Depuis des années, les recherches autour de l’imaginaire et de la construction culturelle de l’espace sont au centre des intérêts de Deshima avec une attention spécifique pour la création et l’évolution du concept de Nord et des stéréotypes qui y sont associés. Cela se traduit entre autres dans l’organisation de colloques annuels, devenus désormais une tradition, en collaboration avec la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNU), ainsi que dans la diffusion des résultats des recherches dans le cadre des formations proposées par les départements d’études scandinaves et d’études néerlandaises de l’université de Strasbourg.
La dernière rencontre organisée dans les locaux de la BNU, intitulée « Géographies et imaginaires », s’est déroulée du 21 au 23 mars 2019, attirant des spécialistes du Nord en provenance de plusieurs pays européens. Le pluriel dans le titre de l’événement est délibéré, dans la conviction qu’il est impossible de parler du Nord, mais qu’il faut plutôt penser à des géographies et des imaginaires du Nord et des « Nords » en évolution permanente. Explorer ces idées, ces images et ces stéréotypes nous permet de mieux les connaître, mais aussi de comprendre qu’ils sont le reflet non seulement de lieux réels mais bien plus souvent de fantasmes individuels ou collectifs. Nous partons donc de l’espace concret pour prendre le vol vers un espace construit, détruit et reconstruit.
Au cœur de cette exploration se trouve le concept de « mythème ». Repris de l’ethnologie, ce terme a été adapté par Thomas Mohnike, dont nous avons le plaisir d’accueillir une contribution théorique sur ce sujet, à l’histoire culturelle et littéraire. Une partie des contributions dans ce numéro est étroitement liée – soit implicitement soit ouvertement – à ces réflexions qu’elles déclinent en les appliquant à des sujets variés, tels que la construction du Nord dans l’œuvre de plusieurs auteurs, traducteurs et éditeurs de livres de voyage, l’imaginaire qui entoure les lieux mythiques de Rügen, Vineta et Tromsø, l’intégration de références mythologiques nordiques dans les jeux vidéo, les « sonorités » du Nord ou encore le problème de l’espace et de sa manipulation dans une sélection d’études de textes nordiques et néerlandais.
Une sélection de « Savants mélanges » complète le numéro. Ces contributions peuvent paraître accessoires par rapport à la première partie du volume, mais elles ne le sont qu’en surface. Dans ces cas aussi, à bien y regarder, il s’agit d’explorations de constructions culturelles liées à l’imaginaire du Nord : de la construction de l’idéal de tolérance souvent associé au Siècle d’or néerlandais pour en arriver à la représentation d’Odin à la recherche du savoir dans le Vafþrúðnismál et à la fascination qui a animé des générations d’historiens pour la figure du roi danois Christian VII. Un imaginaire non lié directement à l’espace donc, mais néanmoins déterminant pour la construction d’une identité nationale dans les pays concernés (et même en dehors).
Une avant-première littéraire et artistique complète le volume, la traduction de la nouvelle Krabnevel de l’auteur néerlandais Rob Verschueren par Daniel Cunin. Le comité éditorial tient à remercier M. Rob Verschueren et M. Daniel Cunin pour la gracieuse autorisation à la publication et M. Cunin pour nous l’avoir proposée. D. Cunin est également l'auteur du texte sur la contribution des Pays-Bas aux avant-gardes dadas du xxe siècle qui clôt cette section.
Avec ce numéro, Deshima complète le renouvellement de son équipe éditoriale. Roberto Dagnino et Cyrille François sont désormais officiellement en charge et tiennent à remercier Thomas Beaufils et Thomas Mohnike, qui restent fortement impliqués, pour le travail accompli dès la fondation de la revue. Nous esperons enfin, comme d'habitude, que ce nouveau numéro de Deshima pourra être source de précieuses informations et inspirations pour nos fidèles lecteurs.
Strasbourg, 10 septembre 2020
