Procédure commencée dans le marquisat de l’Isle-Jourdain en 1783. Archives départementales de la Vienne : B VIII 121

DOI : 10.57086/sources.259

p. 139-151

Plan

Texte

Les faits se passent à Moussac-sur-Vienne à environ 60 km de Poitiers au sud-est, et l’attaque a lieu près du moulin Chauvet qui est aujourd’hui une aire de loisirs et de pique-nique en bordure de la Vienne. La carte de Cassini permet de situer les faits2.

Réquisitions du 12 juillet 1783

[pc. 1 fol. 1r°] A Monsieur le juge sénéchal civil et criminel du marquisat de L’Isle Jourdain.

Vous remontre le pro[cureu]r fiscal de cette cour qu’il vient d’apprendre par le cri et voye public que, seize du mois de juin dernier environ sur les cinq heures et demy du soir, Marie Thimonier âgée d’environ dix huit ans, fille d’un premier lit de Françoise Montezay, mariée en secondes nopces avec François Rigaud, journallier demeurant au bourg de Moussac sur Vienne en cette justice, gardoit dans une bouige3 sçituée le long de la Vienne et prêt le moulin Chauvet, une bourique appartenante au dit François Rigaud son oncle ; qu’un certain quidam ayant pris sa course pour atraper la ditte Thimonier, cette dernière avoit pris la fuitte, de manière à ce que le quidam ne put l’atteindre ; ce que ce dernier voyant, fut prendre la bourique que la ditte Thimonier gardoit, mena cette bourique le long d’une haye ou buisson et là, par une abomination des plus condamnable, commis le crime contre nature et de bestialité avec cette même bourique ; ce qui fut appercu, non seulement par la ditte Thimonier, mais encore par plusieurs autres personnes, qui crièrent haros et infamie contre cet infâme quidam.

[fol. 1v°] D’après la misérable action commise par ce malheureux, on ne doit pas douter que lorsqu’il a pris sa course vers cette pauvre fille Thimonier, il n’avoit d’autre vue que de la forcer et violer ; et que ce voyant déchu de son pernicieux dessain, sa fureur l’a porté à ce servir de la bourrique en question, ce qui agrave de plus en plus l’énormité de son crime et mérite le plus grand supplice ; et pour y parvenir ledit procureur fiscal requiert que :

Ce considéré, Monsieur, il vous plaise luy donner acte de sa remontrance ; en conséquence luy permettre d’informer des faits contenus en icelle, circonstances et dépendences, pardevant vous, aux offres de vous administrer témoins qui ont connoissance du crime dont est question, commis par le dit quidam, pour, la ditte information faitte et communiquée, estre pourveu de tel décret qu’il appartiendra ; et vous ferez justice. Approuvé à la marge de la première page, les mots du mois de juin dernier pour valloir et deux mots rayés pour ne valloir4.

[Une signature :] R. Martin pro[cureu]r fiscal.

Acte de la plainte ; permis d’informer des faits à y contenus, circonstance et dépendance ; à l’issue de quoy de nous administrer témoins sachant du fait pour, lad[it]e information faitte, communiquée et à nous rapportée, être donné ce qu’il appartiendra.

Fait et ordonné à l’Isle Jourdain, douze juillet 1783.

[Une signature :] Patharin sénéchal.

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Ordonnance du 12 juillet 1783

[pc. 2 fol. 1r°] De l’ord[onnan]ce de nous, M. Jean Joseph Patharin de la Gasne, avocat en la cour, juge sénéchal civil et criminel du marquizat de l’Isle Jourdain, mandons au premier sergent de cette cour ou autre royal sur ce requis, de et à la requête du proc[ureu]r fiscal de cette cour demand[eu]r en crime de bestialité, assigner à comparoir devant nous en notre chambre criminelle mercredy prochain seize du courant, neuf heures du matin, tous et chacquns les témoins qu’il entend faire ouir en l’information qu’il veut faire contre un certain quidam accusé d’avoir commis ledit crime de bestialité. De ce faire donnons pouvoir.

Fait et donné à l’Isle Jourdain ce douze juillet mil sept cent quatre vingt trois.

[Une signature :] Patharin sénéchal.

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Exploits du 14 juillet 1783

[pc. 3 fol. 1r°] L’an mil sept cent quatre vingt trois et le quatorzième jour du mois de juillet à la requête de m[onsieu]r le pro[cureur]r fiscal du marquisat de l’Isle Jourdain y dem[euran]t par[oiss]e dudit lieu où il fait élection de domicile sa demeure, qui comparoistra par m[aist]re René Martin.

