Espace géographique et espace de poésie

Le territoire de l’écriture dans Baltiques de Tomas Tranströmer

  • Geographical Space and Poetical Space. Writing Territory in Tomas Transtr.mer’s Östersjöar

p. 161-176

Zusammenfassung

The website of the Swedish publishing house Bonniers presents Tomas Tranströmer as “one of the most genuinely Swedish poets, masterful in his visions of interior and exterior coldness and barrenness”. An acclaimed master of the short poem, Tranströmer’s 1974 Östersjöar (Baltics, in the English translation) is his most ambitious attempt to write a long poem. It is also the only one of his books in which he names and thematises a precise geographical reality. This article offers a reading of Baltics that shows how the geographical space of the Baltic sea contributes to the construction of a deeply personal poetical territory of which it becomes an essential part. The form Tranströmer gives to his longest poem is intimately linked to the themes which it develops while making of Baltics a central book in the author’s poetical production as a whole.

Gliederung

Text

Tomas Tranströmer est souvent acclamé en tant que maître de la forme brève. En témoignent surtout les nombreux haïkus dans ses deux derniers recueils. Östersjöar, Baltiques dans la traduction de Jacques Outin parue en France en 1996, est le septième livre de Tranströmer.1 Il paraît en 1974 et se situe assez précisément au milieu de son œuvre poétique. Il constitue sa tentative la plus ambitieuse et la plus aboutie d’écrire un poème long. L’impulsion immédiate de ce travail a été la lecture en traduction anglaise du poème Jonas du Strasbourgeois Jean-Paul de Dadelsen2. Tranströmer précise lui-même qu’en lisant Dadelsen il a découvert qu’il « était possible de donner une unité à un poème long en ayant sa propre voix du début à la fin »3. Kjell Espmark signale l’importance probable de Dadelsen à propos de la structure de l’ensemble et du motif des morts de Baltiques. Dans une même perspective, Magnus Ringgren évoque pour sa part le parlando unificateur du poème de Tranströmer ainsi que le motif du contact avec les morts qui aurait attiré son attention à la lecture du poète strasbourgeois. Espmark conclut pourtant en affirmant que « dans l’ensemble l’impulsion semble être du type général dont il est très difficile de retrouver les traces dans la réalisation finale »4.

Östersjöar se présente comme une suite en six parties, de longueur variable, numérotées de I à VI. Lors de la parution du poème, la critique a généralement souligné le vers libre souvent proche de la diction de la prose et une expression moins immédiatement dense que dans les recueils précédents. Torsten Rönnerstrand parle d’un « poème à grande échelle qui, malgré l’absence d’emphase, regorge de vues aériennes vertigineuses et de symboles évocateurs »5.

Dans le court texte de présentation qui accompagne l’enregistrement que fait Tranströmer de son poème en 1990, il en évoque lui-même les thématiques – la frontière, gränsen, est une des notions-clés – ainsi que leur lien avec sa propre vie. Il qualifie l’ensemble de « géographique, historique, politique et introspectif. Il contient de la matière authentique. Ce qui apparaît comme documentaire l’est en effet »6.

Depuis sa publication, Östersjöar a souvent pu attirer l’attention des commentateurs. Par exemple, dans son livre Resans formler, cité ci-dessus et consacré à l’ensemble de l’œuvre de Tranströmer, Kjell Espmark s’attache, dans la lecture qu’il propose du poème7, à la thématique de la communication, où la notion de frontière comme obstacle et lieu de rencontre joue un rôle central. L’approche davantage essayistique de Magnus Ringgren tente de faire ressortir la dimension narrative du poème8. Torsten Rönnerstrand et Bernt Olsson se sont penchés sur la conception de la langue que l’on y décèle9. Robert Hass, pour sa part, met en évidence la dimension du temps dans sa mise en forme. Plus récemment, Erik Falk revient sur la notion d’épiphanie, terme employé par Espmark pour qualifier les instants privilégiés dans la poésie de Tranströmer, et ses rapports avec l’espace et le texte10. Klaus K. Madsen, quant à lui, sollicite des philosophes contemporains dans une lecture post-moderne qui met en évidence les prolongements intertextuels et autres du texte de Tranströmer11. L’espace géographique est bien entendu incontournable, quelle que soit l’approche du commentateur. Notre ambition est de mettre cet espace et l’évocation qui en est faite en rapport avec l’écriture même du poème et avec le territoire poétique qu’il permet à Tranströmer d’instituer. Nous partirons des références concrètes à la région de la mer Baltique afin de dégager l’aspect essentiellement personnel qu’elle prend dans le poème et de mettre en évidence son épaisseur temporelle. Ces éléments permettront de montrer comment s’institue l’espace poétique de Tomas Tranströmer et comment le poète investit ce territoire au moyen d’une écriture discrètement réflexive où parole et silence s’organisent en archipel sur la page.

Certains préalables théoriques viennent de l’analyse du discours littéraire élaborée par Dominique Maingueneau. Les notions sollicitées seront présentées au cours du développement.

