Introduction
Dans cette contribution, nous proposons d’analyser des discours évaluatifs sur la réforme orthographique allemande de 1996 ainsi que sur ses amendements de 2004 et 2006. Cette analyse implique tout d’abord de situer la réforme orthographique dans son contexte national et extra‑national, de préciser son contenu, ses enjeux, ses objectifs et ses visées afin de montrer comment il est possible d’interpréter la réforme dans sa globalité. Deuxièmement, du point de vue de l’évaluation proprement dite, cet exemple est un cas de figure intéressant, car il invite à interroger d’autres formes d’évaluation que la seule forme institutionnelle. Pour cause, il n’existe pas, en Allemagne, d’instance(s) évaluative(s) officielle(s), à l’exception de certaines commissions d’experts mais dont les missions sont surtout d’assurer le suivi de la réforme et de faciliter son application et sa diffusion. Par conséquent, nous sommes amenée à rechercher d’autres formes d’évaluation non pas du côté des institutions, mais du côté de ceux à qui s’adresse la réforme, ceux qui la reçoivent, c'est-à-dire les usagers, la société civile. C’est en effet dans leurs réactions, dans leurs prises de position publiques (écrites ou orales) que nous pouvons trouver des évaluations, des jugements, des avis. L’objectif de cette contribution est donc d’interroger les évaluations de la réforme orthographique telles qu’elles sont pratiquées et formulées par la société civile (nous nous limiterons à quelques exemples). Il s’agira de voir comment les usagers évaluent cette réforme, selon quels critères, pour quelles raisons.
La réforme de l’orthographe allemande : objectifs affichés, aspects concernés et visées réelles
Les objectifs affichés
Le projet de réforme remonte aux années 50. A cette époque, des linguistes ouest allemands se sont réunis pour réfléchir à une simplification de l’allemand écrit. Leur projet est motivé par le constat que les jeunes Allemands maîtrisent mal l’orthographe, ce qui a des répercussions sur leur réussite scolaire.
La nouvelle réglementation de 1996 prend appui sur les règles fixées à Berlin en 1901 lors de la IIe conférence orthographique et entrées en vigueur en 1902. Ces règles, portées au rang de symbole de l’Empire unifié, n’avaient fait jusqu’à présent l’objet d’aucune modification tant leur réception et leur imposition avaient été difficiles, mais aussi tant leur portée idéologico‑politique les rendait intouchables.
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, le contexte allemand a profondément changé et pose de nouvelles questions politiques, économiques et sociales. C’est aussi l’époque où cohabitent, non sans difficultés, les deux Républiques allemandes. Les différences idéologiques et politiques ont inévitablement des répercussions sur les conceptions linguistiques des deux Etats.
En RFA, les partisans d’une réforme orthographique justifient leur argumentation en s’appuyant sur le constat d’un décalage entre le (ou les) parler(s) des locuteurs et les règles de l’écrit. Il est donc, selon eux, nécessaire de simplifier l’orthographe pour la mettre en conformité avec les pratiques orales de l’allemand. Cet objectif de simplification est inscrit dans la préface du manuel contenant la nouvelle réglementation de l’orthographe allemande1 : il s’agit de neutraliser les incohérences de la langue (« …eine Vereinfachung der Rechtschreibung […] durch die Beseitigung von Ausnahmen und Besonderheiten », Regelwerk, 1996/19982) en vue d’en faciliter l’apprentissage (« …die Rechtschreibung ist leichter erlernbar und einfacher handhabbar3. »)
A cet objectif principal s’ajoute celui de maintenir l’unité (ortho)graphique au sein de l’espace germanophone4 : « Die Zwischenstaatliche Kommission für deutsche Rechtschreibung […] wird weiterhin dafür Sorge tragen, dass die Einheitlichkeit der Rechtschreibung im deutschen Sprachraum bewahrt bleibt. » Cet aspect reflète une crainte héritée de l’histoire, celle de diviser graphiquement, linguistiquement et culturellement l’espace germanophone comme ce fut le cas avant la constitution du second empire allemand.
