénients, il faut au moins examiner si ces pièces séparées pourront produire la quantité dont on a besoin pour les différentes parties des meubles, & si, étant réunies ensemble, elles ne présentent rien de choquant à la vue22.

Tout au long du siècle, les étoffes participent à une nouvelle définition de l’art de vivre dans laquelle l’unité du décor se caractérise par l’essor des pièces textiles mais il faut attendre les années 1760 pour que l’usage des tissus muraux s’impose un peu partout à la place des tapisseries, donnant lieu à une mode décorative qui n’est plus réservée qu’aux intérieurs des élites.

Les acteurs du décor textile

Dans l’ameublement des intérieurs, les tissus ne servent pas seulement à remplacer les tapisseries moins à la mode ou à confectionner des lits mais sont employés pour de nombreux éléments – rideaux de fenêtres, pentes, cantonnières et bonnes grâces des lits, portières, tentures, draperies, paravents, écrans de cheminée – qui donnent au décor textile un rôle dans l’idée d’assortiment et d’unité décorative23. Ces usages variés impliquent l’intervention d’autres acteurs dans la décoration des pièces que les traditionnels métiers d’architecte et de sculpteur d’ornements. Le décor textile rend le tapissier indispensable et son absence dans les écrits des architectes ne doit pas nous tromper sur son rôle dans l’embellissement des intérieurs alors que l’emploi des étoffes progresse pendant tout le siècle24. La publication en 1766 d’un traité par le maître tapissier Jean-François Bimont est révélateur de la place qu’il a désormais acquise dans l’artisanat du luxe25. Mercier, dans son Tableau de Paris, constate : « Quand une maison est bâtie, rien n’est fait encore ; on n’est pas au quart de la dépense26 ». Le tapissier arrive juste après le menuisier et avant « le peintre, le doreur, le sculpteur, l’ébéniste », cette énumération des artisans correspond à l’importance du décor dont Mercier dénonce le coût, constatant qu’on « a donné aux ameublements une magnificence surabondante & déplacée ». André-Jacob Roubo dans L’art du menuisier en meubles constate :

[Les] meubles étant variées à l’infini, & étant sujettes à des changements considérables, soit dans leurs formes soit dans leur décoration, laquelle change tous les jours à raison des différents besoins, qui semblent augmenter avec la puissance de les satisfaire ; de sorte que soit esprit d’inconstance ou de mode, soit enfin le besoin qu’ont les ouvriers de travailler, on voit paraître tous les jours des meubles nouveaux, ou bien qui sont d’une forme différente de l’ordinaire, auxquels on donne des noms étrangers & extraordinaire, afin d’en avoir plus de débit27.

L’implication du tapissier dans la conception du décor reste changeante, entre un ouvrier spécialisé exécutant le projet de l’architecte et/ou celui du commanditaire et le tapissier, « marchand qui vend, qui fait ou qui tend des tapisseries, ou des meubles », devenant un prescripteur de mode28. Les travaux des historiens ont permis de mieux connaître son rôle. Pierre Verlet distingue deux catégories pour un artisan dont les travaux sont variés : les tapissiers garnisseurs de meubles et les tapissiers responsables de la préparation des étoffes et de leur mise en œuvre sur les murs, les lits, rideaux et cantonnières aux fenêtres, portières29. Cette deuxième catégorie montre comment le tapissier est devenu un véritable décorateur en étoffes. Natacha Coquery, en étudiant le commerce de l’artisanat à Paris, voit dans le tapissier un personnage polyvalent, à la fois « marchand et artisan, inventeur, réparateur et troqueur » qui joue le rôle d’un décorateur d’intérieur en proposant à une riche clientèle, parisienne et européenne, des objets à la mode30. Il est aussi une sorte de brocanteur, revendant des marchandises de seconde main et contribuant à diffuser auprès d’une clientèle élargie une marchandise qui n’est plus de toute nouveauté mais peut encore servir.

Au xviiie siècle, l’emploi des tissus d’ameublement se distingue par une très grande variété qui va bien au-delà des différents usages entre tapisseries murales, rideaux, lits et revêtement des sièges. Le « maître et marchand tapissier » ne se limite pas à un simple artisan, il est l’intermédiaire entre les manufactures textiles et le consommateur, son rôle est de proposer des étoffes en adéquation avec leur usage et avec le niveau social de leur propriétaire.

