La constellation narrative du Nordic Noir

  • The Nordic Noir Narrative Constellation

p. 141-164

Zusammenfassungen

À la suite du succès international du Nordic Noir, de ses réécritures et ses adaptations, la plateforme Netflix a commencé la production et la diffusion de trois séries toutes recommandées pour un public d’une quinzaine d’années : les séries danoises The Rain (2018-2020) et Equinox (2020) ainsi que la série dano-norvégienne Ragnarok (2020). Dans cet article, nous considérons ces trois productions à partir du concept de « constellation narrative » pour comprendre les apports de la transmédialité au niveau de la création du monde diégétique, de la multiplication des supports et de la participation du public.

Following the international success of Nordic Noir, its rewrites and adaptations, Netflix has begun the production and broadcast of three series intended for an adolescent audience (15-year old) : the Danish series The Rain (2018-2020) and Equinox (2020) as well as the Danish-Norwegian series Ragnarok (2020). In this article, I consider these three productions through concept of “narrative constellation” to understand the contributions of transmediality in terms of diegetic world creation, multiplication of media, and audience participation.

Gliederung

Text

Ces dernières années, les études sur le Nordic Noir1 ont suscité l’intérêt de la critique internationale sur les différents aspects définitoires de ce genre narratif dont le nom indique d’emblée une double insistance sur le contexte géographique et culturel nordique ainsi que sur l’atmosphère « noire2 » qui imprègne le récit (Agger 2016). Né au sein de la tradition littéraire scandinave contemporaine dans laquelle le polar social de Maj Sjöwall et Per Wahlöö, de Hennik Mankel et de Stieg Larson connaît un succès international, le Nordic Noir en tant que genre3 émerge d’abord en Scandinavie comme forme de fiction policière télévisée et sérielle avec des productions telles que la série danoise Forbrydelsen (2007) (Jensen, Jacobsen 2017). En revanche, son étude critique commence dans le monde anglo-saxon en 2010, où le terme « Nordic Noir » a été conçu par le Département d’études scandinaves de l’University College of London et diffusé par les journalistes de la BBC (Ibid. : 138). Le Nordic Noir, tout en conservant l’atmosphère « noire » reconnue comme l’un des éléments représentatifs du genre (Hansen 2020b), s’est ensuite développé de manière plus indépendante dans d’autres contextes géographiques, par le biais de réécritures de produits scandinaves ajusté à leur pays de diffusion et d’adaptations moins attachées aux intrigues des séries de départ (Creeber 2013, Gregoriou 2017). Cela s’explique par le fait que le Nordic Noir est devenu une marque mondiale qui attire un public international (Nørgaard 2021) tout en continuant à offrir un style narratif spécifique de récit policier régional, sombre, lent et captivant4 (Hansen, Waade 2017b).

Dans la définition du Nordic Noir, les aspects formels (l’atmosphère, le paysage, la culture, le système politique et, même, le climat et la lumière) ont une valeur narrative similaire au contenu (le crime et la découverte de l’identité du criminel), au point que la série politique Borgen (2010-2022) a été insérée par plusieurs études et distributions dans la liste des séries Nordic Noir, même si son intrigue n’a pas de contenu criminel (Hansen, Waade 2017b). En résumé, une localisation scandinave et une esthétique particulière seraient suffisantes pour que le public considère telle production culturelle comme un Nordic Noir. Pour cette raison, la définition de Nordic Noir est également employée pour intégrer tant des policiers procéduraux que des fictions qui partagent certaines caractéristiques avec ce genre, mais dont d’autres motifs peuvent également être attribués aux fictions d’horreur, néo-médiévales, gothic et à la science-fiction, (Badley et al. 2020 : 6).

Puisque le crime ne semble plus être strictement nécessaire à la construction narrative et que le transfert culturel a contribué au déplacement spatial du genre du Nordic Noir scandinave, les deux éléments constitutifs de la définition de Nordic Noir que nous venons d’indiquer (l’esthétique et le crime) sont de moins en moins pertinents dans ces fictions. Ce phénomène comporte une évolution rapide des adaptations et des appropriations (Badley et al. 2020, Stougaard-Nielsen 2020). À la lumière de ces nombreuses transformations subies par le Nordic Noir, on pourrait se demander s’il est encore possible d’établir des critères solides pour définir les fictions associées à ce genre. De même, on pourrait s’interroger sur l’hybridation qui subsiste lors de l’appropriation et de la prolifération des adaptations : quelles sont les caractéristiques de ces productions culturelles ? En quoi sont-elles encore catégorisables comme Nordic Noir ? Quel est le rôle du public dans la dénomination de ces séries comme Nordic Noir ?

