De la « chambre noire » à la « chambre claire »

L’obscurité éclairante de Willem Frederik Hermans

  • From the “Darkroom” to the “Lightroom”. Willem Frederik Hermans’ Illuminating Darkness

p. 249-270

Zusammenfassungen

L’écrivain néerlandais Willem Frederik Hermans (1921-1995), qui portait un intérêt particulier à la photographie, met en scène la capacité révélatrice de l’obscurité, l’une des caractéristiques fondamentales de la photographie argentique, dans trois de ses œuvres littéraires : « De blinde fotograaf » (1957), De donkere kamer van Damokles (1958) et Nooit meer slapen (1966). À travers une lecture critique des trois œuvres, cet article considère l’obscurité comme étant un moyen qui permet à Hermans d’affirmer ses convictions ontologiques, à savoir l’incapacité de l’homme à saisir la réalité dans son intégralité. Le motif de la chambre noire, au sens propre et figuré, ainsi que les représentations de la cécité, permettent également à l’auteur de remettre en question l’acte de voir.

Dutch writer Willem Frederik Hermans (1921-1995), who showed a pronounced interest in photography, represents the revelatory power of darkness, one of film photography’s fundamental characteristics, in three of his literary works: “De blinde fotograaf” (1957), De donkere kamer van Damokles (1958), and Nooit meer slapen (1966). Through a critical reading of the three works, this article considers darkness as a means by which Hermans affirms his ontological convictions, namely man’s inability to fully grasp reality. The motif of the literal and figurative darkroom, as well as his representations of blindness, further allow the author to question the act of seeing.

Gliederung

Anmerkungen des Autors

Une partie des propos de cette contribution est tirée de ma thèse en cours de préparation intitulée En quête de sens dans un monde d’images : l’imaginaire photographique dans les œuvres de Willem Frederik Hermans, Wright Morris et Michel Tournier, préparée dans le cadre d’une cotutelle entre l’Université de Strasbourg et l’Université de Groningue et sous la codirection de Patrick Werly et Mathijs Sanders.

Text

Celles et ceux qui connaissent la photographie argentique savent pertinemment que l’obscurité donne à voir. En effet, lors du processus de développement, le papier photosensible trempé dans le bain révélateur fait apparaître les images latentes dans le noir. La nature photosensible du film exige l’usage d’une chambre noire ; toute image produite provient alors de l’obscurité. La photographie renverse ainsi les connotations attribuées habituellement à la lumière puisque l’obscurité n’est plus synonyme d’opacité mais devient, au contraire, vectrice de connaissances. C’est dans cette optique que l’obscurité photographique sert aux personnages de l’écrivain néerlandais Willem Frederik Hermans (1921-1995) à percer à jour l’inconnu. Dans la nouvelle « De blinde fotograaf » [Le photographe aveugle] (1957) ainsi que dans les romans De donkere kamer van Damokles [La chambre noire de Damoclès] (1958) et Nooit meer slapen [Ne plus jamais dormir] (1966), photographie et obscurité sont intrinsèquement liées.

Si le motif de la photographie est abondamment présent dans les œuvres de Hermans, il a lui-même mené une pratique photographique tout au long de sa vie. Enfant, il possédait un appareil photo « box »1, et il avait, dans les années cinquante, essayé de s’affirmer en tant que photographe professionnel (Kegel et al. 2019). De son vivant, à l’occasion de la publication de son livre photo Koningin Eenoog [Reine borgne] (Hermans 2019 : 211-368), une sélection de ses photographies ont fait l’objet d’une exposition en 1986, au musée Stedelijk à Amsterdam2. En lien avec cet événement, les critiques se sont attardés sur le parallèle entre l’écriture de Hermans et sa pratique photographique en soulignant que l’étymologie du mot « photographie » signifie « écrire avec la lumière » (cf. Leistra 1986 ; Reinders 1986). En revanche, les questions de lumière et d’obscurité sont restées pratiquement absentes des recherches portant sur l’œuvre littéraire de Hermans, bien que l’auteur prête une attention toute particulière à la dichotomie entre lumière et obscurité dans ses écrits. Les quelques travaux critiques qui existent sur la photographie dans l’œuvre de Hermans ne considère ni la lumière ni l’obscurité comme des sujets d’étude à part entière, et l’accent est surtout mis sur le rapport entre photographie et réalité. Le motif de la photographie est alors un prétexte pour promouvoir le questionnement ontologique de Hermans (cf. Van Alphen 1995 ; Herman et Vervaeck 2003 ; Janssen 1980, 2019 ; Raat 1998 ; Richman 2021 ; Verhaar 1981). Toutefois, il faut souligner qu’à travers une analyse approfondie des techniques narratologiques dans « De blinde fotograaf », Luc Herman et Bart Vervaeck (2003 : 160) reconnaissent l’importance des enjeux de lumière et d’obscurité dans la nouvelle lorsqu’ils affirment que « […] de duisternis is een vorm van licht, ze laat dingen zien3 ». L’objectif du présent article sera donc d’élargir le champ des propos de Herman et Vervaeck et de proposer une lecture critique de « De blinde fotograaf », De donkere kamer van Damokles, et Nooit meer slapen à travers le prisme de l’obscurité4.

Avant d’entreprendre notre analyse, il est nécessaire de revenir sur le concept d’intermédialité et les spécificités de la mise en scène littéraire de la photographie. On retrouve le motif littéraire de la photographie à partir du milieu du xixe siècle, peu de temps après l’invention de ce nouveau médium. Ce motif permet entre autres aux écrivains de s’interroger sur les processus photographiques (cf. par ex. Champfleury 2006 ; Cortázar 2008) ; l’impact social, culturel, artistique et/ou politique de la photographie (cf. par ex. Nadar 2017 ; Weijers 2014) ; la mémoire (cf. par ex. Garat 1990 ; Modiano 1993) ; les questions de représentation (cf. par ex. Tournier 1978 ; Houellebecq 2010) et, plus récemment, sur le rôle omniprésent de la photographie dans la vie quotidienne (cf. par ex. Tournier 1986 ; Serra 2020). L’usage de la photographie dans les œuvres littéraires de Hermans se situe dans le phénomène intermédial qu’Irina O. Rajewsky désigne par « intermedial references » [références intermédiales], processus selon lequel un médium évoque ou imite des techniques propres à un autre médium (Rajewsky 2005 : 52). Jens Schröter, quant à lui, pousse la conceptualisation de Rajewsky plus loin et qualifie la mise en scène d’un médium par un autre de « transformational intermediality » [intermédialité transformationnelle], car un médium n’en contient pas un autre mais le représente (Schröter 2012 : 26)5. Outre le motif de la photographie, Hermans met en scène l’une des caractéristiques propres au processus de développement de la photographie argentique, à savoir la capacité révélatrice de l’obscurité.