J’ay à Marie Thimonnier, fille demeurante au bourg et par[oiss]e de Moussac, Hanry Auchet, …5, donné à chacun d’eux assignation à comparoir mercredy prochain saize du présent mois neuf heures du matin, par devant mond[it] s[ieu]r le sénéchal civil et criminel dud[it] marquisat de l’Isle Jourdain en sa chambre criminelle audit lieu pour être ouys et déposer la vérité sur les faits résultants de la remontrance en forme de plainte que le dit s[ieu]r pro[cureu]r fiscal a rendue contre certain quidam accusé d’avoir commis le crime de bestialité, au pied de la quelle plainte est l’ord[onnan]ce portant permission d’informer du 12e [fol. 1v°] jour de ce mois signée Patharin, en l’information que ledit s[ieu]r requérant entend faire faire en concéquance ; leurs déclarants qu’à faute de comparution ils serons réassignés à leurs dépens et condamnés en l’amende.

Fait et délaissé copie d’autant à chacqun des assignés en leurs domicils en parlant à leur personne par moy, René Brugier sergent ordinaire du marquisat de l’Isle jourdain soussigné, reçu et immatricullé au greffe seigneurial dudit lieu, résidant à l’Isle Jourden, transporté exprès de deux lieux de circuit.

[Une signature :] Brugier sergant6.

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Interrogatoires du 16 juillet 1783

Information du 16 juillet 1783. L’Isle. Information faite à la requeste de M[onsieu]r le procureur fiscal demandeur en crime de bestiallittés contre Léonard Forest scyeur de long du 16 juillet 17837.

[pc. 4 fol. 1r°] Du 16 juillet 1783.

Information séculière faite par nous m[aist]re Jean Joseph Patharin sieur de La Gasne avocat en la cour de parlement de Paris, juge sénéchal, civille, criminelle et ord[inai]re du marquisat de l’Isle Jourdain, ayant avec nous Louis Guimbaud notre greffier ord[inai]re du quel nous avons prit le serment en ce cas requis. A la requeste du procureur fiscal de cette cour, demand[eu]r en bestiallitté contre certains quidams ainsy qu’il résulte de la plainte à nous amenée par ledit proc[ureu]r fiscal, signée R. Martin p[rocureu]r fiscal, au pied de laquelle est nostre ord[onnan]ce portant permission d’informer et de nous administrer témoins en datte du douze de ce mois et de nous signée ; autre notre ord[onnan]ce portant mandement d’assigner témoins du même jour et de nous signée ; et le rapport de l’assign[ati]on donné aux témoins par Brugier sergent, du seize du présent mois, signé Brugier sergent, lequel a été dhument con[tro]llé au bureau de l’Isle Jourdain le quinze par Patharin ; le tout de nous signé, dhatté, cotté et paraphé suivant l’ord[onnan]ce.

Marie Patrice, premier témoin assigné de la requeste du p[rocureu]r fiscal de cette cour par exploit de Brugier à nous représenté. Après serment par elle faict de dire vérité : elle nous a dit s’appeller Marie Patrice, servante domesticque chez M. au château de …8, âgée de vingt cinq ans ou environs, native paroisse Erillée ; [n’être] servante ny domesticque d’aucune des parties [fol. 1v°] non plus que du quidam duquel elle entant parler dans sa déposition, mais bien le connoistre ; du tout enquise. Dépose sur les faits porté en la plainte à nous rendue par led[it] s[ieu]r pro[cureur] fiscal, dont lecture luy en a été faite par notre greff[ie]r, qu’elle a connoiss[an]ce que le seize du mois de juin dernier environs les cinq ou six heures du soir, elle étoit près les bord de la Vienne près le moullin Chauvet où elle gardoit les vache de la d[emois]elle Vocelle du bourg de Moussac, de qui elle était servante à cet épocque ; que Marie Thimonnier, fille de Françoise Mersle, laquelle est actuellem[en]t femme de François Rigaud j[ournali]er du mesme bourg de Moussac sur Vienne, fut à elle [et] luy dit que le nommé Leonard Forest, scyeur de long, l’avoit racontrée comme elle gardoit ses brebis et parmy elle une bouricque ; qu’il l’avoit courue pendans long temps qu’il survint vers elle, sans l’avoir put l’atteindre ; qu’il avoit ensuitte prit sa bouricque et étoit après rassouis9 et luy proposa de venir le voir, ce qu’elle refusa de faire ; que cette fille s’en fut ensuitte et que peu de temps après elle vit passer le sujet qui venoit du costé que cette fille avoit indiqué et suivant le chemain par lequel on vient en cette ville. Qui est tout ce qu’elle a dit sçavoir ; et lecture à elle faitte de sa déposition a dit qu’elle contient vérité, elle y a persisté et persiste. Et taxée quinze sols10.