Ces phénomènes d’adaptation et d’appropriation s’observent également dans trois séries scandinaves qui sont conseillées à un public adolescent de quinze et seize ans5, produites et distribuées par Netflix : les productions danoises The Rain (2018-2020) et Equinox (2020) ainsi que la série dano-norvégienne Ragnarok (2020). D’un point de vue formel, ces séries pourraient être affiliées au Nordic Noir tout en contenant des éléments de science-fiction (comme le voyage dans le temps et la fin de l’anthropocène). Comme ces productions sont conçues pour un public international, le rôle joué par Netflix dans leur élaboration est important – eu égard à leur homogénéisation esthétique, leur glocalisation6 et leur réception – au même titre que le discours élaboré par les publics.

Dans cet article, nous proposons l’étude de ces séries télévisées, les trois étant reconnues comme des Nordic Noir par les fans, les critiques et la plateforme de distribution. Le but de cette contribution est de démontrer l’importance de la « constellation narrative » transmédiale, au sens de Sarah Sepulchre (2013), dans la construction de la réception de ces productions comme Nordic Noir. Le concept de « constellation narrative » s’insère dans les études sur la transmédialité et sur l’immersion des publics dans les récits. Il insiste sur la relation qu’entretient l’ensemble des éléments narratifs d’une série dans différents médias qui participent à la création d’une même histoire (Sepulchre 2013 : 2) et il est utile pour saisir la posture du public ainsi que la contribution de ces récits aux transformations du Nordic Noir. Pour ce faire, nous analyserons ces séries à partir de trois aspects des récits transmédia mis en avant par Henry Jenkins (2008) et remployés par Sarah Sepulchre (2013), à savoir la création du monde diégétique, la multiplication des supports et la participation du public.

La création du monde diégétique : ceci est un Nordic Noir

Pour comprendre le monde diégétique du Nordic Noir, nous pouvons commencer par le considérer d’un point de vue narratologique et indiquer ses topoï : le crime, l’enquêteur, le criminel, la pulsion criminelle, les indices, le mobile du crime et le mal. En termes narratifs, ces intrigues sont souvent construites sur une double narration – une juxtaposition de l’enquête menée autour du crime à d’autres histoires secondaires qui appuient le propos de la critique sociale (Redval 2013 ; Eichner, Mikos 2016). Ces récits comportent des éléments d’une violence extrême, car ils insistent sur des détails truculents comme la description de la violence d’un homicide, de la souffrance d’une victime et de ses proches. Il est également question d’une esthétique qui participe à la construction d’une atmosphère inquiétante basée sur une temporalité narrative particulièrement lente (les épisodes s’étalent en moyenne sur 45 minutes) et sur une palette de couleurs et de filtres qui sont des nuances de bleu, vert et gris (Waade 2017 ; Hansen, Waade 2017b).

Ces aspects intrinsèques à la narration du Nordic Noir structurent les séries analysées, à partir de la disparition d’une ou de plusieurs victimes et de l’enquête comme ligne narrative principale, tant qu’il s’agit d’un meurtre perpétré avec violence (Ragnarok), d’une tentative d’homicide (The Rain) ou d’un enlèvement qui se termine mal (Equinox). Dans les trois séries prises en analyse, le contenu criminel est ainsi toujours présent même s’il existe quelques variations.

D’abord, chacune de ces productions prévoit la présence à la fois d’une sorte de détective principal incarné par des personnages de la fiction (Magne, Astrid, Simone) qui se substituent à la police locale, de meurtres qui se sont produits dans des circonstances mystérieuses et d’indices qui sont progressivement montrés au spectateur. Ensuite, la résolution de l’enquête se prolonge sur l’ensemble de la narration à travers la découverte des indices, leur collecte et leur interprétation. Enfin, la recherche d’indices guide les pérégrinations des survivants qui deviennent des détectives investis dans une quête désespérée visant à comprendre les limites de l’enquête policière. Astrid, le personnage principal d’Equinox, enquête seule sur la disparition de sa sœur Ida et de ses camarades qui a eu lieu vingt ans plus tôt pendant la fête du baccalauréat. De cette manière, le récit montre qu’en deux décennies ni la police ni les parents ne se sont suffisamment préoccupés de la disparition d’un groupe d’adolescents. Ragnarok met en scène une double enquête : la première vise à comprendre pourquoi l’eau de la ville est polluée au point que les habitants meurent de maladies incurables ; la seconde s’attache à comprendre les circonstances mystérieuses de l’accident mortel d’Isolde, affaire rapidement classée par la police et les parents comme une mort accidentelle. Enfin, The Rain pourrait aussi être lu dans une perspective Nordic Noir. En effet, Simone et son frère Rasmus mènent plusieurs enquêtes visant à mettre en lumière les circonstances mystérieuses de la disparition de leur père, saisir les causes de la tuerie dont leur propre mère a été victime, comprendre les actions criminelles du régime qui s’est instauré depuis la pluie catastrophique (une action qui se développe encore une fois en contraste avec celle menée par les forces de l’ordre).

