Internés pour la France entre 1914 et 1918 ? La base de données des « Proscrits d’Alsace-Lorraine »1

DOI : 10.57086/sources.126

p. 197-223

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Introduction

Les Archives départementales du Bas-Rhin, désormais Archives d’Alsace, site de Strasbourg, renferment les documents de la « Commission de répartition des indemnités versées aux proscrits d’Alsace et de Lorraine » entre 1920 et 1930, originellement conservés au tribunal administratif de Strasbourg. Au début des années 1920, vingt-cinq millions de francs furent payés par l’Allemagne pour dédommager les hommes et femmes « de nationalité alsacienne-lorraine2 » ayant fait l’objet de mesures répressives extra-judiciaires pendant la Première Guerre mondiale, au titre de la loi allemande sur la détention préventive (Schutzhaftgesetz3). Ce fonds, coté 90 AL, est constitué pour l’essentiel de 4 414 dossiers nominatifs4. Chacun se compose d’un question-naire, d’un extrait de casier judiciaire, d’un certificat de nationalité, d’attestations visant à prouver les condamnations, ainsi que de documents complémentaires comme le questionnaire d’associations d’internés, des explications du requérant, ou encore des lettres de recommandation5.

Ce fonds n’a jamais été exploité par la recherche. Sous la direction de Ségolène Plyer, maîtresse de conférences à la Faculté des sciences historiques de l’Université de Strasbourg, certains dossiers ont été analysés entre 2016 et 2018 par trente-cinq étudiants du cours d’histoire contemporaine de licence (première année)6 pour s’initier au travail sur archives7, ainsi que par Jonathan Munch pendant sa première année de master « recherche ». À partir des invariants, ils ont élaboré un tableau également propre à contenir les traits originaux de chaque candidature, avec l’aide de Stéphanie Cheviron, du Service des bibliothèques de l’Université de Strasbourg. L’intérêt de ce fonds se confirmant, le projet pédagogique a laissé place à une exploitation scientifique systématique. Guillaume Porte, ingénieur d’études pour l’Unité de recherche 3400 ARCHE, a transformé le tableur en base de données. Paul Anthony, qui a travaillé depuis 2017 sur le fonds lors de ses études de licence d’histoire, consacre désormais son mémoire « recherche » à l’étude d’environ la moitié de ces dossiers.

L’étude de ces archives inédites est à même d’enrichir l’histoire alsacienne et mosellane pendant la Première Guerre mondiale et de la francisation des années 1920. C’est l’ensemble le plus complet qui existe de sources de première main sur les Alsaciens-Lorrains condamnés par les tribunaux extraordinaires de guerre allemands entre 1914 et 19188. Cet article vise à le caractériser et à présenter les outils qui ont été conçus pour l’exploiter. Ségolène Plyer et Paul Anthony ont rédigé la partie historique qui suit ; puis Stéphanie Cheviron et Guillaume Porte expliqueront l’intérêt et le fonctionnement de la base Heurist, ainsi que les précautions à prendre quant à la diffusion de cette documentation, qui contient de nombreux renseignements personnels.

Un fonds complexe

Après 1918, les sociétés se trouvèrent devant la tâche de guérir les séquelles de la Première Guerre mondiale. Dans le même temps, reconnaître les souffrances de la guerre était une affaire publique ; les États créèrent différentes catégories d’indemnisés pour faits de guerre, souvent en fonction des valeurs nationales qu’ils souhaitaient promouvoir. Parmi les nouveaux ayants droit9, les victimes de mesures extra-judiciaires du maintien de l’ordre pendant la guerre forment un groupe encore peu connu, qui a récemment attiré l’attention des historiens travaillant sur les civils pendant la Grande Guerre, tout particulièrement sur l’internement de ces derniers10.

Le fonds 90 AL relève de cette question, mais il est plus complexe : tandis qu’une partie des dossiers a été constitué par les victimes de mesures extra-judiciaires prises à l’encontre de la population, d’après la loi de 1916 encadrant la détention préventive (sur laquelle nous revenons plus bas), il comporte aussi des demandes d’indemnisation de soldats condamnés pendant la guerre pour action en faveur de l’ennemi français. En effet, composé après le retour de l’Alsace-Lorraine à la France, il procède à la fois de la réparation des excès du maintien de l’ordre intérieur pendant le conflit et de la francisation des « provinces reconquises », où les autorités cherchèrent à récompenser ceux qui avaient été condamnés pour sympathies françaises avant 1918. Il est vraisemblable que ces deux groupes ne se recouvrent pas exactement, ainsi qu’en témoigne la diversité des chiffres donnés par les auteurs ayant abordé la question des Alsaciens-Lorrains réprimés pendant la Grande Guerre11.

Afin de caractériser le fonds 90 AL dans son originalité, on procèdera ici en remontant aux documents fondamentaux dont sont issus les cas traités : les lois allemandes sur la détention préventive, puis certains accords diplomatiques réglant les suites de la Première Guerre mondiale entre la France et l’Allemagne. Les intentions de la Commission des proscrits d’Alsace-Lorraine, fondée en 1920, dont les archives n’ont pu être consultées en raison des circonstances sanitaires de l’année 2020, seront approchées au travers de publications d’époque.

Maintenir l’ordre dans l’Empire en guerre : détention préventive et tribunaux extraordinaires

Guillaume II déclara l’Empire allemand en état de guerre le 31 juillet 1914. L’article 68 de la constitution entra alors en vigueur, qui reprenait la loi prussienne du 4 juin 1851 sur l’état de siège.

Dans son article 4, cette dernière transférait à l’armée la compétence de maintenir l’ordre dans le pays. Tant que durerait l’état de siège12, les états-majors chargés de contrôler l’arrière (stellvertretende Generalkommandos) étaient autorisés à prendre des mesures d’exception, pouvaient réduire les libertés et ouvrir des tribunaux militaires extraordinaires, où les accusés comparaissaient sans bénéficier obligatoirement d’une aide juridique et risquaient d’être mis en détention préventive (Schutzhaft) pendant un temps indéterminé. Dès l’entrée en guerre, les arrestations se multiplièrent contre les agitateurs politiques, les pacifistes et autres déviants13. Le resserrement de la communauté civique provoqué par la guerre, dont les effets intégrateurs sont indéniables14, entraîna néanmoins en retour l’exclusion des individus soupçonnés d’espionnage ou de saboter l’effort de guerre15. Assurer la sécurité de l’arrière devint un mot d’ordre légitime et prioritaire16.

L’Allemagne ne présente pas un cas isolé : la Première Guerre mondiale fut le premier conflit pendant lequel des mesures systématiques furent prises à vaste échelle contre des civils17, en particulier contre des groupes soupçonnés d’être peu intégrés, donc peu loyaux. La citoyenneté, bien que renforcée en août 1914 comme nous l’avons mentionné, n’était pas « un instrument stable [...] en toute circonstance18 ». Elle fut subvertie par d’autres systèmes de différen-ciation, culturellement construits, à l’œuvre dans l’internement des civils, effectué souvent sans contrôle judiciaire. Des précautions contre l’érosion du moral de l’arrière furent prises, notamment en Irlande19 ; aux États-Unis, des Allemands récemment naturalisés furent enfermés dans des camps en pleine nature : pour les mettre à l’écart, mais aussi pour les former autoritairement à la culture nationale20. De fait, les formes de contrôle des suspects reposèrent généralement sur l’isolement : par confinement, internement, expulsion, déplacements forcés et dénaturalisations, mise des biens sous séquestre, marginalisation sociale et économique des individus concernés21. Ces derniers étaient généralement des hommes, mais aussi des femmes et parfois des familles entières.

Pendant la guerre, l’opinion mobilisée contre les « ennemis de l’intérieur » ne s’opposa guère à ces mesures, malgré les brèches qu’elles faisaient au droit de propriété et à l’État de droit en général22. Néanmoins, davantage que l’internement des étrangers (qui, à l’époque, n’était réglé sur aucune convention internationale23), celui des citoyens posait des problèmes juridiques et politiques. En Allemagne par exemple, l’armée avait multiplié les erreurs et les duretés inutiles ; ni la durée ni les modalités des mesures d’isolement, ni même la possibilité d’avoir un avocat n’avaient été fixées par la loi de 1851. La situation d’incertitude juridique qui en découlait préoccupait le Reichstag, qui continuait de siéger et où les députés jouissaient toujours de l’immunité parlementaire24.

La première plainte contre la détention préventive y fut présentée par le député social-démocrate Franz Fischer le 27 août 191525. En 1916, les vifs débats sur la censure et la liberté de réunion abordèrent aussi cette question26. En octobre et novembre, le Parlement prépara un projet de modernisation de la loi prussienne de 1851 pour mieux encadrer l’emprisonnement et les restrictions à la liberté de choisir son domicile en raison de l’état de guerre27. Ces travaux aboutirent à la loi dite de détention préventive (Schutzhaftgesetz) du 4 décembre 1916. Elle déclarait que la détention préventive et les restrictions de séjour dont des citoyens allemands pouvaient faire l’objet, n’étaient licites qu’en cas de menace intérieure ou extérieure sur la sécurité de l’Empire et seulement après avoir épuisé les autres moyens de coercition, comme l’interdiction de réunion (article 1). Le prévenu, dûment identifié, pouvait bénéficier d’une assistance juridique (article 7) ; la détention préventive ou le confinement devaient être signifiés par écrit et motivés, et la détention ne pouvait excéder trois mois (article 5). Une instance de recours fut créée : le tribunal impérial militaire de Berlin-Charlottenburg. Dans le cadre de cette reconquête du pouvoir du Parlement sur le militaire, le ministère de la Guerre reçut pour mission de centraliser les décisions militaires et de mettre fin à des pratiques aussi diverses qu’arbitraires28, qui furent soumises à des instructions officielles le 19 décembre 191629.

Mais les grèves de 1917, notamment quand elles menaçaient l’industrie d’armement, furent réprimées sans tenir compte de la nouvelle loi30. De nouvel-les mesures d’exception de la part de l’armée visèrent l’aile gauche du parti social-démocrate, qui avait fondé l’USPD (Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands) en 1917. Même si le Haut Commandement (Oberste Heeresleitung) réussit à prendre suffisamment d’influence sur les états-majors chargés du contrôle de l’arrière pour rapprocher leurs pratiques en matière d’internement et d’exil, ces derniers gardèrent leur indépendance jusqu’à la fin de la guerre31.

Les Alsaciens-Lorrains devant les tribunaux de guerre

Au début des hostilités, l’Alsace-Lorraine ou Reichsland (Terre d’Empire, rappelons-le, administrée conjointement par les autres entités territoriales et administratives allemandes) fut, comme d’autres régions frontalières, placée « en état de guerre renforcé ». L’autorité exécutive fut transmise à la xive armée pour le sud de la Haute Alsace, à la xve pour le reste hors Alsace Bossue et Outre-Forêt, aux xvie et xxie armées pour la Lorraine annexée. La plupart des libertés, ainsi que la constitution de 1911, furent suspendues32. L’avancée française à travers les Vosges dès août 1914 jusqu’à Mulhouse et Colmar, au nord jusqu’à Sarrebourg, qui provoqua l’évacuation de villages entiers, puis les combats en 1915 sur la ligne des Vosges autour du Hartmannswillerkopf (Vieil Armand), en firent l’un des théâtres permanents de la guerre et le seul territoire de l’Empire allemand sur lequel on combattit de 1914 à 191833. Une grande partie du Reichsland devint soit ligne de front, soit zone des étapes. En outre, une partie des autorités soupçonnait les Alsaciens-Lorrains de déloyauté latente34, en raison d’une part de l’influence des souvenirs de l’annexion de 1870, d’autre part de la francophilie avérée de certains Alsaciens-Lorrains. Dès la fin du xixsiècle, pour assurer la mobilisation et garantir la sécurité de l’arrière, la police avait été chargée de surveiller, voire d’arrêter des individus suspects : pour pacifisme, pour intelligence possible avec l’ennemi. Elle disposait à cette fin de listes secrètes constituées par le pouvoir civil et tenues à jour35. Dès le 2 août, Charles Vechenauski, prêtre d’Orny près Verny (Moselle) né en 1880, fut interné « par un commandant (Major) » sur le soupçon d’espionnage, pour « hostilité à l’Allemagne » (il avait fondé une chorale appelée « Jeanne d’Arc ») et pour l’empêcher de rejoindre l’ennemi36, en même temps qu’une vingtaine de ses confrères prêtres du diocèse de Metz, quatre cents Alsaciens et les députés autonomistes du Landtag (parlement régional)37. Certains s’enfuirent pour échapper à ce sort, comme l’abbé Wetterlé, député de Ribeauvillé au Reichstag.