Après l’adoption à l’unanimité du principe d’une réforme par les ministres régionaux de la culture et de l’éducation des seize Länder (le 01.12.95), d’autres pays germanophones décident de s’associer au projet (la Suisse, l’Autriche, le Liechtenstein -mais pas le Luxembourg- et les pays où réside une communauté de langue allemande comme la Belgique, l’Italie, la Hongrie, ou encore la Roumanie). Après avoir été examinée par la Cour constitutionnelle, saisie par des associations de parents d’élèves, des écrivains et des enseignants, la réforme est tant bien que mal entrée en vigueur le 1er août 1998, prévoyant une période de transition allant jusqu’au 31 juillet 2005 pendant laquelle l’orthographe traditionnelle restait encore valable. La nouvelle orthographe concerne le secteur scolaire et les administrations, mais elle est également amenée à servir de modèle dans d’autres domaines (presse, littérature et usage personnel) :
Wie das Regelwerk von 1901/1902 ist auch die neue amtliche Rechtschreibung verbindlich für diejenigen Institutionen, für die der Staat in dieser Hinsicht Regelungskompetenz besitzt. Das sind einerseits die Schulen und andererseits die Behörden. Darüber hinaus hat sie Vorbildcharakter für alle anderen Bereiche, in denen sich die Sprachteilhaber an einer möglichst allgemein gültigen Rechtschreibung orientieren möchten. Das gilt speziell für Druckereien, Verlage und Redaktionen, aber auch für Privatpersonen. (Regelwerk, 1996/1998)5
Les aspects concernés
Les modifications concernent cinq domaines :
- la correspondance phonème-graphème (Laut‑Buchstaben‑Zuordnungen),
- la séparation des lexèmes complexes composés (Getrennt- und Zusammenschreibung),
- l’écriture avec trait d’union (Schreibung mit Bindestrich),
- la majuscule et la minuscule (Groβ- und Kleinschreibung),
- la ponctuation (Zeichensetzung),
- la coupure en fin de ligne (Worttrennung am Zeilenende).
Le tableau reporté dans les annexes (annexe A) donne un aperçu des principales modifications de la réforme. Précisons que plusieurs amendements ont été apportés ultérieurement au dispositif de 1996, en 2004 et 2006, si bien qu’on parle aujourd’hui de la « réforme de la réforme » (die Reform der Reform). Voyons à présent les aspects touchés par la nouvelle réglementation.
Principe phonétique versus principe étymologique
Les modifications graphiques témoignent d’un souci de rapprocher la langue parlée de l’écrit (principe phonétique selon lequel un son = un graphème), comme c’est d’ailleurs souvent le cas lors de réformes orthographiques (cf. les Rectifications orthographiques de 1990 en France). C’est selon cette logique que le ß a été remplacé par un « s » redoublé après une voyelle brève et devant une consonne : isst (mange, verbe conjugué à la 3e personne du singulier) au lieu de iβt (cf. annexe A, exemple [1]) et en finale : Fluss (fleuve) au lieu de Fluβ [2]. Mais le ß reste maintenu après une voyelle longue : Fuß (pied), Maß (mesure). Cette disposition est un alignement partiel sur la graphie suisse qui avait cherché dès 1930 à se démarquer par rapport à la variété nationale allemande en abolissant totalement le ß au profit du « s » redoublé indépendamment de la durée de la voyelle qui précède.
L’affirmation du principe phonétique selon lequel la graphie se rapproche le plus possible de la prononciation pourrait être également l’une des explications de la germanisation des mots étrangers. Que ceux-ci soient des emprunts non intégrés comme Mayonnaise [exemple 3] ou des emprunts intégrés comme Thunfisch [4], les nouvelles règles proposent des alternatives graphiques germanisées (Tunfisch, Majonäse), tout en considérant comme valable la graphie traditionnelle. Notons au passage quelques éléments étonnants comme la suppression du -h- suivant le -t- dans Tunfisch, alors qu’il est conservé dans Orthografie [5]. Par conséquent, il semble qu’un choix ait été opéré dans la façon dont sont germanisés les emprunts. Les internationalismes issus de racines gréco‑latines sont globalement moins touchés par la réforme que les emprunts provenant de langues modernes. Le choix du degré et du mode d’adaptation graphique de l’emprunt dans la langue d’accueil est sans doute lié à des enjeux d’une autre nature. C’est un élément qui pourrait faire l’objet d’une étude plus approfondie, mais ce n’est pas ici l’objectif de cette contribution.
Pour d’autres aspects, il reste finalement dans la nouvelle réglementation peu d’éléments de cette volonté de rapprocher l’écrit de l’oral, car les réformateurs ont très vite été confrontés au problème de l’ambigüité sémantique. Ainsi, Lehre (enseignement) et Leere (vide) se prononcent de la même manière mais s’écrivent différemment. Ceci vaut également pour mahlen (moudre) et malen (peindre). La simplification graphique de deux lexèmes homophones porterait inévitablement préjudice à leur distinction sémantique. Au final, le principe phonétique ne concerne que peu de mots. (cf. dans le tableau l’exemple [6] de rau (rude) écrit dorénavant comme blau (bleu), genau (exact) au lieu de rauh.