Le crime est souvent perpétré au détriment des héros et héroïnes (même s’ils ne sont pas les seules victimes de la déviance criminelle) ; ceci est suggéré par une histoire racontée à travers la focalisation de ces personnages qui assistent à la disparition d’une fille en raison d’un règlement de comptes (Equinox), à l’assassinat d’une jeune qui en sait trop sur les actions des criminelles menées dans son village (Ragnarok) et à l’exploitation d’un enfant de cinq ans qui sert de cobaye de laboratoire (The Rain). Le criminel est toujours un adulte menant une double vie – qu’il s’agisse du père de famille le plus respecté de son village (Ragnarok), du professeur le plus aimé par les élèves (Equinox), du chef puissant de telle entreprise ou d’un père de famille qui ne veut que sauver la vie de son fils (The Rain). À la différence d’autres séries thématiquement similaires, comme Störst av allt7 (2019), où l’adolescent a le rôle de meurtrier, dans ces trois séries, la pulsion homicide n’est jamais liée à un acte déraisonnable, mais elle est le fruit d’un acte criminel volontaire et planifié, cela parce que le mobile de l’assassin résulte notamment de dynamiques géopolitiques (The Rain), économiques (Ragnarok) ou de pouvoir (Equinox). Comme dans les policiers de Mankell, la représentation du mal est parfois ambiguë : les épisodes de The Rain s’ouvrent ainsi sur des flashbacks de la vie des protagonistes avant la pluie et montrent bien comment plusieurs de ces personnages sont eux-mêmes responsables d’une action criminelle comme le meurtre.

Cependant, ces trois séries manquent de références claires à d’autres topoï du Nordic Noir car le meurtre8 n’est pas au centre d’une enquête méticuleuse qui définit la narration (The Rain), le mobile du crime n’est pas toujours convaincant (Equinox), l’enquête policière n’est pas au centre de la fiction (Ragnarok et The Rain) et le rythme narratif n’est pas lent comme celui d’autres Nordic Noir plus anciens comme Bron-Broen (2011-2018) ou de Nordic Noir produits par Netflix à la même période, comme Kastanjemanden (2021).

Une caractéristique majeure (mais non essentielle) du Nordic Noir est qu’il s’inscrit dans le domaine de la fiction criminelle réaliste (Creeber 2015 : 24), un élément que les séries Ragnarok, The Rain et Equinox ne partagent pas. Dans ces fictions, le réalisme est remplacé par l’introduction de motifs fantastiques qui ont pour fonction d’alimenter l’enquête à travers non pas l’énigme, mais le mystère de la disparition ou de la mort des personnages. Les références païennes et chrétiennes deviennent le fil rouge de ces fictions afin d’expliquer la survenue des meurtres. Comme son titre l’indique, Ragnarok réactive le mythe norrois de la lutte entre géants et dieux qui mettra fin à l’univers et les personnages qui incarnent Thor, Loki et des géants sont facilement identifiables comme les meurtriers qui sacrifient les victimes adolescentes se mettant sur leur chemin. L’intrigue d’Equinox s’articule autour d’une secte qui adore la déesse de la fertilité Ostara en lui immolant des adolescents non encore parvenus à la maturité, dans le but de garantir l’enchaînement des saisons de l’année. Dans The Rain, les éléments mystiques sont tout aussi importants. Dans cette série post-apocalyptique, on retrouve la présence d’une secte qui se purifie à travers un rituel de l’eau, similaire au baptême, avant de pratiquer mensuellement une dernière soupe – à la suite d’un sacrifice humain9. En outre, non seulement l’entreprise-laboratoire qui a produit le virus tire son nom du dieu grec Apollon, traditionnellement associé à la purification ainsi qu’aux épidémies, mais aussi la pluie mortelle est explicitement associée, par l’intermédiaire du personnage de Léa, à une vengeance divine actée contre certains amis l’ayant ridiculisée sur les réseaux sociaux. De même, la figure du patient zéro est montrée comme le seul personnage capable de sauver les survivants, en réactivant la figure chrétienne du Christ – au point que, dans les saisons suivantes, il arrivera même à ressusciter les morts et à donner sa vie pour sauver le monde.

La resémantisation de certains éléments narratifs typiques du Nordic Noir oblige à postuler la réelle affiliation de ces séries au genre, ou plutôt, à reconsidérer si les motifs qui font de ces séries des Nordic Noir relèvent uniquement de questions d’atmosphère et d’esthétique. En effet, selon Kim Toft Hansen :

The first Danish original serial produced directly for Netflix, The Rain (2018-), engages in a post-apocalyptic drama that generically shares only few traits from the crime genre narrative, but stylistically it borrows the autumnal grey atmosphere, the deep Scandinavian forests and especially the heavy rain as a plot device (rather than an ambient background) directly from Nordic Noir (Hansen 2020b : 285).