Si les notables semblent avoir été nombreux sur les listes secrètes38, les Alsaciens-Lorrains internés par la suite venaient de tous les groupes sociaux, y compris celui des fonctionnaires allemands, et ils étaient très certainement nombreux dans le monde ouvrier. Ainsi Ernst Altenbach, ouvrier de fabrique, d’abord militant du Parti social-démocrate puis du groupe Bakounine de Mulhouse, fut-il arrêté par la police le 31 juillet 1914, emprisonné jusqu’au 20 avril 1917 puis enrôlé dans l’armée39. De fait, le moyen le plus simple de se débarrasser des indésirables était d’abord de les envoyer sous les drapeaux. En 1915, le régime d’incorporation des Alsaciens se durcit ; les motifs d’exemption diminuèrent au point qu’en août, la plupart des hommes d’Alsace-Lorraine étaient soldats, ceux qui paraissaient peu fiables politiquement devant être envoyés sur le front de l’Est40. Un certain nombre fut inculpé d’intelligence avec l’ennemi et de tentative de désertion41.

Les internements de civils, quant à eux, se poursuivirent pendant toute la guerre. Des arrestations collectives eurent lieu autour des zones de combat, comme à Réguisheim près de Mulhouse où, en 1916, une partie de la population fut transférée en Thuringe pour avoir caché des réfractaires42. Les soldats allemands avaient reçu l’instruction de considérer le Reichsland comme pays ennemi et craignaient les francs-tireurs. Plus la guerre se prolongeait et devenait totale, plus les arrestations obéissaient au souci de contrôler un arrière éprouvé par l’absence des mobilisés, la pénurie, l’afflux des réfugiés et la lassitude générale. Après des défaites importantes ou des crises des relations internationales (comme après le torpillage du Lusitania), mais aussi des explosions de mécontentement dues à la pénurie43, le Haut Commandement comme le gouvernement politique allemands prenaient de nouvelles mesures contre la subversion et le risque de trahison. La propagande contre les « ennemis de l’intérieur », qui aboutit à de nombreuses dénonciations, ne cessa de se renforcer ; Arnd Bauerkämper y voit le moyen de canaliser, mais aussi de susciter la participation des civils à la guerre44.

Les prévenus passaient en jugement soit devant les conseils de guerre ordinaires, pour les militaires et les civils inculpés de haute trahison ; soit devant les conseils de guerre extraordinaires, composés de militaires assistés de deux juges civils ; les tribunaux civils purent aussi juger des cas de « crime de francophilie45 ». Les formes de privation de liberté qui apparaissent dans les dossiers du fonds 90 AL sont la réclusion, la prison, l’internement, l’exil forcé et l’exil libre. Ces modes d’incarcération ou d’éloignement inhabituels témoignent de la difficulté à trouver l’équilibre entre l’exercice des libertés civiles, le contrôle du territoire et la sécurité46. L’exil semble avoir été réservé aux hommes qui n’étaient plus mobilisables comme soldats ; certains internés purent s’installer en résidence surveillée à leurs frais, voire en payant une lourde caution, à l’intérieur de l’Allemagne pour ceux qui n’avaient pas l’autorisation de rentrer dans le Reichsland, « région fortifiée47 ». Comme à l’époque des guerres napoléoniennes, les forteresses avaient été hâtivement réaménagées en 1914 pour accueillir des prisonniers48. Ainsi Charles Vechenauski fut détenu plusieurs mois à celle d’Ehrenbreitstein sur les hauteurs de Coblence, puis envoyé en résidence surveillée en Silésie contre une caution de 1 000 marks. Il y poursuivit son ministère avant d’être mobilisé, la dernière année de la guerre, comme brancardier à l’ambulance de Breslau. Théophile Schneider, libraire de Metz, fut exilé à Constance du 22 novembre 1914 au 28 avril 1918 pour sentiments antiallemands :

[...] Nous dûmes, moi et ma femme emmener avec nous nos deux mères âgées de 88 et 76 ans qui ne pouvaient être laissées être seules à Metz, sans soins et sans soutien [...]. Nous habitâmes tout d’abord à l’hôtel et ensuite en appartement meublé [...]. La maison où j’exploite mon commerce, rue de la Cité d’Or n° 35 appartient à un Français et fut mise sous séquestre. L’administration du séquestre, bien que mon magasin fut [sic] fermé par force majeure, me contraignit à payer le loyer sans vouloir attendre mon retour ; m’y étant opposé le séquestre fit vendre mes marchandises, et pour se couvrir de 3 300 Marks n’hésita pas à vendre à vil prix des marchandises représentant une valeur de plus de 60 000 Francs49.

Ces mesures d’éloignement géographique et de réintégration sous surveillance dans le pays en guerre, s’observent dans nombre de cas concernant les classes moyennes, en mesure de subvenir à leurs besoins. Dans l’ensemble, de nombreux dossiers font état de peines de prison. L’internement à l’intérieur de l’Allemagne de soldats ou de civils moins fortunés50, y compris des femmes et des enfants, adopta la forme alors moderne du camp de baraques entouré de barbelés, comme à Holzminden en Basse-Saxe. Lorsque la guerre devint totale, les camps de civils devinrent des réservoirs de main-d’œuvre au service de l’effort de guerre51.

Les internés civils alsaciens-lorrains semblent avoir connu divers accueils de la part de la population, jusqu’à une certaine cordialité. Ils se retrouvèrent parfois dans des lieux de relégation avec des étrangers francophones, comme les camps de Traunstein en Bavière et de Holzminden en Basse-Saxe. Des États neutres (Suisse, Danemark), le Vatican52 et des organisations internationales53 y étaient actifs. La possibilité de profiter de soutiens et de protections internationales dépendait néanmoins de la nationalité, comme le montre l’exemple de la famille Winsback. Vivant en Lorraine des deux côtés de la frontière, elle fut victime d’une exécution sommaire au début de la guerre54 et de déportations. Mais, tandis que la partie française de la famille, après avoir été « embarqué[e] dans un camp à Landau [... dans des] baraquements en planches [...] » était « pris[e] en charge par la Croix Rouge » qui, par Lausanne, les rapatria comme réfugiés à Dijon55, la partie vivant à Metz sous les lois alleman-des ne put bénéficier de ce recours : Paul Winsback, dirigeant messin du Souvenir français, fut interné à Ehrenbreitstein, puis exilé à l’intérieur du pays avec sa femme qui l’avait rejoint56.

Les citoyens allemands pouvaient néanmoins bénéficier de soutiens : religieux57, politiques par l’intermédiaire de leurs représentants. L’influent dépu-té catholique Erzberger58 obtint la libération de quelques captifs de la forteresse d’Ehrenbreitstein59. Lorsqu’ils purent débattre de nouveau, les députés cen-tristes alsaciens dénoncèrent la détention préventive sans jugement au Landtag et au Reichstag en 1916, où le secrétaire d’État du ministère d’Alsace-Lorraine Karl Hauss, dans son discours du 28 octobre 1916, parla de la Terre d’Empire comme d’une « province modèle de la détention préventive60 ». L’indécision des élites politiques sur la question de la sécurité apparaît aussi au travers des dissensions sur le futur de l’Alsace-Lorraine : en juin 1917, le Haut Commandement décida de forcer la germanisation de la province et de liquider les propriétés françaises qui s’y trouvaient. Néanmoins, dans le même temps, le gouvernement chercha à retrouver le soutien des Alsaciens-Lorrains par une campagne de propagande. En juillet, les partis régionaux demandèrent l’autonomie complète. Le débat était lancé à l’échelle de l’Allemagne, mais il se heurta jusqu’à la fin du conflit à l’opposition catégorique du Haut Commandement et de l’empereur.

Les « proscrits » des « provinces reconquises »

La loi de détention préventive du 4 décembre 1916 prévoyait une indem-nisation des condamnés si, par exemple, la peine infligée paraissait démesurée par rapport à la dangerosité réelle du prévenu (article 13)61. Une fois la paix revenue, ce dispositif fut prolongé de la manière suivante.

Le 15 novembre 1919, la France et l’Allemagne signèrent un arrangement à Baden-Baden dont l’objet est exposé au début du premier titre :

Le Gouvernement Allemand mettra [...] à la disposition du Gouvernement Français une somme de 25 millions de francs [...] à l’effet d’indemniser les Alsaciens-Lorrains qui, pour faits ou opinions politiques, ont été arrêtés, internés, expulsés ou condamnés au cours de la guerre à une autre peine qu’une amende62.

Cette somme serait payée en trois fois, entre le 25 novembre 1919 et le 1er juin 1920. En échange, il fut conclu que :

Dès que le premier versement de 10 millions de francs aura été porté à sa connaissance, le Gouvernement Français ordonnera [...] la levée des séquestres existant sur les mobiliers allemands en Alsace-Lorraine [au profit du Service des dommages de guerre] et arrêtera les liquidations non encore exécutées63.

Du côté français, l’artisan de cet accord était le diplomate Raymond Brugière, que le Journal des débats politiques et littéraires saluait ainsi à son départ d’Alsace :

En Alsace. Le service diplomatique (de notre correspondant). « Strasbourg, le 9 juillet [1920]. – M. Millerand avait, peu après son arrivée ici, institué au commissariat général un service diplomatique dont la direction avait été confiée à M. Brugère, secrétaire d’ambassade, attaché pendant la guerre à la légation de France à Copenhague. Ce service vient d’être dissous. M. Brugère se rencontrait régulièrement à Baden-Baden avec les délégués du gouvernement allemand, et c’est là que furent signées de nombreuses conventions [...] La presse du pays rend hommage à son talent et constate qu’il a su faire preuve d’autant de tact que d’énergie. On doit surtout à M. Brugère d’avoir mené à bien certaine question au mieux des intérêts de ces Alsaciens et Lorrains qui, pendant la guerre, avaient été emprisonnés ou internés en Allemagne64. »

Il était prévu de défendre ces intérêts de la façon suivante :

Le Gouvernement Français se charge de son côté du règlement des fonds et indemnités non encore payés et qui, tant en vertu de la législation allemande qu’en vertu des dispositions du Traité de Paix, pourraient être dus par l’Empire allemand aux dits Alsaciens-Lorrains pour l’un des motifs précités65.

Un arrangement diplomatique est, comme son nom l’indique, un texte adaptant les dispositions d’un traité à un cas particulier. Le traité en question est celui de Versailles. Le titre II de l’arrangement se réfère explicitement à son article 297 qui autorise la France à liquider les biens allemands sur son territoire ; il en précise les modalités, tout en les humanisant. En revanche, l’allusion du titre I aux dispositions du traité de paix reste générale. Or, la partie VIII du traité de Versailles à propos des réparations est la seule qui puisse entrer en ligne de compte ; mais elle ne s’applique pas aux Alsaciens-Lorrains, citoyens allemands jusqu’à la signature de la paix. En effet, d’après son annexe I, les ayants droit aux réparations dues par l’Allemagne – victimes directes d’actes militaires comme les bombardements ; de cruauté, mauvais traitements, atteinte à la santé, à l’honneur, aux biens ; d’astreinte à un travail insuffisamment rémunéré ou à des amendes – sont exclusivement des « nationaux » des « Gouvernements alliés et associés ». Dans l’arrangement de Baden-Baden, les bénéficiaires alsaciens-lorrains sont donc considérés à l’instar de ressortissants français pendant la Grande Guerre. C’est comme si l’on se retrouvait devant l’un des accords bilatéraux entre belligérants qui s’étaient multipliés dans le monde entier pendant le conflit, afin de régler le sort de leurs nationaux se retrouvant chez l’ennemi après la déclaration de la guerre66.

Par conséquent, en « se charge[ant] de son côté du règlement des fonds et indemnités [prévus par] la législation allemande [et] dus par l’Empire allemand aux dits Alsaciens-Lorrains [...] qui, pour faits ou opinions politiques, ont été arrêtés, internés, expulsés ou condamnés au cours de la guerre à une autre peine qu’une amende », le gouvernement français ne fit pas que prendre la suite du gouvernement allemand pour défendre l’intérêt d’Alsaciens-Lorrains injustement condamnés. Comme le montre l’intitulé de la commission de 1920 chargée de répartir les 25 millions de francs versés par l’Allemagne, il créa une catégorie nouvelle d’ayants droit qui n’était pas prévue par la loi allemande de 1916 sur la détention préventive : les « proscrits d’Alsace et de Lorraine ».

Le terme de proscrit est fermement ancré dans la vie politique des pays de culture latine. La fascination pour Sylla, l’admiration pour son plus illustre opposant, Cicéron, l’intérêt pour les déchirements civils qui ont suivi les proscriptions dans la Rome antique, ont culminé en France à l’époque des guerres de Religion67. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert traite de la « Pros-cription68 », de l’« Exil » et du « Refuge ». Le terme a été abondamment employé lors des changements de régime politique au xixe siècle69, les « exilés » « se par[ant] du glorieux nom de proscrits »70 – deux mots qui entrèrent dans la langue courante au plus tard à la fin des années 1870, lors de la campagne en faveur des communards. Cette dernière aboutit à l’adoption de deux lois d’amnestie en 1879 et en 188071 puis, en juillet 1881, à une indemnité des « victimes de l’Empire72 ». La désignation de « proscrits » ne surprend donc pas particulièrement, dans le contexte de l’indemnisation des Alsaciens-Lorrains passés devant les tribunaux de guerre et considérés comme des condamnés politiques.