La Baltique dans Östersjöar

D’un point de vue géographique, la mer Baltique est une mer intérieure de l’Europe du Nord qui s’ouvre à l’ouest par le détroit d’Öresund sur le Cattégat, le Skagerack et la mer du Nord. Trois golfes prolongent cette mer : le golfe de Botnie au nord, le golfe de Finlande et le golfe de Riga à l’est. Les pays riverains de la Baltique sont la Suède, la Finlande, la Russie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, l’Allemagne et le Danemark. Le lecteur d’Östersjöar découvre immédiatement que le poème n’a pas l’ambition d’évoquer cet espace composite ou d’en rendre compte dans sa totalité. Le nom propre Östersjön, qui désigne la mer baltique en suédois, apparaît seulement trois fois12 et les noms de lieux sont plutôt rares.

Dans la première partie du poème est intégré un court extrait du carnet de bord, datant de 1884, du grand-père du poète, guide côtier de métier, où sont mentionnées les routes maritimes empruntées par quelques navires qu’il a pris en charge. Ainsi le vapeur Tiger a-t-il fait le trajet « Hull Gefle Furusund », le brick Ocean « Sandöfjord Hernösand Furusund » et un autre vapeur, St Pettersburg, « Stettin Libau Sandhamn »13. Mis à part Hull en Angleterre et Sandefjord en Norvège, les autres villes nommées sont toutes des villes portuaires baltiques : Stettin en Pologne, Libau en Lettonie, Gävle et Härnösand sur la côte suédoise du golfe de Bothnie, et Furusund et Sandhamn dans l’archipel de Stockholm. Le passage fait de la Baltique un lieu de circulation en établissant (brièvement) un lien avec d’autres pays, mais les routes empruntées aboutissent toujours à l’archipel de Stockholm. C’est en effet à cet endroit que le grand-père du poète exerçait son métier de guide côtier. Or, lorsque le lecteur commence sa lecture, il est immédiatement guidé vers cet archipel, « le labyrinthe merveilleux d’îles et d’eau »14, qui devient un lieu d’arrivée mais surtout un lieu de départ à l’entrée du poème. On verra les rivages baltiques évoqués à plusieurs reprises, de même que l’île de Gotland, qui fera une apparition, mais, de manière implicite, le lieu central du poème sera l’archipel de Stockholm, et plus précisément « ön », l’île.

L’île en question n’a pas de nom dans le poème. Elle apparaît dès la deuxième partie – « la Baltique bruisse au milieu de l’île aussi » – et dans la troisième on voit le poète qui « longe le rivage ». Dans la quatrième partie, l’île devient implicitement le lieu depuis lequel la mer est observée, alors qu’on retourne vers son intérieur dans la cinquième : « Le vent s’est couché tranquillement à l’intérieur de l’île », et dans la sixième : « Ici, derrière les fourrés épais – est-ce la maison la plus ancienne de l’île ? ».15 Bien d’autres endroits sont évoqués mais le narrateur revient systématiquement à cette île sans nom.

Dans la brève présentation du poème à l’occasion de l’enregistrement qui en a été fait, Tranströmer précise que la thématique de la Baltique lui est venue tout naturellement « en raison de [s]a biographie »16. Aussi, derrière l’île d’Östersjöar se profile sans aucun doute possible celle de Runmarö dans l’archipel de Stockholm, où la famille Tranströmer avait une maison construite par le grand-père maternel du poète. L’allusion aux Franciscains dans la cinquième partie du poème – « les Franciscains vinrent ici, l’île leur revint en 1288, une donation du roi Magnus »17 – le confirme18. Dans son portrait de Tranströmer, Staffan Bergsten désigne cet endroit comme un des points fixes de son existence19. La dimension personnelle de l’espace géographique évoquée est donc très présente dans le texte, même si elle reste essentiellement implicite. Le lieu est présenté comme familier et la voix du poète y guide le lecteur.

La Baltique personnelle de Tranströmer ne se réduit toutefois pas à Runmarö et à l’archipel de Stockholm. Le début du poème évoque d’autres rivages. Comme dans la quatrième partie de l’ensemble, l’île peut devenir un lieu depuis lequel la mer est contemplée et c’est dans cette contemplation qu’un lien semble pouvoir s’établir avec d’autres rivages au-delà de l’étendue d’eau. C’est ici que la notion de frontière spatiale se problématise et que l’espace géographique se charge d’une épaisseur temporelle.

Dans la quatrième partie, le poète contemple en effet « l’étendue d’eau, sans portes, la frontière ouverte/qui s’élargit de plus en plus ». Il s’agit d’une mer d’huile par temps calme. Sous l’effet des conditions météorologiques, le poète évoque un rêve qui prend la forme d’un drapeau que l’on essaie de hisser, un drapeau qui est « si élimé par le vent et enfumé par les cheminées et blanchi par le soleil qu’il peut appartenir à n’importer qui ». La Baltique devient ici une vaste frontière qui relie les différents rivages et fait miroiter une communauté possible. C’est une des acceptions dans le poème de la frontière spatiale. Ce rêve est toutefois qualifié de naïf et la courte dernière phrase de la partie, isolée par un blanc typographique, retourne la situation : « Mais Liepãja est loin »20. Liepãja, que nous avons déjà rencontré sous la forme de Libau au début du poème, n’est pas très éloigné dans l’espace. Toutefois la ville lettone se trouve en Union soviétique, de l’autre côté du rideau de fer qui coupe l’espace baltique en deux à l’époque de l’écriture du poème, en pleine Guerre froide. La frontière, momentanément ouverte dans le rêve suscité par la mer d’huile, se ferme brutalement face à la réalité politique dans une clause lapidaire. L’histoire contemporaine est inscrite dans l’espace et module l’acception d’une des notions essentielles du poème. C’est par ce biais que nous pouvons aborder l’épaisseur temporelle de l’espace géographique d’Östersjöar.

