Till Havs! Till Havs!

Appel du large et retour au rivage dans les versions de 1868 et 1899 du manuel scolaire suédois Läsebok för folkskolan

  • Till Havs! Till Havs! The Call of the Open Sea and Returning to Shore in the 1868 and 1899 Versions of the Swedish School Textbook Läsebok för folkskolan

p. 233-246

Zusammenfassungen

Pour comprendre l’engouement des Suédois pour les horizons marins, il est bon d’avoir à l’esprit que l’école a joué un rôle primordial dans la présence des mythèmes liés à la mer ; on peut même se demander s’il a existé un agent plus dévoué qu’elle pour encourager, de génération en génération, les vocations maritimes, mais aussi paradoxalement des « désirs du rivage » (Alain Corbin) qu’on rattache aussi à l’esprit scandinave. Publié en Suède en 1868, un manuel se démarque sur le commun des ouvrages d’apprentissage. Destiné aux écoles du petit peuple, il embrasse l’ensemble des savoirs indispensables, à l’exception des mathématiques. Rédigé dans une langue rigoureuse et séduisante émanant des meilleures écrivains du moment (Geijer, Runeberg), et accompagné d’illustrations avenantes, le document, initié par le « département ecclésiastique » (en réalité le « ministère de l’instruction »), a connu un authentique succès. Cet article analyse, dans les différentes éditions de ce livre, les procédés littéraires et iconographiques qui ont permis d’affirmer, non sans arrière-pensées idéologiques « scandinavistes », l’idée d’un peuple dont le destin a aussi partie liée à la mer. Il retrouve, tout au long du manuel scolaire, les diffférents imaginaires que les étendues d’eau engendrent. De la facade Est du pays, où se distingue l’archipel de Stockholm, qui met en évidence une unique « métaphysique du bord de mer » (Pierre Cassou-Noguès), à la côte occidentale, qui présente les lieux comme Göteborg, ou le Bohuslän, une variété de paysages offrent une mosaïque d’histoires. La dernière partie du développement s’attarde sur la présence du motif maritime dans les poèmes présentés aux éléves, où s’incarne la dialectique du désir d’ailleurs et de l’amour de la mère patrie.

To understand the Swedes’ enthusiasm for marine horizons, it is good to keep in mind that school played a primordial role in the presence of myths linked to the sea; we can even wonder if there was a more dedicated agent than her to encourage, from generation to generation, maritime vocations, but also paradoxically “desires for the shore” (Alain Corbin) which we also link to the Scandinavian spirit. Published in Sweden in 1868, a manual stands out from the common learning works. Intended for schools for the common people, it covers all essential knowledge, with the exception of mathematics. Written in a rigorous and attractive language emanating from the best writers of the moment (Geijer, Runeberg), and accompanied by attractive illustrations, the document, initiated by the “ecclesiastical department” (in reality the “ministry of education”), enjoyed genuine success. This article analyzes, in the different editions of this book, the literary and iconographic processes which made it possible to assert, not without « Scandinavian » ideological ulterior motives, the idea of people whose destiny is also linked to the sea. He finds, throughout the school textbook, the different imaginations that water surfaces generate. From the eastern facade of the country, where the Stockholm archipelago stands out, which highlights a unique “metaphysics of the seaside” (Pierre Cassou-Noguès), to the western coast, which presents places like Gothenburg, or the Bohuslän, a variety of landscapes offer a mosaic of stories. The last part of the development focuses on the presence of the maritime motif in the poems presented to the students, where the dialectic between the desire for elsewhere and the love of the motherland is embodied.

Gliederung

Anmerkungen des Autors

Till Havs! Till Havs! : Allusion au poème de Jonatan Reuter, chanté par le « Caruso du Nord », Jussi Björling.

Läsebok för folkskolan : Manuel pour l’école populaire élémentaire (notre traduction).

Text

Chaque année, au mois d’avril, les ports de plaisance connaissent, en Suède, un renouveau d’activités. Après de longs mois d’interruption, les quais accueillent les propriétaires d’embarcations qui ont rassemblé tous les amis, les collègues pour procéder à la mise à l’eau des bateaux laissés à quai en hivernage, pour positionner les mâts, ajuster les gréements, régler la hauteur des haubans, etc. C’est une période joviale, affairée où l’on répète les gestes de l’entraide, conduite dans la religion de l’effort et de la discipline. Les virées en mer, la passion des rivages, les manœuvres au large sur les bateaux, voilà des passions nobles qui n’ont pas manqué de former le caractère nordique depuis des siècles. On passera ici sur les antécédents Vikings, lesquels maîtrisaient les techniques de navigations sur mer pour se pencher sur les décennies de la modernité durant la deuxième moitié du xixe siècle, celles qui correspondent à une industrialisation du pays et à l’émergence d’une bourgeoisie triomphante dans les grandes et moyennes villes. Pour notre propos, il convient de relier deux événements relevant de cette évolution historique. Le premier concerne la mise en place d’un système éducatif digne de ce nom capable de former a minima l’ensemble d’une population encore très rurale pour lui inculquer les rudiments de la lecture, de l’écriture et du calcul, et dans un registre moins essentiel, la naissance d’une activité très nouvelle, indissociable d’une prospérité acquise par les classes aisées : le tourisme et la villégiature dans les archipels.