Cette contribution s’attardera sur les représentations de ce motif et tâchera de répondre aux questions suivantes : Qu’est-ce que l’obscurité permet de voir ? Autrement dit, qu’est-ce que les personnages parviennent à voir dans l’obscurité qui n’est pas accessible à la lumière ? Et s’il est possible de voir dans l’obscurité, comment définir alors dans ce contexte l’acte de voir ? Notre analyse s’articulera en trois parties : nous examinerons les spécificités des conditions lumineuses, les informations qui se révèlent dans l’obscurité et les représentations de la cécité qui redéfinissent l’acte de voir.

De l’obscurité totale à la clarté absolue

Dans « De blinde fotograaf » et dans De donkere kamer van Damokles, l’obscurité règne en maîtresse. Le premier se déroule dans un lieu privé de lumière, tandis que dans le second, Hermans met l’accent sur l’obscurité de certaines scènes clés où la photographie a un rôle métaphorique. Au contraire, le cadre de Nooit meer slapen se caractérise par une lumière omniprésente. Quelle signification donner à ces environnements tantôt caractérisés par un trop-plein de noirceur, ou au contraire, par un trop-plein de lumière ?

Dans « De blinde fotograaf », Appie, narrateur de la nouvelle et chroniqueur d’une rubrique journalistique qui a pour sujet les « personnalités paradoxales », est chargé par son rédacteur en chef de réaliser un entretien avec un photographe aveugle, Guibal. Appie se rend alors dans la maison particulièrement sombre de ce dernier où il échange avec ses parents avant de finalement réussir à rencontrer le photographe qui lui révèle les origines de sa pratique et de son œuvre photographique. Dès son arrivée devant la maison de Guibal, Appie insiste sur l’obscurité du lieu. Coincée entre deux autres maisons, la demeure du photographe aveugle est très étroite et donc peu visible :

Deze blinde fotograaf bleek te wonen in het smalste huis van de stad, dat tussen twee enorme, hoge herenhuizen in lag. Ik zag onmiddellijk dat dit het smalste huis was, smaller dan het huis waar alle gidsen met de Amerikanen naartoe gaan. Op zichzelf een ontdekking dus. Ik maakte een notitie en bekeek het thuis nauwkeurig voor ik aanbelde. Het bestond eigenlijk alleen uit een winkelraam met een winkeldeur ernaast. Dat was de hele voorgevel, er waren geen verdiepingen op gebouwd, ik zag zelfs geen daklijst6. (Hermans 2006a : 582)

La maison du photographe n’est pas simplement étroite : elle l’est de manière remarquable et presque risible, à tel point que l’identification même de la maison est un exploit. De plus, lorsque le narrateur s’en approche pour regarder par la « winkelraam » [vitrine], il parvient tout juste à discerner les parents du photographe puisque « [v]erblindend witte vitrage maakte ze bijna onzichtbaar »7 (ibid.). L’article de Herman et Vervaeck (2003 : 160) s’attarde sur cette vitrine qui, ironiquement, ne montre rien, mais nous pouvons approfondir leur analyse, car le choix de Hermans de représenter des voilages, plutôt que des rideaux opaques, semble particulièrement significatif. D’une part, ces rideaux témoignent d’une volonté de pouvoir profiter au maximum de la lumière naturelle tout en préservant une certaine intimité : les voilages obscurcissent ce qui s’y trouve derrière (à condition que la luminosité à l’intérieur soit plus faible qu’à l’extérieur), tout en laissant passer la lumière de l’extérieur. Autrement dit, les rideaux leur permettent à la fois de regarder par la fenêtre et d’empêcher ceux et celles qui essayent, comme Appie, de regarder à l’intérieur de la maison. D’autre part, les voilages servent de métaphore : leur apparente transparence laisse faussement croire au journaliste qu’il serait en mesure de percer la vérité sur le photographe aveugle qui lui échappe néanmoins. Il semble que cette vérité soit à sa portée, mais ces rideaux ne permettent qu’aux parents du photographe de voir à travers, et non l’inverse. En effet, Appie ne voit pas du tout à travers les voilages ; il voit seulement par le trou qui se forme entre les rideaux : « De gordijnen waren van onderen naar weerszijden opgebonden, zodat beneden in het midden, een stuk van het glas openbleef in de vorm van een schop uit het kaartspel » (Hermans 2006a : 582)8.

Une fois le pas de la porte franchi, Appie se rend compte que l’obscurité se fait davantage sentir à l’intérieur de la bâtisse qui n’a qu’une seule fenêtre et qui est dénuée de tout éclairage. L’absence de lumière artificielle fait la fierté des parents du photographe qui conseillent au narrateur, comme ils l’avaient déjà fait aux précédents visiteurs, d’aller acheter une lanterne au magasin de vélos d’à côté (ibid. : 587). Appie s’y rend, et le vendeur lui présente un grand choix de lanternes différentes qui ne fonctionnent pas, car elles n’ont pas de piles. Ainsi, toutes ces lanternes renvoient de la « zwart licht » [lumière noire] (ibid. : 591). Toutefois, cette « lumière noire » ne fait pas référence à la lumière « ultraviolet » ou « UV », également connue sous le nom de « lumière noire ». Il s’agit plutôt de l’absence de lumière, car les lanternes du magasin n’émettent aucune lumière. Lorsqu’Appie demande au vendeur une pile neuve, celui-ci se montre incapable de lui en fournir une, mais il rassure le journaliste que « [z]wart licht is meer dan voldoende voor wie een blinde fotograaf bezoekt » (ibid. : 591)9. Cette remarque fait écho à la question que les parents du photographe posent au journaliste : « Waarom wilt u [onze zoon] zien? Hij is immers blind » (ibid. : 583)10. Appie accorde beaucoup d’importance à l’acte de voir, qu’il considère indispensable à l’interview qu’il veut mener : « Hoe wilt u dat ik over uw zoon schrijf als ik hem niet zie? » (ibid. : 585)11. En revanche, les parents ne considèrent pas l’acte de voir de la même manière qu’Appie et, en réponse à sa demande, ils proposent de lui raconter tout ce que le journaliste voudrait savoir sur leur fils, comme si leur témoignage pouvait être un substitut valable à un véritable entretien.