L’accent est mis à la fois sur la forme et sur le fond, pour souligner que l’une ou l’autre suffit à faire du récit un Nordic Noir. Le contenu criminel n’est que partiellement présent dans le récit de la série, au point que Hansen indique que The Rain « is, at its root, a youth drama rather than the typical police investigation in Nordic Noir. Yet, the dark aesthetics of the drama, the fact that the plot obviously revolves around rain, and the use of Scandinavian forests as locations, are all traits that are recognisable as Nordic Noir » (Hansen 2020b : 132-133). Ces séries s’inscrivent ainsi dans le genre du Nordic Noir par la reprise de certains éléments typiques de son paysage et de sa forme, tels que l’esthétique sombre, la pluie, les forêts scandinaves comme lieux de tournage. Cependant, la valeur sémantique de ces motifs est différente dans les trois séries par rapport à d’autres Nordic Noir. La pluie, présente notamment dès le premier épisode de Forbrydelsen avec une valeur purement décorative, a une importance narrative majeure et plus complexe dans The Rain, où elle passe du statut de meurtrier métaphorique à celui d’arme du crime lorsqu’elle devient l’instrument avec lequel le meurtrier tue ses victimes. La forêt, en revanche, est un chronotope investi de la valeur symbolique d’un lieu de salut (c’est dans la forêt que se trouvent les bunkers qui pourraient garantir la survie des personnages et les fleurs capables de détruire l’agent pathogène contenu dans la pluie). C’est pourtant dans la même forêt que périt la mère des deux protagonistes lors de la première scène dramatique de la série, une mort qui sonne comme un avertissement du danger qui guette les personnages à l’extérieur du bunker. Là encore, il suffit de penser à la comparaison avec Forbrydelsen, où les scènes les plus importantes pour le drame criminel se déroulent dans ce contexte : la forêt est tout à la fois le lieu du meurtre (le premier, celui de Nanna Birk Larsen, et le second, celui perpétré par le père de la victime contre le meurtrier), le lieu de la découverte du cadavre et de la confession de l’assassin. L’analyse que Kim Toft Hansen propose pour The Rain pourrait être étendue à Ragnarok et à Equinox, non seulement parce que le cadre de tous ces récits est la Scandinavie (Danemark, Norvège et partiellement Suède), mais aussi parce que ces trois fictions exploitent toutes les codes du Nordic Noir du point de vue de leur représentation à l’écran. Les principales scènes d’Equinox et de Ragnarok se déroulent également dans des paysages nordiques et la forêt ou le fjord sont le cadre où se déroule le sacrifice des victimes Isolde et Ida.

Outre ce discours académique10, ce qui contribue à l’association de ces récits avec le Nordic Noir est le discours des admirateurs et consommateurs. Il s’agit de considérations souvent fondées sur l’expérience du public et qu’on pourrait caractériser de production « non autorisée », pour reprendre l’expression de Richard Saint-Gelais. Ce dernier les définit comme des récits produits par les fans, récits qui « ne bénéficient d’aucune légitimité », car ils « échappent au contrôle des auteurs11 ». Malgré ce statut de « non autorisé », ces considérations peuvent être envisagées comme « des modalités de participer à la convergence » des récits d’une même narration (Saint-Gelais 2011 : 434) et elles contribuent à donner la perception de ces séries comme des Nordic Noir.

En recherchant les noms de The Rain, Equinox et Ragnarok sur des blogs et des forums internet, il n’est pas rare de trouver ces trois séries associées à ce genre. Non seulement elles figurent souvent sur la liste des meilleurs et des plus populaires Nordic Noir disponibles en ligne (Hirons 2020, Dray 2021, Collins S. 2022, Collins T. 2022), mais les auteurs des articles tentent aussi d’expliquer en quoi réside cette intégration au Nordic Noir. C’est ainsi qu’on lit que The Rain est une série qui utilise « the traditional look of the Nordic-noir genre » (Natrass 2018) ou que Equinox est un Nordic Noir « idéal » (Dray s.d.). D’autres utilisateurs produisent des analyses encore plus élaborées, comme dans le cas de l’article « Netflix’s The Rain Review: A YA Twist On A Classic Scandinavian Noir » où Romero indique que The Rain est un « tragic coming-of-age saga » avec « a healthy dose of young adult angst ». Selon Romero :

the mystery behind the virus is what makes the Netflix original feel at home in the category of Nordic noir. Instead of the single, brutal, blood-splattered murder at the heart of many of those shows, the mystery is what caused the gruesome mass extinction of Denmark, and likely beyond, which we’re shown in detail. Bodies rot to the bone in hospitals, gore-drenched wild animals prowl the streets, and everything is shot in that ice-blue light we’ve all come to expect from Scandinavian pop culture like The Girl With The Dragan Tattoo, The Killing, and Borgen, which was written by Rain co-creator Jannik Tai Mosholt (Romero 2018).