La dimension personnelle de l’espace baltique se retrouve dans les éléments qui lui confèrent une épaisseur temporelle. À propos du rideau de fer et des pays baltes, Tranströmer évoque lui-même un voyage en Estonie et en Lettonie en 1970 comme source importante du poème21. Mis à part les brèves mentions de Libau/Liepãja en Lettonie, des allusions à la situation de ces pays apparaissent dans la seconde partie de l’ensemble : « Il s’agit d’endroits où les citoyens sont sous contrôle,/où les pensées se construisent avec des sorties de secours »22. De même, Kjell Espmark signale que dans le compositeur aphasique de la cinquième partie, on reconnaît « un épisode de l’histoire de la musique contemporaine russe »23. Tranströmer a lui-même explicité le passage en précisant que le compositeur frappé par un AVC est Vissarion Chebaline (1902-1963) et son élève « K*** » Tikhon Khrennikov (1913-2007)24.

Ces éléments d’histoire contemporaine qui s’inscrivent dans l’espace géographique du poème ne sont pas datés. Ils renvoient à une réalité historique plus ou moins récente par rapport au moment de l’écriture du poème. Or, d’autres époques sont également sollicitées et animent l’espace évoqué.

Ainsi des dates parsèment les six parties du texte. Dans l’ordre, le journal de bord du grand-père date de 1884, l’anecdote du bateau-phare est située en 1915, et dans la troisième partie, le bénitier évoqué est du xiie siècle alors que la photo date de 1865. La cinquième partie s’organise autour de trois entrées de journal : 30 juillet–2 août–3 août, et par le biais de l’escargot vigneron surgissent les moines franciscains et l’année 1288. À propos d’une seconde photo, dans la sixième et dernière partie, il est dit que « les vêtements [des personnages] permettent de la dater du milieu du siècle dernier »25. Essayons de comprendre comment ces indications s’inscrivent dans l’espace en lui conférant une épaisseur temporelle.

La date et l’élément qui lui est lié peuvent renvoyer à la réalité propre de l’univers du poème. C’est le cas du bénitier de la troisième partie, où « le nom du tailleur de pierre/est resté/comme une rangée de dents dans une fosse commune : HEGWALDR »26. Sur l’île de Gotland on trouve plusieurs bénitiers attribués à un certain Hegwald27. Magnus Ringgren pense que Tranströmer s’est inspiré essentiellement de celui qui se trouve dans l’église de Vänge28, tout en précisant que le nom gravé n’est pas nécessairement celui du tailleur de pierre comme indiqué dans le poème. Il peut s’agir d’un commanditaire, d’un donateur ou de la signature de l’équipe de tailleurs qui a réalisé l’objet29. C’est également le cas de l’escargot, que le poète observe et qui rappelle la présence des Franciscains : « Dans l’herbe mouillée glisse un rappel du Moyen-Âge : l’escargot vigneron »30. Les deux exemples constituent des éléments porteurs d’une charge historique qui devient celle de l’espace où ils évoluent et plus particulièrement celle de l’espace du poème.

Les deux photos évoquées datent toutes les deux à peu près de la même époque. Elles représentent des personnages, sans qu’il soit précisé de qui il s’agit. À la différence du bénitier et de l’escargot, les photos ont fixé un instant précis du passé mais leur charge historique est plus incertaine. Le premier plan de la photo dans la troisième partie semble flou : « Tout le monde est beau, hésitant, en train de s’effacer ». En revanche, l’arrière-plan – les vaguelettes sur la surface de l’eau, les rochers rugueux – est d’une précision presque troublante : « Tout le reste sur la photo est choquant de réalité ». Le passé de l’image s’impose et donne une épaisseur temporelle au paysage présent. Le poète continue en détachant le terme qui désigne l’instant présent : « C’est tout près. C’est/aujourd’hui. »31 Un effet similaire s’observe dans la deuxième photo datée, dont il est question dans la dernière partie de l’ensemble. Elle représente un personnage dont le poète ignore l’identité, mais qui le fixe depuis le passé : « Le visage qui me regarde droit dans les yeux/en murmurant : “Me voici”. »32 Le personnage, dont personne ne se souvient de l’identité, impose sa présence par le biais de la photo et semble par là même s’installer dans le paysage d’aujourd’hui.

Le passé se voit ainsi réactualisé dans le présent. Si le bénitier et l’escargot permettent dans un premier temps de l’observer au sein de l’univers évoqué dans le poème, les deux photos inscrivent le passé dans le présent de l’énonciation. C’est le moment auquel s’attachent aussi les entrées de journal qui structurent la cinquième partie de l’ensemble.