[fol. 2r°] Hanry Auché, second témoins assigné à la requête dud[it] proc[ureu]r fiscal par exploit de Brugier à nous représenté. Après serment par luy fait de dire véritté, nous a dit s’appeller Hanry Auché j[ournali]er dem[eurant] au bourg et par[oiss]e de Moussac sur Vienne, estre agé de quatorze ans ou environs, n’estre parant, allié, serviteurs ny domestique, non plus que du quidam du quel il entend parler dans sa déposition, mais bien les connoistre11 ; le tout dhument enquis et interpellé suivant l’ord[onnan]ce. Dépose sur les faits portés en la plainte à nous amenée par led[it] proc[ureu]r fiscal dont lecture luy en a été faitte : que toute la connoiss[an]ce qu’en a est que le seize du mois de juin dernier environs les cinq ou six heures du soir il gardoit des vache et une jument appartenant à son père sur le bord de la rivière de Vienne, pas bien loin du Moullin Chauvet ; dans le moment qu’il se leva pour aller détourner ses bêtes qui vouloient entrer dans un champs ensemencé en orge dépendans dud[it] Moullin, il appersu le nommé Léonard Forrest scyeur de long qui est d’une province étrangère et qui travaille dans cette contrée depuis longtemps la majeure parte de l’année, lequel étoit avec une ânesse12 auprès d’un buisson d’un pré appellé du Ry Brochel, dépendans de La Relandière, avec laquelle il commetté le crime de bestiallitté ; qu’il reconnu cette bourrique pour estre celle de François Rigaud j[ournali]er du bourg de Moussac ; qu’efrayé [fol. 2v°] d’une pareille action il fut appeller le nommé Latremouille, maréchal au bourg de Moussac, et le fils du nommé Boilleau et celluy du nommé Morilaud du village de La Relandière, lesquels vinrent avec luy et trouvèrent encorre cet homme en action après laditte ânesse ; qu’ils se mirent à le huer et crier après luy ; et qu’ausitost qu’ils eurent commencé à crier il sauta depuis l’ânesse et s’écullotta ; ensuitte il fit beaucoup de jurement et imprécation contre eux en leurs faisant plusieurs signes avec son batton et son point ; et après avoir contre eux vommy beaucoup de jurement et de menasse, il entendit comme il disoit à la nommée Marie Thimonier, fille de la femme dud[it] Francois Rigaud qui gardoit ses brebis et cette ânesse, qu’il alloit à La Ferronnière, qu’elle n’avoit qu’à l’y faire prendre ; qu’il entendit encorre comme cet homme disoit à laditte Thimonier qu’il se f[outoit] d’elle comme de m[onsieur] le curé ; qu’ensuitte il s’en fut et suivit le chemain par lequelle on vient de Moussac en cette ville ; ajoute le deposant que revenant le soir au bourg de Moussac avec laditte Thimonier et le nommé Bernard dit La Trémouille, il suposa que la nature de laditte ânesse étoit toute détournée, ce qui ne pouvoit provenir que des suittes de l’indigne action que led[it] Lionard Forest avoit comis avec elle13. Qui est tout ce qu’il a dit sçavoir et lecture à luy faite de sa déposition a dit icelle contenir véritté, y a persisté et persiste, a déclaré n’y voulloir rien augumenter ny diminuer, ny ne scavoir signer et requis taxe ; du tout dhum[ent] enquis suivant l’ord[onnan]ce. Lequel nous avons taxé quinze solz.