Ils ne correspondent pourtant que très partiellement à la définition classique du proscrit (c’était d’ailleurs déjà le cas pour la plupart des bannissements du xixe siècle). S’il y eut listes noires au début de la guerre, elles restèrent secrètes ; la tête des prévenus pour francophilie n’avait pas été mise à prix, leur arrestation resta discrète. Ceux qui se voyaient interdits de séjour dans le Reichsland étaient certes exilés de leur région, mais à l’intérieur du pays dont ils avaient la citoyenneté ; ils ne franchissaient pas de frontière internationale73. Surtout, la plupart des internés civils d’Alsace-Lorraine ou des soldats passés en conseil de guerre n’étaient pas des personnalités connues, mais bien des gens simples, dont la surface publique pouvait être fort réduite. Jean-Laurent Vonau parle de « glissement » sémantique à leur sujet :

[après 1918,] on vit [...] apparaître de nouvelles catégories par transfor-mation [...] des anciennes et mise en œuvre d’un vocabulaire nouveau. On parla donc « d’évacués » pour les « déplacés », de « réfugiés » à la place des « raflés » et tous finiront par être, après-guerre, des « proscrits », lorsqu’il faudra envisager leur indemnisation74.

Pour analyser le glissement dont parle l’historien alsacien, qui fit des condamnés politiques des proscrits et des citoyens allemands des ayants droit français, reprenons les occurrences du terme de proscrit.

La première apparition que nous ayons trouvée, date du 1er octobre 1917. À cette date fut publié un dessin de Hansi appelé à devenir célèbre qui, sous le titre « Deux proscrits alsaciens », croquait sa silhouette et celle de l’abbé Wetterlé. Jean-Jacques Waltz, Hansi de son nom d’artiste, avait été déchu de la citoyenneté allemande en 1915 pour n’être pas rentré dans l’Empire remplir ses obligations militaires75, tandis que le député autonomiste Wetterlé avait quitté l’Alsace dès avant la déclaration de guerre, avant d’être exclu de son parti, le Zentrum. en septembre 1914, puis du parlement impérial en avril 1915. Lorsqu’il fut commercialisé plus tard comme carte postale76, le dessin renforça l’allusion à la proscription en détachant les silhouettes sur un arrière-plan d’affiches qui les déclaraient hors-la-loi, s’inspirant donc de la définition classique de la peine politique romaine : la publication faite par le gouvernement ou par un chef de parti, par affichage, d’un texte de loi et d’une liste de condamnés77.

Le dessin de Hansi parut pour la première fois dans le journal de tranchée de la 74e division d’artillerie sur le secteur 195 du front78, à la fin d’une année où la France avait clarifié ses buts de guerre. Avec une quasi-unanimité, les partis politiques s’étaient prononcés sur le retour des provinces annexées par l’Allemagne en 187179 ; restait à en faire accepter le principe aux autres Alliés, tout en évitant un plébiscite dans les régions concernées80. Le Rire aux éclats, publié entre 1916 et 1919, occupe une place particulière parmi les journaux de tranchée, parce qu’« a priori, les articles et dessins n’ont fait l’objet que d’une seule censure (un cadre blanc a remplacé le sujet prévu)81 ». Apollinaire lui donna un poème, le président Poincaré envoya un mot d’encouragement en 191782. Le dessin de Hansi fut publié au sein d’une double page intitulée « Les enquêtes du Rirozécla. Ce que disent les Alsaciens », qui se présente comme un reportage dans les hautes vallées de la Thur, de la Doller et de la Largue. Ces dernières avaient été conquises dès août 1914 et administrées depuis par les autorités militaires ; elles servirent de terrain d’expérimentation pour l’administration de l’Alsace après une éventuelle victoire française.

Le thème général du reportage est l’appartenance de la population alsacienne à la France ; or, les auteurs des réponses (dont le journal respecte l’anonymat pour, écrit-il, des raisons de sécurité) sont sur la même ligne de pensée que la Commission d’Alsace-Lorraine, chargée de préparer à Paris la réintégration des provinces perdues en cas de victoire83. Le raisonnement qui se dégage de leurs propos est le suivant : l’Allemagne, en ouvrant les hostilités en 1914, a déchiré le traité de 1871, donc délié les Alsaciens-Lorrains de leur devoir de loyauté envers elle. En outre, « l’Alsace est encore française par atavisme » parce qu’« il faut trois générations à un individu comme à un peuple pour acquérir d’une nation ses affinités d’esprit », alors que seulement deux générations ont passé depuis l’annexion (on notera ici la juxtaposition de l’argument biologique – les Alsaciens sont français par hérédité – et de l’argument historique). Point n’est besoin d’un plébiscite sur le retour du Reichsland à la France en cas de victoire : « les annexés » sont toujours français et, depuis le traité de Francfort, n’ont retenu la manifestation de leur vraie appartenance que par « amour de la paix84 ».

L’apparition du terme de « proscrit » dans ce contexte est donc logique : les condamnés politiques pour francophilie sont ceux qui, « résist[ant] à la kultur, à l’oppression », à la tyrannie associées à l’Allemagne, ont « proclam[é] hautement leur ferme volonté de redevenir Français » « en dépit d’événements défavorables ». Suivant ce raisonnement, les condamnés d’après la loi allemande de 1851 pouvaient, légitimement, bénéficier des indemnités prévues par le traité de Versailles pour les ressortissants français victimes de faits de guerre, via un arrangement diplomatique mêlant divers intérêts.

Le terme de proscrit apparaît peu dans les publications contemporaines de la fin de la guerre. Florent Matter en 191885 comme Jules Weill en 1921 parlent d’Alsaciens-Lorrains « poursuivis et condamnés par les conseils de guerre et tribunaux allemands » ; Weill ne cite le mot de « proscrit » qu’à deux reprises dans son ouvrage, préférant celui d’« expulsés »86. Quand il est utilisé, il est d’abord associé aux listes noires de 1914, chez André Fribourg87 comme chez l’abbé Alphonse Kannengieser dans ses Mémoires intitulés « Espion et traître ». Souvenirs d’un proscrit publié en 191988. Le 2 août 1914, Alphonse Geisenberger note dans son journal que ses compagnons de captivité à Strasbourg étaient, à son instar, membres d’organisations francophiles comme le Souvenir français : « Je connaissais nombre de ces messieurs. Donc il y a promenade à cette heure pour ceux qu’on appellera les “Proscrits” »89.

Dès la fin du conflit, les associations de ces internés de la première heure s’emparèrent du terme de « proscrit », tout particulièrement celle des Proscrits d’Alsace-Lorraine, très présente à côté des pouvoirs publics et au sein des regroupements patriotiques français d’Alsace après la guerre90. Créée le 9 décembre 1918, lors de la « visite des quatre Présidents » en Alsace91, elle eut pour dirigeant l’industriel Maurice Burrus, lui-même victime de détention préventive, qui :

réussi[t] à faire admettre aux autorités françaises certaines de ses conceptions sur la situation des anciens proscrits alsaciens-lorrains et à les faire bénéficier de nombreux avantages, tant honorifiques que matériels92.

Celle des Incarcérés d’Ehrenbreitstein fut fondée à Metz en 1919, ville dirigée par deux ex-internés après la victoire française, dont Paul Winsback évoqué plus haut. Elle organisa une « Journée des proscrits » annuelle pour rappeler « l’incarcération, l’exil, la vindicte du militarisme allemand93 ».

En lien avec les pouvoirs publics94 et la presse, ces associations infor-mèrent de leurs droits nombre de candidats potentiels à l’indemnité et les aidèrent à remplir leur dossier95. Elles constituèrent pour eux des dossiers de demande de la médaille de la Fidélité française96. Elles furent actives pour entretenir la mémoire des condamnés politiques au niveau local : médailles commémoratives, banquets, construction d’un hall de gymnastique à Verdun, pose de plaques commémoratives, notamment dans la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines d’où venait Maurice Burrus97, mentions sur les monuments aux morts de la guerre, publications, dont le considérable Livre d’or des proscrits d’Alsace. Paul Bourson98, journaliste proche de l’abbé Wetterlé, avait eu l’idée de ce recueil de témoignages dès janvier 1918. Paru en 1931, l’ouvrage bénéficia du soutien financier et moral de Burrus qui le co-signa. Le terme de « proscrits » y est omniprésent, y compris dans la traduction par Bourson des propos du député Hermann Wendel au Reichstag en 191899.

Qu’en était-il de ceux qui n’avaient pas été arrêtés pour francophilie ? Quid d’un Adolphe Brengard de Mulhouse, qui fut emprisonné à Ratibor en Silésie pendant plus de deux ans sous le régime de la détention préventive, instigua ensuite la révolte de 3 000 Alsaciens à Beverloo en Belgique et qui, libéré des travaux forcés par les événements révolutionnaires de Münster en novembre 1918, rentra mourir à Mulhouse où sa veuve demanda une indemnité, mais sans être soutenue par le commissariat de police (dont l’avis était requis), la famille ayant la réputation d’être communiste100 ? Remarquons ici que le terme de proscrit a aussi pour connotation la résistance à l’oppression. Auréolé du capital de sympathie associé à Cicéron, qui dénonça la première proscription de Sylla et tomba victime de la seconde, en même temps que les plus éminents républicains romains, il fut repris en ce sens par Victor Hugo dans Les Châtiments101. Ses chants ont contribué à tisser le champ lexical de la déploration, de la réparation de l’injustice causée par un régime politique inique : on est proscrit parce qu’on s’oppose à la tyrannie. Après 1918, le terme de « proscrit » était donc susceptible de recouvrir plusieurs formes d’opposition à l’Empire allemand. Certaines biographies les allient : Altenbach, évoqué plus haut, déserta de l’armée allemande et passa en Angleterre, puis en France où il s’engagea dans les rangs français. Rentré à Mulhouse après l’armistice, il adhéra à la SFIO, devint secrétaire permanent de la Fédération socialiste du Haut-Rhin en 1919 et conseiller municipal à Mulhouse, puis secrétaire du syndicat CGT des mineurs de la potasse, estimant que le syndicalisme français, toujours plus révolutionnaire que l’allemand, méritait ses suffrages. En revanche, le mot de « proscrit » exclut les citoyens envoyés en détention préventive à la suite d’une dénonciation ou d’une erreur, qui n’avaient pas marqué d’engagement particulier contre l’Allemagne et (ou) pour la France ; eux qui, pourtant, faisaient partie des ayants droit prévus par la loi allemande de 1916.

Pour la connaissance historique, le fonds 90 AL présente donc une limite évidente quand il s’agit de rendre compte de l’expérience de la Schutzhaft (détention préventive) en Alsace-Lorraine. Les dossiers ont été constitués, puis triés pour mettre en valeur, chez les candidats à l’indemnité, ce qui relevait d’un sentiment français. Sans fermer la porte entièrement aux opposants politiques au régime wilhelminien ou à la guerre, il est vraisemblable que la pratique de la Commission des proscrits a tendu à privilégier les francophiles. Néanmoins, seul leur examen détaillé et complet pourra répondre à la question de la superposition des cas d’emprisonnement dus à la loi de 1851, avec ceux pour sympathies françaises.

La base de données

Le fonds 90 AL est néanmoins suffisamment riche et complexe pour avoir motivé l’élaboration d’une base de données.

Pistes de recherche

Tout d’abord, il semble prometteur pour contribuer à étudier la francisation de l’ancienne Terre d’Empire. Si, comme on l’a vu, l’idée d’un groupe francophile stable et bien défini vole en éclat à la lecture des dossiers, leur étude invite, en revanche, à s’interroger sur la réalité du « sentiment français » en Alsace, les lieux et les moments de son expression, ses caractères sociologiques. Le corpus permet aussi d’observer comment les requérants se sont présentés dans un contexte de francisation. L’apprentissage de la nouvelle administration n’eut rien d’évident ; un nombre non négligeable de candidatures rédigées dans un allemand parfois teinté de dialecte, s’adresse à elle comme à l’administration wilhelmienne.

L’étude des dossiers du fonds 90 AL devrait aussi contribuer à apporter des connaissances nouvelles sur les relations entre les autorités de guerre et la population locale, alors que l’État allemand cherchait à affermir sa souveraineté sur ce territoire périphérique et à reprendre le contrôle de la population, de l’économie, de la frontière102. On sait que la conduite de la guerre entama largement le capital de popularité dont l’Allemagne disposait en Alsace-Lorraine avant 1914103. Par rapport aux 1,8 millions d’habitants que comptait l’Alsace en 1910 (dont 1,5 millions de « nationalité d’Alsace-Lorraine »), le nombre d’individus poursuivis dans le cadre que nous avons décrit n’est pas considérable. Mettre sur pied un tel appareil répressif pour une poignée d’opposants interroge sur sa nécessité104 ; mais il convient ici de rappeler qu’il s’agissait là de mesures parmi d’autres, allant de « formes de marginalisation officielle plus “douces”105 » à l’évacuation de villages entiers à l’arrière du front. Toutes sont autant de jalons dans l’histoire des coercitions, perçues au cours du xxe siècle comme des procédures de plus en plus normales106. Les recherches en cours de Paul Anthony portent donc sur l’expérience de l’internement107 qui évolua, comme on l’a vu, au cours des hostilités.