Dans De donkere kamer van Damokles, Hermans met également l’accent sur l’obscurité, comme le titre en témoigne. L’action du roman est narrée à la troisième personne et suit le personnage principal, Henri Osewoudt. Après sa rencontre fortuite avec le résistant Dorbeck, Osewoudt se trouve mêlé aux affaires de la Résistance, pour qui il réalise des missions diverses et parfois dangereuses, dont des assassinats. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Osewoudt est arrêté, et ses actions sont passées au crible. Contrairement à « De blinde fotograaf », l’action du roman ne se déroule pas entièrement dans le noir, et l’obscurité n’est évoquée que dans certaines scènes décisives comme lorsqu’Osewoudt, fraîchement engagé dans la Résistance, se fait recruter pour développer des pellicules. La remarque de son camarade explicite les pouvoirs révélateurs de l’obscurité : « […] nergens ter wereld komt zoveel aan het licht als in een donkere kamer! » (Hermans 2010 : 102)12. Ces propos peuvent être interprétés au sens propre puisqu’Osewoudt va développer et donc mettre au jour les images enregistrées sur les pellicules. Or, il est aussi possible d’y voir le questionnement ontologique de Hermans qui sous-tend le roman.

La mise en scène de la photographie et l’accent mis sur la lumière et l’obscurité semblent justement remettre en question la capacité de l’homme à accéder à la réalité13. En effet, dans ses écrits Hermans donne un statut particulier à la photographie qui représente pour lui l’« objectief realisme » [réalisme objectif], tandis que l’écriture fait partie de la « surreële subjectiviteit » [subjectivité surréelle] (Rutten 2016 : 230). Comment réconcilier cette opposition dans les textes qui usent du motif littéraire de la photographie ? Cette opposition apparemment paradoxale complique l’interprétation des œuvres de Hermans (ibid.), car l’auteur valorisait l’aspect réaliste de la photographie, ce qui contraste avec son écriture, décidément antiréaliste (Van Alphen, cité dans ibid.). Bien que Hermans ait d’abord privilégié la photographie pour son rendu réaliste, le médium est finalement devenu ambivalent pour l’écrivain (ibid.). Dans « De blinde fotograaf », De donkere kamer van Damokles, et Nooit meer slapen, les enjeux de lumière et obscurité promeuvent le questionnement ontologique de Hermans et, ce faisant, ils démontrent aussi cette « ambivalence », car la photographie est très souvent trompeuse et rarement en capacité de confirmer la réalité telle que les personnages la perçoivent. Les sorts de ses personnages reflètent la conviction de l’auteur, même si ses écrits témoignent de sa grande sensibilité aux tentatives possibles pour connaître la réalité. Dans cette perspective, la photographie sert de métaphore pour une quête de connaissances dans l’obscurité.

À l’opposé des deux œuvres précédemment analysées, dans Nooit meer slapen, l’emphase est mise sur l’absence d’obscurité. Le roman retrace les expériences d’Alfred Issendorf, doctorant néerlandais en géologie qui part réaliser une étude sur le terrain dans le but de trouver des traces de météorites dans le Finnmark, au nord de la Norvège. Son séjour s’avère désastreux puisqu’il ne parvient pas à récupérer les photos aériennes nécessaires à ses recherches et son compagnon de voyage Arne perd la vie à la suite d’une chute fatale. À cause de la latitude et de la période de l’année, le séjour d’Alfred se caractérise par l’omniprésence de la lumière qui trouble son sommeil, comme déjà annoncé dans le titre du roman, et il lui est impossible de ne pas y penser : « Er zijn zwarte gordijnen voor de ramen, maar je weet toch dat het buiten geen nacht is » (Hermans 2010b : 443)14. Le motif de la lumière traverse tout le roman, et sa représentation souligne notamment son aspect oppressif. Quelques chapitres plus tard, Alfred l’évoque à nouveau :

Aan het licht kun je nauwelijks zien dat het avond wordt in Tromsø. Hier wordt het om deze tijd van het jaar helemaal geen nacht meer. Dit is het rijk waar de zon nooit ondergaat15. (ibid. : 471)

En Norvège, le soleil omniprésent ne laisse aucun répit à Alfred et au lieu de l’éclairer, la lumière dissimule ce qu’il cherche – les photos aériennes et les preuves de l’existence de météorites dans le Finnmark – entraînant ainsi son incapacité à réaliser ses deux quêtes. Dans ce contexte, la lumière, ne symbolise-t-elle pas l’impossibilité d’obtenir des preuves de la réalité ? À travers la lumière, Hermans souligne alors qu’on ne dispose pas des moyens de connaître une vérité ultime (s’il y en a une), et que certains aspects de la réalité resteront insaisissables qu’importent nos actions. Alfred rêve de l’obscurité, et dans ce désir il est possible d’y lire un double sens : « Ik word bevangen door de onzinnige wens dat het helemaal donker zal worden » (ibid. : 503)16. Certes, Alfred, qui dort mal à cause de la lumière, souhaite l’obscurité pour pouvoir enfin se reposer. Or, si la lumière symbolise l’ignorance, ou l’inaccessibilité de la réalité, il est possible de considérer l’obscurité comme étant le cadre qui pourra « mettre en lumière » des informations. Ainsi, quand Alfred rêve d’obscurité, il désire accéder à une réalité qui lui échappe.

Ce qui se révèle dans le noir

Bien que dans « De blinde fotograaf » et De donkere kamer van Damokles l’obscurité révèle aux personnages des informations qu’ils ne pourraient avoir autrement, il s’agit d’informations dissimulées par la lumière omniprésente dans Nooit meer slapen. C’est en ce sens que la chambre noire réelle et figurée prend toute sa signification. Ainsi, l’auteur remet en question l’acte de voir en fonction de ce qui se révèle ou, au contraire, se cache.