Parmi les fournisseurs, le tapissier tenait une place importante ; il était chargé de l’ameublement non seulement de l’hôtel à Paris, mais de celui des divers châteaux de province ; il était le tapissier de la famille et il n’était pas étonnant de se voir continuer des clientèles de père en fils31.

Le train de vie de la noblesse et de la haute bourgeoisie implique aussi la présence de tapissier parmi le personnel, le « valet de chambre tapissier » s’occupe d’entretenir l’ameublement, de le changer en fonction des besoins et de mettre en place les meubles d’été et d’hiver. Pour satisfaire le renouvellement du meuble deux fois par an, les menuisiers et les tapissiers ont mis au point des systèmes ingénieux, facilitant les transformations de l’ameublement des chambres et des salons au gré des saisons.

On a poussé encore l’industrie jusqu’au point de pouvoir changer d’étoffes, les fauteuils, les canapés, &c, de même que les tapisseries, par le secours de faux fonds & de faux dossiers qui se démontent avec des vis, ou sont attachés avec des tourniquets, de manière qu’il n’y a qu’à appliquer les étoffes selon la diversité des saisons, sans que les fonds occupent le garde-meuble, dont l’on n’a plus besoin que pour conserver les dessus, qui alors se serrent dans des armoires, sous la garde du valet-de-chambre tapissier32.

Sieur Vitel, le valet de chambre tapissier du duc de La Trémoille, est ainsi responsable de la nouvelle décoration lors du déménagement de son maître. Il dirige les ouvriers et s’occupe d’acheter les nouveaux meubles33. Sa proximité avec ses employeurs facilite son travail, il est à même de choisir les étoffes en accord avec leur rang. Ce statut de « tapissier-domestique » n’est pas favorable aux innovations esthétiques, alors que le tapissier-marchand est plus à même de proposer de nouvelles étoffes. Parmi les exemples étudiés par Natacha Coquery, la princesse Kinsky montre que la gestion du domaine est confiée à un architecte qui dirige les chantiers de rénovation et règle directement les fournisseurs parmi lesquels les tapissiers34. Les dépenses engagées en menuiserie s’avèrent d’un niveau équivalent à ceux des travaux de tapisserie35. Dans ce cas, le niveau de train de vie nécessite de nombreux fournisseurs et l’architecte, « homme à tout faire », fait appel à divers artisans, il intervient directement dans le choix des étoffes et joue le rôle d’intermédiaire entre le marchand d’étoffes et le tapissier. Alors que le nombre de tapissiers ne fait qu’augmenter – on en dénombre plus de 600 au début du siècle à Paris36 –, leurs travaux dépendent des marchands d’étoffes pour meuble. Les marchands merciers sont les véritables prescripteurs en matière de mode décorative car ils peuvent commander des étoffes pour leur propre compte qu’ils fourniront à leurs meilleurs clients, sans passer par l’intermédiaire du tapissier. Le mercier anglais Sykes fait imprimer à la manufacture de Jouy des mousselines pour son magasin Au Singe-Vert qui est « considérable, situé au premier étage de la maison qui fait l’angle de la place du Palais-Royal, réunit différents genres qui peuvent être divisés en trois classes importantes […] la troisième forme un magasin très varié et très assorti de toutes espèces de marchandises rares et curieuses37 ». Lorsque les marchands merciers font imprimer leurs propres étoffes, le fabricant est toujours attentif à la disposition des dessins dans la largeur pour tenir compte du travail du tapissier.

Je vous observe que ces coupes sont trop étroites pour l’impression des meubles auxquels vous les destinez. Il faut généralement qu’une toile ait au moins 38 pouces de large en écru et 26 pouces en blanc sans quoi elle ne reçoit pas la totalité du dessin ce qui est un grand inconvénient pour le tapissier qui ne peut le faire rapporter. Il y a des consommateurs qui passent par-dessus cet inconvénient mais j’ai cru devoir vous en faire part38.