Enfin, le fonds « Proscrits » est une mine d’histoires individuelles. Des documents : photographies, livret militaire, attestation professionnelle, auto-biographie... ont été joints par certains requérants au questionnaire règlementaire. L’ensemble, loin d’être uniforme, constitue donc une source riche, qui se caractérise aussi par une propriété précieuse, celle de faire entendre diverses voix du passé.

Vers la base de données

Cette richesse a conduit à imaginer une forme originale de mise en valeur : celle d’une base de données qui rassemblerait les informations du fonds « Proscrits » des archives du Bas-Rhin et permettrait d’en exploiter, progressivement, les différentes dimensions. Le point de départ était le projet pédagogique de première année de licence, qui visait à initier les étudiants à l’étude de sources de première main, suffisamment répétitives pour éviter qu’ils se fourvoient dans le dépouillement ou l’explication, mais suffisamment variées pour permettre des découvertes originales. Cet exercice se déployant sur plusieurs années, la base devait pouvoir être remplie progressivement, par des personnes différentes. Rapidement, il est apparu que nous devions travailler sur un outil temporaire, susceptible d’évoluer, certaines informations n’apparaissant qu’au fur et à mesure du dépouillement des dossiers ; et qu’il était nécessaire de conjuguer les rythmes différents de la pédagogie, scandé par les semestres, et du développement d’outils informatiques.

Les premiers étudiants ont élaboré des grilles d’analyse en se basant sur des sondages d’une dizaine de dossiers chacun. Ces grilles ont servi de base aux catégories élaborées en coopération avec Stéphanie Cheviron dans le cadre du projet « Archives ouvertes de la connaissance », qui a réalisé un tableur avec utilisation de macros, pour créer une interface de saisie plus agréable. Ce dernier comprenait un onglet pour l’identification du solliciteur, un autre intitulé « Proscription » pour recenser les peines subies, un troisième pour noter les indemnisations demandées, un quatrième enfin pour décrire plus finement le contenu du dossier et noter librement ce qui attirait l’attention du lecteur, notamment l’absence de certaines pièces, la présence de documents inhabituels, personnels, ou encore d’une valeur historique particulière. Remarquons ici que nombre de ces remarques libres faites par les étudiants, témoignent de leur sens historique et du cœur qu’ils ont mis à l’ouvrage.

Au fur et à mesure que les dépouillements avançaient, les sous-catégories recouvertes par ces onglets ont été complétées, affinées et précisées, au fil des observations et dans la mesure des possibilités techniques de l’outil. L’une des difficultés a été de passer de l’allemand, langue d’une partie des candidatures et, bien évidemment, de l’appareil administratif et militaire de l’Empire, au français, alors qu’il s’avérait que le contexte historique était plus difficile à saisir que prévu. Modifié chaque année, le tableau a finalement été entièrement repris par Paul Anthony lors de son stage de licence, pour harmoniser les entrées et combler leurs lacunes.

L’idée était de préparer une base qui puisse être importée dans un outil dédié, un site web ou un logiciel de gestion ad hoc. Ce projet a reçu une impulsion nouvelle à l’arrivée de Guillaume Porte au poste d’ingénieur d’études de l’UR 3400 ARCHE. Afin de dépasser les limites du tableur et de rendre compte au mieux de la granularité des informations issues du dépouillement, il a été convenu de basculer sur un système capable de mettre en relation les données enregistrées. Amorcé au printemps 2019, ce changement de méthode correspondait au déploiement, par Huma-Num108, d’une instance Heurist : un système de bases de données intégralement en ligne et relativement simple à mettre en œuvre109. Outre qu’il facilite le travail collaboratif, le SGBD (Système de Gestion de Bases de Données) Heurist intègre une série d’outils permettant de visualiser les données sous différentes formes : projection de points ou de zones sur fonds de cartes, frises chronologiques, facettes de tri, analyse de réseaux, etc. Pour des analyses plus poussées, Heurist permet des exports dans des formats ouverts (.csv, .xml et .json), voire plus spécifiques (.gefx pour Gephi par exemple, ou encore .kml pour des systèmes d’information géographique110 comme QGIS).

La base de données « Proscrits d’Alsace-Lorraine » a donc été élaborée entre 2019 et 2020. L’élément central de son architecture est le dossier, défini comme une demande d’indemnisation composée d’un ensemble de pièces justificatives et de formulaires ; demande déposée par une victime auprès de l’administration française. La notice correspondant au dossier contient les informations concernant le proscrit, la présence ou non de certaines pièces attendues, ainsi que la liste des événements rapportés (emprisonnement, bannissement...). Ces événements font l’objet d’un traitement à part, afin d’y associer des informations spatiales et temporelles. Les informations spatiales sont traitées pour elles-mêmes, ce qui permet de mettre en correspondance chaque lieu avec l’ensemble des événements qui s’y sont produits et qui sont signalés dans la base.

Fig. 1. Schéma simplifié de la base de données « Proscrits d’Alsace-Lorraine »

Image

Chaque flèche représente un lien depuis un type d’enregistrement vers un autre. Les flèches doubles indiquent que les enregistrements de type « dossiers » ou « personnes » peuvent renvoyer vers des enregistrements du même type (concernant les personnes ayant des liens familiaux ou des dossiers liés entre eux par certains requérants).

Le dossier informatique est à considérer différemment de la source que représente la chemise cartonnée, physique, conservée aux archives, repérable par une cote et un patronyme. La plupart du temps, les deux se confondent : le dossier informatique, comme la chemise cartonnée, sont associés à une personne victime d’une mesure extra-judicaire pendant la Première Guerre mondiale, qui a demandé une indemnisation. Néanmoins, dans certains cas, le dossier physique peut renfermer des demandes relatives à des personnes différentes : par exemple, une candidature multiple concernant des époux, voire une famille entière ; une requête effectuée par un tiers (enfant, conjoint...) lorsque la personne concernée est décédée. Dans le cas de démarches parallèles des membres d’une même famille, il est fréquent que les dates de proscriptions ne soient pas exactement identiques. Ici, l’épouse aura été emprisonnée mais non le mari ; ailleurs, l’un aura été exilé plus longtemps que l’autre, etc. Or, le formulaire initial ne permettait pas de prendre en compte la diversité de ces demandes d’indemnités multiples, alors que l’administration a calculé, pour chacun des plaignants d’un même dossier, une indemnité individuelle selon la durée de sa proscription. Enfin, certaines personnes peuvent être mentionnées dans plusieurs dossiers : c’est le cas par exemple lorsque quelqu’un dépose une plainte en son nom, mais aussi au nom d’un proche, décédé depuis. Pour toutes ces raisons, il a été décidé de traiter les personnes dans une liste à part, séparée du dossier physique d’origine. Elles deviennent ainsi des « objets numériques » qu’il est possible de rattacher à d’autres en y associant différentes relations, dont la typologie a été fixée après le dépouillement de centaines de dossiers du fonds 90 AL : liens familiaux, rôle dans le dépôt d’une candidature, etc.

La souplesse du système utilisé permet en outre de faire évoluer la base sans grande difficulté à mesure que le dépouillement avance. Telle information, considérée au départ comme marginale et enregistrée comme commentaire, peut se révéler d’une importance particulière et faire ultérieurement l’objet d’un traitement plus approfondi, voire donner naissance à une nouvelle catégorie. C’est le cas des adresses des requérants, qui permettent de descendre à une cartographie infra-communale des internements ; ou de la confession, qui figure dans certains dossiers lorsqu’elle est mentionnée sur le passeport, la carte d’identité ou le livret militaire. Cette nouvelle architecture, nous l’espérons, parviendra à éviter les confusions dans le traitement des dossiers et permettra de les analyser en détail. En outre, l’usage de la base doit être facile et elle doit être en mesure de répondre à une large gamme d’interrogations.

La publication de la base pourra être envisagée courant 2022, dès lors que les modalités de sa diffusion auprès de la communauté scientifique, dans un premier temps, auront été arrêtées. En effet, les données présentes dans les dossiers de ce fonds sont considérées comme sensibles, au sens de l’article 9 du Règlement général de protection des données (RGPD)111. À ce titre, elles doivent être occultées dans les documents mis en ligne aux fins de consultation par le grand public, s’ils sont vieux de moins de cent cinquante ans. Tant que ce délai n’est pas écoulé, leur accès est restreint et leur communication publique, interdite. Celle-ci fera l’objet d’une concertation avec les Archives départementales et la déléguée à la protection des données de l’Université, afin de déterminer les mesures à prendre pour permettre l’accès aux données non sensibles, sans vider l’ensemble de son sens.

1 Article écrit avec le concours de Paul Anthony (étudiant de master 2, Université de Strasbourg), Stéphanie Cheviron (Service des bibliothèques de l’

2 L’Alsace-Lorraine est le territoire annexé par l’Allemagne sur la France en 1871. N’ayant pas d’autonomie jusqu’à la réforme de 1911, il fut

3 Loi n° 5592 intitulée « Gesetz betreffend die Verhaftung und Aufenthaltsbeschränkung auf Grund des Kriegszustandes und des Belagerungszustandes »

4 Archives d’Alsace, site de Strasbourg (anciennement Archives départementales du Bas-Rhin ; désormais AAS), fonds du tribunal d’Alsace et de Lorraine

5 Pour rappel, mentionnons que les civils alsaciens-lorrains internés par la France au cours des hostilités ont aussi pu demander une indemnisation.

6 En 2016, ce furent Mikaël Bermon, Louis Berrier, Frédéric Daudé, Théa Dietrich, Léa Flickinger, Mathieu Frison, Clément Heberlé, Romain Knobloch. En

7 Ce projet a été mené avec le soutien constant des Archives départementales du Bas-Rhin. Que soient remerciées ici particulièrement Adélaïde Zeyer

8 D’autres sources ont été exploitées par les publications de l’époque : les comptes rendus des Conseils de guerre pour André Fribourg ; des

9 Au sommet de l’échelle des valeurs se trouvait le sacrifice du soldat combattant. Le cas des mutilés de guerre a fait l’objet de recherches récentes

10 Annette Becker, Les Oubliés de la Grande Guerre. Humanitaire et culture de guerre. Populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre

11 G. Sawicki, dans « Proscrits, internés et exilés », op. cit., p. 10, rapporte le chiffre de 1 444 placements en détention préventive au début de la

12 L’état de siège ou état de guerre (les deux termes étant utilisés de façon équivalente) fut levé le 12 novembre 1918 par le Conseil des

13 Matthew Stibbe, Civilian Internment during the First World War. A European and Global History, 1914-1920, Londres, Palgrave Macmillan, 2019, p. 103

14 Dieter Gosewinkel, Einbürgern und Ausschließen. Die Nationalisierung der Staatsangehörigkeit vom Deutschen Bund bis zur Bundesrepublik Deutschland

15 Une tendance qui a une longue histoire depuis la Révolution française, rappelée par Daniela L. Caglioti dans War and Citizenship. Enemy Aliens and

16 Arnd Bauerkämper, « National Security and Humanity : The Internment of Civilian “Enemy Aliens” during the First World War », German Historical

17 C’est pendant cette guerre que l’internement devint un élément constitutif de la belligérence. La Croix-Rouge estime à dix millions de personnes

18 D’après M. Stibbe, Civilian Internment..., op. cit., p. 62.

19 A. Kramer, dans « Wackes at war... », op. cit., p. 106, compare le cas alsacien avec la déportation au pays de Galles de 1800 partisans potentiels

20 Jörg Nagler, « Control and internment of enemy aliens in the United States during the First World War », dans S. Manz, P. Panayi et M. Stibbe (dir.

21 Dans les cas les plus extrêmes, jusqu’au massacre, voire au génocide ; cf. S. Manz, P. Panayi et M. Stibbe (dir.), Internment during the First

22 Ibid., p. 458.

23 Ce n’est qu’avec la quatrième convention de Genève de 1949 que les civils bénéficièrent d’une protection particulière en droit international

24 M. Stibbe, Civilian Internment..., op. cit., p. 102.

25 C. Schudnagies, Der Kriegs- oder Belagerungszustand..., op. cit., p. 177-178.

26 Voir par exemple les interpellations du social-démocrate Wilhelm Dittmann (1874-1954), l’un des fondateurs de l’USPD en 1917 : Drei Reden über

27 F. Schulze-Berge, Die Schutzhaft..., op. cit., p. 3.

28 En décembre 1914, une circulaire du ministère avait déjà précisé les motifs d’arrestation, jusqu’alors laissés à l’arbitre des militaires : l’

29 C. Schudnagies, Der Kriegs- oder Belagerungszustand..., op. cit., p. 182-183 et p. 198.

30 Ibid., p. 203-205. Des grèves éclatèrent pourtant de nouveau après avril 1917 et jusqu’à la fin janvier 1918, en grande partie à l’initiative de la

31 Ibid., p. 208 ; G. Sawicki, « Proscrits, internés et exilés... », op. cit., p. 17.

32 A. Kramer, « Wackes at war... », op. cit., p. 106.

33 Daniel Mollenhauer, « Elsaß-Lothringen », dans G. Hirschfeld, G. Krumeich et I. Renz (dir.), Enzyklopädie Erster Weltkrieg, op. cit., p. 454-456.