Dans « De blinde fotograaf », c’est par le biais d’un collègue du journal qu’Appie obtient finalement une lanterne avec des piles qui fonctionnent. À la fin de la nouvelle, Guibal lui demande comment il a réussi à obtenir une lanterne fonctionnelle, et Appie révèle que « [z]ijn krant heeft een vrachtauto vol lantarens, dat spreekt vanzelf. Hoe zou de pers anders haar voorlichtende taak naar behoren kunnen vervullen? » (Hermans 2006a : 610)17. Ici Hermans évoque les connotations traditionnellement attribuées à la lumière, à savoir la connaissance : le journaliste est censé se battre contre les ténèbres de l’ignorance, une mission qu’Appie tend à appliquer puisque son article vise à mettre au jour certaines informations sur le photographe aveugle. C’est alors par la lumière au sens propre qu’Appie s’imagine persévérer dans sa tâche. En revanche, il est nécessaire de souligner que dans son essai « Antipathieke romanpersonages » [Personnages de roman antipathiques] (1960), Hermans dénigre le métier de journaliste et distingue les journalistes des écrivains dont il fait partie lorsqu’il affirme : « De journalist formuleert wat de massa denkt, de schrijver bestrijdt wat de massa denkt en brengt aan het licht wat de massa niet durft te denken » (Hermans 2008b : 130)18. Il y a donc une dimension profondément ironique dans la représentation d’Appie qui, en tant que journaliste, saurait seulement se plier aux exigences de son lectorat. En effet, dès les premiers paragraphes de la nouvelle, Hermans souligne de manière explicite le manque d’intégrité du personnage qui déclare : « Natuurlijk geef ik, als elke journalist, het publiek gelijk […] » (Hermans 2006a : 581)19.

Malgré l’importance que le journaliste attribue aux lanternes fonctionnelles, l’insistance sur la maison du photographe comme un huis clos dépourvu de lumière – ce qui lui donne toutes les caractéristiques de la chambre noire au sens littéral comme figuré – semble subvertir la conception de la lumière comme victorieuse de l’ignorance, car c’est dans la chambre noire que les images se révèlent. C’est justement dans cette maison-chambre noire qu’Appie apprend des informations sur Guibal par le biais du photographe lui-même et de la mère qui lui raconte les origines de la pratique photographique de son fils. Cependant, selon Guibal, sa mère relate des informations inexactes. Il paraît que cette hiérarchie d’informations, c’est-à-dire la distinction faite entre les paroles de la mère et celles de Guibal, soit dictée par l’éclairage des lieux. Les parents de Guibal ne disposent pas forcément des moyens financiers pour soutenir l’activité artistique de leur fils, mais ils ont pu mettre l’obscurité de la maison à son profit :

Fotograferen is erg duur, het is een sport voor rijke mensen. Maar dat kon ons niet schelen, begrijpt u, alles hadden wij over voor zijn geluk. Wij zeiden: een echte fotograaf, die zit in een donkere kamer! Daarom gaven wij hem het achterste deel van het huis, waar het werkelijk pikkedonker is20. (ibid. : 601)

Il est alors possible d’imaginer que la maison est divisée en deux parties : celle occupée par les parents et la partie arrière occupée par le photographe. Les informations les plus importantes, c’est-à-dire celles qui viennent directement du photographe, proviennent alors de la partie la plus sombre de la maison. Dans cette nouvelle, plus l’obscurité règne, plus les révélations ont de la valeur.

Lors de son entretien avec Guibal, Appie se rend rapidement compte que le photographe est beaucoup plus conscient de la réalité qui l’entoure qu’il n’y paraît. Le lecteur apprend que la singularité de l’œuvre de Guibal provient en réalité des astuces techniques mises en place par ses parents pour économiser de l’argent : ils remettaient plusieurs fois de suite la même pellicule dans l’appareil photo, créant ainsi des images superposées sur le film (ibid. : 608). Quand bien même ses parents auraient essayé de cacher leurs manigances à leur fils, Guibal est conscient des méthodes qu’ils emploient. Or, il n’explique jamais, en dépit de ses déficiences visuelles, comment il a réussi à le savoir. Il en va de même avec la lanterne du narrateur : Guibal arrive à savoir qu’elle est fonctionnelle malgré le mensonge initial du narrateur. Quelque chose de mystérieux transparaît dans cette obscurité qui donne à voir, autant pour le narrateur que pour ce photographe capable de saisir des choses qui devraient se trouver au-delà de sa portée.

Dans De donkere kamer van Damokles, c’est l’existence de Dorbeck – celui qui entraîne Osewoudt dans la Résistance et qui lui confie des missions – qui se révèle dans l’obscurité. Tout au long du roman, Hermans fait croire au lecteur que Dorbeck existe, mais le roman s’achève sur l’ambiguïté, car l’auteur remet en question son existence. Au cours du récit, trois scènes évoquent la preuve photographique ainsi que l’obscurité qui finit par donner à voir.

Dans la première, Osewoudt se retrouve dans sa chambre noire, où il développe une pellicule pour Dorbeck. Il y voit des images, dont une photo de Dorbeck :

Tenslotte een kiekje van Dorbeck, voor een huis op straat staand, met zijn armen om twee meisjes heengeslagen. Het was zo duidelijk dat hij het nummer van het huis kon lezen: 32. Natuurliljk dacht hij aan het adres Kleine Houtstraat 32. Om beter te zien hield hij de film vlak bij het lampje.

KLEINE HOUT zag hij aan de rand staan, moeilijk, want in spiegelschrift. Maar in elk geval was het hetzelfde hoekhuis, daar viel niet aan te twijfelen21. (Hermans 2010a : 48)

L’image photographique sert de preuve documentaire puisque la photo de Dorbeck témoigne de son existence. De plus, la description, qui s’attarde sur les détails de la photo, ne laisse aucun doute sur l’identité de Dorbeck parce qu’Osewoudt est capable d’y discerner le numéro de la maison ainsi que le nom sur la plaque de rue. Or, cette preuve potentielle de l’existence de Dorbeck disparaît aussitôt car la mère d’Osewoudt allume la lumière de la chambre noire et détruit ainsi l’image : « […] toen zag hij dat het [negatief] helemaal zwart geworden was » (ibid. : 49)22. L’image de Dorbeck qui s’était alors révélée dans l’obscurité de la chambre noire retourne définitivement dans l’obscurité lorsqu’elle est exposée à la lumière.

Dans la deuxième scène, une photo de Dorbeck apparaît sur un avis de recherche qui est projeté dans une salle de cinéma plongée dans l’obscurité. Cette affiche incite Osewoudt à s’enfuir par peur d’être confondu avec Dorbeck. En effet, depuis qu’Osewoudt s’est fait teindre les cheveux en noir pour mieux dissimuler son identité après avoir commis son premier assassinat, il est devenu le portrait craché de Dorbeck, et il risque d’être confondu avec lui. Pensant qu’il s’agit de l’homme sur l’avis de recherche, la police arrête Osewoudt, mais ce dernier insiste que ce n’est lui l’homme sur la photo :

Ik ben niet die man van dat portret. Ik word verwisseld met een ander. Gelooft u mij, ik heb die foto zelf gezien in de bioscoop, daardoor ben ik juist opgepakt. Maar het was mijn foto niet, de man die eropstaat [sic] lijkt op mij, maar ik ben het niet. Het was een foto zoals er nooit een van mij gemaakt is23. (Hermans 2010a: 197)

L’explication d’Osewoudt semble solide : le lecteur suppose qu’Osewoudt devrait être capable d’identifier une photo de lui-même. Cependant, malgré l’affirmation d’Osewoudt selon laquelle il s’agit incontestablement d’une photo de Dorbeck, le doute reste de mise. Il ne suffit donc plus de prouver que Dorbeck existe ; il faut prouver qu’Osewoudt et Dorbeck sont deux personnes différentes.