[fol. 3r°] Antoine Barttomier, troisième témoin assigné à la requête dud[it] procureur fiscal par exploit de Brugier à nous représenté ; et par serment par lui fait de dire véritté, nous a dit s’appeler Antoine Barttomier lab[oureu]r demeurant au village de La Rélandière par[oiss]e de Moussac sur Vienne, âgé de trante deux ans ou environs, n’être parent allié, serviteur ny domestique d’aucune des parties, non plus que du quidam duquel il entand parler dans sa déposition, mais bien les connoistre ; du tout dhument enquis suivant l’ord[onnan]ce. Dépose sur les faits porté en la plainte à nous rendue par le dit pro[cureur] fiscal dont lecture lui a été faite par notre greffier : que toute la connoi[ssan]ce qu’il en a est que le seize du mois de juin dernier environs les cinq ou six heures du soir, il étoit à pécher avec le fils du nommé Boileau, de son village, dans la rivière de Vienne et aux environs du moullin Chauvet. Ils furent appelé par Marie Thimonier, fille de la femme Francois Rigaud, p[aroissienn]e au bourg de Moussac, et par Hanry Auché du même bourg, qui gardaient leurs bêtes au pacage ; qu’aussitost qu’ils s’anttendirent appelé ils quittèrent leur pesche et vinrent à ceux qui les appelloient ; lesquels leur firent appercevoir le nommé Léonard Forest, scyeur de long d’une province étrangère et qui depuis plusieurs année travaille dans cette contrée, lequel étoit auprès du buisson d’un pré appelé du Ry Brochel, dépendans de la métairie de La Relandière, qui tenoit l’ânesse que gardoit ladite Thimonier au travers du corps ; paroissé d’ailleurs se donner beaucoup de mouvement, ce qui lui fit croire qu’il commettait avec elle le crime de bestiallité [fol. 3v°] ce qui ne pouvoit estre autrement par l’attitude qu’il étoit et les mouvements qu’il se donné ; qu’ausitost qu’il l’eut appersu, il cria après luy pour luy faire honte de l’action qu’il cometté ; qu’ausitost Il lâcha l’ânesse et porta ses mains à sa sainture de culotte et la remonta en haut ; qu’il se mit ensuitte à jurer tant contre luy que contre ceux avec qui il étoit et leur dit baucoup de menasse d’un batton qu’il levoit à la main, en leur disant sy il alloit à eux ils les écharpoit ; qu’il continua de les injurié et menacé de cette manière sur les représentations et remontrances qu’ils luy faisoient du crime qu’il venoit de commettre ; qu’il entendit même que cet homme dit à laditte Thimonier qu’il se f… d’elle14 ainsy que de m[onsieu]r le curé ; qu’ensuitte il suivit le chemain par lequel on vient de la dite Moussac en cette ville. Qui est tout ce qu’il a dit sçavoir et lecture à luy faite de sa déposition, a dit icelle contenir véritté, y a persisté et persiste, a déclaré n’y voulloir rien augmenter ny diminuer, ny ne scavoir signer et requis taxe ; du tout dhum[ent]] enquis suivant l’ord[onnan]ce. Lequel nous avons taxé trente solz.

[fol. 4r°] Jacque Martineau quatrième témoin assigné à la requeste dud[it] procureur fiscal par exploit de Brugier sergent, à nous représenté. Après serment par lui fait de dire vérité, nous a dit s’appeller Jacques Martineau lab[oureu]r dem[euran]t au village de La Relandière, paroisse de Moussac sur Vienne, estre agé de vingt quatre ans ou environs, n’estre parant, allié, serviteur ny domesticque des parties non plus que du quidam duquel il entend parler dans sa déposition, mais bien les connoistre ; du tout dhum[en]t enquis et interpellé suivant l’ord[onnan]ce. Dépose sur les faits porté en la plainte à nous rendue par led[it] s[ieu]r procureur fiscal dont lecture luy en a été faite par notre greffier, que toute la connaissance qu’il en a est que le seize du mois de juin dernier environs les cinq ou six heures du soir il étoit à pêcher dans la Vienne avec le nommé Antoine Berttiomier du même village ; qu’ils furent appelés par Marie Thimonnier, fille de la femme de François Rigaud du bourg de Moussac sur Vienne et par Hanry Auché j[ournalie]r dans le mesme bourg ; qu’ils quittèrent aussytost leurs pesche et vinrent a ceux qui les appelloient ; lesquels leurs firent appercevoir le nommé Léonard Forest, scyeur de long d’une province étrangère qui depuis plusieurs années travaille dans cette contrée, qui étoit derrière un buisson dépendans d’un pré appellé du Ry Brochel qui est de la métairie de La Relandière, et tenoit entre ses deux bras une ânesse qui appartient audit [fol. 4v°] Rigaud qui étoit gardé au pacage par la ditte Thimonier ; qu’il jugea par l’attitude où il étoit et les mouvements qu’il se donnoit qu’il commettoit avec elle le crime de bestiallitté ; que luy déposant et les autres avec lesquelles il étoit se mirent à le huer et cryer après luy et luy dire d’aller commettre ses vilaines actions dans son pays ; qu’alors ledit Forest lâcha cette annesse, releva ses culotte et ramassa son batton ; et comme luy déposant, ainsy que les autres continuoient de luy faire des reproche de l’indigne action qu’il venoit de commettre, il proféra contre eux beaucoup de jurement, leur fit beaucoup de menasse, tant de ses points que d’un batton qu’il levoit de l’autre main ; qu’il entendit aussy que ledit Forest dit à la ditte Thimonier qu’il se f… d’elle ainsy que de m[onsieu]r le curé, ; qu’ensuitte il s’en fut suivant le chemin par lequel ont vient du bourg de Moussac en cette ville. Ajoute le déposant qu’il entendit aussy que ledit Forest dit à la ditte Timonier qu’il alloit à la Foulconnière, quelle n’avoit qu’à luy suivre et luy faire prendre ; qui est tout ce qu’il a dit sçavoir. Et lecture à luy faite de sa déposition, a dit icelle contenir vérité et a persisté et persiste, a déclaré n’y vouloir rien augmenter ny diminuer, ny ne sçavoir signer et enquis [fol. 5r°] taxe ; du tout dhument enquis et interpellé suiv[ant] l’ord[onnan]ce. Lequel avons taxé trante sols.