Les marchands merciers n’ont pas le monopole du commerce des étoffes. En 1776, les nouveaux statuts élargissent la corporation des tapissiers, aux fripiers en meubles et aux miroitiers. C’est sur le tapissier que repose la mise en œuvre des tissus dans les espaces de la maison, à commencer par le lit : « on comprend un Lit complet dans son ensemble, c’est-à-dire garni de ses rideaux, de ses matelas en un mot tout l’ensemble de la décoration39 ». Le lit constitue une véritable architecture dans la pièce et contribue à l’importance prise par les étoffes dans le décor intérieur40. La présence des étoffes s’étend à toutes les pièces avec les rideaux de croisées, c’est-à-dire de fenêtres, dont la finalité pratique – protéger des courants d’air – se double d’une velléité décorative. Le placement des tissus sur les sièges participe aux préoccupations du décor, la partie artistique du métier se reflète dans la manière dont le tapissier s’empare d’une étoffe pour l’adapter à la forme du mobilier :

La distribution des étoffes qui servent à faire des meubles, leurs propriétés, la préférence qu’elles ont les unes sur les autres, & le pari qu’on peut tirer de chacune, sont les premiers objets des méditations du Tapissier, qui procède avec ordre dans les recherches de son art. De là il passe aux difficultés qui se rencontrent dans les assortiments ; &, ayant trouvé les moyens de les lever, il s’occupe à distribuer les fleurs par l’union & la séparation des lés, soit des étoffes à fleurs, à quadrille, ou rayées, & par l’emploi des bordures. Ce n’est pas à un seul genre d’étoffe qu’il borne ses réflexions, elles s’étendent aussi à toutes sortes de toiles peintes, dont on peut faire de beaux meubles quand on fait en distribuer les parties ou y mettre des cartouches41.

Le tapissier est polyvalent. En plus de recouvrir les travaux des menuisiers42, il loue des meubles pour des aménagements temporaires lors d’un évènement exceptionnel ou selon les périodes d’occupation des hôtels particuliers. Le tapissier Law a ainsi réalisé pour le conseiller d’État Moreau le décor d’une pièce pour un souper dans son hôtel particulier :

avoir loué six parties de rideaux […] cramoisi pour les croisées de la galerie, les avoir placées et relevées en draperie, avoir défait les quatre parties de rideaux de damas vert de l’appartement du second, les avoir placées à la pièce du fond de la galerie, les avoir relevées en draperie, les avoir remis en place, à la dite pièce, avoir accroché des lanternes, fourni fil de fer et clous pour ce nécessaire, avoir à la galerie accroché les tableaux et estampes autant qu’il en a pu tenir, fourni de même les clous et pointes, pour frais de port des meubles prêtés et rapport, pour fourniture des clous et temps de garçon, pour loyer des rideaux 60 l43.

Fig. 2 : Jean-François Bimont, Principes de l’art du tapissier, ouvrage utile aux gens de la profession et à ceux qui les emploient, Paris, Imp. Lottin, 1770, planche « lit à la polonaise ».

Fig. 2 : Jean-François Bimont, Principes de l’art du tapissier, ouvrage utile aux gens de la profession et à ceux qui les emploient, Paris, Imp. Lottin, 1770, planche « lit à la polonaise ».

Fig. 3 : Jean-François Bimont, Principes de l’art du tapissier, ouvrage utile aux gens de la profession et à ceux qui les emploient, Paris, Imp. Lottin, 1770, planche « lit à la turque ».

Fig. 3 : Jean-François Bimont, Principes de l’art du tapissier, ouvrage utile aux gens de la profession et à ceux qui les emploient, Paris, Imp. Lottin, 1770, planche « lit à la turque ».

La location est aussi un moyen de disposer d’un intérieur provisoire mais à la dernière mode. L’ameublement des intérieurs est moins soumis aux fluctuations des modes que l’habillement, néanmoins, l’évolution du goût tout au long du xviiie siècle a fortement modifié l’aspect décoratif, favorisant le commerce des étoffes et l’intervention des tapissiers. La diversité des activités qu’ils exercent dans une boutique ou une maison font de ces artisans des acteurs incontournables de la décoration intérieure. Alors que les marchands-tapissiers vendent du mobilier prêt à l’emploi, le domestique qui fait office de tapissier est davantage un homme d’entretien, chargé notamment du remplacement des meubles d’hiver et d’été, son rôle dans la création de nouveaux décors est alors minime. Dans les intérieurs de la Couronne, la marge de manœuvre est contrainte, l’usage des étoffes répondant à des critères où la richesse des étoffes se confond avec l’esthétique, mais l’emploi plus important des taffetas, étoffe de soie légère et aux couleurs claires, révèle une certaine fantaisie que la construction des petits appartements a rendue possible. Les ameublements des appartements des filles de Louis XV font la part belle aux étoffes moins luxueuses, mais c’est surtout dans les ameublements des maisons royales à la campagne qu’une plus grande liberté règne dans la décoration, reflétant les pratiques en usage des tapissiers mais aussi les demandes des propriétaires. Ainsi « l’inventaire de l’ameublement de la Maison de Madame Élisabeth » à Montreuil en 1788 atteste d’un goût pour les étoffes fleuries, les perses et les toiles de Jouy qui meublent la totalité des chambres et des salons44.