Faisant le lien entre ces deux événements, l’instrument éducatif par excellence au cœur du xixe siècle, le manuel scolaire suédois, Läsebok för folkskolan (1868), a une part d’implication dans la perception et dans le rendu des images et émotions maritimes qu’ont pu avoir des générations d’écoliers suédois, puis de citoyens, futurs skippers du dimanche. Après une rapide présentation de cet ouvrage essentiel de la construction de la suédité, nous examinerons les passages qui font état de la vie dans le grand large en ayant à l’esprit des particularités géographiques qui, de facto, donnent une notion toute relative du « large ». Sachant que pour une bonne part du pays scandinave l’accès à la mer se fait suivant une modalité bien différente des autres pays nordiques, la notion d’archipel (l’archipel de Stockholm ou l’archipel de Göteborg) joue un rôle presque exclusif dans la cartographie des rivages qui implique d’autres schèmes de vision, voire d’autres écoumènes que ceux qui sont habituellement rattachés à l’idée de rivages tels qu’on peut les percevoir en Normandie, sur les côtes anglaises, pour rester dans les parages du Nord. Nous verrons que ces images et textes engendrent une combinaison toute suédoise de ce qu’Alain Corbin ([1988] 2018) nomme « le désir de rivage », supposant « une nouvelle économie des sensations » propre à un désir de « villégiature maritime » (Corbin ([1988] 2018 : 113). Les Suédois ont soumis leur regard aux conditions naturelles des lieux maritimes autochtones ; la « station sur le rivage » a engendré un « faisceau d’émotions », de « lectures du paysage », de « schèmes rhétoriques », aptes à composer et définir, de manière singulière, ce que l’« on nomme habituellement “la mer” », pour employer les concepts retenus par l’historien des sensibilités (Corbin [2005] 2019 : 41).

Présentation du manuel Läsebok för folkskolan (1868)

Alors que le projet d’une école pour tous voyait le jour en Suède (en 1842), s’est vite imposé le constat d’un manque criant de matériel pédagogique en phase avec les besoins de l’époque. La société ne pouvait plus se contenter d’ouvrages principalement versés dans la dévotion protestante – n’oublions pas que le Petit Catéchisme de Luther était le manuel principal d’enseignement –, elle cherchait à promouvoir des savoirs indispensables au citoyen en devenir. Le manuel Läsebok för folkskolan est le fruit de cette réflexion et de cette volonté. Il rassemble, sur environ 1 000 pages rédigées dans une langue très riche à la fois factuelle et littéraire, l’ensemble des connaissances (à l’exception des matières trop techniques) nécessaires à l’instruction des jeunes élèves de 9-12 ans, futurs employés, ouvriers, salariés. Les meilleures plumes (parfois des célébrités du monde des lettres) ont été recrutées pour écrire ici des chapitres concernant la géographie, ou l’histoire, là des courtes nouvelles, des poèmes, etc.1 Suivant les directives de la conférence des inspecteurs pédagogiques de Suède, réunie en 1862, la décision fut prise de confier la direction de l’entreprise à un ecclésiastique, ministre aux affaires religieuses, Fredrik Ferdinand Carlsson, en 1863. Cinq ans plus tard vit le jour la première édition de l’ouvrage. Celui-ci connut un succès immédiat, le premier tirage se faisant à 25 000 exemplaires, pour atteindre les 75 000 trois années plus tard. Avec des modifications substantielles, l’ouvrage fut régulièrement réédité jusqu’en 1932, faisant siennes les critiques, balisant les nouveaux savoirs, épousant les nouveaux modes de pensée. Ce succès s’explique d’autant plus qu’en réalité le livre faisait le lien entre les générations, les adultes issus des catégories ouvrières ou paysannes pouvant également le consulter.