Louis Bernard cinquième témoins assigné à la requeste dud[it] s[ieu]r pro[cureu]r fiscal par exploit de Brugier à nous représenté. Après serment par luy fait [de dire vérité] nous a dit s’appeller Louis Bernard, maréchal dem[euran]t au bourg de Moussac sur Vienne, estre agé de trante huit ans ou environs, n’être parant, allié, serviteur ny domesticque d’aucune des parties ni du quidam duquel il entant parler dans sa déposition, mais bien les connoistre ; du tout dhument enquis sui[van]t l’or[onnan]ce. Dépose sur les faits porté en la plainte [à nous rendue] par led[it] s[ieu]r p[rocureu]r fiscal dont lecture luy en a été faite par notre greffier que toute la connoiss[an]ce qu’il en a est que le seize du mois de juin dernier environs les cinq ou six heures du soir il était après serclé des pois dans un champ apparten[an]t au s[ieu]r Le Lane de Moussac près le moullin Chauvet, il fut appelé par Marie Thimonnier fille de la femme de François Rigaud j[ournali]er au bourg de Moussac et par le nommé Hanry Auché j[ournali]er au même bourg, les quels luy dirent de venir voire que faisoit un homme pas bien loin de là, [ce] que led[it] suivit tout de suite ; qu’il appersu le nommé Leonard Forest scyeur de long d’une province étrangère mais qui depuis plusieurs années travaille dans cette contrée la majeure partie des années ; lequel s’étoit relevait derrière un buisson du pré appellé du Ry Brochel [fol. 5v°] dépendant de la métairie de La Relandière, avec une ânesse qui appartient aud[it] Rigaud avec laquelle il commettoit le crime de bestiallité ; que craignant que cette homme ne couru sur luy et le malletraita, il ne voullut le luy rien dire lors qu’il l’aperçu ; il envoya rappeller les nommés Martineau et Barthonnier qui peschoient dans la rivière pas bien loin de là ; que pendant le temps qu’ils furent arrivés il continua de voire cette homme consommant son crime, même après qu’ils furent arrivés ; aussistost que cest deux hommes furent arrivés ils furent tous à cryer après luy et luy reprochoient le crime qu’il avoit commis, qu’aussistost il laissa l’ânesse, relevat ces cullotte et les regarda la teste basse ; qu’il ramassa en ensuitte son batton comme ils continuoient toujours de luy faire honte et cryer après luy et il prophéra beaucoup de juremants et invectives contre eux, leur fit beaucoup de menasse tant avec un de ses points qu’avec son batton qu’il tenoit levé de l’autre main et leur dit que s’il allait à eux ils les écra[serait] ; qu’il dit ausssy à la ditte Thimonnier de qu’il ce f… d’elle comme de monsieur le curé ; qu’il allait à la Foulconnière, qu’elle n’avait qu’à y aller et l’y faire prendre ; qu’il a apprit qu’il étoit party dès le lendemain pour s’en aller [fol. 6r°] dans son pays. Ajoute le déposant que en survenant au bourg de Moussac avec ledit Hanry Auché et laditte Marie Thimonier il appersu que la nature de l’ânesse dont il a parlé étoit toute détournée, que cellat ne pouvoit estre que parce une suitte du crime comis avec elle par ledit Forest. Qui est tout ce qu’il a dit sçavoir et lecture à luy faitte de sa déposition a dit icelle contenir véritté, y a persisté et persiste, a déclaré n’y voulloir rien augmenter ny diminuer ny ne scavoir signer et requis taxe ; le tout dhum[en]t enquis et interpellé suivant l’ord[onnan]ce. Lequel nous avons taxé trante sols. [Une signature :] Patharin sénéchal.