L’inventivité du tapissier est de plus en plus sollicitée alors que différentes formes de lits se développent et tandis que chaises, fauteuils et canapés se multiplient, nécessitant l’intervention du tapissier qui, à défaut de proposer de nouvelles modes, s’adapte aux demandes de la clientèle. Le lit à la duchesse est le plus répandu. Sa structure, véritable monument d’étoffes, héritée du xviie siècle perdure, son usage est attesté, des intérieurs royaux jusqu’au peuple, la richesse des étoffes faisant la différence. Bimont détaille les lits fantaisistes qui viennent compléter le catalogue du tapissier : « à la romaine », « à la turque », « à la polonaise » dont les décors complexes et les rideaux surmontés d’un dôme sont réservés aux intérieurs luxueux, lit en niche ou « à tombeau » et enfin le lit « à l’anglaise », le mobilier n’échappant pas à l’anglomanie. D’autres éléments des meubles, comme les portières, révèlent comment le besoin de confort s’est doublé d’une recherche décorative.

Le xviiie siècle reste associé à l’ébénisterie et à l’excellence des maîtres parisiens qui tiennent une place prépondérante dans le marché du luxe de la capitale. L’évolution du cadre de vie est pourtant davantage perceptible dans le passage des tapisseries des Gobelins et d’Aubusson aux tapisseries d’étoffes. Cette évolution apparaît dans les traités d’architecture dont les préconisations en matière d’étoffes ont contribué à faire du textile un élément de l’harmonie d’ensemble du décor. Cet engouement pour les ensembles textiles a favorisé l’activité du tapissier qui exerce un métier artisanal pour répondre aux besoins grandissant de meubles confortables, tendant à devenir un véritable décorateur. Le tapissier n’œuvre pas seul, il est un des acteurs qui contribuent à l’ornementation des appartements mais il joue un rôle essentiel en mettant en œuvre les préconisations des architectes. L’étude de la place des étoffes permet de mieux percevoir son importance dans les processus d’embellissement des intérieurs où architectes, artistes, artisans, marchands constituent les nombreux interlocuteurs des commanditaires. Les tapissiers, s’ils ne sont pas à l’origine des modifications décoratives, n’en restent pas moins des artisans indispensables à la mise en œuvre du décor. La modification des statuts de leur corporation révèle l’importance prise par cette profession au xviiie siècle. Le cloisonnement des métiers entre architectes, menuisiers, sculpteurs, tapissiers devait disparaître avec la Révolution française et la suppression des corporations donner naissance au métier d’architecte-décorateur concevant l’ensemble du décor, incluant mobilier et textile, prolongement des pratiques mises en œuvre au xviiie siècle, pour Percier et Fontaine :

L’ameublement se lie de trop près à la décoration des intérieurs pour que l’architecte puisse y être indifférent. L’esprit de la décoration, séparé de celui de la construction et opérant sans concert avec lui, se fera un jeu de toutes les sortes d’absurdités et de contre-sens : non seulement il pervertira les formes essentielles de l’édifice, mais il les fera disparaître. Des glaces indiscrètement posées, des tapisseries maladroitement attachées produiront des vides où il faudrait des pleins, et des pleins où il faudrait des vides45.

*

En fin de compte, la décoration était devenue une affaire trop importante pour qu’elle demeure la prérogative des menuisiers et des tapissiers. Inventé au xviiie siècle, le métier de « celui qui pose les tapisseries ou tentures d’appartement, les rideaux, les dais de lit, les portières, recouvre les meubles, tend les tapis sur le parquet, et s’occupe, en un mot, de toutes les parties de l’ameublement » prendra le nom de « tapissier-décorateur » dans la seconde moitié du xixe siècle lorsque les étoffes seront à nouveau omniprésentes dans les intérieurs46.