Parallèlement, la réforme tend à réaffirmer le principe étymologique, au détriment parfois du principe phonétique : « Die neue Regelung konzentriert sich darauf, Verstöβe gegen das Stammprinzip zu beseitigen. » (Regelwerk 1996/1998)6. C’est ainsi que les lexèmes dérivés sont rapprochés de la racine et les lexèmes d’une même famille sont graphiquement homogénéisés, comme le montrent les exemples [7], [8] et [9] du tableau : Bendel devient Bändel par analogie avec Band, aufwendig (d’envergure) devient aufwändig (à côté de aufwendig qui reste utilisé lorsqu’il s’agit d’une dérivation de aufwenden), nummerieren (numéroter) est orthographié comme Nummer (numéro) (avant : numerieren). De même, dans les composés où il y a rencontre, à la limite de lexèmes, de trois consonnes identiques ou de deux fois deux consonnes identiques, chacune d’entre elles est maintenue. Les exemples [10] et [11] du tableau en sont des illustrations : Schifffahrt (ou Schiff-Fahrt : navigation) au lieu de Schiffahrt, selbstständig (issu de la composition selbst + ständig : indépendant) au lieu de selbständig (qui est cependant maintenu parallèlement). Ces exemples qui sont jugés par certains comme des aberrations graphiques ne reflètent en aucun cas la prononciation. Qui, en effet, (peut) prononce(r) les quatre consonnes consécutives de selbstständig ou les trois f de Schifffahrt ? Par contre, on notera que Eltern (les parents), qui est un dérivé de alt (vieux) n’est pas devenu Ältern. Le principe étymologique, s’il permet un retour réflectif sur l’origine des mots, suppose néanmoins de bonnes connaissances en histoire de la langue, ce qui n’est pas donné au scripteur ordinaire.
Soudure versus coupure
Un autre aspect de la réforme concerne l’écriture en une seule ou plusieurs unités graphiques. La création de mots nouveaux par composition est un phénomène caractéristique de l’allemand moderne. Avec le temps, certains de ces lexèmes composés ont acquis un sens propre, différent du sens des deux entités constituant le composé. Ces nouveaux mots se sont autonomisés sémantiquement. On trouve de tels exemples dans le vocabulaire juridique : « Die Anzahl von Alleinstehenden wächst mit der Anzahl von Ehescheidungen7 ». Ainsi alleinstehend (personne seule) et allein stehend (seul) [13] ont un sens différent et, pour cause, s’écrivaient différemment. La réforme de 1996 prévoyait que l’adjectif et le verbe ne forment plus d’unité graphique lorsque l’adjectif peut être gradué, c'est-à-dire mis au comparatif ou précédé de sehr (très), ganz (tout) : on devait donc désormais écrire kalt stellen (mettre au froid), lieb haben (aimer), (cf. les exemples [12]). De même, la mention de allein stehend cité plus haut ne permettait plus de savoir s’il était question d’une personne seule ou d’un célibataire. Pourtant, la réforme de 1996 indiquait également que bien qu’ils ne puissent pas être gradués, les adjectifs ayant un suffixe -ig, -lich, ou -isch devaient également être dissociés du verbe : fertig machen (terminer), übrig bleiben (demeurer), etc. C’est un aspect qui a été vivement contesté.
Dans la version de 2006, la nouvelle réglementation revient sur un certain nombre des précédentes dispositions. Par exemple, elle autorise les deux orthographes (soudées et séparées) lorsque le verbe a un sens résultatif (par exemple : fertig machen et fertigmachen) et introduisent la seule forme soudée lorsque le verbe prend un sens figuré (übrigbleiben, etc.). A ces différences orthographiques peuvent donc correspondre des différences de sens. Mais il est certain que ces distinctions sont parfois difficiles à établir, ce qui explique que la réforme de 2006 soit, elle aussi, très contestée.
Il en va de même pour sitzenbleiben (redoubler) et sitzen bleiben (rester assis) (exemple [14]) qui s’écrivent tous deux après 1996 en deux unités graphiques, quel que soit leur sens, concret ou figuré. On devait donc écrire également : fallen lassen (laisser tomber), spazieren gehen (aller se promener), kennen lernen (faire la connaissance de), etc. En 2006, cette règle est maintenue, mais certains verbes composés de bleiben et de lassen peuvent aussi former une unité graphique lorsqu’ils ont un sens figuré: sitzenbleiben (redoubler), stehenlassen (planter quelqu’un), kennenlernen, etc.
Enfin, concernant les verbes composés d’un substantif, la réforme de 1996 donnait comme règle générale que les deux éléments devaient être dissociés : Recht haben (avoir raison) [15], Rad fahren [16] (faire du vélo), ce qui ramenait la forme verbale à une forme simple accompagnée d’un substantif. Cependant, étaient exclus de cette règle les lexèmes verbaux complexes où l’origine du préverbe s’est perdue (lexicalisation pour donner un nouveau sens en association avec le verbe) : stattfinden (avoir lieu), teilnehmen (participer), preisgeben (révéler) [15]. La réforme de 2006 introduit un grand nombre de doubles possibilités, à l’exception des verbes pour lesquels le sens s’écarte de celui des unités dont ils sont composés, qui doivent désormais être écrits en un mot : eislaufen (patiner), bankrottgehen (faire faillite), stattfinden (avoir lieu), teilnehmen (participer), etc.