34 Comme du reste les gitans (M. Stibbe, Civilian Internment..., op. cit., p. 102). A. Kramer, « Wackes at war... », op. cit., p. 105-121 ; C. Jahr

35 L’existence de ces listes, annuellement rectifiées, fut dénoncée par Alfred Stephany, ancien commissaire à la présidence de la police à Strasbourg 

36 Dossier de Charles Vechenauski, AAS, 90 AL 4040. Libéré une première fois en novembre 1914, il fut dénoncé par l’instituteur du village pour « ne

37 A. Kramer, « Wackes at war... », op. cit., p. 108, note qu’à ce moment-là, aucun social-démocrate ne fut inquiété.

38 François Roth relevait en 2007 que les listes messines et lorraines n’avaient pu être retrouvées dans les archives (F. Roth, « Les incarcérés d’

39 Jacques Girault, Denise May et Léon Strauss, « ALTENBACH Ernest », dans Le Maitron, en ligne : <https://maitron.fr/spip.php?article90574> (notice

40 Ordre du ministère prussien de la Guerre du 15 mars 1915 cité par D. Mollenhauer, « Elsaß-Lothringen », p. 455 ; A. Kramer, « Wackes at war... »

41 A propos des désertions alsaciennes, surestimées tant par les Allemands nationalistes que par les Français après 1918, voir la mise au point de C. 

42 G. Sawicki, « Proscrits, internés et exilés... », op. cit., p. 15. Voir aussi les dossiers 90 AL 3349 (Adolphe et Rose Rudolf) et 90 AL 3822 (

43 D. L. Caglioti, « Aliens and Internal Enemies... », op. cit., p. 450.

44 A. Bauerkämper, « National Security and Humanity... », op. cit., p. 64-66.

45 D’après la formule d’A. Fribourg, « Les paysans d’Alsace-Lorraine... », op. cit., p. 154-155.

46 Daniela L. Caglioti fait remonter à la guerre de 1870 de telles pratiques : Daniela L. Caglioti, « Waging War on Civilians : The Expulsion of

47 F. Roth, « Les incarcérés d’Ehrenbreitstein », op. cit., p. 306.

48 H. Jones, « Lagerwelten », op. cit., p. 1030.

49 AAS, 90 AL 3572, dossier de Théophile Schneider.

50 H. Jones, « Lagerwelten », op. cit., p. 1030.

51 Ibid., p. 1032. L’auteure souligne qu’à la différence de la Seconde Guerre mondiale (même si l’expérience de la Première Guerre créa indéniablement

52 Sur l’action du Vatican en faveur des internés civils, voir A. Becker, Les Oubliés de la Grande Guerre..., op. cit., p. 54-55.

53 S. Manz, P. Panayi et M. Stibbe (dir.), Internment during the First World War..., op. cit., p. 13 : il s’agissait de la Croix-Rouge, de l’

54 Juste avant l’arrivée des Allemands à Briey, le pharmacien Léon Winsback aida le sous-préfet à déménager les archives de Meurthe-et-Moselle et fut

55 Chronique familiale d’Odette Winsback, enfermée enfant à Landau avec sa mère et sa sœur. Manuscrit de 2004, archives privées de son petit-neveu

56 AAS, 90 AL 4292, dossier de P. Winsback, pharmacien retraité. Il fut maire de Metz de décembre 1919 à mai 1922 et président des Incarcérés d’

57 Voir, à ce sujet : Journal de captivité en 1914 de Grand’père Alphonse Geisenberger (1847-1934), proscrit d’Alsace, éd. par Jean-Marie Mayer, p. 

58 Matthias Erzberger, né en 1875 à Schwäbisch Alb au sud de Stuttgart, était un brillant homme politique qui avait commencé sa carrière au sein du

59 F. Roth, « Les incarcérés d’Ehrenbreitstein », op. cit., p. 307.

60 « Klassische[s] Lan[d] der Schutzhaft ». Voir aussi Christian Baechler, Le parti catholique alsacien, 1890-1939, Paris, Ophrys, 1982, p. 222 ; C. 

61 Reprenant la loi du 14 juillet 1904 sur l’indemnisation des innocents retenus en détention préventive ; Ibid., p. 105-106.

62 AAS, 121 AL 274 : Arrangement de 1919, Imprimerie Strasbourgeoise.

63 Ibid., titre II.

64 Journal des débats politiques et littéraires,12 juillet 1920, p. 3.

65 Arrangement de 1919, op. cit., titre I, 3e paragraphe.

66 Cf. D. L. Caglioti, « Aliens and Internal Enemies... », op. cit., p. 453.

67 François Hinard, Les proscriptions de la Rome républicaine, Rome, École française de Rome, 1985, p. 1.

68 Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. 13, Neuchâtel, chez

69 Delphine Diaz, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers en France au cours du premier xixe siècle, Paris, Armand Colin

70 F. Hinard, Les proscriptions..., op. cit., p. 2.

71 Delphine Diaz et Alexandre Dupont, « Les mots de l’exil dans l’Europe du xixe siècle. Dire, pratiquer, représenter les migrations politiques »

72 Rémi Gossez, « Le droit à dommages-intérêts des Proscrits du Second Empire (1870-1882) », La Révolution de 1848 et les révolutions du xixe siècle

73 Sylvie Aprile, « Expériences et représentations de la frontière », Hommes & migrations, n° 1321, 2018, p. 75-82, ici p. 78.

74 Jean-Laurent Vonau, Hélène et Albert Schweitzer : des Alsaciens-Lorrains internés civils dans la tourmente de la Grande Guerre, Bernardswiller, ID

75 Florent Matter cite le décret du ministère d’Alsace-Lorraine du 18 juin 1915 qui déchoit de sa nationalité allemande « le dessinateur et artiste

76 « Deux proscrits alsaciens », Paris, P.J. Gallais et Cie, s.d. (octobre 1917-novembre 1918). Consultable en ligne : <https://www.bib

77 Yann Le Bohec, « PROSCRIPTION, Rome », Encyclopædia Universalis, en ligne : <https://www.universalis.fr/encyclopedie/proscription-rome/> (consul

78 Hansi, « Deux proscrits », Le Rire aux éclats, n° 15, 1er octobre 1917, p. 2.

79 Joseph Schmauch, Réintégrer les départements annexés : le gouvernement et les services d’Alsace-Lorraine (1914-1919), thèse de doctorat de l’

80 Plébiscite refusé tant par la Commission d’Alsace-Lorraine, chargée de préparer la réintégration des provinces annexées, que par les autorités

81 S. B., « Castres. Un journal des tranchées découvert à Jean Jaurès », La Dépêche, 8 avril 2014, en ligne : <https://www.ladepeche.fr/article/201

82 « Une » (lettre de Raymond Poincaré du 11 avril 1917 - reproduction), Le Rire aux éclats, n° 10-11, avril-mai 1917.

83 J. Schmauch, Réintégrer les départements annexés..., op. cit., p. 109 et p. 331-372.

84 Les rapports du contrôle postal des vallées administrées par la France depuis 1914, étudiés par Sebastian Döberlein, montrent en revanche plus de

85 Florent Matter, Les Alsaciens-Lorrains contre l’Allemagne..., op. cit.

86 J. Weill, L’Alsace et les Alsaciens pendant la guerre..., op. cit., p. 38 et p. 159.

87 A. Fribourg, « Les paysans d’Alsace-Lorraine... », op. cit., p. 154.

88 Mgr. Alphonse Kannengieser, « Espion et traître ». Souvenirs d’un proscrit, Paris, P. Lethielleux, 1919.

89 Journal de captivité en 1914..., op. cit., p. 5.

90 Chantal Metzger, L’Alsace entre la France et l’Allemagne 1919-1932 : la défense des intérêts alsaciens, thèse de doctorat de 3e cycle de l’

91 P. Bourson et M. Burrus, Livre d’or..., op. cit., p. XVII : « Visite de Poincaré, Clemenceau, Deschanel, Dubost [le 9 décembre 1918]. Nombre de

92 C. Metzger, L’Alsace entre France et Allemagne..., op. cit., p. 135.

93 F. Roth, « Les incarcérés d’Ehrenbreitstein », op. cit., p. 311.

94 Le Livre d’or cite une proposition de Maurice Burrus à Georges Clemenceau : « [...] Notre Association, qui a déjà fait le travail énorme du triage

95 On retrouve cette procédure dans la coupure de presse suivante, jointe sans indication de date ni de titre, par Catherine Muller à sa candidature (

96 1 246 médailles de la Fidélité française, créée en 1922 par la Chambre des Députés, ont été distribuées aux proscrits en Alsace et en Lorraine, d’

97 Voir P. Bourson et M. Burrus, Livre d’or..., op. cit., p. 310 : « Les Cérémonies du “Souvenez-vous”organisées par l’Association des Proscrits ». La

98 Paul Bourson (*22 mars 1876 à Vigy – 17 juillet 1949 à Strasbourg), journaliste au Journal d’Alsace-Lorraine de 1904 à 1909, puis au Nouvelliste d’

99 P. Bourson et M. Burrus, Livre d’or..., op. cit., p. XVI, citant le discours de Wendel au Reichstag du 7 juin 1918 : « [...] Mais dans notre pays

100 AAS, dossier 90 AL 524 d’Adolphe Brengard.

101 Victor Hugo, Les Châtiments, livre VII, chant XVI « Ultima Verba » [1852], Paris, Hetzel-Quantin, 1882, t. 4, p. 427-430 : « Parmi les éprouvés je

102 D. L. Caglioti, « Aliens and Internal Enemies... », op. cit., p. 459.

103 D. Mollenhauer, « Elsaß-Lothringen », opcit., p. 456.

104 Pour paraphraser Panikos Panayi, « Les minorités », dans J. Winter (dir.), La Première Guerre mondiale, op. cit., p. 241-269, ici p. 252.

105 Ibid., p. 253, pour toute l’Europe.

106 M. Stibbe, Civilian Internment..., op. cit., p. 62.

107 Paul Anthony, L’expérience de la détention d’opinion des Alsaciens-Lorrains dans l’Empire allemand (1914-1918), mémoire de master 2, université de

108 « Très grande infrastructure de recherche » (TGIR) visant à faciliter le tournant numérique de la recherche en sciences humaines et sociales

109 Heurist a été développé au tournant des années 2010 par Ian Johnson, du laboratoire d’archéologie de l’Université de Sydney : <http://heu

110 Un SIG est un système informatisé associant des bases de données géographiques et des logiciels pour assurer leur gestion (stockage, mise à jour)

111 A savoir, les données à caractère personnel qui font apparaître les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou

Notes

1 Article écrit avec le concours de Paul Anthony (étudiant de master 2, Université de Strasbourg), Stéphanie Cheviron (Service des bibliothèques de l’Université de Strasbourg) et Guillaume Porte (UR3400 ARCHE).

2 L’Alsace-Lorraine est le territoire annexé par l’Allemagne sur la France en 1871. N’ayant pas d’autonomie jusqu’à la réforme de 1911, il fut administré conjointement par les États formant l’Empire allemand comme une Terre d’Empire (Reichsland). La citoyenneté allemande s’obtenant via la citoyenneté régionale, il existait à l’époque allemande une citoyenneté (ou nationalité) d’Alsace-Lorraine. À la réintégration de ce territoire à la France sous la forme des trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, cette « nationalité alsacienne-lorraine » continua d’exister pour l’administration française afin de distinguer les habitants nés dans cette région avant le 20 mai 1871 (date du traité de Francfort) et leurs descendants, qui furent « réintégrés de plein droit » dans la nationalité française par le paragraphe 1 de l’annexe de la section V du traité de Versailles. Les autres habitants de ces départements furent considérés comme des étrangers.

3 Loi n° 5592 intitulée « Gesetz betreffend die Verhaftung und Aufenthaltsbeschränkung auf Grund des Kriegszustandes und des Belagerungszustandes », Reichsgesetzblatt, 1916, n° 275. La détention préventive en Bavière et en Prusse pendant la Première Guerre mondiale vient d’être étudiée par André Keil et Matthew Stibbe dans « Ein Laboratorium des Ausnahmezustands », Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, vol. 68, n° 4, 2020, p. 535-573. Voir aussi Christian Schudnagies, Der Kriegs- oder Belagerungszustand im Deutschen Reich während des Ersten Weltkriegs, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1994 et, pour une étude juridique contemporaine, Franz Schulze-Berge, Die Schutzhaft : ihr Begriff und ihre rechtlichen Grundlagen, Greifswald, Abel, 1918.