Soit communiqué au procureur fiscal pour, ses conditions prises, à nous rapportées et ordonné ce qu’il appartiendra ; fait et donné en la chambre criminelle de la justice du marquizat de L’Isle Jourdain le seize juillet mil sept cent quatre vingt trois.

[Une signature :] Patharin sénéchal.

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Conclusions du procureur fiscal du 16 juillet 1783

[pc. 5 fol. 1r°] Le procureur fiscal du marquizat de L’Isle Jourdain qui après communication de la plainte par lui rendue contre certain quidam accusé d’avoir commis le crime de bestialité avec une ânesse appartenante à François Rigaud, journallier dem[euran]t au bourg de Moussac deff[endeu]r et accusé de l’ordonnance étant au pied de la plainte portant permission d’informer en datte du douze du courant signée Patharin sénéchal ; autre ordonnance du même jour portant mandement d’assigner témoins signée Patharin sénéchal ; le raport d’assignations données aux témoins par Brugié, sergent, du quatorze de ce mois, controllé au bureau de L’Isle le quinze par Patharin ; l’information faitte en concéquance composée de cinq témoins, en datte de ce jour, signée Patharin sénéchal et Guimbaud greffier ; le Soit communiqué étant au pied d’icelle aussi en datte de ce jour signé Patharin sénéchal ; le tout dhuement datté, cotté, signé et paraphé suivant l’ordonnance. Requiert pour le dû de ma charge et l’intérêt du public que le nommé Léonard Forest, scieur de long de province étrangère, accusé dudit crime de bestialité, soit pris et appréhendé au corps pour ester à droit15, être ouy et interrogé sur les faits résultants de laditte plainte et information, circonstances et dépendances. Et pour servir de pièce de conviction je requière en outre que l’ânesse avec laquelle led[it] Léonard Forest a commis le dit crime soit saisie entre les mains de François Rigaud à qui elle appartient et mise en fourrière pour y demeurer jusqu’à jugement définitif.

Fait et conclud à L’isle Jourdain le seize juillet mil sept cent quatre vingt trois.

[Deux signatures :] R. Martin pro[cureu]r fiscal, Patharin sénéchal.

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Ordonnance du 16 juillet 1783

[pc. 6 fol. 1r°] Vu par nous la plainte à nous rendue par le procureur fiscal de notre cour contre certain quidam accusé d’avoir commis le crime de bestialité avec une annesse appartenante à Francois Rigaud, journallier demeurant bourg de Moussac sur Vienne, deffendeur et accusé de l’ordonnance étant au pied portant permission d’informer, en datte du douze du courant, de nous signée ; autre no[s]tre ordonnance du même jour portant mandement d’assigner témoins aussi de nous signée ; le rapport d’assignation donnée aux témoins par Brugier, sergent de cette cour, du quatorze de ce mois, controllé au bureau de cette ville le quinze par Patharin ; l’information faitte en conséquences composée de cinq témoins, en datte de ce jour, de nous signée et de Guimbaud greffier, notre Soit communiquée aud[it] procureur fiscal étant au pied d’icelle, aussi en datte de ce jour, aussi de nous signé ; les conclusions dud[it] procureur fiscal aussi en datte de ce jour signée R. Martin procureur fiscal ; le tout de nous duement datté, cotté et paraphé suivant l’ordonnance. Tout vu et considéré, le saint nom de Dieu à ce premier appellé, nous ordonnons que Léonard Foreit, scyeur de long de province étrangère, sera pris au corps et conduit dans les prisons du siège du marquizat de L’Isle Jourdain à L’Isle Jourdain, pour ester à droit, être ouï et intérogé sur les faits resultans des charges et informations et autres sur lesquelles le procureur fiscal pourra requérir qu’il soit entendu ; si non et après perquisition faitte de sa personne, sera assigné à comparoir à la quinzaine et par un seul cri public à la huitaine ensuivante, ses biens saisis et annotés, et à iceux établi commissaires jusques à ce qu’il ait obéi, ce qui sera exécuté non obtant opposition ou appellation quelconque, attendu qu’il s’agit de décret en matière criminelle, par le premier huissier de cette juridiction ou autre huissier ou sergent royal sur ce requis auquel de ce faire donnons [fol. 1v°] pouvoir16. Comme aussi ordonnons que l’ânesse avec laquelle le dit Leonard Forest a commis le crime dont il est accusé soit saisie entre les mains de François Rigaud, habitant du bourg de Moussac auquel elle appartient et icelle menée et conduite en fourière en l’auberge du Bien Nourrir en cette ville, tenue par René Huguot, pour y demeurer comme pièce de conviction jusqu’au jugement définitif ; ce qui sera égallement exécuté nonobstant oppositions ou appellations quelconque et sans y préjudicier, attendu ce dont il s’agit, par le premier sergent de cette cour ou autre huissier ou sergent royal sur ce requis, auquel de ce faire donnons pouvoir.