Dans cette analyse, non seulement tous les éléments principaux du drame sont nommés et leur correspondance aux motifs du Nordic Noir est explicitée, mais la filiation de nature esthétique avec les autres productions scandinaves est prise en compte. Ces discours représentent une partie du récit secondaire qui constitue les constellations narratives de la série puisqu’ils sont des contenus élaborés par les publics (au pluriel puisque, comme nous l’avons vu, les consommateurs qui produisent ces discours sont très divers – par exemple, des universitaires, des fans, des blogueurs) pour prolonger l’expérience de la narration principale. Nous considérons ainsi ces métadiscours sur ces séries comme une contribution à l’histoire principale (à son interprétation et à sa réception), parce que « les prolongements sur internet sont perçus comme des éléments d’un même monde » par les fans (Sepulchre 2013 : 45). Il faut également considérer que ces récits fonctionnent sur un principe immersif, puisque c’est le spectateur qui décide de s’exposer davantage au monde diégétique en prolongeant son expérience au-delà de l’histoire racontée dans la série, en recherchant d’autres informations et contenus dans d’autres médias.

La multiplication des supports du récit principal : le péritexte transmédiatique

Nous avons vu comment les discours de la critique et du public sur ces trois séries contribuent à la construction de leur réception comme des Nordic Noir à travers leurs aspects formels. Ces discours participent à la constellation narrative au niveau de la réception des productions culturelles. Nous devons cependant encore considérer un autre aspect concernant ce que Richard Saint-Gelais appelle le récit produit par le « domaine officiel » (Saint-Gelais 2011 : 391). Il s’agit de l’ensemble des récits secondaires produits par la franchise de référence (dans notre cas, Netflix) qui ont une autorité et une visibilité majeure dans la création d’une histoire parallèle à celle racontée dans la série.

D’un point de vue formel, la relation qu’entretiennent les trois séries avec le Nordic Noir est forte, car celles-ci sont élaborées et réalisées par les mêmes sociétés et par les mêmes réalisateurs que Forbrydelsen (2007-2012) et Broen-Bron (2011-2018), à savoir Apple Tree Production et Sam Production. Ces éléments évidents pour un public qui connait déjà le Nordic Noir (même s’ils ne sont pas forcément pris en compte de manière consciente par ce même public) s’accompagnent d’une volonté de labélisation opérée par la plateforme Netflix : au cours des dernières décennies, le Nordic Noir est devenu une marque distinctive de la production culturelle nordique (Stougaard-Nielsen 2021) et il crée un horizon d’attentes chez le public. Pour cela, Netflix contribue ainsi à la création de ce qu’on appellera un « péritexte transmédiatique » – au sens de Gérard Genette (1982) et de Henry Jenkins (2008). Ce péritexte transmédiatique vise à garantir à ces séries la même visibilité que celle des fictions criminelles scandinaves (ou Scandinavian crime fiction en anglais, un terme qui identifie à la fois le polar scandinave et le Nordic Noir) et à déterminer le même horizon d’attentes pour le spectateur, en dépit d’une resémantisation des codes du Nordic Noir.

Cette opération se structure sur trois éléments :

  1. les « altgenres » – ou les étiquettes de recherche que Netflix emploie pour rassembler des productions culturelles similaires,
  2. le phénomène des productions « Netflix original » (labellisées par la plateforme) qui contribue à la glocalisation et à l’homogénéisation esthétique des séries et
  3. la création de comptes Instagram qui favorise la construction d’un récit parallèle à celui des séries.

D’abord, sur Netflix, le descriptif de ces séries est accompagné de l’altgenre « Nordic Noir ». Comme Kim Toft Hansen le montre, la recherche de « Nordic Noir » sur la plateforme propos un certain nombre de séries et de films tels que Bron/Broen (2013-2018) et Ófærð (2015-) ainsi qu’un nombre considérable de titres non-nordiques qui ne sont même pas explicitement crédités comme étant inspirés par des Nordic Noir (Hansen 2020b : 131). En plus du simple « Nordic Noir », Netflix propose un certain nombre d’altgenres plus spécifiques tels que « Nordic noir about revenge », « emotional Nordic noir » et « Dark Nordic noir » qui contribuent à associer un large nombre de productions culturelles au genre. D’après Hansen, ce phénomène dû aux algorithmes de recherche des utilisateurs12 est significatif de l’existence d’un certain nombre de caractéristiques stylistiques et de métadonnées qui rassemblent des fictions avec un contenu similaire. Cela signifie que les combinaisons des altgenres proposées par Netflix réunissent des productions qui sont esthétiquement proches du Nordic Noir et des productions dont l’intrigue est située hors de la région nordique et dont le crime n’est pas au centre de la narration.