Libertés graphiques fortement contestées
Les autres aspects touchés par la réforme de 1996 (trait d’union, ponctuation, coupure) traduisent une volonté de laisser plus de liberté aux scripteurs dans leur choix d’écriture, à l’image des exemples [17 à 19 et 26 à 29] : « Die bisherige Schreibung bleibt als Nebenform bestehen. » […] « Die neue Regelung beseitigt vor allem Ungereimtheiten. Zugleich will sie der Entscheidung des Schreibenden mehr Raum geben. » […] « Dem Schreibenden wird hier größere Freiheit eingeräumt » (Regelwerk 1996/1998)8. Mais là encore, ce n’est pas sans poser problème (diversité des formes).
Nous laisserons de côté ici les aspects ayant trait à l’écriture en majuscule ou en minuscule, car il s’agit là encore de règles complexes (cf. tableau les exemples 20 à 25). Nous retiendrons que si la réforme réduit au final de 212 à 113 le nombre des règles d'orthographe, elle multiplie en même temps les formes d’écriture. Si cela permet d’introduire plus de souplesse par le biais d’alternatives orthographiques, les principes qui régissent la nouvelle réglementation sont parfois appliqués avec contradiction. Cela a généré, dans certains cas, de nouvelles difficultés.
Ceci explique sans doute que la réforme orthographique n’ait pas laissé l’opinion publique indifférente. Le débat entre partisans et opposants de la nouvelle réglementation a été et est encore aujourd’hui très intense, voire passionnel. Un sondage réalisé en 2006 pour le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) a révélé que 92 % de l’ensemble de la population allemande seraient opposés à la réforme (FAZ, 04.02.2006). Le rejet est également fort chez une partie des medias et de quelques écrivains de renom9. C’est d’ailleurs, pour partie, en raison de leur forte opposition à la nouvelle réglementation que les responsables politiques ont été contraints d’apporter les modifications de 2004 et de 2006 qui témoignent pour certaines d’entre elles d’un retour en arrière.
Les visées officielles de la réforme
Compte tenu des objectifs annoncés de la réforme visant la simplification de l’orthographe en vue d’en faciliter l’apprentissage et donc de démocratiser la langue, il apparaît clairement que cette forme d’intervention sur la langue, même si nous l’envisageons dans cette perspective, n’est pas une fin en soi. Dans une perspective sociale, il semble que sa raison d’être est de servir une cause plus vaste centrée sur un problème de société. En ce sens, la réforme orthographique peut être comprise comme le versant linguistique d’une volonté politique globale à caractère social.
De ce point de vue, on peut établir un lien avec une action comparable ayant lieu à peu près au même moment en France : il s’agit des Rectifications de l’orthographe française de 1990, présentées par le gouvernement français de l’époque (sous le Premier ministre Michel Rocard) comme une action sociale visant à lutter contre les inégalités et les discriminations dont l’orthographe était à l’origine. La logique française est ainsi comparable à la démarche allemande : on trouve en effet les mêmes arguments pédagogiques (la complexité de l’orthographe entraîne des pertes de temps et entrave le temps d’apprentissage dans les autres matières) et démocratiques (la complexité de l’orthographe entretient des inégalités sociales et augmente les difficultés d’intégration). Ces arguments ont été avancés et soutenus par des enseignants et des linguistes à l’initiative des amendements, et aussi en partie relayés dans les médias (presse, télévision et radio). En témoignent, par exemple, certains articles de presse qui ont souligné les difficultés qu’ont les dyslexiques dans l’apprentissage de l’orthographe du français (Le Figaro du 16 mars 2001, Le Monde du 17 mars 2001, Science du 16 mars 2001). La manière dont l’orthographe a été abordée et traitée montre bien que c’est un enjeu social important.
À ces objectifs sociaux s’ajoute en France un argument de nature techno‑économique, également mis en avant en Allemagne, qui consiste à légitimer l’intervention des institutions en matière de langue (et donc d’orthographe) en la caractérisant comme nécessaire face à l’évolution des techniques de communication et aux exigences de la compétitivité économique. Au total, l’exemple allemand, comme le français, montrent que l’intervention sur l’orthographe doit être envisagée comme une action englobée dans un projet plus vaste de réforme de la société. C’est d’ailleurs ce qu’on observe un peu partout dans le monde : l’intervention sur la graphie du serbe, du roumain de Moldavie ou encore du turc s’expliquent par des raisons tantôt politiques, idéologiques, économiques ou les trois à la fois. Ce n’est jamais véritablement la langue en tant que telle qui est visée, mais - à travers elle - un objectif plus vaste de mutation profonde d’une situation donnée.