Le manuel à vocation nationale

Les historiens aujourd’hui s’accordent à dire que l’ouvrage fut aussi un outil d’unification de la nation dans la mesure où y étaient mis en exergue les éléments qui lient un peuple à ce qui lui tient lieu de territoire : « À l’aide de textes manifestement patriotiques, les enfants des écoles populaires devaient à la fois prendre conscience de la nation et éprouver de la fierté pour leur patrie » (notre traduction)2. Y étaient professées ainsi les valeurs communes, calquées, ou directement issues, du message évangélique, dans sa version luthérienne. Les leçons géographiques cherchaient à limiter les différents espaces, à recenser les différentes populations, à relever les us et coutumes en vigueur. Les cours d’histoire mettaient l’accent sur les origines communes, et sur ce qu’aujourd’hui on a coutume de nommer le « roman national ». Les développements tendaient à faire ressortir les grandes figures historiques, les grands rois, les savants (comme Carl von Linné), sans pour autant faire l’impasse sur l’histoire du monde, y compris dans sa dimension parfois très exotique. On trouvait ainsi des chapitres sur Paris, sur Londres, sur l’Égypte et la Grèce antique, mais aussi sur Tahiti, ou les peuples samoyades.

Dès les premières éditions, c’est surtout la dimension rurale de la Suède qui est mise en valeur. Dans les textes à caractère littéraire, voire scientifique, est magnifiée la figure paysanne ancestrale, porteuse des valeurs d’indépendance, de stabilité, de force aussi, et capable de faire alliance avec le pouvoir en place, en l’occurrence monarchique. Page après page, le manuel exalte les faits de guerre, les événements culturels qui liguent les hommes face à l’adversité, qu’elle soit endogène ou exogène. Il met en garde particulièrement contre les tentations de l’exil (la Suède vit à cette même époque une véritable saignée, celle qui a pris la forme d’une émigration massive vers le Nouveau Monde, vers l’Amérique du Nord). Quel meilleur genre didactique que la fable pour prévenir les enfants sur les dangers du moment. La fable des « membres du corps humains »3 en est un bon exemple. Elle remplit cet office en racontant les tourments qui peuvent apparaître lorsque les pieds et les bras ne font plus cause commune avec les yeux. Le petit récit d’une page s’apparente à une parabole sur les risques d’une dislocation qu’encourt le corps social lorsque certains membres de ce dernier se désolidarisent. La profession de foi d’une bienveillante collaboration suppose toutefois l’idée, d’essence très conservatrice, de statuts sociaux préexistants envers lesquels il est à la fois malsain et vain de lutter. D’autres fables auront un dessein similaire d’alerte sur les périls qui menacent l’existence même du pays. Le texte Les Oies sauvages4 fait partie de celles qui opposent les oies restées au pays à celles qui, au-delà des mers, « suivant leur instinct, sont amenées à penser que tout ira bien dans le pays lointain5 » : une allusion bien entendu à la thématique de l’émigration.

La Suède n’est pas qu’une vaste campagne, qu’un conglomérat de montagnes désertes, de rivières déchaînées, de plaines luxuriantes, elle jouit également d’une façade maritime donnant sur la Baltique, sur le Kattegatt, et donc sur la mer du Nord. La présence des rivages est ainsi une composante importante du paysage, même si, nous allons l’expliquer, elle ne revêt pas la même importance que chez les voisins scandinaves. Le rapport à l’eau, perçue ici dans sa forme grandiose et étendue, a certes été un marqueur d’ídentité nationale, mais pas avec la même intensité qu’il pourrait paraître dans ce pays cohéritier du legs Viking.

La Suède et les étendues d’eau

De quelle eau parle-t-on ? De quelle étendue est-il question ? Ces questions qui semblent a priori anodines ont leur pertinence dans l’horizon d’attente scandinave. L’eau salée et l’eau douce, opposition qui a habituellement son importance pour faire la distinction entre le domaine de la mer et l’eau des espaces intérieurs aux pays (les sources, les rivières, les fleuves, les lacs) perd une part de sa pertinence en contexte suédois, où les archipels semblent faire la synthèse, et où certains grands lacs de Suède, comme le Vänern, le Vättern, ou le Mälaren, s’étendent sur de telles surfaces qu’ils paraissent comme des mers intérieures, fréquentées et exploitées par plusieurs corps de métiers, allant du transport fluvial à la pêche, et offrant un ensemble imagé proche du modèle purement maritime, qu’il soit celui du Kattegat ou celui de la mer Baltique. L’imaginaire de la mer n’a donc pas, en contexte suédois, les mêmes résonances que celles qu’il pourrait avoir sous d’autres latitudes. Point n’est besoin de partir pour des destinations lointaines, comme les terres celtes ou caribéennes, pour expérimenter et comprendre le phénomène maritime d’une autre manière ; les contrées voisines offrent aussi d’autres imageries. À quelques encablures, les paysages norvégiens, en particulier ceux des îles Lofoten, entraînent également leur flot de visions propres qui se démarquent de ce que l’on conçoit habituellement lorsque l’on pense « la mer » ; ces sites ont suscité d’autres points de vue et ont pu inspirer des auteurs comme Johan Bojer (1872-1959), auteur norvégien d’un roman célèbre, Le dernier Viking.