C’est dans cet esprit que la troisième scène où il est question de photographie et d’obscurité prend toute son importance. Osewoudt se retrouve avec Dorbeck dans un lieu sûr, et il souhaite se prendre en photo avec Dorbeck dans le miroir. Même si Dorbeck l’avertit du manque de lumière en lui indiquant : « Is hier veel te donker […] » (ibid. : 268)24, Osewoudt réalise le cliché. Pour cette troisième photo, comme pour les deux autres, l’obscurité prime puisqu’elle caractérise les conditions dans lesquelles la photo est réalisée et sert également d’explication à la non-apparition ultérieure de l’image à la fin du roman. Bien que cette obscurité « éclairante » confirme à nouveau pour Osewoudt l’existence de Dorbeck, la photographie n’est pas en mesure de corroborer ceci : Osewoudt sera donc incapable de prouver cette information à la lumière du jour.

La lumière omniprésente de Nooit meer slapen dissimule plutôt qu’elle ne dévoile. Avant d’effectuer son étude sur le terrain dans le Finnmark, Alfred doit d’abord récupérer des photos aériennes qui lui permettront de repérer les zones où il aura le plus de chance de trouver des traces de météorites, mais il ne parvient jamais à les obtenir. À son arrivée en Norvège, Alfred rend visite au professeur Nummedal, un collègue malvoyant de son directeur de thèse, qui est censé détenir les photos en question. Ses réponses à la requête d’Alfred sont ambiguës : il évite ses questions et il ne le prévient pas tout de suite que les photos aériennes se trouvent probablement au Service de géologie de Trondheim. Alfred se demande s’il aurait dû agir autrement pour obtenir les précieuses photos : « Ik had Nummedal te voet moeten vallen, zodra ik zijn studeerkamer betrad. Nederig, maar welbespraakt! Help mij, had ik moeten uitroepen, verzadig mij met kennis! » (Hermans 2010b : 432)25. Contrairement à Guibal, Nummedal n’est pas aveugle, mais malvoyant. Il porte des lunettes à quatre verres et se sert de plusieurs loupes, dont une qui se distingue par sa taille démesurée : « Dwars over de papieren een leesglas ter grootte van een koekepan » (Hermans 2010b : 416)26. À travers le prisme de la vue un parallèle entre les deux œuvres se dessine : ce sont les personnages malvoyants qui possèdent les connaissances qui échappent aux deux narrateurs Appie et Alfred et qui peuvent les renseigner. Guibal et Nummedal promeuvent donc la réflexion sur l’obscurité de Hermans : dans l’obscurité de la chambre noire, Guibal révèle à Appie les enjeux derrière son œuvre ; à la lumière du jour, Nummedal renvoie Alfred vers une nouvelle quête à Trondheim qui sera également un échec. En effet, une fois dans le Finnmark, Alfred est convaincu – à raison – que c’est l’un de ses compagnons de voyage, Mikkelsen, qui est en possession des photos. Il parvient finalement à les consulter, mais il n’y voit aucune trace de météorite. Ainsi, dans cette « chambre claire » qui encadre ce séjour en Norvège, Alfred n’arrive pas à accéder à ce qu’il cherche.

En revanche, à la fin du roman, Alfred a une révélation, mais elle n’est pas en lien avec la lumière. Tout au long du séjour, à cause de son manque d’expérience dans un espace aussi hostile que celui offert par le Finnmark, Alfred est persuadé d’être un fardeau pour ses compagnons de voyage. Toutefois, après le décès d’Arne, Alfred fait traduire le carnet de voyage de ce dernier dans lequel il découvre une autre version des événements. Par le biais de cet autre point de vue, Alfred se voit sous un nouveau jour, car Arne y décrivait les épreuves auxquelles Alfred faisait face, et il louait la ténacité et les efforts de son camarade néerlandais. Le carnet d’Arne semble alors témoigner de la complexité de la réalité et de ses facettes multiples, un thème que l’on retrouve aussi dans les autres œuvres : dans De donkere kamer van Damokles, Hermans fournit au lecteur autant d’indices pour soutenir l’existence de Dorbeck que son inexistence27 ; dans « De blinde fotograaf », Appie reçoit plusieurs témoignages contradictoires sur le parcours du photographe aveugle, et le journaliste est lui-même prêt à déformer les faits pour plaire à son lectorat.

(Mal) voir

Le handicap visuel occupe une place importante dans « De blinde fotograaf » et Nooit meer slapen. Comme cela a été évoqué précédemment, il est question de plusieurs personnages malvoyants : Guibal dans « De blinde fotograaf » est atteint d’une déficience visuelle, tout comme le professeur Nummedal et son portier dans Nooit meer slapen. Dès l’incipit, Hermans met le handicap au premier plan du roman puisque la première phrase est « De portier is een invalide » (Hermans 2010b : 411)28, de la même manière que le titre « De blinde fotograaf » annonce la malvoyance du personnage éponyme. Dans ces deux œuvres29, la mise en scène des personnages malvoyants30 remet en question l’acte et la notion de voir. En effet, ces œuvres s’inscrivent dans la lignée de l’usage littéraire du handicap comme métaphore (cf. Hall 2016 : 36-38). Dans Literature and Disability [Littérature et handicap], Alice Hall constate que les représentations littéraires de la cécité servent notamment à soulever des questions sur l’empathie et l’intimité entre personnages, lecteurs et écrivains voyants et malvoyants (ibid. : 90). Georgina Kleege, quant à elle, constate qu’au cours de l’histoire de la langue anglaise et dans son usage courant aujourd’hui, le terme « blind » [aveugle] évoque un manque de compréhension ou de discernement, une méconnaissance ou un oubli, et elle déclare même que l’on emploie ce mot beaucoup plus souvent au sens figuré que littéral (Kleege 1999 : 21). Bien que Kleege commente l’usage anglophone de ce terme, les œuvres de Hermans montrent qu’un tel usage métaphorique n’est pas spécifique à l’anglais31 : la juxtaposition littéraire de la cécité et de la vue permet à l’écrivain de mettre en scène l’incapacité de ses personnages principaux à saisir et comprendre le monde qui les entoure.