Ensuite, la production et la distribution Netflix convergent également vers une homogénéisation esthétique des séries à laquelle s’ajoute un principe de glocalisation, ceci est le « result of networked activities and funding solutions involving collaboration among production companies, screen agencies, broadcasters, and other co-funding bodies from a local to a global level. » (Hansen 2021 : 86). Comme Hansen et Christensen l’ont montré, les fictions télévisées scandinaves sont devenues de plus en plus locales, voire périphériques, même si leur public est devenu plus international (Hansen, Christensen 2017). La glocalisation tend donc à promouvoir des contextes et des représentations culturelles très spécifiques, tandis que l’homogénéisation esthétique favorise leur diffusion et reproduction. Ces éléments participent de différents aspects de la production des séries Netflix en relation à ce qu’on appelle le « Netflix original », à savoir une indication que la plateforme apporte à différents genres de productions (qui sont des acquisitions exclusives de contenus originaux, des acquisitions de droits de production, des coproductions de contenus avec des acteurs locaux et de véritables productions originales réalisées sur commande) (Hansen 2020b : 133). Le rôle de Netflix dans la promotion de la filiation de certaines séries au Nordic Noir devient explicite à travers ce phénomène du « Netflix original », car cela a permis à la plateforme d’exploiter le brand Nordic Noir et de l’adapter aux exigences des publics concernés (Ibid.). L’exploitation de la marque, permet aussi de construire un autre discours à travers des contenus publiés sur la plateforme qui prolongent la réception du récit principal de la série. Sur la page about.netflix.fr, l’article « Le podcast danois Equinox 1985 devient une série originale Netflix » indique que « la nouvelle série danoise originale Netflix Equinox » est « créée par Tea Lindeburg et la productrice exécutive Piv Bernth (The Killing, Bron […]) ». En d’autres termes, la promotion d’Equinox associe directement cette série à la production des Nordic Noir.

Enfin, le troisième élément est le plus important dans l’effet produit par ce péritexte transmédiatique, car il concerne la création de comptes Instagram de séries qui à la fois poursuivent l’association visuelle-esthétique de séries au genre du Nordic Noir et permettent à telle fiction d’entrer dans l’expérience quotidienne des utilisateurs. En matière de narration transmédia, les pages Ragnaroknetflix, Therainnetflix et Equinoxnetflixtv prolongent l’expérience du spectateur en créant une narration dépendante, mais non nécessaire, au développement de l’histoire principale de la série. Le contenu de ces pages détient également une fonction diégétique, car il permet de structurer le récit comme un Nordic Noir. Cet élément favorise ainsi l’immersion du public dans la constellation narrative, car « chacun de ces textes devient […] une nouvelle façon d’explorer l’univers » diégétique (Sépulcre 2013 : 45).

Si, par rapport à l’esthétique du genre, le lien avec le contenu du Nordic Noir est moins présent dans le récit principal des trois séries, les comptes Instagram semblent transformer ce rapport. Le compte Equinoxnetflixtv s’ouvre sur le descriptif de la série qui oriente l’interprétation du spectateur en focalisant son attention sur des éléments précis de l’intrigue : « [h]antée par […] la disparition de sa sœur avec ses camarades 21 ans plutôt, Astrid mène l’enquête et découvre une bien sombre vérité » (Equinoxnetflixtv). Le discours qui accompagne les images de ces posts insiste également sur des éléments qui pourraient être tirés d’une enquête policière, puisqu’il reproduit les questions que la détective (et le public avec elle) doit se poser, comme « Were they killed? Buried? » (Ibid.).

Sur le compte Equinoxnetflixtv, d’ailleurs, la publication des posts organise le matériel narratif à travers les étapes d’une fiction criminelle : tout d’abord, la rupture de l’équilibre de narratif correspondant à la scène dans laquelle un appel téléphonique anonyme ramène l’attention sur un cold case ; ensuite, la décision d’un enquêteur solitaire de reprendre les pistes de recherche de la police ; enfin, la visualisation de l’enregistrement des interrogatoires de police des survivants qui sont supposés être des complices du crime. Or, cette temporalité suit celle du récit de la série, mais maintient l’attention du public sur le contenu de l’enquête sans entraver son interprétation avec d’autres éléments, comme c’est le cas dans la série. L’importance narrative de ces éléments devient plus claire si l’on pense qu’ils ont eu la fonction de teaser, ces posts ayant précédé la mise en ligne des épisodes. Enfin, l’intertextualité avec l’enquête d’une autre série Netflix à succès est proposée. Dans le post publié le 1er janvier 2021 (soit le lendemain de la mise en ligne des épisodes de la série), certaines scènes d’Equinox sont directement comparées aux scènes de Dark (2017-2020), un Nordic Noir géographiquement déterritorialisé. Cette comparaison explicite l’intertextualité de ces motifs qui comportent un rapprochement esthétique avec le Nordic Noir, à savoir le chronotope de la forêt où se développe l’enquête des protagonistes ainsi que le journal local qui relate la disparition des jeunes personnages.