Les rédacteurs du manuel scolaire suédois ont pour leur part pris en compte ces modalités locales dans le sens de la modestie et de la discrétion. Pour être plus précis, ils ont pris dans l’ensemble acte du fait que le pays compte peu de pêcheurs, et n’a pas les yeux tournés vers les horizons sans fin. Les voyageurs le savent : il est peu de rivages qui donnent sur la vaste mer. Avec un regard perçant, et en prenant un peu de hauteur, on finit rapidement par discerner les côtes opposées qui relient au continent, et ce, qu’on soit dans le Golfe de Bosnie, ou sur les rives du sud de la péninsule. À cette aune, on peut concevoir une autre « métaphysique du bord de mer », telle que la définit le philosophe Pierre Cassou-Noguès, lorsqu’il précise :

Le bord de mer, pour moi, n’est pas un bord au sens des mathématiciens. C’est une zone épaisse, large, où l’influence de la mer s’étend et modifie le paysage, transforme même les caractères que nous attribuons aux choses, et la forme, la structure d’un espace-temps dans laquelle elles s’inscrivent. De sorte que s’y ouvre une autre métaphysique, différente de celle qui règne dans l’intérieur des terres. (Cassou-Noguès 2016 : 99)

La géographie a impliqué une autre perception du paysage maritime, et donc une autre approche du thème de la mer, même si, pour des raisons historiographiques, et comme par exception, il a été tentant aussi de s’approprier la figure quasi mythique du Viking, dans le patrimoine national, au prix d’une entorse avec l’histoire locale. Car, en effet, les ancêtres Varègues, les Vikings suédois, ou encore nommés même si « aussi doués pour le commerce et la navigation que les autres Vikings » (Reynaert 2016 : 236-237), ne restent pas en premier lieu célèbres pour avoir parcouru la haute mer, les océans, comme ont pu le faire leurs frères danois ou norvégiens. Ces « Vikings de la Volga » (Reynaert 2016 : 236) ont cinglé, pour leur part, sur la route de l’ambre, vers les terres slaves, puis remonter les fleuves eurasiens, à l’abri des vents salés.

Le guerrier des mers a pourtant été ainsi désigné, auprès des écoliers suédois, comme un exemple des gloires passées. Cette idée peut se déduire de la présence d’un poème célèbre Vikingen (datant de 1811), parmi les œuvres reproduites dans le manuel, dont son auteur, Erik Gustav Geijer (1783-1847), était par ailleurs le fondateur de la Fédération Götique (Götiska förbundet), une ligue intellectuelle visant à promouvoir et réhabiliter l’ancêtre du Norseman, du Nordique, et par là même l’unité de la Scandinavie6. L’extrait du poème, qui fait parler un Viking, ci-dessous retranscrit et traduit, offrait, il est vrai, une image bien plus exaltante de la mer, que ce que laisse espérer la réalité géographique suédoise :

Avec une puissante détermination, j’ai couru vers la montagne pour voir la vaste mer. Le chant des vagues sur l’écumante mer m’apparaissait suave.

Elles viennent de loin, de lointains pays. Elles ne portent pas de chaînes, ne ressentent aucun lien, en mer.

Je m’élançais avec impétuosité au sommet des montagnes. Je regardais vers le vaste Océan, et il me semblait entendre les vagues chanter un chant si doux ! Les vagues qui se précipitent dans la mer écumante viennent d’une terre lointaine. […] Aucune chaîne ne les retient. Elles ne connaissent aucun lien. Les vagues chantèrent leur chant de joie, et ce chant disait : À la mer ! À la mer !

(Geijer, trad. Xavier Marmier 1842 : 288).

La configuration vécue ou ressentie des rivages suédois étant ce qu’elle est, il n’est pas étonnant que les illustrations d’événements nautiques du manuel scolaire soient donc très peu nombreuses (trois dans la version de 1868) et, quand elles existent, soient sur un mode mineur, comme le compte rendu d’événements nautiques apaisés.