La réforme de l’orthographe allemande et son évaluation par la société civile (quelques exemples)
Jugements évaluatifs
Gardant à l’esprit les raisons socio‑pédagogiques qui ont impulsé la réforme de l’orthographe allemande, nous nous intéressons à présent aux évaluations dont elle a fait l’objet. Dans la mesure où il n’existe pas en Allemagne d’instance évaluative proprement dite, nous nous sommes orientée vers le champ de la réception. C’est, en effet, auprès des destinataires de la réforme que l’on peut trouver des jugements, des points de vue, des appréciations, bref, des évaluations. Ce qui nous intéresse ici, c’est plus précisément de voir comment, c'est-à-dire à partir de quels critères, les évaluations sur la réforme sont formulées. Cette question nous amènera à nous interroger sur les raisons symboliques, sociales, politiques, économiques, etc. qui expliquent les prises de position et à accorder une attention particulière au statut des évaluateurs (qui sont-ils ?) et à celui de leurs évaluations (évaluation spontanée, « commandée », etc. ?). Il sera intéressant de comparer ces critères avec les objectifs affichés de la nouvelle réglementation. Cette approche par la réception implique plus largement de se demander comment il est possible d’analyser la façon dont les acteurs réagissent et évaluent la réforme, de quoi l’on dispose (textes, discours ?) et quelle est la nature des évaluations.
Pour répondre à ces questions, nous avons choisi de retenir trois textes dont nous présentons les caractéristiques de manière synthétique dans un tableau reporté dans les annexes (cf. annexe B1). Les textes présentent de grandes différences (date, lieu et mode de production, statut des auteurs), mais c’est précisément en raison de cette disparité que nous les avons choisis. En effet, les dates de production de ces textes renvoient chacune à un contexte particulier (cf. tableau, annexe B1) et les situent à des moments charnières de l’histoire de la réforme. Leurs auteurs (un collectif d’enseignants pour le texte 1, trois importants groupes de presse [FAZ, Spiegel et Springer Verlag] pour le texte 2 et un écrivain et ancien Président de la Société pour la langue et la poésie [Christian Meier] pour le texte 3) représentent des corps sociaux différents et des intérêts spécifiques à leur champ d’action. En outre, leurs obligations vis‑à‑vis de la réforme diffèrent selon leur statut : alors que les nouvelles règles orthographiques sont imposées (verbindlich) dans les écoles et les administrations, il n’y a aucune obligation juridique à les adopter dans le secteur privé (presse, littérature). De ce point de vue, le positionnement de ces acteurs, soumis à une juridiction différente, peut être intéressant, voire même déterminant pour la réception de la réforme, notamment lorsque l’on sait, comme cela est rappelé dans le texte 2, que la diffusion du quotidien FAZ, du magazine Spiegel et des périodiques du Springer Verlag touche près de 60% de la population. Enfin, du point de vue du type d’évaluation, il sera sans doute intéressant de comparer les prises de position, qu’elles soient « spontanées » (textes 1 et 2) ou « commandées » (texte 3).
Au-delà de leurs différences, nous avons aussi choisi ces textes en raison des aspects convergents qui les caractérisent. Ainsi, les textes ont en commun d’avoir été très largement diffusés (dans la presse écrite, sur le Net) et, en retour, d’avoir fait beaucoup parler d’eux (il existe à ce propos de nombreuses réactions à ces textes). Il ne s’agit donc pas de textes inconnus du grand public. En outre, du point de vue de leur contenu, leurs auteurs expriment communément leur opposition à la réforme et l’évaluation qu’ils en font tend à indiquer explicitement ou implicitement que la réforme est un échec ou qu’elle est vouée à l’échec.
Au total, notre étude n’est pas exhaustive et l’échantillon sur lequel elle s’appuie ne prétend pas être représentatif de l’ensemble des évaluations formulées sur la réforme orthographique, ni mêmes des seules évaluations négatives, mais les arguments qu’ils sollicitent ont été largement partagés. Les auteurs, de par leur statut différent, leurs intérêts divergents et les domaines dans lesquels ils interviennent, sont amenés - c’est notre hypothèse - à faire valoir des critères différents d’évaluation, ou à hiérarchiser différemment les critères d’évaluation qu’ils retiennent.
Critères d’évaluation
Il ressort de la lecture de ces textes des critères d’évaluation qui sont communs, mais qui ne sont pas considérés de la même manière.
Le premier critère d’évaluation porte sur les objectifs de simplification et d’unification. Selon les auteurs des trois textes, les objectifs annoncés ne sont pas atteints. Cela est dit explicitement par un recours systématique à un négateur.