Fait, donné et prononcé par nous Jean Joseph Patharin, sieur de Lagane avocat en parlement, juge sénéchal civil, criminel et de police de la ville et marquizat de L’Isle Jourdain en présence de Louis Guimbaud greffier de la justice dud[it] marquizat en la chambre criminelle dud[it] marquizat le seize juillet mil sept cent quatre vingt trois.

[Une signature :] Patharin sénéchal.

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Exploits de saisie et de dépôt de l’ânesse du 18 juillet 1783

[pc. 7 fol. 1r°] L’an mil sept cent quatre vint trois le dix huitième jour du mois de juillet avant midy j’ai, René Brugier, sergent ordinaire du marquisat de l’Isle Jourdain soussigné, reçu et immatricullé au greffe seigneurial dudit lieu résidant à l’Isle Jourdain, par vertut d’ordonnance de monsieur le juge sénéchal sivil et criminel du marquisat de l’Isle Jourdin estant au pied du décret de prise de corps par luy décernée contre le nommé Lionnard Forest, scieuyeur de long de province étrangère, en datte du saize du courant juillet, ordonnance portant que l’annesse avec laquelle le dit Lionnard Forest a commis le crime dont il est accusé, soit saisie entre les mains de François Rigaud abittant du bourg de Moussac au quel elle apartient, et icelle menée et conduitte en fourière en l’oberge du Bien Nourrir en la ville de l’Isle pour y demeurer comme piesse de conviction jusqu’à jugement difinitif. Je me suis en conséquance exprès transporté par [fol. 1v°] devers et au domicille de François Rigaud où estant, parlant à sa personne, je luy et déclaré que je saisisais et arrestais, comme de fait je saisis et arreste de par le Roy nostre sire et de justice, l’annesse dont il s’agit, le sommant à sette effet de me la livrer et mettre entre mes mains pour les causes susdittes ; le quelle dit Rigaud a dit que quoy qu’il fut facheux pour luy de ce désaisir de son annesse, que néanmoins ne voullant point estre rebel à justice il m’a sur le champs mis entre les mains une annesse de poil couleur petit gry qu’il m’a dit estre agée de trois à quatre ans ; m’a requis oultre de la remise d’icelle que je luy et octroyé autant que j’ay put et deub, et luy et laissé pappier de la présentes. Enquis s’il voullet signer, a dit que non.

Fait par moy soussigné le jour mois an que dessus.

[Une signature :] Brugier.

[pc. 8 fol. 1r°] Aujourd’huy dix huitième jour du mois de juillet mil sept cent quatre vingt trois après midy, j’ay, René Brugier sergent ordinaire du marquizat de L’Isle Jourdin soubsigné, reçu et immatricullé au greffe seigneurial dudit lieu, résidant à L’Iisle Jourdin, ayant procès verbal d’ordre de monsieur le juge sénéchal sivil et criminel dud[it] marquizat de L’Isle estant au pied du décret de prise de corps par luy décerné contre le nommé Lionard Forest, scyeur de long, en datte du saizième du courant, ayant en conséquence d’icelle saisit l’annesse entre les mains de François Rigaud du bourg de Moussac, avecq la quelle le dit Lionard Forest a commis le crime dont il est accusé, et fay menée et conduire la ditte annesse au lieu de l’Isle en l’oberge du Bien Nourit tenue par le nommé Remi Huguenaud, où estant et parlant à Marie Morichon en l’absense dudit Huguénaud son mary, je luy a déclaré que j’i amenist l’annesse dont s’agit, quy est d’un poil gris et d’âge d’aviron quatre an, pour qu’elle demeurat en fourière dans sondit oberge jusqu’à ce que autrement il en fut ordonné par justice ; à l’effet de quoy j’ay enjoint la ditte Morichon, en l’absense de son dit mary, de faire sognier et nourire convenablement laditte annesse et de s’ant chargé comme de biens de justice et de droits, sous payne d’ans répondre elle et sont mary en leurs propre et privée noms ; et attendue que la ditte Marichon c’est vollontairement chargé en l’absense de son dit mary de la ditte annesse, elle a promis l’éberger et nourire convenablement. Je luy et laissée la ditte annesse à sa charge ainsy que copie du présent ; et a laditte Marichon signé avecq moy sergent susdit et soussigné.