Le passé s’intègre au poème également par d’autres biais, comme la citation. L’escargot vigneron donne lieu à une citation tirée de l’Erikskrönikan, la plus ancienne des chroniques médiévales suédoises. L’anecdote du bateau-phare est amorcée par une autre citation : « On avait du mal à dormir pendant l’automne 1915… »33. L’intégration du passé dans le présent de l’énonciation peut aussi se faire par un simple rappel. C’est ce qui se passe dans la sixième partie, dans l’annonce de l’histoire de la grand-mère du poète : « L’histoire de ma grand-mère, avant qu’on ne l’oublie ». La dernière image du poème, celle de la maison qui est peut-être la plus ancienne de l’île – « Le hangar à bateau de deux cents ans, à la charpente basse de poutres croisées, au bois lourd couvert de poils gris » – concrétise ce rapport entre présent et passé. Cette vieille construction est affublée d’un cadenas moderne en laiton qui « brille comme l’anneau dans le museau d’un vieux taureau/qui refuse de se lever »34.

Le passé qui se réactualise est proche et lointain, la famille de Tranströmer y joue un rôle important au même titre que des réminiscences du Moyen-Âge. Les différents éléments peuvent paraître disparates mais la cohérence s’établit par le biais de la voix du poète et par ce qu’ils représentent au sein de l’espace dont les contours se tracent dans le poème. Comme nous avons pu le constater, cet espace n’est pas stricto sensu celui de la Baltique géographique. C’est la Baltique vue, vécue et dite par le poète. C’est un lieu personnel entre terre et mer, où le lointain s’approche, où le passé devient présent et où il semble possible d’entrer en contact avec ces éléments. La Baltique dans Östersjöar apparaît comme un exemple à part entière de la paratopie de l’écrivain. Cette notion vient de l’analyse du discours littéraire et constitue une tentative de définir la position de l’écrivain qui « ne peut se placer ni à l’extérieur ni à l’intérieur de la société »35. Il doit « construire le territoire de son œuvre à travers cette faille même ». À l’époque contemporaine, où la création littéraire « est affaire profondément individuelle, la paratopie s’élabore dans la singularité d’un écart biographique »36.

Dans cette perspective, les différents éléments qui s’attachent à cette paratopie et que nous avons présentés – lieux, objets, créatures et personnages – sont à voir comme des embrayeurs paratopiques. Il s’agit en effet d’« éléments d’ordres variés qui participent à la fois du monde représenté par l’œuvre et de la situation à travers laquelle s’institue l’auteur qui construit ce monde »37. Cet embrayage peut être observé dès le début du poème.

Nous avons déjà évoqué la première partie, où Tranströmer emprunte un court extrait au carnet de bord de son grand-père, pilote côtier. Le grand-père porte ici l’énonciation poétique de son petit-fils. Dans les brèves annotations de l’extrait du carnet, les deux voix se superposent et l’activité du pilote côtier devient celle du poète qui introduit le lecteur sur son territoire. Il apparaît que « le labyrinthe merveilleux d’île et d’eau »38 désigne simultanément l’archipel à travers lequel le grand-père guide les différents navires et le poème à travers lequel le poète guide son lecteur. Dans l’énonciation poétique de Tranströmer, l’espace géographique se transforme ainsi en territoire de l’écriture.

Le territoire de l’écriture

Le poème établit un territoire qui constitue une scène d’énonciation.39 Le lecteur y prend place au moyen d’une scénographie qui « s’identifie sur la base d’indices variés repérables dans le texte ou le paratexte, mais elle n’est pas tenue de se désigner : elle se montre, par définition en excès de toute scène de parole qui serait dite dans le texte »40.

Dans Östersjöar, le premier élément de cette scénographie est la présence du « je » énonciateur. Les marques de la première personne sont employées avec une relative discrétion mais nous sommes loin de l’effacement presque programmatique du premier recueil de Tranströmer41 (cf. Bergsten 1989, 11-24, et 2011, 15-39).

Le « je » énonciateur apparaît pour la première fois dans la seconde partie : « exactement comme moi », affirme le poète à propos de la vieille femme qui entend autre chose que le vent dans le bruissement des branchages des arbres. Ensuite ce « je » réapparaît dans différents contextes jusqu’à la sixième et dernière partie où il est question de la grand-mère du poète – « je me souviens d’elle »42. Certains personnages entretiennent un lien explicite avec le « je » énonciateur. C’est le cas de la vieille femme et de la grand-mère, qui pourraient être une seule et même personne43,
du grand-père et du compagnon de voyage du poète, « Mr. B*** », qui surgit brièvement dans la troisième partie44. Dans la courte scène avec « Mr. B*** », le « je » apparaît au sein de l’univers représenté dans le poème. C’est également le cas lorsque le lecteur le voit longer le rivage de l’île ou qu’il reste la main posée sur la poignée de la porte de la maison45.

Dans la plupart des occurrences toutefois, le « je » s’inscrit dans la situation d’énonciation instaurée par le poème. C’est le cas plus particulièrement à propos de la photo à l’arrière-plan si net que le poète affirme : « je peux passer la main sur les rochers rugueux,/je peux entendre le bruissement dans les sapins »46. C’est également ici que la présence du « je » permet de faire ressortir clairement l’idée d’une scénographie du poème.