4 Archives d’Alsace, site de Strasbourg (anciennement Archives départementales du Bas-Rhin ; désormais AAS), fonds du tribunal d’Alsace et de Lorraine, Commission de répartition des indemnités versées aux proscrits d’Alsace et de Lorraine. Dossiers des demandeurs (cotes 90 AL 1-90 AL 4436). Ce fonds, de près de 15 mètres linéaires, est composé de dossiers individuels et nominatifs d’indemnisation, des bordereaux et des états synoptiques de la commission.

5 Pour rappel, mentionnons que les civils alsaciens-lorrains internés par la France au cours des hostilités ont aussi pu demander une indemnisation. Leur internement a été étudié par Jean‑Claude Farcy dans Les camps de concentration français de la Première Guerre mondiale, Paris, Anthropos, 1995, prolongé depuis par plusieurs publications dont : Camille Marie, « Prisonniers des libérateurs – le drame des otages lorrains en août 1914 », Cahiers Lorrains, n° 4, 1998, p. 407-434 ; François Laurent, 1914-1918 : des Alsaciens Lorrains otages en France. Souvenirs d’un Lorrain interné en France et en Suisse pendant la guerre, éd. par Camille Marie, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1998 ; Jean-Noël Grandhomme, « Les Alsaciens-Lorrains dans les camps d’internement du Finistère (1914-1919) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n° 109/4, 2002, p. 163-175 ; Simon Giuseppi, « The internment of enemy aliens in France during the First World War. The “depot” at Corbara in Corsica », dans Stefan Manz, Panikos Panayi et Matthew Stibbe (dir.), Internment during the First World War. A Mass Global Phenomenon, Londres, New York, Routledge (coll. « Studies in First World War History »), 2019, p. 85-124.

6 En 2016, ce furent Mikaël Bermon, Louis Berrier, Frédéric Daudé, Théa Dietrich, Léa Flickinger, Mathieu Frison, Clément Heberlé, Romain Knobloch. En 2017 : Ilona Beyreuther, Cécile Bruyet, Fabio Da Re, Mathilde Delgrande, Élise Eberlin, Claire Enders, Nathan Ernst, Aylin Erten, Bernie Fischer, Coline Frey, Camille Geyer, Eulalie Giraud, Eloyse Greiner, William Groussard, Simon Haentzler, Aurélien Hary, William Haumesser, Benjamin Hebbel, Guillaume Heitz, Arthur Howiller, Anaïs Jeannin, Alexandre Jochimski, Matthias Joseph. En 2018 : Lauriane Besel, Alexandre Berthier, Nathan Buffler, Léa Heid, Callaghan Genolhac, Hugo Schill et Lucie Tanguy.

7 Ce projet a été mené avec le soutien constant des Archives départementales du Bas-Rhin. Que soient remerciées ici particulièrement Adélaïde Zeyer, qui classa le fonds 90 AL, et Marie Collin. La feuille d’activité pédagogique, réalisée par Vincent Cuvilliers à partir de dossiers de proscrits à l’occasion de l’exposition de 2018-2019 « Les Alsaciens 1918-1925. Paix sur le Rhin ? », est consultable en ligne <https://1918-1925-lesalsaciens.fr/sites/les_alsaciens/files/Fiche-04_retours-proscrits-refugies_eleve.pdf>; (consulté le 24 septembre 2020).

8 D’autres sources ont été exploitées par les publications de l’époque : les comptes rendus des Conseils de guerre pour André Fribourg ; des circulaires internes à l’armée allemandes, des interrogatoires de police, les débats parlementaires et des cas de proscrits de 1914 pour Jules Weill ; 3 134 témoignages recueillis par l’Association des proscrits d’Alsace. Voir : André Fribourg, « Les paysans d’Alsace-Lorraine devant les conseils de guerre allemands », Revue des Deux Mondes, 6e période, vol. 47, n° 1, septembre 1918, p. 153-172 ; Jules Weill, L’Alsace et les Alsaciens pendant la guerre : Schutzhaft et expulsion politique d’après des documents et des dossiers inédits, Strasbourg, E. Finck, 1921 ; Paul Bourson et Maurice Burrus, Livre d’or des proscrits d’Alsace, Montreuil-sous-Bois, Imprimerie de la Seine, 1931, republié partiellement dans Danielle Vincent (éd.), Les proscrits d’Alsace. Textes extraits du Livre d’or des proscrits d’Alsace, publié en mémoire de Maurice Burrus, Sainte-Marie-aux-Mines, éditions du Château d’Argent, 2011. Plus récemment, François Roth a exploité les archives municipales de Metz ; Gérald Sawicki s’est intéressé à la surveillance des Alsaciens-Lorrains via les archives régionales et des publications de l’époque, sans recourir au fonds 90 AL. François Tornow a découvert quelques témoignages inédits, concernant notamment les Sœurs de Ribeauvillé, et Paul Anthony a dressé la bibliographie des articles et des témoignages sur les Alsaciens-Lorrains arrêtés pour francophilie, publiés dans les revues alsaciennes d’histoire locale. Voir : François Roth, « Les incarcérés d’Ehrenbreitstein », Mémoires de l’Académie nationale de Metz, 2007, p. 299-314 ; Gérald Sawicki, « Proscrits, internés et exilés : le cas des Alsaciens-Lorrains, prisonniers politiques dans l’empire allemand (1914-1918) », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 265, 2017, p. 7-20 ; François Tornow, « Les proscrits d’Alsace-Lorraine entre 1914 et 1919 », mémoire de master « recherche » d’histoire (2 e année), Université de Strasbourg, 2012 (non publié) ; Paul Anthony, « Les proscrits d’Alsace-Lorraine 1914-1918 », mémoire de master « recherche » d’histoire (2 e année), Université de Strasbourg, 2020 (non publié), p. 70-72. Se reporter aussi aux notes 11 et 75, infra.

9 Au sommet de l’échelle des valeurs se trouvait le sacrifice du soldat combattant. Le cas des mutilés de guerre a fait l’objet de recherches récentes ; voir Sabine Kienitz, Beschädigte Helden. Kriegsinvalidität und Körperbilder 1914-1923, Paderborn, Ferdinand Schöningh, 2008 ; Raphaël Georges, « La prise en charge des mutilés de guerre alsaciens-lorrains à partir de 1918 », Revue d’Alsace, 2013, n° 139, p. 279-290 ; Alexandre Sumpf, « Une histoire mutilée. Les invalides en Russie/URSS, 1914-1939 », mémoire inédit de recherche pour l’habilitation à diriger des recherches, Nanterre, 2018. En général, les civils et les prisonniers eurent plus de mal à faire reconnaître leurs souffrances, selon Stefan Manz, Panikos Panayi et Matthew Stibbe, « Internment during the First World War » dans Eadem (dir.), Internment during the First World War..., op. cit., p. 1-18, ici p. 15.

10 Annette Becker, Les Oubliés de la Grande Guerre. Humanitaire et culture de guerre. Populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre, Paris, Noêsis, 1998. En plus des travaux de M. Stibbe cités dans l’article, on pourra en outre se reporter au colloque organisé par Arnd Bauerkämper, « Security and Humanity in the First World War. The Treatment of Civilian “Enemy Aliens” in the Belligerent States », Londres, 11 avril-13 avril 2019 ; au dossier dirigé par Daniela L. Caglioti « Aliens and Internal Enemies during the First World War » dans la Revue d’histoire européenne contemporaine, vol. 12, n° 4, 2014 ; ainsi qu’aux articles de synthèse suivants : Heather Jones, « Lagerwelten », dans Gerhard Hirschfeld, Gerd Krumeich et Irina Renz (dir.), Enzyklopädie Erster Weltkrieg, Paderborn, Schöningh (coll. « UTB »), 2014 (2e éd. augmentée), p. 1 029-1 033 ; Heather Jones et Laurence van Ypersele, « Populations en danger. Introduction », dans Jay Winter (dir.), La Première Guerre mondiale, t. III, coord. par Annette Becker, Paris, Fayard (coll. « Sociétés »), 2014 (2e éd.), p. 203. Signalons aussi John Deak et Jonathan E. Gumz, How to Break a State: The Habsburg Monarchy’s Internal War, 1914-1918, The American Historical Review, vol. 122/ 4, octobre 2017, p. 1105-1136.

11 G. Sawicki, dans « Proscrits, internés et exilés », op. cit., p. 10, rapporte le chiffre de 1 444 placements en détention préventive au début de la guerre, d’après AAS 22 AL 131, annexe C, s.d. : « Tableau des Alsaciens-Lorrains arrêtés sur listes noires ». Le Livre d’or des proscrits..., op. cit., p. XXI, aboutit pour l’ensemble du conflit à 4 820 arrestations (Alsaciens : 3 385, Lorrains : 1 435 ; auxquels s’ajoutent des fusillés : Alsaciens : 43 ; Lorrains : 17, en tout 60 personnes ; et des soldats condamnés pour germanophobie : Alsaciens : 249 ; Lorrains : 54, en tout 303 personnes). J. Weill dresse une liste d’environ 1 500 noms qu’il estime incomplète (J. Weill, L’Alsace et les Alsaciens pendant la guerre, op. cit., p. 159-203). Les archives administratives et militaires sont pourtant proches de ce dernier chiffre : Alan Kramer trouve dans les Archives fédérales militaires de Fribourg-en-Brisgau 2 389 procès faits au nom du paragraphe 9 de la loi sur l’état de siège de 1851, dont 80% environ aboutirent à un emprisonnement ou à une amende. Christoph Jahr reprend les chiffres produits au parlement régional de Strasbourg selon lesquels, jusqu’au 1er avril 1918, 1 640 Alsaciens-Lorrains avaient été emprisonnés au titre de la détention préventive, dont deux tiers pour des raisons politiques. Voir : Alan Kramer, « Wackes at war : Alsace-Lorraine and the failure of German national mobilization, 1914–1918 », dans John Horne (dir.), State, Society and Mobilization in Europe during the First World War, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 105-122, ici p. 109-110, d’après les fonds du Stellvertretendes Generalkommando, 456 F 9 1-554 : dossiers nominatifs ; Christoph Jahr, Gewöhnliche Soldaten, Desertion und Deserteure im deutschen und britischen Heer (1914-1918), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1998, p. 258.

12 L’état de siège ou état de guerre (les deux termes étant utilisés de façon équivalente) fut levé le 12 novembre 1918 par le Conseil des commissaires du peuple, c’est-à-dire le gouvernement intérimaire de l’Allemagne. d’après C. Schudnagies, Der Kriegs- oder Belagerungszustand..., op. cit., p. 19-24 ; sauf en Bavière, qui suivait un règlement différent depuis 1871, où il dura jusqu’au 1er décembre 1919 (Lothar Saupe, « Kriegszustand, 1914-1918/19 », Historisches Lexikon Bayerns, 23 janvier 2007, en ligne : <http://www.historisches-lexikon-bayerns.de/Lexikon/Kriegszustand, 1914-1918/19> (consulté le 15 février 2021).

13 Matthew Stibbe, Civilian Internment during the First World War. A European and Global History, 1914-1920, Londres, Palgrave Macmillan, 2019, p. 103.

14 Dieter Gosewinkel, Einbürgern und Ausschließen. Die Nationalisierung der Staatsangehörigkeit vom Deutschen Bund bis zur Bundesrepublik Deutschland, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht 2001, p. 330-331.

15 Une tendance qui a une longue histoire depuis la Révolution française, rappelée par Daniela L. Caglioti dans War and Citizenship. Enemy Aliens and National Belonging from the French Revolution to the First World War, Cambridge University Press, 2020 (cet ouvrage n’a pas pu être consulté).

16 Arnd Bauerkämper, « National Security and Humanity : The Internment of Civilian “Enemy Aliens” during the First World War », German Historical Institute London Bulletin, vol. 40, n° 1, mai 2018, p. 61-85, ici p. 66.

17 C’est pendant cette guerre que l’internement devint un élément constitutif de la belligérence. La Croix-Rouge estime à dix millions de personnes celles qui furent enfermées entre 1914 et 1918 : environ huit millions de prisonniers de guerre et deux millions de non-combattants. D’autres estimations restent dans le même ordre de grandeur global, mais ramènent le nombre de civils à un million ; d’après Matthew Stibbe, « Enemy Aliens and Internment », dans Oliver Janz (dir.), 1914-1918-online. International Encyclopedia of the First World War, en ligne : <https://encyclopedia.1914-1918-online.net/article/enemy_aliens_and_internment> (article publié le 8 octobre 2014). Pour une vue d’ensemble sur les civils pendant la Grande Guerre, voir Tammy M. Proctor, Civilians in a world at war, 1914-1918, New York/Londres, New York University Press, 2010.