Tous ces éléments montrent que le modèle de référence culturel et esthétique proposé par ce péritexte transmédiatique est le Nordic Noir. Comme les raisons de cette référence sont à la fois internes et externes à la narration de la série et qu’elles peuvent être considérées comme des parties d’un même discours interprétatif, nous appuyons notre étude sur la constellation narrative et la transmédialité afin de mieux expliquer ce phénomène culturel.

La participation du public : la constellation narrative et l’interprétation

Dans le cas du Nordic Noir, questionner la constellation narrative (et donc la transmédialité de laquelle elle dérive) devient pertinent pour plusieurs raisons. D’abord, certains de ces récits et leurs adaptations se sont construits à partir d’une narration transmédiale instaurant un dialogue entre les attentes du public et les nécessités des réalisateurs, comme dans le cas de The Killing, l’adaptation anglophone de Forbrydelsen (Stougaard-Nielsen 2020). Ensuite, depuis sa naissance dans les années 2000, le succès du genre est tel que sa formule est constamment adaptée et remédiatisée dans de nouveaux contextes et de nouvelles narrations en favorisant la prolifération des récits « secondaires13 » se greffant sur la narration principale de la série. Cela parce que « adaptation and appropriation have been integral to the invention, sustenance, and rebranding of national and Nordic literary and television traditions as Nordic Noir. What was largely domestic in focus also became a multimedia global hit », comme le rappellent Badley et al. (2020 : 4). Enfin, la réception des publics (étrangers) est particulièrement importante dans la naissance et la propagation du Nordic Noir, car leurs interprétations nourrissent le discours autour de la fiction en la réactivant dans de nouveaux contextes, à partir des premières considérations élaborées sur ce genre. Comme Stougaard-Nielsen (2016) l’a montré, notamment, le rôle du public de l’aire britannique a été fondamental dans la définition et la caractérisation du Nordic Noir à travers des productions telles que le documentaire Nordic Noir: The Story Of Scandinavian Crime Fiction (2010) réalisé par la BBC. Cette réflexion suggère à quel point la participation du discours du public (spécialisé ou non) est non seulement fondamentale pour l’existence du Nordic Noir, mais serait déterminante dans ses transformations. Le public et son horizon d’attentes jouent un rôle primordial dans la réception et la critique de tout récit ou genre, mais nous entendons souligner l’importance de la relation créée entre la fiction et le discours produit par le public dès les origines du Nordic Noir.

Cette insistance sur le public n’est pas anodine : elle vise plutôt à mettre en avant un aspect du Nordic Noir qui facilite son interprétation en tant que récit transmédia, au sens de Jenkins. Selon Jenkins, un récit transmédia se constitue d’« histoires qui se déploient à travers de multiples plateformes médiatiques, chaque support apportant des contributions spécifiques à notre compréhension du monde » (2008 : 293). Si ces histoires se déploient sur des plateformes différentes concomitamment à la diffusion des épisodes, le rôle du spectateur est central dans le travail de recherche et d’assemblage de ces récits ainsi que dans leur interprétation commune. Jenkins considère ainsi le désir de participation du public comme le moteur des récits transmédiatiques : en d’autres termes, la volonté de comprendre et d’approfondir l’histoire motiverait le spectateur à adopter une posture plus active face à la fiction.

Ce caractère immédiat et hypermédiatisé de la transmédalité qui permet de multiplier les plateformes d’élaboration sémantique du récit et d’immerger de manière plus complète le public dans l’histoire (Bolter, Grusin 2000) possède un avantage au niveau des récits qui se construisent sur la résolution d’une énigme. Relativement au Nordic Noir, cette posture du spectateur qui doit chercher, repérer et donner un sens aux différents récits pourrait être interprétée comme une mise en abyme de l’activité du détective. La « règle » selon laquelle le lecteur/spectateur est un double de l’enquêteur dans le processus d’inférence à la base de la résolution du crime n’est pas nouvelle (Van Dine 1928), mais se transforme-t-elle davantage à l’aide de la transmédialité ?