On pourra toutefois noter une progression au fil du temps du nombre d’images associées à la mer. Probablement pour des raisons pédagogiques, les auteurs ont voulu aérer et enrichir les documents en proposant, au fur et à mesure des éditions, des reproductions de photos, ou de tableaux, qui répondent directement à l’écrit. La refonte des textes s’accompagne parfois d’un jeu subtil de renvois censés rendre plus vivants les contenus. La reproduction d’une aquarelle d’Anders Zorn, Vågskvalp7 (Clapotis des vagues), dans une version ultérieure du manuel Lff (1899 : 142), qui représente une scène de vie près d’un des nombreux pontons de l’archipel de Stockholm, est le parfait exemple de l’interaction entre l’image et les mots ; le tableau démontre, à lui seul, le calme entre les îles, par la figuration du miroitement tranquille en surface des eaux, et s’insère harmonieusement dans le texte consacré au Stockholm aquatique : Les chenaux jusqu’à Stockholm (Segellederna till Stockholm)8.

Les chenaux jusqu’à Stockholm/ Segellederna till Stockholm

Arrêtons-nous un instant sur l’un des exemples majeurs du manuel scolaire : une présentation de l’archipel de Stockholm, qui, au fond, résume la situation maritime particulière de la Suède que nous avons mentionnée plus haut. Il faut prendre et comprendre le terme d’approche dans son sens à la fois mental et physique, voire « métaphysique » (au sens où l’entend Pierre Cassou-Noguès, ci-dessus cité). Le texte part sur l’image d’un voilier qui arrive sur le littoral et s’infiltre dans un espace plus incertain, où se multiplient les îles et les îlots : il s’agit d’une approche de Stockholm qui fait la jonction entre la mer Baltique et le lac Mälar. En ressort une indécision quant aux limites, quant aux contours du pays. Le premier paragraphe joue sur cette hésitation, sur ce flottement conceptuel :

Une vue grandiose et changeante apparaît à celui qui par la mer s’approche de Stockholm. Le pays n’est pas immédiatement visible pour le navigateur sur son voilier. […] Des pilotes, des guides côtiers, interviennent alors. À travers les nombreuses îles, des îlots, des criques, à travers des rochers, des bassins, des baies, souvent si encaissées qu’elles rendent difficiles le passage, les guides orientent les vaisseaux jusqu’à l’entrée des terres9.

Il convient ici de commenter la langue et de constater la difficulté de traduction en raison de la profusion de termes spécifiques à la géographie des lieux à cet endroit du texte. Les termes « skär »/ « fjärdar »/ « sund » (mais aussi plus loin « udde »), sont autant de termes qui ne se comprennent que dans le contexte suédois, difficulté bien connue des traducteurs qui aboutit à une adaptation impuissante ou paresseuse, ou à une appropriation, pour parler comme les traductologues. Le terme « fjord » norvégien n’a plus besoin d’être traduit… La calanque a définitivement des accents marseillais… Les mots renvoient à une seule réalité. Pour corser le tout, on notera également que le terme « landet » entretient l’osmose, comme dans d’autres langues issues de la branche germanique, entre la notion de « terre » et la notion de « pays » (« This is my land », chantait Woodie Guthrie).

Ce même chapitre a été repris dans la version ultérieure, mais avec des changements importants visant à compléter le texte initial. Ces modifications s’opèrent sur la langue même (on transforme ici l’orthographe des mots, là la syntaxe) et sur la teneur des chapitres dans le sens d’un perfectionnement. Pour exemple, on peut mentionner l’abandon du terme « voilier » pour le terme « navire », qui laisse entendre que les vaisseaux qui fréquentent ces eaux sont désormais des bateaux à vapeur.

La version ultérieure du manuel, de 1899 (la neuvième) s’ingénie à donner une dimension artistique aux descriptions de paysages, offrant « une nouvelle posture spectoriale » (Corbin [2005] 2019 : 24). Les rédacteurs reprennent ici les procédés littéraires de l’époque qui recherchent une dynamique panoramique héritée d’une tradition d’observation empruntée à la critique en peinture, et d’une manière pionnière, à l’image cinétique, celle des panoramas, voire du cinématographe.

L’ajout d’une image (le tableau du maître Anders Zorn -voir plus haut-) brouille la frontière entre ce qui relève du scientifique (géographique) et ce qui nous transporte dans le rêve artistique.

Le navire contourne une langue de terre ; c’est alors que se déroule l’un des plus beaux tableaux que l’on puisse voir. À droite, entre les chênes et les arbres frondifères se cache un intermédiaire entre la campagne et la ville qui par nature et par plaisir fait le lien entre les deux10. (notre traduction)

On pourra ici retenir la présence du verbe « se dérouler » (« upprulla sig ») qui suppose l’idée de mouvement (un procédé qui rappelle les nombreuses descriptions vues du train, communes dans la littérature de l’époque), et un terme qui, à lui seul, entretient cette situation particulière de fluctuation géographique et d’incertitude sémantique, le mot « intermédiaire » (« mellanting », mot à mot « entre choses »).

