Ce projet UHA (2022-2024) réunit des chercheurs de plusieurs laboratoires de l’université de Haute-Alsace (CRÉSAT, Archimède et IRIMAS) et de disciplines différentes du CRÉSAT (histoire et sciences de l’information et de la communication), grâce à la participation de trois titulaires (Myriam Chopin-Faron, Catherine Roth et Guido Braun). Le projet vise une analyse interdisciplinaire et transpériode des constructions d’imaginaires et d’identités à travers l’approche des langages politiques. Il s’inscrit dans le développement de l’axe 4 du CRÉSAT où les identités ont récemment été identifiées comme l’un des points fédérateurs. Le projet est en même temps susceptible de renforcer considérablement la coopération transpériode et interdisciplinaire avec d’autres laboratoires.
Les questions des identités des groupes sociaux et les interactions culturelles de différents groupes en contact font l’objet de réflexions depuis le xixe siècle, avec une très forte charge idéologique. Plus récemment, la recherche dans plusieurs domaines des sciences sociales a forgé plusieurs concepts ou notions pour aider l’interprétation, tels transferts culturels, métissage, identité ethnique, etc. Ces notions, conçues pour l’analyse des réalités contemporaines, ont été transposées aussi aux contextes du passé, mais dans les deux cas, la réflexion se concentrait surtout sur les aspects ethnique, culturel et religieux. Or, les identités des groupes sociaux sont très complexes et incluent également une composante politique, visible notamment dans l’emploi d’un certain langage politique, dans le passé et dans le présent. Dans plusieurs contextes historiques, les identités culturelles et politiques ne coïncident pas, comme par exemple le cas des élites romaines impériales qui pouvaient exercer des charges politiques importantes et relever d’identités culturelles très différentes dans l’Orient hellénophone ou dans l’Occident provincial, et se réclamer des appartenances multiples. Or, dans la recherche contemporaine, on constate, sauf pour des contextes spécifiques, que la confrontation entre les identités culturelles et politiques est relativement moins traitée dans son épaisseur historique de longue durée.
Par conséquent, le projet se consacre à cet aspect du problème, pour analyser l’évolution que certaines définitions identitaires ont pu avoir. Dans plusieurs contextes historiques, on peut constater certaines constructions particulières d’un imaginaire et de représentations intellectuelles (dans les discours, les images ou autres) qui méritent des analyses sur le temps long, seule approche qui permet de montrer les effets d’évolution ou de reconstructions, de retour ou d’innovation.
Dans une autre perspective, l’analyse des réalités du passé est tributaire d’un langage et de concepts conçus dans le temps présent, ce qui conditionne en quelque sorte une forme d’anachronisme inévitable, quand on interroge le passé avec des catégories différentes de nos sources. Inversement, intellectuels et personnalités politiques, dans leur réflexion et dans la légitimation de leur discours, ont souvent fait référence à leurs prédécesseurs, y compris d’un passé lointain, remontant souvent à Platon ou Aristote, les auteurs de l’Antiquité constituant une référence majeure même pour les auteurs des xvie-xviiie siècles. Il s’agit ainsi d’un éternel dialogue entre présent et passé, où le passé peut éclairer le présent, mais où l’analyse du passé se fait à partir de la perspective des questionnements de notre temps.
Pour aborder cette dialectique, dans le sens heuristique, et pour interroger la complexité des identités et la confrontation entre identités culturelles et politiques, les membres du groupe de recherche ont choisi une approche à partir de l’étude des langages politiques. Ces derniers sont entendus ici dans des sens assez larges, qui ne se limitent pas au vocabulaire et à l’usage des langues, mais qui peuvent se décliner autour de multiples aspects (langue, vocabulaire ; gestes, postures, images ; topographie et spatialité ; les identités dans le cadre européen).
Le nouveau projet, lancé en 2022, se propose de faire dialoguer présent et passé, dans la longue durée, pour étudier les aspects polymorphes, multiples, des identités des groupes sociaux. Par le passé et dans l’actualité très vive, l’on peut en effet constater l’utilisation des langages politiques pour essayer de justifier des exclusions, des ségrégations, dans une claire manipulation des imaginaires collectifs. Or, l’objectif premier du projet est d’analyser les constructions des imaginaires et des identités multiples, qu’elles soient des identités politiques ou culturelles, notamment à partir de l’approche des langages politiques, pris dans des sens assez larges. Ce projet souhaite faire dialoguer des historiens et d’autres spécialistes des sciences sociales pour mettre en parallèle et interroger les notions liées aux identités dans plusieurs contextes différents.