Le passage évoquant la photo – « Une photo de 1865 » – commence en effet par la précision « Voici des personnages dans un paysage ». L’adverbe « här », ici en français, renvoie à la photo que le poète semble avoir sous les yeux. Une situation se dessine ainsi où le poète écrit son poème avec un document à l’appui47. Ce n’est pas le seul document sollicité dans le texte. Comme nous avons pu le voir, il est question d’autres photos, ainsi que du carnet de bord du grand-père ou de l’extrait de journal de la cinquième partie. Le lecteur voit le poète composer son poème avec, sous la main, des documents dont il se sert.

Les documents ne sont toutefois pas présentés comme les supports uniques de l’ensemble, ce que la troisième partie permet de mettre en évidence. Elle est composée de trois sections très différentes les unes des autres. Ainsi la photo montrant des personnages dans un paysage fournit le sujet du passage central de cette partie. Elle est immédiatement précédée de la brève apparition de « Mr. B*** », qui opère une transition après l’évocation du bénitier du xiie siècle48. L’image du bénitier est explicitement présentée comme un souvenir – « Images plus fortes dans la mémoire que quand on les regarde directement, les plus fortes quand le bénitier tourne lentement comme un manège qui gronde dans la mémoire »49. La fin de l’évocation de la photo amorce un passage vers le présent où le poète longe le rivage en regardant le ciel, ce qui inspire l’image du « planétarium stratégique [qui] tourne » et de la mandragore50. Dans ce passage final de la troisième partie, nous revenons à l’île qui apparaît comme un élargissement de la scénographie.

Le poète, qui écrit son poème en sollicitant des souvenirs et des documents, évolue sur l’île centrale du poème, qui apparaît comme le lieu de l’énonciation. Il semble ainsi composer son poème sous les yeux du lecteur en juxtaposant les différentes parties de l’ensemble et en les articulant de façon plus ou moins nette. Cette idée d’une composition en cours de réalisation se voit confirmée dans les hésitations dont la voix énonciatrice fait preuve à plusieurs reprises. L’hésitation peut venir d’un manque d’information, comme celui relatif au métier de pilote côtier du grand-père : « à quel point faisaient-ils connaissance ? » se demande le poète à propos des hommes qui se rencontraient brièvement à bord des bateaux. De même, la capacité fascinante du pilote à s’orienter dans le brouillard épais provoque la question : « Avait-il le labyrinthe en tête ? »51. Mais l’hésitation peut aussi porter sur l’expression même. Dans la seconde partie, à propos des discussions entre personnes qui se connaissent mal, dans les pays où les citoyens sont sous contrôle, le poète cherche une image pour évoquer l’élément menaçant qui « flotte à la dérive au bord de la conversation » : « À quoi le comparer ? À une mine ?/ Non, ce serait trop concret. Et presque trop pacifique »52. Or, le passage à venir porte précisément sur une mine. L’hésitation a induit une association qui ne convient pas parfaitement à l’élément de départ mais qui donne une nouvelle inflexion à l’ensemble dans la logique d’un poème en train de se dire. C’est également le procédé de l’hésitation et de l’association qui conduit le poème à sa fin. Le hangar à bateaux de 200 ans, dont nous avons déjà parlé, évoque un souvenir au poète : il « me rappelle quelque chose… j’étais là… attendez : c’est l’ancien cimetière juif à Prague »53. Il n’y a pas de nouvelle inflexion du propos ici mais le point de comparaison inattendu transfigure l’élément initial en réunissant les lignes de force du poème avant le point final.

La scénographie du texte met ainsi en vedette la voix du poète, voix que Tranströmer lui-même signale comme l’élément unificateur principal du poème. C’est cette voix, se présentant au lecteur comme en train de composer son poème, qui investit le territoire paratopique au moyen de l’écriture. L’écriture est un motif central de Baltiques et c’est en l’abordant que nous pourrons appréhender plus précisément le territoire du livre et son organisation.

On a pu lire Baltiques comme un poème entièrement réflexif dont le sujet est sa propre genèse dans une logique métadiscursive. Déjà Kjell Espmark s’inscrit contre une telle lecture qui « attribue au poète une égocentricité et une posture métapoétique systématique qui contredisent le reste de l’œuvre »54. Espmark limite la réflexivité métapoétique à la cinquième partie du poème. C’est en effet ici que le lecteur rencontre deux références explicites à l’activité de l’écriture mais elles sont toutes les deux problématiques. La première concerne ce qui « veut être dit mais les mots ne le permettent pas », situation qui aboutit à un état d’« aphasie ». La suite développe cette idée en évoquant un réveil nocturne du poète qui jette quelques mots sur un bout de papier – « les mots rayonnent de signification ! » – pour découvrir le lendemain matin un gribouillis où les mots ne veulent plus rien dire. Il reste pourtant une ouverture possible : le gribouillis désolant constitue peut-être des fragments « du grand style nocturne qui passa »55. La deuxième référence à l’activité de l’écriture apparaît dans le bref passage énigmatique au sujet des « conférences de la mort », qui, pour le poète, forment un moment décisif. C’est à partir de ce moment-là qu’il écrit « une longue lettre aux morts ». Or, cette lettre est rédigée sur une machine « qui n’a pas de ruban, juste la ligne de l’horizon/si bien que les mots cognent vainement sans que rien ne reste »56.