Cécité n’est pourtant pas synonyme de handicap : en dépit de leurs conditions, Guibal, Nummedal et son portier triomphent dans ce qu’ils entreprennent, ils réussissent à réaliser leurs tâches respectives et semblent même capables de savoir des choses qui échappent aux narrateurs. Dans « De blinde fotograaf », Guibal s’affirme comme photographe reconnu, quand bien même la singularité de son œuvre serait due aux manipulations de ses parents. Malgré ses déficiences visuelles, le portier de Nummedal réussit à travailler correctement à l’aide d’une montre-bracelet sans verre qu’il tâte avec sa main. Quant à Nummedal, il est un chercheur vénéré dans le monde entier, et Alfred fournit au lecteur une liste de qualifications aussi exhaustive que comique : « Eredoctoraten in Ierland, Kentucky, Nieuw-Zeeland, Liberia, Liechtenstein, Tilburg » (Hermans 2010b : 431)32. Nummedal excelle à tel point qu’Alfred se demande depuis combien de temps Nummedal est malvoyant, car il présuppose que sa condition serait incompatible avec son statut de scientifique brillant.

Bien que ces personnages arrivent à surmonter leurs handicaps, ils disposent de moyens et d’outils qui sont censés améliorer la vue. Toutefois, ces outils ne remplissent pas toujours leurs fonctions, notamment pour le photographe aveugle. Dans la nouvelle, la mère de Guibal énumère les trois outils offerts à son fils : des lunettes, des jumelles et un appareil photo. Le jeune Guibal a d’abord reçu des lunettes spécialement conçues, mais elles ne lui ont nullement amélioré la vue : « […] de glazen waren zodanig geslepen dat er toch geen licht doorheen kon komen » (Hermans 2006a : 598-599). En raison de l’incapacité des verres à laisser passer la lumière, la mère les qualifie de « [e]cht dus een bril voor een blinde » (ibid. : 599)33, ce qui indique donc que la lumière serait un véritable indicateur de la vue. Puisqu’elles n’améliorent pas la vue, ces lunettes ne servent finalement que d’accessoire. La mère du photographe explique ensuite qu’elle lui a donné des jumelles. Quand Guibal voulait « voir », il passait les jumelles à sa mère, qui lui racontait tout ce qu’elle voyait (ibid. : 599). Guibal ne pouvait alors se servir de cet outil que par le biais de sa mère, qui « voyait » à sa place. À travers cette opération, qui semble s’être passée inaperçue pour les personnes autour, l’image visuelle est traduite en paroles par sa mère : « […] niemand had er erg in dat ik eigenlijk de enige was die zag » (ibid.)34. Il est possible que les autres ne leur prêtaient simplement pas attention lors de leurs sorties en public. Or, si les autres ne remarquaient rien, il peut également s’agir d’un univers dans lequel il est normal de traduire le champ visuel en champ lexical. Dans ce cas, au lieu de simplement accepter le visible comme acquis, il serait question de relater et de décrire ce qui est vu. Ainsi, Hermans redéfinit l’acte et la notion de voir, car Guibal arrive à « voir » à travers les paroles de sa mère. Justement, Herman et Vervaeck (2003 : 162) soulignent aussi cette « vue de substitution », même s’ils mettent l’accent sur la traduction du visuel à l’acte d’écouter et non du visuel au linguistique : « Luisteren naar wat verteld wordt kan dus een ersatz zijn voor kijken naar wat gebeurt »35.

Enfin, la mère du photographe retrace les débuts de Guibal dans la photographie. La sangle des jumelles pesait trop lourd sur le cou du photographe, alors ses parents les ont remplacées par un appareil photo. Sa mère explique : « Het effekt [sic] zou hetzelfde zijn. Als er een foto moest worden gemaakt, zou ik dat kunnen doen, net zo goed als ik voor hem door de kijker had gekeken » (Hermans 2006a : 600)36. Il est important de s’attarder sur cet « effet » qu’elle cherche à provoquer. Effectivement, rien ne change pour Guibal : si la mère prend une photo pour lui, on imagine qu’elle lui décrit également ce qu’elle voit à travers l’objectif. Néanmoins, elle semble avoir cherché à dissimuler la malvoyance de son fils, car elle énumère un autre avantage de l’appareil : même si les autres remarquaient que Guibal avait un problème aux yeux, elle imaginait que l’appareil photo donnait l’impression que Guibal s’en servait pour améliorer sa vision. Tout comme les lunettes et les jumelles, l’appareil photo serait alors un accessoire ou même une sorte de déguisement qui ne lui servait pas à mieux voir mais à donner l’impression aux autres qu’il voit.

La mère de Guibal pense que « l’effet » sera inchangé, mais une fois que Guibal dispose de son appareil photo, il ne souhaite plus son aide :

Ik houd het toestel voor mijn buik en de sluiter die vind ik op de tast. Met de kijker was het wat anders, toen kon jij mij direct vertellen wat je door de kijker zag. Maar als jij fotografeert, dat komt op hetzelfde neer als dat ik het zelf doe, want jij kunt mij evenmin vertellen wat er op de foto staat, als dat ik zelf het kan zien. Jij moet wachten, net als iedereen, tot de foto ontwikkeld is en afgedrukt en wie weet is het dan te laat, hoogstwaarschijnlijk ben je het dan zelf vergeten wat het voorstelt, je bent zo stom37. (ibid.)

Ici, ce n’est pas la mère du photographe mais l’appareil photo qui vient remplacer l’œil ; Guibal estime ne plus avoir besoin de sa mère parce que la vue est remplacée par la photographie. En effet, sans passer par l’étape du développement, il est impossible de voir l’image photographique de manière immédiate. Dans ce sens, la vue n’aide nullement, et Guibal se passe ainsi de sa mère, car il s’intéresse plus à l’image qui se révélera dans la chambre noire qu’à la vue immédiate. En revanche, la nouvelle n’aborde jamais comment Guibal comptait « voir » les images photographiques une fois développées. L’appareil photo ne peut alors remplacer l’œil que dans une certaine mesure puisque Guibal serait à nouveau contraint de demander à sa mère de lui décrire ce qu’elle voit sur les images.