La façade maritime occidentale du pays : le port de Göteborg et les rivages du Bohuslän

a) Göteborg, la mer et les cruels espoirs

La grande ville côtière de Göteborg aurait pu être l’occasion d’un grand développement sur la deuxième ville du pays. Il n’en a rien été. La présentation de la ville est, au fond, assez vite expédiée. Les principaux quartiers de la cité sont mentionnés et font état des principales activités portuaires – Göteborg était alors un grand port.

Un passage, présent dans une version ultérieure du manuel (Lff 1899), mérite l’attention car il est un exemple de minoration d’un fait social essentiel de cette deuxième moitié du xixe siècle : l’émigration massive vers le continent américain. Dans un paragraphe peu détaillé, pour ne pas dire escamoté, sans titre, il est fait allusion à ce phénomène que les autorités tentent vainement d’entraver et voudraient bien passer sous silence. L’information se résume à 10 lignes lapidaires, sans ajouts contextuels, où le mot « émigrant » (« utvandrare ») est soigneusement évité, comme si ne pas nommer la chose pouvait aider à conjurer le malheur. La scène de quai ressemble à ces scènes de départ dignes de Mallarmé, dans Brise Marine (1866) :

Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres.
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux ! […]
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs.
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !

Le propos se caractérise par une leçon de morale (L’Évangile de Matthieu, 4 : 4, est explicitement cité en fin de paragraphe), proche de l’admonestation pour ceux qui ont fait le choix d’abandonner amis proches et famille, pour se lancer dans des aventures sans lendemain.

Les plus gros navires ont jeté leur ancre à l’extérieur du port. L’un d’entre eux attire notre attention. Sur le quai adjacent est rassemblé un agrégat de personnes. Un petit bateau les transporte par groupes jusqu’au navire vert. Certains quittent le rivage avec indifférence, dans le regard des autres on peut lire un surcroît d’insolence, ou alors le doute et l’hésitation au moment à monter sur ces funestes vaisseaux. Versant des larmes d’amertume, ils se laissent emmener sur le vapeur qui va les porter loin de la mère patrie, des amis et de la famille, loin de tout ce qu’ils ont chéri, pour rejoindre des pays inconnus, où ils ont l’espoir d’une meilleure vie. Ils sont nombreux ceux qui ont été bernés dans cette croyance. Les gens ne vivent pas que de pain11.

b) Les rivages du Bohuslän, jusqu’au fond des criques

La présentation du Bohuslän est, mis à part quelques indications sur les particularités d’ordre topographique, surtout une occasion de présenter les métiers de la mer. La figure du pêcheur y est magnifiée. Le Bohuslän apparaît comme un éparpillement de rochers formant des passages qui donnent sur l’intérieur et non sur le grand large : « le plus souvent le champ de vision se réduit à toutes les faces de ces rochers, et l’on est tenté alors de croire que l’on est devant un quelconque lac de montagne, et non devant la mer »12.

Le lieu semble parfois, par gros temps, comme un mur d’écume constitué de terribles vagues qui, à l’approche des rivages, transforment l’endroit des rochers en tombe (« graf ») pour les marins (LfF 1868 : 196). Au fond des innombrables criques, on trouve des havres de paix, des petites cabanes « mignonnes et agréables » (« nätta och trefliga » [LfF 1899 : 243]) ; on avance alors dans le récit comme on le ferait avec un bateau, sur des eaux plus calmes, vers des terres plus pacifiques.

Dans la version ultérieure du manuel, celle de 1899, une plus grande place est donnée à la géographie humaine. Tout un chapitre abondamment illustré est consacré aux pêcheurs du Bohuslän qui « vivent simplement et sans forfanterie » (« De lefva enkelt och flärdlöst » [LfF 1899 : 245]), tout en faisant preuve de force et d’endurance pour maîtriser les filets qui vont piéger les harengs. Le manuel fait également mention des autres marins qui partent en haute mer, non loin des côtes du Jylland et de la Norvège, pour aller attraper la morue (« torsk ») ou le maquereau (« makrill »). La description ici se double d’un début d’analyse économique accessible aux écoliers. Il est en effet expliqué que les hommes doivent diversifier leurs activités et être en mesure de pouvoir partir au large tout au long de l’année, ce qui implique de posséder des navires adaptés, et assez grands pour fréquenter « la mer ouverte » (« öppna hafvet » [LfF 1899 : 248-249]).