Dans les deux exemples, les mots n’aboutissent pas. À propos de l’état d’aphasie, le poète est sollicité par ce quelque chose qui demande à être dit, qui se communique en rêve, mais qui ne peut être porté par les mots qu’il a à sa disposition. Dans le second exemple, la lettre est réellement écrite – c’est sans doute le poème que nous sommes en train de lire – mais elle ne parvient pas à atteindre ses destinataires. Le poème Baltiques semble s’écrire à la frontière qui sépare le poète des morts, des morts qui le sollicitent probablement sans qu’il lui soit possible de saisir correctement le message. C’est dans cette perspective que nous pouvons lire la thématique de la communication souvent incomplète ou difficile qui se développe dans l’ensemble du poème, depuis la première partie et les conversations « en anglais mal orthographié, des ententes et des malentendus mais/très peu de mensonge délibéré » jusqu’au hangar à bateaux avec « les tuiles portant l’écriture des lichens en une langue inconnue » dans la sixième57.

La frontière ne semble toutefois pas absolument infranchissable. Elle peut s’ouvrir, non seulement de façon illusoire comme nous avons pu le voir dans la quatrième partie avec la mer d’huile par temps calme, mais aussi brièvement à un moment privilégié comme on en rencontre parfois dans la poésie de Tranströmer. Cela se passe dans la deuxième partie lorsque le bruissement du vent se transforme progressivement en bruissement de voix. Le passé et le présent se rejoignent, de même que les espaces proches et lointains :

On marche pendant longtemps en écoutant et on atteint alors un point où les frontières s’ouvrent/ou plutôt/où tout devient frontière. Un lieu ouvert plongé dans l’obscurité. Les gens/affluent des bâtiments faiblement éclairés alentour. Les voix bruissent.58

L’idée d’une communication incomplète, qui n’aboutit pas forcément, implique la recherche, l’hésitation ainsi que le silence. Le poète se présente dans une situation de recherche qui devient explicite dans la comparaison avec l’escargot vigneron : ses antennes « se rétractent et se déroulent, perturbations et hésitations…/Comme il me ressemble dans ma recherche ! »59. Cette recherche devient concrète lorsqu’on se rappelle les documents-supports et les réminiscences qui fournissent la matière du poème. Tous ces éléments sont bien entendu inséparables de la voix du poète aux inflexions si sensibles pour le lecteur. C’est à ce propos que nous pouvons évoquer le silence dans le poème.

Au début de la cinquième partie, le poète observe la mer subitement pleine de méduses, qui perdent toute forme si on les sort de l’eau, « comme quand on sort une vérité indicible du silence pour la formuler en gelée amorphe ». Dans le mécanisme de la comparaison, le silence est l’équivalent de l’eau. Le passage avec les méduses introduit celui de l’aphasie du poète face à l’incapacité de trouver des mots pour dire ce qui veut être exprimé. L’insuffisance des mots pour dire les vérités indicibles conduit au gribouillis et aux lapsus. Reste toutefois une possibilité, celle du style : « il n’y a pas de mots mais peut-être un style »60. Le style est étroitement lié à l’individu. Dans son étude, Kjell Espmark cite une ébauche préparatoire du poème où Tranströmer parle du « style [qui] cherche un corps où s’installer, il vole et rampe à travers le monde »61. Le style semble entretenir des rapports particuliers avec le silence dans le poème. Les mots seuls ne peuvent dire les vérités indicibles mais peut-être que le rapport entre les mots et le silence peut les faire pressentir. Le silence entre dans la composition du poème. Les blancs typographiques scandent sa progression en détachant les éléments de la composition et en invitant à suspendre la lecture, tout comme les grandes pauses qui séparent les différentes parties. La voix du poète intègre ainsi le silence à côté des hésitations et d’une recherche tâtonnante. Le territoire de l’écriture dans Baltiques se dessine alors. Nous avons évoqué l’image du « labyrinthe merveilleux d’îles et d’eau » comme désignant simultanément l’archipel de Stockholm et le poème dans lequel elle permet d’entrer. La voix si audible et personnelle qui investit ce territoire permet de paraphraser l’image et fait du livre un labyrinthe merveilleux de paroles et de silence, en underbar labyrint av ord och tystnad.

Conclusion

Le rapport entre l’espace géographique et le territoire de l’écriture chez Tranströmer se présente donc de façon particulièrement tangible dans Baltiques. La parole du poète s’empare de l’espace de l’archipel pour le faire sien dans un réseau spatio-temporel aux accents profondément personnels. Le territoire du poète permet toutefois des modulations multiples au cours de l’œuvre et c’est un exemple tardif qui permettra de clore cette étude en retrouvant les éléments essentiels mis en évidence dans la lecture de Baltiques mais sous de nouvelles formes.

Dans le poème qui donne son titre au recueil Sorgegondolen (Gondole funèbre), paru en 1996, l’archipel est celui de Venise et le moment celui du séjour dans la ville du couple Wagner rejoint par Franz Liszt, en 1882-1883. Ce dernier y compose le morceau pour piano seul La Lugubre Gondola, aux accents prémonitoires de la mort de Richard Wagner à Venise en février 1883.