18 D’après M. Stibbe, Civilian Internment..., op. cit., p. 62.

19 A. Kramer, dans « Wackes at war... », op. cit., p. 106, compare le cas alsacien avec la déportation au pays de Galles de 1800 partisans potentiels du Sinn Fein après le soulèvement de Pâques à Dublin, entre mai et décembre 1916.

20 Jörg Nagler, « Control and internment of enemy aliens in the United States during the First World War », dans S. Manz, P. Panayi et M. Stibbe (dir.), Internment during the First World War..., op. cit., p. 181-204.

21 Dans les cas les plus extrêmes, jusqu’au massacre, voire au génocide ; cf. S. Manz, P. Panayi et M. Stibbe (dir.), Internment during the First World War..., op. cit., p. 1-2 ; D. L. Caglioti, « Aliens and Internal Enemies... », op. cit., p. 456.

22 Ibid., p. 458.

23 Ce n’est qu’avec la quatrième convention de Genève de 1949 que les civils bénéficièrent d’une protection particulière en droit international pendant un conflit.

24 M. Stibbe, Civilian Internment..., op. cit., p. 102.

25 C. Schudnagies, Der Kriegs- oder Belagerungszustand..., op. cit., p. 177-178.

26 Voir par exemple les interpellations du social-démocrate Wilhelm Dittmann (1874-1954), l’un des fondateurs de l’USPD en 1917 : Drei Reden über Belagerungszustand, Zensur und Schutzhaft : gehalten am 18. Januar, 24. Mai und 28. Oktober 1916 vor dem Reichstage (nach dem amtlichen Stenogramm), Berne, der Freie Verlag, 1918.

27 F. Schulze-Berge, Die Schutzhaft..., op. cit., p. 3.

28 En décembre 1914, une circulaire du ministère avait déjà précisé les motifs d’arrestation, jusqu’alors laissés à l’arbitre des militaires : l’espionnage, la haute trahison, la sécurité de l’État (« Circulaire secrète du ministère de la Guerre n° 3938/14 g. A. 1 du 2 décembre 1914 », citée par J. Weill, L’Alsace et les Alsaciens pendant la guerre..., op. cit., p. 7-8).

29 C. Schudnagies, Der Kriegs- oder Belagerungszustand..., op. cit., p. 182-183 et p. 198.

30 Ibid., p. 203-205. Des grèves éclatèrent pourtant de nouveau après avril 1917 et jusqu’à la fin janvier 1918, en grande partie à l’initiative de la Ligue Spartakus. Elles touchèrent environ 700 000 ouvriers.

31 Ibid., p. 208 ; G. Sawicki, « Proscrits, internés et exilés... », op. cit., p. 17.

32 A. Kramer, « Wackes at war... », op. cit., p. 106.

33 Daniel Mollenhauer, « Elsaß-Lothringen », dans G. Hirschfeld, G. Krumeich et I. Renz (dir.), Enzyklopädie Erster Weltkrieg, op. cit., p. 454-456.

34 Comme du reste les gitans (M. Stibbe, Civilian Internment..., op. cit., p. 102). A. Kramer, « Wackes at war... », op. cit., p. 105-121 ; C. Jahr, Gewöhnliche Soldaten..., op. cit., chap. « Nation und Desertion », p. 252-284 ; Gérald Sawicki, « L’Alsace-Lorraine et les Alsaciens-Lorrains entre France et Empire allemand : administration, surveillance et contrôle des territoires et des populations pendant la Première Guerre mondiale », dans Sylvain Gregori et Jean-Paul Pellegrinetti (dir.), Minorités, identités régionales et nationales en guerre : 1914-1918, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017, p. 137-150, ici p. 145.

35 L’existence de ces listes, annuellement rectifiées, fut dénoncée par Alfred Stephany, ancien commissaire à la présidence de la police à Strasbourg : Alfred Stephany, Les scandales allemands en Alsace-Lorraine, Paris, F. Juven, 1905. Cf. G. Sawicki, « Proscrits, internés et exilés... », op. cit., p. 7-10.

36 Dossier de Charles Vechenauski, AAS, 90 AL 4040. Libéré une première fois en novembre 1914, il fut dénoncé par l’instituteur du village pour « ne pas prononcer le latin à la manière allemande » et réincarcéré. À la différence de ce cas, les « trois quarts » des personnes sur liste noire n’auraient pas été informées du motif de leur arrestation, d’après J. Weill, L’Alsace et les Alsaciens pendant la guerre..., op. cit., p. 7.

37 A. Kramer, « Wackes at war... », op. cit., p. 108, note qu’à ce moment-là, aucun social-démocrate ne fut inquiété.

38 François Roth relevait en 2007 que les listes messines et lorraines n’avaient pu être retrouvées dans les archives (F. Roth, « Les incarcérés d’Ehrenbreitstein », op. cit., p. 299). Voir aussi Pierre Brasme, « Metz de 1914 à 1918. De la dictature à la délivrance », dans Jean-Noël Grandhomme (dir.), Boches ou tricolores. Les Alsaciens-Lorrains dans la Grande Guerre, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2008, p. 135-150, ici p. 137-138.

39 Jacques Girault, Denise May et Léon Strauss, « ALTENBACH Ernest », dans Le Maitron, en ligne : <https://maitron.fr/spip.php?article90574> (notice consultée le 10 novembre 2020) ; voir aussi Léon Strauss, « ALTENBACH Ernest », dans Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne, Strasbourg, Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace, t. 1, p. 32 ; et son dossier aux AAS, 90 AL 45. Il publia plusieurs ouvrages, dont ses souvenirs de détention préventive : Ernest Altenbach, 33 Monate als « staatsgefährlich » in Schutzhaft, Mulhouse, à compte d’auteur, 1920.

40 Ordre du ministère prussien de la Guerre du 15 mars 1915 cité par D. Mollenhauer, « Elsaß-Lothringen », p. 455 ; A. Kramer, « Wackes at war... », op. cit., p. 111.

41 A propos des désertions alsaciennes, surestimées tant par les Allemands nationalistes que par les Français après 1918, voir la mise au point de C. Jahr, Gewöhnliche Soldaten..., op. cit., p. 252-284, qui indique par ailleurs que sur les 413 cas de détention préventive présentés au tribunal extraordinaire de guerre de l’état-major (stellvertretendes Generalkommandos) de la xive armée administrant le sud du Reichsland, 10% concernaient l’aide à désertion. Volker Prott, « Die Fragmentierte Front. Elsässische und lothringische Soldaten im Ersten Weltkrieg », dans Oswald Überegger (dir.), Minderheiten-Soldaten. Ethnizität und Identität in den Armeen des Ersten Weltkriegs, Paderborn, F. Schöningh, 2018, arrive à environ 1 750 déserteurs d’Alsace-Lorraine ayant rejoint l’armée française, d’après les calculs des autorités militaires allemandes par rapport au nombre total de conscrits, qu’ils estimaient à 18 546 fin 1916 (p. 91). Signalons aussi Raphaël Georges, « Les soldats alsaciens-lorrains dans la guerre : entre feldgrau et bleu horizon », dans S. Gregori et J.-P. Pellegrinetti, Minorités..., op. cit., p. 127-136.

42 G. Sawicki, « Proscrits, internés et exilés... », op. cit., p. 15. Voir aussi les dossiers 90 AL 3349 (Adolphe et Rose Rudolf) et 90 AL 3822 (Romain et Agathe Steinbrucker) qui font état d’environ 120 familles de Réguisheim envoyées en exil.

43 D. L. Caglioti, « Aliens and Internal Enemies... », op. cit., p. 450.

44 A. Bauerkämper, « National Security and Humanity... », op. cit., p. 64-66.

45 D’après la formule d’A. Fribourg, « Les paysans d’Alsace-Lorraine... », op. cit., p. 154-155.

46 Daniela L. Caglioti fait remonter à la guerre de 1870 de telles pratiques : Daniela L. Caglioti, « Waging War on Civilians : The Expulsion of Aliens in the Franco-Prussian War », Past & Present, n° 221, 2013, p. 161-195, ici p. 163.

47 F. Roth, « Les incarcérés d’Ehrenbreitstein », op. cit., p. 306.

48 H. Jones, « Lagerwelten », op. cit., p. 1030.

49 AAS, 90 AL 3572, dossier de Théophile Schneider.

50 H. Jones, « Lagerwelten », op. cit., p. 1030.

51 Ibid., p. 1032. L’auteure souligne qu’à la différence de la Seconde Guerre mondiale (même si l’expérience de la Première Guerre créa indéniablement un « horizon de possibilités », pour reprendre le terme de R. Koselleck), de telles institutions étaient encore encadrées par les valeurs religieuses et celles de la société libérale, ainsi que le droit de la guerre.

52 Sur l’action du Vatican en faveur des internés civils, voir A. Becker, Les Oubliés de la Grande Guerre..., op. cit., p. 54-55.

53 S. Manz, P. Panayi et M. Stibbe (dir.), Internment during the First World War..., op. cit., p. 13 : il s’agissait de la Croix-Rouge, de l’International Labour Organization, d’organisations pacifistes et féministes comme la Women’s International League for Peace and Freedom.

54 Juste avant l’arrivée des Allemands à Briey, le pharmacien Léon Winsback aida le sous-préfet à déménager les archives de Meurthe-et-Moselle et fut, pour cette raison, fusillé par l’occupant le 20 août 1914 (Thierry Lefebvre, « Léon Winsback, mort pour la France », Revue d’histoire de la pharmacie, 94ème année, n° 350, 2006, p. 287).

55 Chronique familiale d’Odette Winsback, enfermée enfant à Landau avec sa mère et sa sœur. Manuscrit de 2004, archives privées de son petit-neveu Vianney Mombert (†) qui les avait gracieusement mises à la disposition des auteurs.

56 AAS, 90 AL 4292, dossier de P. Winsback, pharmacien retraité. Il fut maire de Metz de décembre 1919 à mai 1922 et président des Incarcérés d’Ehrenbreitstein.

57 Voir, à ce sujet : Journal de captivité en 1914 de Grand’père Alphonse Geisenberger (1847-1934), proscrit d’Alsace, éd. par Jean-Marie Mayer, p. 6-8, en ligne <https://www.europeana.eu/en/item/2020601/https___1914_1918_europeana_eu_contributions_9909> (dernière consul-tation le 2 décembre 2020). Jean Mayer est le petit-fils d’Alphonse Geisenberger. L’original est consultable aux AAS, 100 J 449.

58 Matthias Erzberger, né en 1875 à Schwäbisch Alb au sud de Stuttgart, était un brillant homme politique qui avait commencé sa carrière au sein du Zentrum (Parti catholique) et avait été élu député dès 1903. Il signa l’armistice de Compiègne le 11 novembre 1918 et œuvra pour que le Reichstag ratifie le traité de Versailles en 1919. Ministre des Finances, il réforma notamment les impôts allemands, avant de démissionner en 1920 après avoir été la cible d’une campagne de diffamation. Il survécut à un premier attentat le 26 janvier 1920, mais succomba au second le 26 août 1921 à Bad Griesbach (Forêt-Noire). Notice biographique de la « Haus der Geschichte Baden-Württemberg », en ligne : <https://www.hdgbw.de/ausstellungen/erzberger/lebenslauf/> (consultée le 12 novembre 2020).

59 F. Roth, « Les incarcérés d’Ehrenbreitstein », op. cit., p. 307.

60 « Klassische[s] Lan[d] der Schutzhaft ». Voir aussi Christian Baechler, Le parti catholique alsacien, 1890-1939, Paris, Ophrys, 1982, p. 222 ; C. Schudnagies, Der Kriegs- oder Belagerungszustand..., op. cit., p. 180 ; J. Weill, L’Alsace et les Alsaciens pendant la guerre..., op. cit., p. 89-115.

61 Reprenant la loi du 14 juillet 1904 sur l’indemnisation des innocents retenus en détention préventive ; Ibid., p. 105-106.

62 AAS, 121 AL 274 : Arrangement de 1919, Imprimerie Strasbourgeoise.

63 Ibid., titre II.

64 Journal des débats politiques et littéraires,12 juillet 1920, p. 3.

65 Arrangement de 1919, op. cit., titre I, 3e paragraphe.

66 Cf. D. L. Caglioti, « Aliens and Internal Enemies... », op. cit., p. 453.

67 François Hinard, Les proscriptions de la Rome républicaine, Rome, École française de Rome, 1985, p. 1.

68 Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. 13, Neuchâtel, chez Samuel Faulche et Cie, 1765, p. 493, en ligne : <https://mazarinum.bibliotheque-mazarine.fr/viewer/2106>.

69 Delphine Diaz, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers en France au cours du premier xixe siècle, Paris, Armand Colin, 2014, p. 20 et p. 81.

70 F. Hinard, Les proscriptions..., op. cit., p. 2.

71 Delphine Diaz et Alexandre Dupont, « Les mots de l’exil dans l’Europe du xixe siècle. Dire, pratiquer, représenter les migrations politiques », Hommes & migrations, n° 1321, 2018, p. 6-11.