[Deux signatures :] Mari Morichon [lettre à lettre] et Brugier sergent17.

Fig. 1. Carte de Cassini. Collection personnelle de l’éditeur.

Fig. 1. Carte de Cassini. Collection personnelle de l’éditeur.

Notes

1 Transcription : Antoine Follain, avec Gilles Dermy, Charlène Herbin, Eléna Lang, Mathilde Loas, Clotilde Lompré, Noé Montero, Julie Menotti, François Nunès, Coraline Pujol, Benjamin Ratichaux, Camille Reveillère, Laurent Ropp et Marie-Aude Schittly, étudiants en master. Retour au texte

2 Voir infra, fig. 1. Retour au texte

3 Ce terme désigne une terre en friche, une jachère. Si l’on demandait aux habitants, ils diraient sans doute qu’il s’agit de leur communal ou d’une terre d’alluvion, ce qui est aussi un espace collectif. L’emploi de « bouige » par les officiers de la seigneurie n’est pas indifférent car du point de vue du seigneur ils ne peuvent pas reconnaître que ce terrain est la propriété ou la jouissance de la communauté des habitants. Retour au texte

4 Il y a partout dans cette liasse de telles mentions de corrections. Nous ne les avons pas gardées à chaque fois. Retour au texte

5 Noms des personnes assignées, écrits, raturés et réécrits, dans un désordre assez étonnant. La raison est sans doute que le sergent a remis à chacun une copie d’exploit mais il a voulu garder un seul exemplaire pour lui-même. Retour au texte

6 Figurent ensuite sur chacun des exploits les contrôles et quittances. Ici par exemple : 3 livres 19 sols. Retour au texte

7 Étiquette au dos de la liasse. Chaque page est signée en bas et numérotée par le juge Patharin. Retour au texte

8 Illisible. Retour au texte

9 Probablement proche du verbe « rassouagier », « rassoagier », etc. : se calmer, s’apaiser. Retour au texte

10 Ces taxes sont des dédommagements pour le temps perdu. Retour au texte

11 Rajouté dans la marge. Cela illustre bien la crainte de rédiger des actes irréguliers si l’on n’a pas répété à chaque fois toutes les formules. Retour au texte

12 D’abord écrit et barré « bourrique » remplacé par « ânesse ». Retour au texte

13 Ajouté dans la marge et écrit de travers. Les mots barrés ou ajoutés sont approuvés par des formules comme « réprouvé six mots rayé p[ou]r ne valloir. » et la signature du juge. Retour au texte

14 Comprendre : « qu’il se foutait d’elle ». Retour au texte

15 L’action d’ester en justice est la capacité d’une personne de soutenir une action en justice. Retour au texte

16 Forrest étant parti avec ses affaires et outils, cette ordonnance est totalement vaine, mais il fallait la prononcer pour que la juridiction soit en règle. Retour au texte

17 Rappelons que l’enjeu de la procédure pour l’ânesse était d’importance puisque si Forrest avait été poursuivi, jugé et condamné à mort, l’animal aurait été exécuté avec l’homme. Les suites probables sont que le propriétaire a été dédommagé et l’animal vendu par le receveur seigneurial ou que l’animal a été rendu au sieur Rigaud qui l’a vendu assez loin de Moussac. Retour au texte

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Référence papier

« Procédure commencée dans le marquisat de l’Isle-Jourdain en 1783. Archives départementales de la Vienne : B VIII 121 », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 11 | 2017, 139-151.

Référence électronique

« Procédure commencée dans le marquisat de l’Isle-Jourdain en 1783. Archives départementales de la Vienne : B VIII 121 », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 11 | 2017, mis en ligne le 22 septembre 2023, consulté le 11 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=259

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Antoine Follain

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