[texte 1] « bringt keine Vereinfachung », « lehnen […] ab », « unbrauchbar », « In der Schulpraxis kann kein Lehrer mehr ordnungsgemäß schreiben10. »
[texte 2] « die Reform hat weder für professionell Schreibende noch für Schüler Erleichterung gebracht11. »
Au contraire, la réforme aurait contribué à rendre l’orthographe plus complexe, moins logique et moins cohérente et aurait suscité le désordre. Le thème du désordre, associé à celui de la confusion, du chaos, voire de la fin du monde est très présent dans les trois textes :
[texte 1] « Debakel », « Chaos », « zerstört »12
[texte 2] « Verunsicherung », « verunsichert », « Konfusion », « Vermischung »13
[texte 3] « das Chaos », « das Durcheinander »14
Le recours aux champs lexicaux du désordre, du chaos ou encore de la confusion amène les auteurs à désigner directement la réforme comme un échec :
[texte 1] « katastrophaler Mißerfolg » du point de vue linguistique, mais aussi démocratique, juridique, pédagogique et économique (cf. infra), « versäumt »15
[texte 2] « In der täglichen Erprobung ist die Reform gescheitert », « ein erschreckendes Fazit »16
[texte 3] « Die Bilanz ist niederschmetternd », « die miβglückte Reform »17
ou indirectement, en ayant recours à d’autres manières de signifier l’échec comme la dépréciation :
[texte 1] « die sogenannte Reform18 »
[texte 3] l’emploi des guillemets autour du lexème « Reform »,
ou encore l’exagération, à travers l’emploi de comparatifs :
[texte 2] « die Konfusion wird gröβer »
[texte 3] « schlimmer als bloβes Beharren »
de superlatifs :
[texte 2] « Lehrer sind zutiefst verunsichert »
ou encore de formules indiquant l’idée d’une aggravation :
[texte 2] « Die Situation verschlimmert sich », « mit gravierenden Mängeln »19
Ces procédés sont souvent utilisés pour accentuer la négativité.
Si la façon de dire que c’est un échec est semblable dans les trois textes, les justificatifs et l’argumentation qui viennent appuyer les jugements des auteurs ne sont pas strictement les mêmes. En ce qui concerne l’objectif de simplification, alors que les auteurs des textes 1 et 3 justifient leur jugement selon lequel la réforme ne simplifie en aucun cas l’orthographe, les organes de presse du texte 2 ne s’appuient sur aucune argumentation précise venant étayer leur bilan. Ils ne précisent pas, en quoi, ni comment, de quel point de vue les réformateurs ont échoué dans cet objectif. Les auteurs se contentent d’indiquer que la nouvelle orthographe est une source d’erreurs chez les usagers qui n’en faisaient pas auparavant :
[texte 2] « Wer vor der Reform sicher schreiben konnte, macht heute Fehler20. »
En revanche, dans le texte 1, l’échec est mesuré au nombre trop élevé de dispositions particulières à l’intérieur de chacune des règles :
[texte 1] « Der Reform zugrunde liegen 112 Regeln mit 1106 Anwendungsbestimmungen, in denen 111 Wortlisten enthalten sind mit zusammen 1130 zu memorierenden oder nachzuschlagenden Wörtern21. »
L’échec est également mesuré aux ambiguïtés sémantiques qui résultent des nouvelles règles (version 1996), en allusion notamment aux règles d’écriture soudée ou en deux unités graphiques d’un lexème composé:
[texte 1] « ein massiver Eingriff in die Semantik und Grammatik der Sprache22 »
On voit ici que les auteurs, qui sont des enseignants, dénoncent des aspects qui posent surtout problème pour l’apprentissage et la compréhension de la langue. Leur point de vue est fonctionnel et pragmatique. Ils s’inscrivent dans une perspective d’application (domaine scolaire). Dans le texte 3, l’auteur a une approche plus technique. Il dénonce essentiellement les règles concernant les majuscules / minuscules qui sont à ses yeux des erreurs de grammaire :
[texte 3] « Es ist nicht zumutbar, grammatisch falsche Schreibungen [« du hast ganz Recht »] (…) zu übernehmen » (voir l’exemple [15])
ou encore le maintien de consonnes consécutives qu’il considère comme une agression pour l’œil :
[texte 3] « das Auge verletzende Wortungetüme [« Schlussszene, « Programmmesse »]) (voir les exemples [10, 11, 17 et 18])23
Le point de vue de l’auteur de texte 3, Christian Meier, est davantage celui d’un expert de la langue, voire d’un puriste. Il est particulièrement sensible à la forme esthétique des mots contre laquelle la réforme est, selon lui, une atteinte. En ce sens, ses intérêts ne sont pas les mêmes que ceux des enseignants.