72 Rémi Gossez, « Le droit à dommages-intérêts des Proscrits du Second Empire (1870-1882) », La Révolution de 1848 et les révolutions du xixe siècle, t. 36, n° 171, 1939, p. 141-150, ici p. 141 et p. 146.

73 Sylvie Aprile, « Expériences et représentations de la frontière », Hommes & migrations, n° 1321, 2018, p. 75-82, ici p. 78.

74 Jean-Laurent Vonau, Hélène et Albert Schweitzer : des Alsaciens-Lorrains internés civils dans la tourmente de la Grande Guerre, Bernardswiller, ID l’Edition, 2019, p. 8.

75 Florent Matter cite le décret du ministère d’Alsace-Lorraine du 18 juin 1915 qui déchoit de sa nationalité allemande « le dessinateur et artiste Jean-Jacques-Léon Waltz, né à Colmar le 23 février 1873, et faisant partie du landsturm [réserve] [...] aux termes du paragraphe 27 de la loi d’Empire [du 22 juillet 1913 et des décrets impériaux des 3 et 15 août 1914] parce qu’[il n’a] pas donné suite aux ordonnances impériales enjoignant aux Allemands séjournant à l’étranger de rentrer en Allemagne pour accomplir leur devoir militaire » (Florent Matter, Les Alsaciens-Lorrains contre l’Allemagne. L’Alsace-Lorraine pendant la guerre. - Contient en annexe les listes officielles allemandes d’alsaciens-lorrains poursuivis et condamnés par les conseils de guerre et tribunaux allemands pour haute trahison, pour aide et incitation à la désertion, pour délit de germanophobie, pour désertion et la liste des alsaciens-lorrains déchus de leur nationalité allemande, Paris/Nancy, Berger-Levrault, 1918, p. 165). Comme on le voit, la déchéance de nationalité obéissait à des règles fort différentes de l’internement des civils suspects ; ces derniers ne perdaient pas pour autant leurs droits de citoyen.

76 « Deux proscrits alsaciens », Paris, P.J. Gallais et Cie, s.d. (octobre 1917-novembre 1918). Consultable en ligne : <https://www.bibliotheques-clermontmetropole.eu/overnia/notice.php?q=id:70281>.

77 Yann Le Bohec, « PROSCRIPTION, Rome », Encyclopædia Universalis, en ligne : <https://www.universalis.fr/encyclopedie/proscription-rome/> (consulté le 25 septembre 2020) ; F. Hinard, Les proscriptions..., op. cit., p. 17-27, 34-35.

78 Hansi, « Deux proscrits », Le Rire aux éclats, n° 15, 1er octobre 1917, p. 2.

79 Joseph Schmauch, Réintégrer les départements annexés : le gouvernement et les services d’Alsace-Lorraine (1914-1919), thèse de doctorat de l’Université de Lorraine, tapuscrit, 2016, p. 122 (parue sous le même titre en 2019 chez Des Paraiges à Metz).

80 Plébiscite refusé tant par la Commission d’Alsace-Lorraine, chargée de préparer la réintégration des provinces annexées, que par les autorités nationales en 1918-1919 ; voir Volker Prott, The Politics of self-determination. Remaking Territories and national identities in Europe, 1917-1923, Oxford, Oxford University Press, 2016, p. 72-82 et p. 149-150.

81 S. B., « Castres. Un journal des tranchées découvert à Jean Jaurès », La Dépêche, 8 avril 2014, en ligne : <https://www.ladepeche.fr/article/2014/04/08/1858867-castres-un-journal-des-tranchees-decouvert-a-jean-jaures.html>;. Sur les journaux de tranchées, voir Stéphane Audoin-Rouzeau, 14-18. Les combattants des tranchées, Paris, Armand Colin, 1968.

82 « Une » (lettre de Raymond Poincaré du 11 avril 1917 - reproduction), Le Rire aux éclats, n° 10-11, avril-mai 1917.

83 J. Schmauch, Réintégrer les départements annexés..., op. cit., p. 109 et p. 331-372.

84 Les rapports du contrôle postal des vallées administrées par la France depuis 1914, étudiés par Sebastian Döberlein, montrent en revanche plus de modération, voire peu d’enthousiasme pour la francisation de l’Alsace : Sebastian Döberlein, Un pivot de l’histoire ? La société alsacienne-lorraine et les sorties ambiguës de la Première Guerre mondiale, 1918-1919, thèse de l’Université Concordia, Montréal, 2016, p. 206-212, en ligne : <https://core.ac.uk/download/pdf/211519453.pdf> (consulté le 4 décembre 2020).

85 Florent Matter, Les Alsaciens-Lorrains contre l’Allemagne..., op. cit.

86 J. Weill, L’Alsace et les Alsaciens pendant la guerre..., op. cit., p. 38 et p. 159.

87 A. Fribourg, « Les paysans d’Alsace-Lorraine... », op. cit., p. 154.

88 Mgr. Alphonse Kannengieser, « Espion et traître ». Souvenirs d’un proscrit, Paris, P. Lethielleux, 1919.

89 Journal de captivité en 1914..., op. cit., p. 5.

90 Chantal Metzger, L’Alsace entre la France et l’Allemagne 1919-1932 : la défense des intérêts alsaciens, thèse de doctorat de 3e cycle de l’Université de Metz, 1980 (tapuscrit), t. I, p. 135.

91 P. Bourson et M. Burrus, Livre d’or..., op. cit., p. XVII : « Visite de Poincaré, Clemenceau, Deschanel, Dubost [le 9 décembre 1918]. Nombre de proscrits se trouvèrent en ce jour d’allégresse à Strasbourg pour acclamer le Président de la République et le Père La Victoire. Dans l’après-midi, MM. Maurice Burrus, Maurice Schaeffer, René Baumeister et le chanoine Gass se réunirent chez ce dernier (au Grand Séminaire), afin de jeter les bases d’une Association qui regrouperait les proscrits du pays. L’initiative de cette réunion avait été prise par M. Maurice Burrus qui savait que nombre de proscrits étaient rentrés d’Allemagne dans un état de dénuement confinant à la misère. Dans le but de faire face aux dépenses de l’Association et de venir en aide aux pauvres gens, privés de tout, M. Maurice Burrus fit don d’une somme importante. [...] L’Association des Proscrits d’Alsace (A.P.A.) [...] est devenue une réalité, le jour de l’arrivée des Présidents à Strasbourg. Le Comité de réception nous avait réservé sur le Broglie une place d’honneur ».

92 C. Metzger, L’Alsace entre France et Allemagne..., op. cit., p. 135.

93 F. Roth, « Les incarcérés d’Ehrenbreitstein », op. cit., p. 311.

94 Le Livre d’or cite une proposition de Maurice Burrus à Georges Clemenceau : « [...] Notre Association, qui a déjà fait le travail énorme du triage, pourrait se charger de cette répartition, sous le contrôle d’un délégué du gouvernement » (P. Bourson et M. Burrus, Livre d’or..., op. cit., p. XIX). Sur les 6 000 demandes d’indemnités reçues par l’association, seulement 4 820 auraient été retenues pour accélérer l’indemnisation pour ceux qui avaient le plus souffert. Néanmoins, le fonds 90 AL ne contient que 4 414 dossiers, qui n’ont pas tous été constitués par elle.

95 On retrouve cette procédure dans la coupure de presse suivante, jointe sans indication de date ni de titre, par Catherine Muller à sa candidature (AAS, 90 AL 2821) : « Chez les proscrits du Haut-Rhin. Cette semaine, les proscrits de la région de Mulhouse se sont réunis en assemblé générale pour entendre le rapport détaillé de l’activité de leur association. M. Brogly, député, a parlé des indemnités versées à tous ceux qui furent internés pour leurs sentiments hostiles à l’Allemagne. Il a été versé pour chaque jour de détention en cellule : 30 marks [en réalité des francs] d’indemnité ; 18 marks par jour de prison ; 12 marks 50 [en réalité 13,5 francs] par jour d’internement dans les camps ; 9 marks par jour d’exil en Allemagne avec domicile forcé ; 6 marks par jour d’exil en Allemagne ; 3 marks par jour d’expulsion et de séjour forcé dans une localité d’Alsace-Lorraine. Le mark est valorisé à 1 franc 10. Il faut ajouter que pour les vieillards le taux en sera augmenté. Il reste encore 5 millions de marks sur les 25 millions versés par l’Allemagne. Ces cinq millions sont réservés pour les réclamations qui peuvent encore surgir. Après avoir à l’unanimité adopté le rapport financier, les proscrits décident, leurs buts étant atteints, de transformer leur association d’intérêts en une Association Amicale d’où toute politique sera bannie ».

96 1 246 médailles de la Fidélité française, créée en 1922 par la Chambre des Députés, ont été distribuées aux proscrits en Alsace et en Lorraine, d’après l’article : [s.a.], « Au Haut-Koenigsbourg. Chez les Proscrits d’Alsace », Revue du Rhin et de la Moselle, nlle série n° 13 (11ème année), 1er juillet 1928, p. 16.

97 Voir P. Bourson et M. Burrus, Livre d’or..., op. cit., p. 310 : « Les Cérémonies du “Souvenez-vous”organisées par l’Association des Proscrits ». La plupart des plaques posées par l’Association des Proscrits fut détruite pendant la Seconde Guerre mondiale.

98 Paul Bourson (*22 mars 1876 à Vigy – 17 juillet 1949 à Strasbourg), journaliste au Journal d’Alsace-Lorraine de 1904 à 1909, puis au Nouvelliste d’Alsace-Lorraine de l’abbé Wetterlé en 1910, subit 781 jours de prison (à Cannstadt notamment) et 409 jours d’exil pendant la Première Guerre mondiale (Christian Baechler, « BOURSON Paul Ernest», Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne, op. cit., t. 4, p. 324-325).

99 P. Bourson et M. Burrus, Livre d’or..., op. cit., p. XVI, citant le discours de Wendel au Reichstag du 7 juin 1918 : « [...] Mais dans notre pays de bureaucratie et de paperasseries, on chercherait en vain une trace écrite de ce qui s’est passé au sujet des proscrits ».

100 AAS, dossier 90 AL 524 d’Adolphe Brengard.

101 Victor Hugo, Les Châtiments, livre VII, chant XVI « Ultima Verba » [1852], Paris, Hetzel-Quantin, 1882, t. 4, p. 427-430 : « Parmi les éprouvés je planterai ma tente/Je resterai proscrit, voulant rester debout ».

102 D. L. Caglioti, « Aliens and Internal Enemies... », op. cit., p. 459.

103 D. Mollenhauer, « Elsaß-Lothringen », opcit., p. 456.

104 Pour paraphraser Panikos Panayi, « Les minorités », dans J. Winter (dir.), La Première Guerre mondiale, op. cit., p. 241-269, ici p. 252.

105 Ibid., p. 253, pour toute l’Europe.

106 M. Stibbe, Civilian Internment..., op. cit., p. 62.

107 Paul Anthony, L’expérience de la détention d’opinion des Alsaciens-Lorrains dans l’Empire allemand (1914-1918), mémoire de master 2, université de Strasbourg, année 2020-2021.

108 « Très grande infrastructure de recherche » (TGIR) visant à faciliter le tournant numérique de la recherche en sciences humaines et sociales, développée par l’Unité Mixte de Services 3598 associant le CNRS, l’Université d’Aix-Marseille et le Campus Condorcet (<https://www.huma-num.fr>).

109 Heurist a été développé au tournant des années 2010 par Ian Johnson, du laboratoire d’archéologie de l’Université de Sydney : <http://heuristnetwork.org/history-background/> (consulté le 15 février 2021).

110 Un SIG est un système informatisé associant des bases de données géographiques et des logiciels pour assurer leur gestion (stockage, mise à jour) et la production de représentations visuelles (cartes et graphiques notamment).

111 A savoir, les données à caractère personnel qui font apparaître les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou l’appartenance syndicale, ou qui sont relatives à la vie sexuelle ou à la santé ; voir <http://data.europa.eu/eli/reg/2016/679/oj>.

Illustrations

Fig. 1. Schéma simplifié de la base de données « Proscrits d’Alsace-Lorraine »

Fig. 1. Schéma simplifié de la base de données « Proscrits d’Alsace-Lorraine »

Chaque flèche représente un lien depuis un type d’enregistrement vers un autre. Les flèches doubles indiquent que les enregistrements de type « dossiers » ou « personnes » peuvent renvoyer vers des enregistrements du même type (concernant les personnes ayant des liens familiaux ou des dossiers liés entre eux par certains requérants).

Citer cet article

Référence papier

Ségolène Plyer, « Internés pour la France entre 1914 et 1918 ? La base de données des « Proscrits d’Alsace-Lorraine » », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 17 | 2020, 197-223.

Référence électronique

Ségolène Plyer, « Internés pour la France entre 1914 et 1918 ? La base de données des « Proscrits d’Alsace-Lorraine » », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 17 | 2020, mis en ligne le 21 février 2023, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=126

Auteur

Ségolène Plyer

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