Le titre du poème reprend celui de la composition de Liszt, qui devient celui qui porte l’énonciation du poète en se mettant au piano. Libre au lecteur d’entendre dans ces lignes les harmonies étranges et dépouillées du Liszt tardif. Tranströmer, lui-même pianiste amateur virtuose, module ici son territoire en mettant les deux compositeurs légendaires au service de sa poésie :

Le clavier qui s’est tu pendant tout Parsifal (mais qui a écouté)
    peut enfin s’exprimer.
Des soupirs… sospiri…
Quand Liszt joue ce soir il appuie sur la pédale de la mer
Et la puissance verte de la mer monte à travers le plancher et se mêle
    Aux pierres du bâtiment !
Bonsoir belle profondeur !
La gondole est lourdement chargée de vie, elle est simple et noire.62

Anmerkungen

1 L’édition utilisée de l’œuvre de Tomas Tranströmer est la suivante : Tranströmer, Tomas, Dikter och prosa 1954-2004, Stockholm, Albert Bonniers Förlag, 2011. Pour une traduction française de l’œuvre poétique, voir Tranströmer, Tomas, Baltiques. Œuvres complètes 1954-2004. Traduit du suédois et préfacé par Jacques Outin, Paris, Gallimard, collection Poésie, 2004. Sauf indication contraire, les citations suédoises dans le texte sont traduites par nous.

2 Espmark, Kjell, Resans formler. En studie i Tomas Tranströmers poesi, Stockholm, Norstedts, 1983 (2011), p. 225-227 ; Ringgren, Mahnus, Det är inte som det var att gå längs stranden. En guide till Tomas Tranströmers Östersjöar, Stockholm, Bokbandet, 1997, p. 83-85.

3 Espmark, Kjell, op. cit., p. 226 : « att man kunde hålla ihop en lång dikt genom att ha sin egen röst hela tiden. »

4 Ibid., p. 227 : « överhuvud synes incitamentet ha varit av det allmänna slag som är mycket svårt att spåra i genomförandet. »

5 Rönnerstrand, Torsten, « Tomas Tranströmer lär oss att se tillvarons djup », Göteborgs Tidningen, 21 octobre 1974, cité par Karlström, Lennart, Tomas Tranströmer. En bibliografi. Del 1, Stockholm, Actae Biblioteceae regiae Stockholmiensis, 1990, p. 230 : « ett storslaget och brett upplagt diktverk, som trots sitt anspråkslösa tonläge är så slösande rikt på hisnande fågelperspektiv och suggestiva symboler. »

6 Tranströmer, Tomas, Östersjöar. En dikt i sex avsnitt, Stockholm, Bokbandet, 1990 (enregistrement audio) : « geografisk, historisk, politisk och introspektiv. Den innehåller autentiskt stoff. Det som låter dokumentariskt i den är verkligen dokumentariskt. »

7 Espmark, Kjell, op. cit., p. 225-263.

8 Ringgren, Magnus, op. cit., p. 120.

9 Olsson, Bernt, « Tomas Tranströmer, gåtan och språket », Samlaren, årgång 106, 1985, p. 7-20 ; Rönnerstrand, Torsten, « Om språkuppfattningen i TT :s Östersjöar », Samlaren, årgång 110, 1989, p. 63-76.

10 Falk, Erik, « Epifanins plats. Om topografi och epifani i T.T:s Östersjöar », Tidskrift för litteraturvetenskap, årgång 30 (2001) : 2, p. 21-32.

11 Madsen, Claus K., « Indskrivning – en postmoderne laesning af T:s Östersjöar », Finsk Tidskrift 7-8/2014, p. 63-77.

12 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 224, 227 et 234.

13 Ibid., p. 225.

14 Ibid., p. 225 : « den underbara labyrinten av öar och vatten. »

15 Ibid., p. 227 : « Östersjön susar också mitt inne på ön » ; p. 232 : « går längs stranden » ; p. 237 : « Vinden […] har lagt sig ner stilla inne på ön » ; p. 240 : « Här, bakom täta snår – är det öns äldsta hus ? »

16 Tranströmer, Tomas, 1990 : « med tanke på min biografi ».

17 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 237 : « ja franciskanerna var här, […] ön blev deras 1288, donation av kung Magnus ».

18 Cf. <http://www.wikiwand.com/sv/Runmarö>.

19 Bergsten, Staffan, Tomas Tranströmer. Ett diktarporträtt, Stockholm, Albert Bonniers Förlag, 2011, p. 49-53.

20 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 233-234 : « vattenvidden, utan dörrar, den öppna gränsen/som växer sig allt bredare » ; « som är så avgnuggad av blåsten och rökt av skorstenarna och blekt av solen att den kan vara allas » ; « Men det är långt till Liepaja » .

21 Tranströmer, Tomas, 1990.

22 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 228 : « Det handlar om platser där medborgarna är under kontroll,/där tankarna byggs med reservutgångar » ; cf. Ringgren, op. cit., p. 33-36.

23 Espmark, Kjell, op. cit., p. 254 : « ett stycke sentida sovjetisk musikhistoria. »

24 Ibid., p. 307.

25 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 225, p. 228, p. 230-231, p. 235-238, p. 240 : « dateras enligt kläderna till förra seklets mitt ».

26 Ibid., p. 230 : « stenhuggarens namn/är kvar, framlysande/som en tandrad i en massgrav:/HEGWALDR ».

27 Cf. <http://www.guteinfo.com/?id=2222>.

28 Cf. <http://orgelanders.se/Gotlandskyrkor/Dofuntar_pa_Gotland.htm>.

29 Ringgren, Magnus, op. cit., p. 45-49.

30 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 237 : « Där ute i det fuktiga gräset/hasar en hälsning från medeltiden: vinbergssnäckan ».