En ce qui concerne l’unification de l’allemand écrit dans l’espace germanophone, les trois textes montrent que cet objectif n’a pas été atteint et que cela a contribué à provoquer le phénomène inverse en favorisant la multitude des formes d’écriture :
[texte 1] « ein Chaos von Tausenden sich widersprechender Schreibweisen in zehn verschiedenen Wörterbüchern24. »
[texte 2] « Eltern benutzen eine andere Orthographie als Kinder25. »
[texte 3] « Hausorthographien weichen voneinander ab26. »
La réforme orthographique et la plurigraphie qu’elle entraîne sont communément présentées comme une atteinte à l’unité interne de la langue. On notera cependant que la dimension internationale (unité au sein de l’espace germanophone hors des frontières de l’Allemagne) n’est pas invoquée par les auteurs, ce qui signifie que la réforme orthographique n’est pas envisagée comme une mesure à portée extranationale (contrairement à ce qui est annoncé par les acteurs institutionnels).
Au total, les auteurs des trois textes invoquent le même critère d’évaluation (celui d’évaluer par rapport aux objectifs annoncés de simplification et d’unification), mais ils ne le traitent pas de la même manière. Ceci s’explique en partie par leur statut, leur identité. Les enseignants sont sensibles à des aspects qui génèrent des difficultés auprès des élèves, alors que l’écrivain-chercheur se situe davantage dans la technicité (respect de la grammaire) et dans l’esthétisme. A travers la position de Meier, il apparaît que l’orthographe dans son aspect académique est perçue comme un rempart contre l’effritement de l’allemand, langue de culture. Dès lors, l’idée d’une simplification orthographique symbolise une chute, un effondrement culturel. Cela signifie aussi que la maîtrise de l’orthographe devient le fait d’un plus grand nombre. Cette évolution est en train de modifier les relations de pouvoir liées aux pratiques linguistiques et l’on craint que le tri social des individus ne s’opère plus de la même manière. L’évaluation que fait Meier de la réforme orthographique est ancrée dans une échelle socio-idéologique ce qui montre à quel point l’orthographe est un lieu de projections et de fantasmes. « Véritable enjeu de société, elle est un repère identitaire positionnant les individus » (Petit, 2005 : 93-94).
Le deuxième critère d’évaluation, qui est directement lié au critère précédent, concerne l’impact pédagogique et didactique de la réforme. Ce critère est particulièrement mis en en avant par les auteurs du texte 1 :
[texte 1] « Die Rechtschreibreform verstößt gegen pädagogische Prinzipien. », « Rechtschreibdefizite lassen sich nicht auf angebliche Mängel in der bewährten Orthographie zurückführen. Rechtschreibschwächen von Schülern können entweder nur mittels intensiver Schreib- und Leseübungen oder im Fall einer ausgeprägten Lese- und Rechtschreibschwäche durch einen individuell abgestimmten Förderunterricht verbessert werden27. »
Selon les auteurs du texte 1, la réforme est partie d’une erreur de diagnostic et d’un mauvais traitement du problème, car les difficultés que rencontrent les élèves dans l’apprentissage de l’orthographe constituent un problème d’ordre scolaire, voire social, mais qui n’est pas amputable à la langue.
Il n’est pas étonnant que dans leur grille d’évaluation, les enseignants fassent particulièrement valoir ce critère. On notera cependant aussi que l’argument didactique est également repris par les auteurs des deux autres textes :
[texte 2] : « Die Verunsicherung wächst, Vermischungen von alter und neuer Rechtschreibung sind an der Tagesordnung. Wer vor der Reform sicher schreiben konnte, macht heute Fehler. (…) Lehrer sind zutiefst verunsichert28. »
[texte 3] : « Verständlicherweise lehnen daher die bedeutendsten deutschsprachigen Autoren und Verleger die Neuregelung für ihre Bücher ab. », « Die Bevölkerung ist laut Meinungsumfragen zu 90 Prozent gegen die Reform. »29
Il semble donc que l’impact pédagogique et didactique de la réforme, évalué ici en termes d’échec, soit particulièrement important pour les évaluateurs.
Observant et dénonçant les effets de la réforme orthographique qu’ils jugent néfastes, les auteurs sont amenés à considérer, par voie de conséquence, la manière dont celle-ci est perçue par la société. Le troisième critère d’évaluation porte ainsi sur la réception de la réforme, évaluée à partir de son degré d’acceptation auprès de la société. Là encore, leurs évaluations indiquent qu’il y a échec en insistant sur le rejet de la réforme par les scripteurs.
[texte 1] « Denn selbstverständlich begegnen die Schüler überall der bewährten Schreibung; in alten Schulbüchern, die noch im Gebrauch sind, wie in neuen Textsammlungen literarischer und historischer Art, da viele Autoren darauf bestehen, daß ihre Texte nicht umgestellt werden. Die Lehrer beherrschen die neuen Regeln nur unzulänglich30. »
[texte 2] « ablehnen », « mangelnde Akzeptanz »31
[texte 3] « verweigern », « Kaum ein ernstzunehmender Schriftsteller denkt daran, auf Neuschrieb umzustellen. », « Gerade acht Prozent der Deutschen sind nach letzen Umfrageergebnissen für den Neuschrieb. »32
Pour ce critère, il est remarquable que les auteurs des trois textes s’appuient sur des arguments quantitatifs (pourcentages), comme si les données chiffrées apportaient une caution scientifique au jugement porté. Chacun se réfère à son champ d’action : le texte 1 mentionne plus particulièrement le refus des auteurs et des éditeurs d’appliquer les nouvelles règles, ce qui a des répercussions sur l’édition des livres, ouvrages et manuels scolaires ; le texte 2 considère la non-réception des nouvelles règles par l’ensemble de la société ; l’auteur du texte 3 évoque le refus de ses pairs. L’indication statistique renforce le point de vue des auteurs, car celui-ci est partagé par la majorité des gens.