Notes

1 Germain Boffrand, Livre d’Architecture, Paris, Chez Guillaume Cavelier, 1745, p. 41. Return to text

2 Norbert Elias, La société de cour, Paris, Calmann-Lévy, 1974/Flammarion, 1985, (édition originale en allemand, 1969), p. 28-35. Return to text

3 Charles-Étienne Briseux, Architecture moderne ou l’art de bien bastir pour toutes sortes de personnes, tant pour les maisons de particuliers que pour les palais, Paris, Chez Jombert, 1728 ; Jacques-François Blondel, Traité d’architecture dans le goût moderne. De la distribution des maisons de plaisance et de la décoration des édifices en général, Paris, Chez Jombert, 2 vol., 1737-1738 ; Germain Boffrand, Livre d’Architecture, Paris, Chez Guillaume Cavelier, 1745. Return to text

4 J.-F. Blondel, Traité d’architecture dans le goût moderne…, op. cit., t. II, part. II, p. 103 ; G. Boffrand, Livre d’Architecture, op. cit., p. 41. Return to text

5 On peut citer l’exemple le plus connu de l’hôtel de Soubise, reconstruit dans la seconde moitié du xviie siècle, qui fait l’objet de plusieurs réaménagements au début du siècle, avant que Germain Boffrand réalise la décoration dans le style rocaille des appartements entre 1735 et 1740, Ibid., p. 97-99. Return to text

6 Jacques-François Blondel, Cours d’architecture ou Traité de la décoration, distribution et construction des maisons, Paris, Chez Desaint, 1777, t. V, p. 1. Return to text

7 Michel Gallet, Demeures parisiennes. L’époque de Louis XVI, Paris, Éditions du Temps, 1964 ; Katie Scott, The Rococo Interior : Decoration and Social Spaces in Early Eighteenth-Century Paris, Londres, Yale University Press, 1995 ; Pierre Verlet, La Maison du xviiie siècle en France, Fribourg, Office du Livre, 1966. À l’échelle européenne voir : Matthieu Lett, Carl Magnusson et Léonie Marquaille (dir.), Décor et architecture (xvie-xviiie siècles) : entre union et séparation des arts, Berne, Peter Lang, 2020. Return to text

8 Bruno Pons, De Paris à Versailles : 1699-1736, les sculpteurs ornemanistes parisiens et l’art décoratif des Bâtiments du roi, Strasbourg, Presses de l’Université, 1986. Parmi les nombreux travaux consacrés aux sculpteurs et ornemanistes au xviiie siècle, citons Carl Magnusson, « La décoration intérieure au xviiie siècle : l’architecte et le sculpteur », Études de lettres, n° 1, 2009, p. 57-78 ; Xavier Salmon et Côme Fabre, Sculpter pour Louis XV, Jacques Verberckt ou l’art du lambris à Fontainebleau, Paris, Faton, 2012. Return to text

9 Annick Pardailhe-Galabrun, La naissance de l’intime, 3 000 foyers parisiens, xviie-xviiie siècles, Paris, Presses universitaires de France, 1988, p. 276. Return to text

10 On peut néanmoins citer les travaux de Pierre Verlet et notamment, « Notes sur quelques tapissiers parisiens du xviiie siècle », Furniture History, vol. XXI (« Studies in the History of Furniture and Design »), 1985, p. 19-31 ; Svend Eriksen, Louis Delanois : menuisier en sièges (1731-1792), Paris, F. de Nobele, 1968, p. 25-26 ; Peter Thornton, Authentic decor : the domestic interior, 1620-1920, London, Weidenfeld & Nicolson, 1984. Return to text

11 Daniel Roche, Le peuple de Paris, Paris, Fayard, 1998 (éd. augmentée ; éd. originale 1981), p. 205-207. Return to text

12 A. Pardailhé-Galabrun, La naissance de l’intime, op. cit., p. 370-371. Return to text

13 Charles-Étienne Briseux, Architecture moderne…, op. cit., t. I, p. 90. Return to text

14 Jacques-François Blondel, L’Architecture française ou recueil des plans, élévations, coupes et profils, Paris, Jombert, 1752-1756, t. I, p. 122. Return to text