Guibal redéfinit l’acte de voir car malgré sa cécité, le photographe n’est pourtant pas « aveugle » au sens figuré : « Het is niet dat ik niet kan zien, maar het is dat ik niet kan kijken » (ibid. : 610)38. En effet, Guibal est bien conscient des tromperies de ses parents, et c’est lui qui révèle à Appie le secret des images superposées qui ont fait la renommée du photographe. Guibal incarne ainsi l’archétype du « voyant aveugle » qui trouve ses origines dans la mythologie grecque avec des personnages tels que Tirésias, le prophète aveugle. L’absence de vue ne lui empêche pas d’accéder à certaines informations, et c’est en ce sens qu’il est donc capable de « voir ». Dans Nooit meer slapen, le professeur Nummedal semble également incarner certains attributs de cet archétype, puisqu’il souffre d’une déficience visuelle mais possède néanmoins des informations précieuses pour Alfred.

À l’opposé de Guibal, Nummedal ne compte sur personne pour compenser ses déficiences visuelles, bien au contraire. Lors de leur sortie en ville, c’est même Nummedal qui amène Alfred jusqu’au restaurant :

Op straat voel ik mij een liefhebbend kleinzoon, die met zijn halfblinde grootvader een wandelingetje gaat maken omdat de zon zo mooi schijnt. Maar hij is het die mij naar het restaurant loodst39. (Hermans 2010b: 423)

Quand bien même Nummedal se servirait des lunettes et des loupes, il semble néanmoins pouvoir voir plus clair qu’Alfred, bien que pour Nummedal, l’acte métaphorique de « voir » provienne de son expertise, ou de ses connaissances. La lumière omniprésente semble éblouir Alfred ; elle le plonge dans un brouillard métaphorique où tout lui échappe : la disposition de la ville, les photos aériennes, les traces de météorite. Pour Alfred, la lumière connote l’ignorance, mais ce n’est pas le cas pour Nummedal : « Hier buiten, waar de zon fel schijnt, kan [Nummedal], geloof ik, ook beter zien » (ibid. : 434)40.

Conclusion

Willem Frederik Hermans, qui a entretenu une pratique photographique tout au long de sa vie, témoigne d’une sensibilité prononcée pour l’éclairage dans ses textes. Dans la nouvelle « De blinde fotograaf » (1957) et dans le roman De donkere kamer van Damokles (1958), l’obscurité donne à voir aux personnages et devient ainsi vectrice de connaissances, tandis que la lumière dans le roman Nooit meer slapen (1966) dissimule. On remarque une progression à travers les œuvres et le temps : Hermans part de l’obscurité totale en 1957 dans « De blinde fotograaf » pour arriver, neuf ans plus tard, à la « chambre claire » bien trop claire dans Nooit meer slapen. De donkere kamer van Damokles serait alors une sorte de récit intermédiaire qui représente à la fois l’obscurité éclairante et la lumière occultante. Si les connaissances se révèlent plutôt dans l’obscurité qu’à la lumière, il faudrait repenser l’acte de voir, qui est davantage mis en question à travers les personnages malvoyants. Bien que Guibal et Nummedal soient atteints de déficiences visuelles, ils « voient » néanmoins, puisqu’ils connaissent des informations qui échappent aux narrateurs Appie et Alfred. Pour Hermans, l’acte de voir semble passer au-delà de la simple perception visuelle : il englobe aussi la connaissance et la perspicacité. Le motif de l’obscurité promeut alors le questionnement ontologique qui sous-tend l’intégralité de l’œuvre de l’auteur et démontre bien sa conviction que l’homme est incapable de véritablement connaître la réalité, car les moyens dont il dispose pour y accéder sont insuffisants.

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Anmerkungen

1 Un appareil photo « box » ou « box camera » est un appareil photo simple en forme de boîte. Ce type d’appareil a été popularisé par Kodak à la fin du xixe siècle.

2 L’œuvre photographique de Hermans a également fait l’objet de deux expositions récentes : « Vrij belangrijke foto’s » [Des photos très importantes] au Fotomuseum à La Haye (août 2022-janvier 2023) ; et « Willem Frederik Hermans : Expeditie Nooit meer slapen » en ligne, accessible sur le site du Literatuurmuseum.

3 « […] l’obscurité est une forme de lumière, elle montre des choses » (notre traduction).

4 On retrouve également le motif de la photographie dans De God Denkbaar Denkbaar de God (1956), quoique dans un rôle très secondaire, et aussi dans le roman court Geyerstein’s dynamiek (1982). En revanche, le motif de la photographie dans ces œuvres n’étant pas en lien avec les enjeux de lumière et obscurité, nous avons choisi de les écarter de la présente étude. Cf. Hermans 2008a, 2017.

5 Pour davantage de littérature théorique sur les interactions entre texte/littérature et photographie, voir : Louvel 2002 ; Montier 2008 ; Rippl 2015.

6 Toutes les citations du texte original seront issues de cette édition. Les traductions françaises seront les nôtres. « Ce photographe aveugle vivait dans la maison la plus étroite de la ville, située entre deux immenses et hauts manoirs. J’ai tout de suite vu que c’était la maison la plus étroite, encore plus étroite que celle où vont tous les guides avec les Américains. En soi, donc, une découverte. J’ai pris note et j’ai regardé de près la maison avant de sonner. En fait, il ne s’agissait que d’une vitrine avec une porte de magasin à côté. C’était toute la façade, il n’y avait pas d’étage construit dessus, je n’ai même pas vu de corniche. »

7 « [d]es voilages d’un blanc aveuglant les rendaient presque invisibles. »

8 « Les rideaux étaient attachés du bas vers les deux côtés, de sorte qu’au milieu, un morceau de verre restait ouvert en forme de pique du jeu de cartes. »

9 « [l]a lumière noire est plus que suffisante pour celui qui rendent visite à un photographe aveugle. »

10 « Pourquoi voulez-vous voir [notre fils] ? Après tout, il est aveugle. »

11 « Comment voulez-vous que j’écrive sur votre fils si je ne le vois pas ? »

12 Toutes les citations du texte original seront issues de Hermans 2010a. Les traductions françaises seront issues de Hermans 2006b : « […] nulle part au monde, on ne met autant de choses en pleine lumière que dans une chambre noire ! » (p. 119).

13 Tout au long de sa vie, Hermans mettait au premier plan de son œuvre un questionnement ontologique sur la nature de la réalité. Un grand admirateur du philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein, Hermans s’intéressait à la capacité du langage, ainsi que la photographie, de rapprocher l’homme de la réalité.

14 Toutes les citations du texte original seront issues de Hermans 2010b. Les traductions françaises seront issues de Hermans 2009 : « Des rideaux noirs masquent les fenêtres, mais cela n’empêche pas de savoir que dehors, il ne fait pas nuit. » (p. 49).