Mer et poésie

Deux poèmes de facture très réaliste reprennent les représentations iconiques de la vie de ces marins qui sont en proie aux risques de la nuit, du froid, des vagues, du manque de sommeil. Dans Fiskaren [Le pêcheur] (LfF, 1868 : 205) et Sjömannen [Le marin] (LfF, 1868 : 219) est proposée une version, certes magnifiée, mais très rude, de la vie des pêcheurs. Fiskaren a été écrit par un poète reconnu, membre de l’Académie suédoise, Bernhard von Beskow (1816-1868), inspiré par la mouvance göticiste (voir développements plus haut). Le second, datant de 1829, est un texte plus célèbre d’un autre poète académicien, Johan Olof Wallin, archevêque d’Uppsala, apprécié encore aujourd’hui pour ses psaumes13 chantés dans les églises, voire lors des fêtes de printemps.

Puisant dans les mêmes sources d’inspiration que le précédent, le poème a toutefois été simplifié dans sa ponctuation, et résolument dépouillé de toute une longue strophe, apparemment trop explicite pour les jeunes lecteurs. La mention d’un marin qui laisse son embarcation pour aller se délasser sur la plage et les espaces bucoliques, et qui va un temps jouir de la nature et de ses richesses, a sûrement dû être jugée comme incompatible avec l’atmosphère décente d’une salle de classe. Garants de la bonne tenue morale du texte, les éditeurs ont cru bon de supprimer les allusions érotiques gênantes contenues dans les références mythologiques gréco-latines du texte initial, mettant en scène Amor (Éros) et Psyché, où il est question d’un papillon (la figure de Psyché) qui invite le marin à boire au calice (« käril »), le « nectar apaisant » (« söfvande nektar ») de la fleur (Wallin 1817 : 73-74)14.

[…] Mon coin fleuri, je t’abandonne. Avec une ferveur sans relâche, je cours vers le large. Ma voie est ouverte. Vole mon yole, vole ! Je t’abandonne ! Pour aller chercher dans tout l’espace l’aventure. Là où Éros, le papillon chypriote, faseyait dans les brises d’été, m’invitant à m’abreuver du nectar apaisant du calice des fleurs, les pastourelles vinrent à ma rencontre en chantant, créant autour de moi une auréole enchanteresse de feuilles, qui flottèrent avant d’aller mourir sur les ailes du papillon.

Le passage « censuré » touchait par ailleurs une corde très sensible de la mentalité scandinave : le goût pour les voyages, le rêve d’aventures. Si les centaines de pages du manuel scolaire étaient une ouverture sur les champs immenses du savoir, elles devaient néanmoins détourner l’enfant lecteur de la rêvasserie et se gardaient de trop encourager les odyssées et les appels à courir le monde. Naviguer sur les sept mers était certes une noble passion digne de longs détours littéraires, mais pour l’heure un exercice réservé aux adultes !

Conclusion

Läsebok för folkskolan a été un instrument pédagogique essentiel d’une entrée dans le monde moderne des futurs citoyens/sujets suédois. Il a été élaboré comme une tentative de synthèse entre d’un côté les valeurs luthériennes d’abnégation, de fidélité, mais aussi de confiance en un cosmos donné, et de l’autre les exigences civiles d’un ordre social à maintenir. Grâce à cette somme bien illustrée de savoirs, les jeunes élèves suédois ont pu comprendre d’où ils venaient, et où l’industrialisation les embarquait. L’ouvrage a été le reflet d’une vision sinon authentique quant à la réalité géographique et culturelle du pays, du moins sincère pour ce qui est de la volonté d’entretenir un esprit patriote. Dans ce contexte, les références maritimes n’ont certes pas encombré la suite des pages, mais elles ont existé, faisant en sorte de recentrer les jeunes sur leur bien commun, le Nord, et son territoire. La conception d’une mer comme échappée vers les horizons lointains et dangereux, a certainement été minimisée, au profit d’une approche plus casanière, presque rassurante, mais au fond assez conforme au paysage tel qu’il se manifeste à l’observateur savant, à l’artiste, ou simplement au touriste. Profitant d’une disposition géographique pratiquement fermée aux océans, les textes ont surtout insisté sur la mer comme le lieu d’une aventure domestique, d’un perpétuel retour au foyer :

Le port calme est comme les bras d’une compagne,
J’y retourne le soir en paix ;
Aux sons de notre chant et de notre prière
Le jour sur l’île s’endort,
La bataille de la mer et des vents s’assoupit15. (notre traduction)

Bibliografie

Berg, A. et al., 2017, Utbildningens revolutioner. Till studiet av utbildnings­historisk förändring, Utbildnigshistoriska meddelanden- Uppsala Studies of History and Education, Uppsala, diva2:1083195.

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Anmerkungen

1 Sur les éléments historiques concernant,voir la postface du fac-similé de l’ouvrage d’origine, LfF (1868), écrite et publiée, par Lars Furuland, en 1979.