15 J.-F-. Blondel, Traité d’architecture, op. cit., t. II, partie II, p. 109-110. Return to text

16 Carolyn Sargentson, Merchants and luxury markets : the marchands merciers of eighteenth century Paris, Londres, Victoria & Albert Museum/J. Paul Gerry Museum, 1996 ; Natacha Coquery, L’hôtel aristocratique, le marché du luxe à Paris au xviiie siècle, Paris, publications de la Sorbonne, 1998, p. 63-65 ; Rose-Marie Herda-Mousseaux (dir.), La Fabrique du luxe. Les marchands merciers parisiens au xviiie siècle, catalogue d’exposition du musée Cognacq-Jay (29 septembre 2018 - 27 janvier 2019), Paris, Paris Musées, 2018. Return to text

17 G. Boffrand, Livre d’Architecture, op. cit., p. 42. Return to text

18 Antoine Furetière, Essais d’un dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois, ect., La Haye/Rotterdam, 1690 (2e édition), t. II, art. « tapisserie ». Return to text

19 D. Roche, Le peuple, op. cit., p. 206. Dans les intérieurs de domestiques, alors que les tapisseries représentent 98% des étoffes entre 1695 et 1715, cette part diminue jusqu’à 42% entre 1775 et 1790 tandis que les toiles peintes sont représentées à hauteur de 12% et 25% pour les papiers peints. Return to text

20 Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, Paris, Chez la Veuve Estienne, 1741 (nouvelle édition), t. III, p. 319. Return to text

21 A. Pardailhe-Galabrun, La naissance de l’intime…, op. cit., p. 376. Return to text

22 Jean-François Bimont, Principes de l’art du tapissier, ouvrage utile aux gens de la profession et à ceux qui les emploient, Paris, Imp. Lottin, 1770 (rééd. augmentée du Manuel des tapissiers, 1766), p. 10-11. Cet ouvrage est repris dans L’Encyclopédie méthodique, arts et métiers mécaniques, Paris, Chez Panckoucke, 1782-1791, t. VIII, p. 61-85, article « Art du tapissier ». Return to text

23 En 1750, l’exemple du velours cramoisi employé pour recouvrir « la lunette de la chaise de commodité du roi » est à cet égard significatif de l’importance des étoffes dans la recherche de confort. Archives Nationales (désormais AN), série O1, registre 3562, « Mémoire des étoffes qui ont été employées au garde-meuble de Versailles aux meubles qu’on a faits de neuf et ceux qu’on a raccommodé pendant les six premiers mois de l’année 1750 ». Return to text

24 La corporation des tapissiers est issue de la fusion au début du xviie siècle des maîtres liciers et courtepointiers. La création des manufactures royales contribua à modifier leurs statuts en 1636, puis en 1719, les tapissiers devenaient ainsi des décorateurs et des matelassiers, rejoint en 1776 par les fripiers en meubles et les miroitiers. René de Lespinasse, Histoire générale de Paris. Les Métiers et Corporations de la ville de Paris, t. II : xive-xviiie siècle, orfèvrerie, sculpture, mercerie, ouvrier en métaux, bâtiment et ameublement, Paris, Imprimerie Nationale, 1886, t. VIII, p. 687-691. Return to text

25 J.-F. Bimont, Principes de l’art du tapissier…, op. cit. Return to text

26 Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, Amsterdam, 1783 (éd. corrigée et augmentée), t. 1, p. 166. Return to text

27 André-Jacob Roubo, L’art du menuisier, 3ème part. : l’art du menuisier en meubles, Paris, 1772, p. 600. Return to text

28 J. Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, op. cit., t. III, p. 319. Return to text

29 Pierre Verlet, « Notes sur quelques tapissiers parisiens… », op. cit., p. 19-31. Xavier Bonnet, « Claude-François Capin (1727-1789), tapissier ordinaire du roi et du Garde-Meuble de la Couronne : premiers éléments de recherche », mémoire de recherche sous la direction de Christian Baulez, Paris, École du Louvre, 2007. Return to text

30 Natacha Coquery, Tenir boutique à Paris au xviiie siècle : luxe et demi-luxe, Paris, CTHS, 2006, p. 162. Return to text