31 Ibid., p. 231 : « Alla är vackra, tveksamma, på väg att suddas ut » ; « Allt det andra på fotot är chockerande verkligt » ; « Det är nära. Det är/idag. »

32 Ibid., p. 240 : « Ansiktet som ser mig rätt in i ögonen/och viskar: ‘Här är jag’. »

33 Ibid., p. 228 : « Hösten 1915 sov man oroligt… »

34 Ibid., p. 239-240 : « Mormors historia innan de glöms » ; « Den låga knuttimrade 200-åriga sjöboden med gråraggigt tungt trä. » ; « lyser som ringen i nosen på en gammal tjur/som vägrar att resa sig. »

35 Maingueneau, Dominique, Le Discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation, Paris, Armand Colin, 2013, p. 52.

36 Ibid., p. 85, p. 72.

37 Ibid., p. 96.

38 Tranströmer, Tomas 2011, p. 225 : « den underbara labyrinten av öar och vatten. »

39 Il s’agit de la « scène de parole que le discours présuppose pour pouvoir être énoncé et qu’en retour il doit valider à travers son énonciation même » (Maingueneau, 2013, p. 192).

40 Ibid.

41 Cf. Bergsten, Staffan, Den trösterika gåtan. Tio essäer om Tomas Tranströmers lyrik, Stockholm, FIB:s lyrikklubb, 1989, p. 11-24 ; Bergsten 2011, op. cit., p. 15-39.

42 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 227 : « precis som jag » ; p. 239 : « jag minns henne ».

43 Cf. Ringgren, Staffan, op. cit., p. 105.

44 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 231.

45 Ibid. p. 232 et 237.

46 Ibid. p. 231 : « jag kan stryka med handen över de skrovliga berghällarna,/jag kan höra suset i granarna ».

47 Ibid. : « Ett foto från 1865 » ; « Här är människor i landskap. »

48 Cf. Espmark, Kjell, op. cit., p. 245, et Ringgren, op. cit., p. 54-55.

49 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 230 : « Bilderna starkare i minnet än när man ser dem direkt, starkast när funten snurrar i en långsam mullrande karusell i minnet. »

50 Ibid. p. 232 : « det strategiska planetariet [som] vrider sig ».

51 Ibid. p. 225 : « Hur mycket lärde de känna varandra? » ; p. 226 : « Hade han labyrinten i huvudet? »

52 Ibid. p. 228 : « som driver i samtalets utkant » ; « Vad ska man likna det vid? En mina?/Nej det vore för handfast. Och nästan för fredligt. »

53 Ibid. p. 240 : « påminner om något… jag var där… vänta: det är den gamla judiska kyrkogården i Prag ».

54 Espmark, Kjell, op. cit., p. 231 : « tillskriver poeten en egocentricitet och en genomfört metapoetisk hållning som svär mot produktionen i övrigt. »

55 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 235 : « vill bli sagt men orden går inte med på det » ; « orden strålar av mening! » ; « av den stora nattliga stilen som drog förbi ».

56 Ibid. p. 236 : « Dödsföreläsningarna » ; « ett långt brev till de döda » ; « som inte har färgband bara en horisontstrimma/så orden bultar förgäves och ingenting fastnar. »

57 Ibid. p. 225 : « på felstavad engelska, samförstånd och missförstånd men/mycket litet av medveten lögn » ; p. 240 : « Tegelpannorna med lavarnas skrivtecken på ett okänt språk ».

58 Ibid. p. 227 : « Man går länge och lyssnar och når då en punkt där gränserna öppnas/eller snarare/där allt blir gräns. En öppen plats försänkt i mörker. Människorna/ strömmar ut från de svagt upplysta byggnaderna runt om. Det sorlar. »

59 Ibid. p. 237 : « sugs in och rullas ut, störningar och tveksamhet…/Vad den liknar mig sjölv i mitt sökande! »

60 Ibid. p. 235 : « som när en obeskrivlig sanning lyfts upp ur tystnaden och formuleras till död gelé » ; « det finns inga ord men kanske en stil. »

61 Espmark, Kjell, op. cit., p. 255 : « stilen letar en kropp att slå sig ner i, den flyger och kryper genom världen. »

62 Tranströmer, Tomas, 2011, p. 371 : « Klaveret som har tigit genom hela Parsifal (men lyssnat) får äntligen säga något./Suckar… sospiri…/När Liszt spelar ikväll håller han havspedalen nertryckt/så att havets gröna kraft stiger upp genom golvet och flyter samman med all sten i byggnaden./Godafton vackra djup!/Gondolen är tungt lastad med liv, den är enkel och svart. »

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gedruckte Quellen

Anders Löjdström, « Espace géographique et espace de poésie », Deshima, 14 | 2020, 161-176.

Elektronische Referenz

Anders Löjdström, « Espace géographique et espace de poésie », Deshima [Online], 14 | 2020, online gestellt am 04 décembre 2025, aufgerufen am 05 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/deshima/index.php?id=679

Autor

Anders Löjdström

Maître de conférences. Université de Lille – CECILLE (EA 4074).

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