15 « C’est à peine si la lumière révèle que le soir tombe sur Tromsø. Ici, à cette époque de l’année, la nuit ne tombe plus. C’est le royaume où le soleil ne se couche jamais » (Hermans 2009 : 83).

16 « Je suis assailli par l’absurde souhait de voir l’obscurité totale se faire » (Hermans 2009 : 122).

17 « [s]on journal a un camion rempli de lanternes, ça va de soi. Sinon, comment la presse pourrait-elle remplir correctement son rôle d’information ? »

18 « Le journaliste formule ce que pensent les masses, l’écrivain conteste ce que pensent les masses et met en lumière ce que les masses n’osent pas penser » (notre traduction).

19 « Bien entendu, comme tout journaliste, je suis d’accord avec le public […]. »

20 « La photographie coûte très cher, c’est un sport pour les gens riches. Mais nous nous en fichions, vous comprenez, nous ferions tout pour son bonheur. Nous avons dit : un vrai photographe s’assoit dans une chambre noire ! Nous lui avons donc donné la partie arrière de la maison, où il fait noir comme dans un four. »

21 « Enfin, une photo de Dorbeck, debout dans la rue, devant une maison, les bras passés autour des hanches de deux jeunes filles. L’image était tellement nette qu’il put lire le numéro de la maison : 32. Bien entendu, il pensa au 32 de la Kleine Houtstraat. Pour mieux voir, il plaça la pellicule près de la lampe. KLEINE HOUT, c’est ce qu’il vit sur le bord, non sans peine, car les lettres apparaissaient inversées comme dans un miroir. Quoi qu’il en soit, il s’agissait bien de cette maison à l’angle de la rue, aucun doute là-dessus » (Hermans 2006b : 54).

22 « Il découvrit que le bout de pellicule était devenu tout noir » (Hermans 2006b : 54).

23 « Je ne suis pas l’homme de la photo. On me confond avec un autre. Croyez-moi, cette photo, je l’ai vue dans un cinéma, et c’est à cause de ça que je me suis fait prendre. Mais ce n’est pas ma tête à moi ; le type de la photo me ressemble, mais c’est pas [sic] moi. Personne n’a jamais fait une photo de moi pareille à celle-là » (Hermans 2006b : 235).

24 « C’est bien trop sombre ici […] » (Hermans 2006b : 319).

25 « J’aurais dû me mettre à genoux devant Nummedal, dès que je suis entré dans son bureau. Humble, mais éloquent ! Aidez-moi, aurais-je dû m’écrier, rassasiez-moi de vos connaissances ! » (Hermans 2009 : 37).

26 « En travers des feuilles, une loupe de la taille d’une poêle à frire » (Hermans 2009 : 17).

27 Pour une analyse approfondie de l’impossibilité de déterminer si Dorbeck existe, cf. Smulders 1983.

28 « Le portier est un handicapé. » Il s’agit ici de notre propre traduction. La traduction de « portier » en « portier » paraît plus adaptée que la traduction de Daniel Cunin (« gardien »).

29 De donkere kamer van Damokles sera écartée de cette discussion car la malvoyance ne fait pas partie du roman.

30 On retrouve d’ailleurs d’autres personnages atteints d’un handicap dans les œuvres de Hermans. Par exemple, on peut citer le majordome sourd dans le roman court Geyerstein’s dynamiek (1982) et le Hitler mutilé dans la nouvelle « Glas » (1953).

31 Dans le langage courant, le terme français « aveugle » est très souvent employé au sens métaphorique, de même pour le terme néerlandais « blind », pour lequel la première signification donnée par le dictionnaire Van Dale évoque nettement le sens figuré du mot : « niet in staat tot zien: blind voor iets zijn iets niet willen zien; een blind vertrouwen hebben in iem. » [« ne pas être capable de voir : être aveugle pour quelque chose ne pas vouloir voir ; avoir une confiance aveugle en quelqu’un »]. Van Dale, Gratis woordenboek, s.v. « blind », consulté le 2 mai 2024, <https://www.vandale.nl/gratis-woordenboek/nederlands/betekenis/blind>.

32 « Docteur honoris causa en Irlande, dans le Kentucky, en Nouvelle-Zélande, au Liberia, dans le Liechtenstein, à Tilburg » (Hermans 2009 : 35).

33 La traduction du passage entier est la suivante : « Un professeur lui avait fabriqué une paire de lunettes spéciales en verre clair, mais les verres ont été coupés de telle manière qu’aucune lumière ne pouvait passer à travers. Donc vraiment des lunettes pour un aveugle. »

34 « […] personne n’a remarqué que j’étais en fait la seule qui voyait. »

35 « Écouter ce qui est raconté peut donc être un ersatz pour observer ce qui se passe » (notre traduction).

36 « L’effet serait le même. S’il fallait prendre une photo, je pouvais le faire, tout aussi bien que j’avais regardé pour lui dans les jumelles. »

37 « Je tiens l’appareil photo devant mon ventre et je trouve l’obturateur au toucher. Avec les jumelles, c’était un peu différent, tu pouvais me dire directement ce que tu voyais à travers. Mais si tu photographies, ça revient au même que si je le faisais moi-même, car tu ne peux pas plus me dire ce qu’il y a sur la photo que je ne peux le voir moi-même. Tu dois attendre, comme tout le monde, que la photo soit développée et imprimée et, qui sait, il sera peut-être trop tard, tu auras probablement oublié ce qu’elle représente, tu es tellement stupide. »

38 « Ce n’est pas que je ne peux pas voir, c’est que je ne peux pas regarder. »

39 « Dans la rue, j’ai l’impression d’être un petit-fils aimant, qui va faire une promenade avec son grand-père à moitié aveugle pour profiter du beau soleil qui brille. À ceci près que c’est lui qui me guide vers le restaurant » (Hermans 2009 : 26).

40 « Ici, dehors, où le soleil est vif, je crois par ailleurs que [Nummedal] y voit mieux » (Hermans 2009 : 38).

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gedruckte Quellen

Sasha Richman, « De la « chambre noire » à la « chambre claire » », Deshima, 18 | 2024, 249-270.

Elektronische Referenz

Sasha Richman, « De la « chambre noire » à la « chambre claire » », Deshima [Online], 18 | 2024, online gestellt am 04 décembre 2025, aufgerufen am 05 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/deshima/index.php?id=221

Autor

Sasha Richman

Université de Strasbourg (UR 1337, Configurations littéraires) et université de Groningue (Pays-Bas).

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