31 Jules Deville, Dictionnaire du tapissier critique et historique de l’ameublement français depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, Paris, C. Claes éditeur, 1878-1880, p. 139. Return to text

32 Ibid., p. 123. Return to text

33 N. Coquery, L’hôtel aristocratique…, op. cit., p. 72. Return to text

34 Ibid., p. 74. Return to text

35 Ibid., p. 134. Return to text

36 R. de Lespinasse, Histoire générale de Paris…, op. cit., p. 691. Return to text

37 Luc-Vincent Thiéry, Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris, Paris, 1787, t. I, p. 223, cité par N. Coquery, L’hôtel aristocratique…, op. cit., p. 67. Return to text

38 Archives nationales du Monde du Travail, fonds Oberkampf, 2003 059 93, « Copie de lettres adressées aux fournisseurs et commerçants », p. 543, courrier du 25 août 1813. Return to text

39 J. Deville, Dictionnaire du tapissier critique et historique…, op. cit., p. 54-55. Return to text

40 Anika Reineke et Anne Röhl, « L’ordre et le chaos : le lit comme espace pictural et matériel textile », Perspective, n° 1, 2016, p. 171-179. Return to text

41 J.-F. Bimont, Principes de l’art du tapissier…, op. cit., p. 1-2. Return to text

42 Svend Eriksen, Louis Delanois…, op. cit., p. 25-26. Return to text

43 AN, D5B6 3451, cité par Natacha Coquery, « Bijoutiers et tapissiers : le luxe et le demi-luxe à Paris dans la seconde moitié du xviiie siècle », dans Stéphane Castelluccio (dir.), Le Commerce de luxe à Paris aux xviie et xviiie siècles. Échanges nationaux et internationaux, Bern, Peter Lang, 2009, p. 199-221. Return to text

44 AN, série O1, registre 3491, « État divers de meubles et logements, correspondance 1777-1790 ». Return to text

45 Charles Percier et Pierre Fontaine, Recueil de décorations intérieures, comprenant tout ce qui a rapport à l’ameublement, Paris, p. Didot, 1812, p. 15. Return to text

46 Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, Paris, Hachette, 1874, t. IV, p. 2147. Return to text

Illustrations

  • Fig. 1 : Jacques-François Blondel, Traité d’architecture dans le goût moderne. De la distribution des maisons de plaisance et de la décoration des édifices en général, Paris, 1738, tome II, planche 82.

    Fig. 1 : Jacques-François Blondel, Traité d’architecture dans le goût moderne. De la distribution des maisons de plaisance et de la décoration des édifices en général, Paris, 1738, tome II, planche 82.

  • Fig. 2 : Jean-François Bimont, Principes de l’art du tapissier, ouvrage utile aux gens de la profession et à ceux qui les emploient, Paris, Imp. Lottin, 1770, planche « lit à la polonaise ».

    Fig. 2 : Jean-François Bimont, Principes de l’art du tapissier, ouvrage utile aux gens de la profession et à ceux qui les emploient, Paris, Imp. Lottin, 1770, planche « lit à la polonaise ».

  • Fig. 3 : Jean-François Bimont, Principes de l’art du tapissier, ouvrage utile aux gens de la profession et à ceux qui les emploient, Paris, Imp. Lottin, 1770, planche « lit à la turque ».

    Fig. 3 : Jean-François Bimont, Principes de l’art du tapissier, ouvrage utile aux gens de la profession et à ceux qui les emploient, Paris, Imp. Lottin, 1770, planche « lit à la turque ».

References

Bibliographical reference

Aziza Gril-Mariotte, « L’architecte et le tissu ou comment le décor textile a participé à la notion d’unité décorative dans les intérieurs au xviiie siècle », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 19 | 2021, 13-16.

Electronic reference

Aziza Gril-Mariotte, « L’architecte et le tissu ou comment le décor textile a participé à la notion d’unité décorative dans les intérieurs au xviiie siècle », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [Online], 19 | 2021, Online since 21 septembre 2023, connection on 11 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=533

Author

Aziza Gril-Mariotte

Aziza Gril-Mariotte est professeure en histoire de l’art à l’université d’Aix-Marseille. / Aziza Gril-Mariotte is Professor in art history at the University of Aix-Marseille. / Aziza Gril-Mariotte ist Professorin für Kunstgeschichte an der Université d’Aix-Marseille.

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