2 Anne Berg et al. (2017 : 117) : « Med hjälp av uttalat fosterländska texter skulle folkskolebarnen samtidigt bli nationalistiskt medvetna och fosterländskt stolta ».

3 Menniskokroppens lemman, in Läsebok för folkskolan (1868 : 8).

4 Vildgässen, in Lff (Läsebok för Folkskolan), 1968 : 9-10.

5 Lff (1968 : 9 ): “[…] vi erfara inom oss något, som drifver oss framåt och som säger, attt det skall gå oss väl i det aflägsna landet”.

6 Lff (1868 : 264-267) : « Med häftigt sinne på fjellet jag språng / Och såg i det vida haf./ Mig tycktes så ljuflig böljornas sång, / Der de gå i det skummande haf / De komma från fjerran, fjerran land ; / Dem hålla ej bojor, de känna ej band / Uti hafvet. / […] Och böljorna sjunga åter sin sång / Och klinga : till sjös, till sjös! »

7 Le tableau, datant de 1887, est exposé au Statens Museum för konst de Copenhague. Anders Zorn (1860-1920) est notamment célèbre pour ses scènes de rivages, très souvent sensuelles.

8 Lff, Segellederna till Stockholm, (1899 : 140-145).

9 Lff (1868 : 154) : « För den, som ifrån hafvet närmar sig Stockholm, framträda storartade och vexlande utsigter. Sjelva landet visar sig icke genast och på en gång för seglaren. […] Snart infinna sig äfven lefvande vägvisare : lotsarne. Emellan otaliga öar, holmar och skär, öfver stora fjärdar och genom sund, mången, gång och smala, att de med möda medgifva någon genomfart, föra de skeppet in mot landet » (notre traduction).

10 Lff (1899 : 142) : « Fartyget svänger förbi en udde, och nu upprullar sig en bland de vackraste taflor, som en man kan se. Till höger mellan ekar och andra löfträd gömmer sig en mellanting mellan land och stad med natur af båda och behag af båda ».

11 LfF (1899 : 240) : « Större fartyg hafva kastat sina ankare i hamnen därutanför. Ett bland dessa fäster vår synnerliga uppmärksamhet. På kajen midt emot det står en hopp männsikor, och en liten båt för den ena skaran efter den andra af dem ut till det gröna fartyget. Somliga lämna stranden med en viss liknöjdhet, i andras ögon läses ett öfvermodigt trots, andra åter se tveksamma och osäkra ut, andra slutningen gripas av sorg och förtvivlan, då de skola stiga i den ödesdigra båten. Under bittra tårar låta de sig föras bort till den stora ångaren, som skall bära em från fosterlandet, från släkt och vänner, från allt, som varit dem kärt, till ett främmande land, där de, som de hoppas, skulla vinna rikligare utkomst. Stort är deras antal, som blivit svikna i detta hopp, och dessutom lefver icke människan endast av bröd ».

12 LfF (1868 : 196) : « Oftast inskränkes synkretsen på alla sidor af dessa klippor, så att man vore frestad att tro sig vara på en obetydlig bergsjö och icke på hafvet ».

13 On pense au célèbre : Den blomstertid nu kommer [Le temps des fleurs arrive], que tous les écoliers suédois connaissent, car il se chante immanquablement lors du dernier jour de classe, avant les vacances d’été.

14 Extrait supprimé du poème, dans le manuel scolaire : « Jag dig öfvergifver, Blomsterkulle! / Och med rastlös ifver / Ut jag styr. / Öppen är min bana — / Flyg, min julle! Jag dig öfvergifver, / Att kring rymden spana / Äfventyr. / Der fladdrade Amor, den Cypriska fjäril, / På sommarens flägtar, / Och böd mig att dricka ur blommornas käril / En söfvande nektar. / Så kommo Herdinnor och sjöngo, och drogo. (notre traduction) / Förtrollande ringar / Omkring mig af löften, som flögo och dogo / På fjärilens vingar — —»

15 LfF (1899 : 179), Skärkarlen [L’homme du rivage], extrait du poème d’Herman Sätherberg : « […] Och en makas famn / är den lugna hamn, / dit jag vänder om kvällen i frid ; / vid vår sång, vid vår bön / somnar dagen på ön, / somnar hafvets och vindarnas strid. »

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gedruckte Quellen

Roger Marmus, « Till Havs! Till Havs! », Deshima, 18 | 2024, 233-246.

Elektronische Referenz

Roger Marmus, « Till Havs! Till Havs! », Deshima [Online], 18 | 2024, online gestellt am 04 décembre 2025, aufgerufen am 05 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/deshima/index.php?id=210

Autor

Roger Marmus

Chercheur associé de l’université de Strasbourg (UR 1341)

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