Un quatrième critère évaluatif porte sur l’impact social de la réforme, lequel est inévitablement lié à l’impact pédagogique et didactique de la réforme cité précédemment. En effet, la réforme est ici dénoncée comme un facteur de trouble intergénérationnel (digraphie entre parents et enfants). Elle est également dénoncée comme un facteur à l’origine du fossé qui se creuse entre ceux qui écrivent et ceux qui lisent. Il est intéressant de noter que ce critère est particulièrement souligné dans le communiqué de presse du texte 2. Dans la perspective des groupes de presse, une digraphie entre la langue de l’école et celle des médias deviendrait un frein pour la diffusion de leurs titres. En outre, les médias ont bien conscience que l’adoption des nouvelles règles a un coût. En d’autres termes, derrière une dénonciation de la réforme comme facteur de trouble social se trouvent des inquiétudes d’ordre économique.
Le facteur économique (cinquième critère) est d’ailleurs directement mis en avant : il est pris en compte dans l’évaluation des auteurs des trois textes. C’est ainsi que les auteurs, en particulier ceux du texte 1, dénoncent le coût de la réforme, jugé trop élevé : (« hohe Kosten ») et le gaspillage (« Verschleuderung von Steuergeldern ») que cela entraine [texte 1]33.
Un sixième critère d’évaluation ressort des trois textes ; il porte sur le dispositif de réforme. Les auteurs dénoncent le caractère autoritaire et anti‑démocratique des décisions qui sont prises. En insistant sur l’offense faite au peuple, l’évaluation prend ici une dimension éthique.
[texte 1] « Eine undemokratisch übergestülpte Reform34 »
[texte 2] « Beendigung der staatlich verordneten Legasthenie », « Die deutsche Sprache braucht keine kultusbürokratische Überregulierung. »35
[texte 3] « diktieren », « Diktat »36
Le jugement sur le plan moral et éthique glisse sur une évaluation qui prend en compte le statut juridique et la légitimité des nouvelles règles. Ce dernier critère est spécifique au texte 1, car leurs auteurs, des enseignants, sont contraints de se plier à l’orthographe réformée, alors qu’il n’y a aucune obligation juridique de l’adopter dans le secteur privé.
[texte 1] « Die Kompetenz des Gesetzgebers, d.h. der Volksvertretungen, wurde ignoriert. » « Aber auch die Beschlüsse der Ministerpräsidenten-, Innenminister- und Kultusministerkonferenzen über die Einführung der Schreibreform sind nach herrschender Meinung führender Juristen mangels gesetzlicher Ermächtigung rechtlich nicht bindend. »37
Au total, on est frappé de voir que les évaluations ne portent pas uniquement sur des aspects sociaux en lien avec les objectifs annoncés de simplification et d’unification, mais qu’elles visent d’autres domaines et reflètent d’autres préoccupations (aspects plus linguistiques [incohérences, esthétiques, atteintes à la langue], coût économique, fossé générationnel, légitimité morale et éthique, etc.).
Conclusion : retour sur les pratiques évaluatives
L’analyse des pratiques évaluatives a permis de montrer que la réforme de l’orthographe apparaît comme le lieu d’un affrontement idéologique dans lequel les enjeux sociaux, éducatifs et linguistiques sont importants. Les textes que nous avons retenus montrent qu’au‑delà de critères objectifs (coût économique, incohérences linguistiques, etc.), les causes de l’insuccès de la réforme et de son évaluation en termes d’échec sont à mettre en relation avec les représentations que les scripteurs ont de leur langue. Plus que des jugements évaluatifs, les auteurs expriment leur opposition à la réforme, non pas tant parce qu’elle a échoué, mais parce qu’ils perçoivent la réforme comme une atteinte au statut de langue élaborée et comme un facteur bouleversant les repères identitaires. A travers leurs discours, l’orthographe apparaît comme un élément sécurisant en ces temps de transformation rapide des modes de communication qui génèrent tant de craintes (Petit, 2005 : 93).
Lieu de convergence entre culture et société, l’orthographe est donc bien un facteur d’identification sociale et culturelle, et par la même une matière affective ce qui suscite des réactions subjectives et des attitudes défensives et face à laquelle l’interventionnisme des institutions apparaît comme tabou.