D’abord, le spectateur est incité à participer à la résolution de l’énigme par l’intermédiaire du contenu multimédia, qui peut contenir des indices pour l’interprétation du récit principal – comme dans le cas d’Equinox. Sur la page Instagram Equinoxnetflixtv, le post « Things you might have missed in Equinox » correspond à cette fonction. Publié le 19 janvier 2021 (rappelons que la série a été mise en ligne le 30 décembre 2020), ce post invite à reconsidérer plusieurs indices de l’histoire :

[1] Astrid’s daughter is called “Vera”, which means “Truth”. This is a not to Astrid’s pursuit of truth through the show. [2] Saint Lucy’s Day. Vera made a Lucylight in kindergarten. The story of Saint Lucia involves an arranged pagan marriage broken by a promise of celibacy, imprisonment, being blinded due to visions, and the ultimate sacrifice. [3] All these elements are massive clues revealing why Ida disappeared. Bad news on Friday the 13th… The day Astrid gets the call from Skipper during her podcast (which is a show about superstition). It’s Friday the 12th of December 2019. [4] Literal Easter Eggs. Hares, birds, and eggs are found throughout the show. All of these are fertility symbols connected to the underlying theme of childbearing and parenthood throughout the show. [5] Fatherhood. The talk show playing on TV whilst Astrid experiences an anxiety attack is about a paternity test. This foreshadows a big twist about Astrid’s own father later in the show. [6] Lies! Vera tells her mum she’s been plays “Sorteper”. This is a card game about getting rid of the one animal that matches no other through lying and bluffing your way through the game. Another big hint that Astrid can trust no one (Equinoxnetflixtv 2021).

Ce texte est accompagné par la capture d’écran de certaines scènes qui ont une valeur symbolique au sein du récit, comme les images de lapins et de plumes. Le compte Instagram révèle ainsi ces détails qui n’avaient probablement pas été repérés ou interprétés par le public et qui sont jugés, par les créateurs du compte, comme les plus difficiles à saisir. Ce faisant, le compte Instagram construit une piste interprétative basée sur des éléments visuels et textuels. D’ailleurs, le contenu verbal qui accompagne ces images s’articule autour de deux motifs narratifs précédemment évoqués : l’investigation représentée par l’insistance sur la recherche de la vérité (« “Vera”, which means “Truth” » ; « Another big hint that Astrid can trust no one ») et le mysticisme lié aux rituels païens et religieux (« The story of Saint Lucia involves an arranged pagan marriage broken by a promise of celibacy » ; « All of these are fertility symbols »). Il convient également de noter que le contenu de ce récit secondaire contient des informations importantes sur la compréhension de certains éléments culturels, qui sont précisément ceux qui risquent d’être perdus avec la tendance à la glocalisation. Le dernier indice indique que le personnage de Vera joue au « Sorteper », un jeu de cartes danois mentionné dans les épisodes. Toutefois, en tant qu’élément relevant du contexte danois, le public international de la plateforme Netflix n’est pas nécessairement en mesure de le comprendre. L’histoire produite sur la page Instagram vient donc en aide au public étranger en donnant une clé interprétative à un indice qui ne pourrait être saisi autrement.

Ensuite, il existe une autre utilisation de la transmédialité au niveau diégétique : elle est employée dans la narration pour montrer le mobile du crime. Elle se construit, entre autres, par la présence de technologies numériques dans la fiction. Si cette présence dans les séries télévisées contemporaines est récurrente et recouvre des enjeux très différents selon les cas, l’usage de certains contenus multimédias par les protagonistes de ces séries relève du projet transmédiatique de ces productions. La narration transmédia est exploitée pour garantir l’immersion du public et sa participation en l’invitant à repérer les autres récits de la constellation narrative. Cela se réalise au niveau diégétique, en impliquant une forte utilisation de la mise en abyme des différents écrans, ce qui permet de projeter une seconde narration, anticipant le fil narratif principal. Le premier épisode de Ragnarok est significatif de ce propos puisque le mobile du crime et la lenteur de sa résolution sont eux-mêmes provoqués par un principe de transmédialité. Le meurtre d’Isolde n’est pas seulement lié à son activité écologiste, il est avant tout causé par sa volonté de diffuser ses découvertes dangereuses sur une chaîne YouTube. Du fait de son comportement, ce personnage défie les normes du contexte narratif représenté et il est tué après avoir découvert les dépôts toxiques qui provoquent l’empoisonnement des eaux de la ville. Le défi réel incarné par son personnage consiste à tourner des vidéos et à les mettre en ligne. Dans le deuxième épisode, cet aspect est présenté au spectateur à travers une mise en abyme où le personnage de Magne regarde sur son ordinateur des vidéos d’Isolde qui interviewe son futur tueur en dévoilant leurs contrastes d’opinion. La même stratégie narrative est utilisée dans le premier épisode de la série, dans lequel Magne regarde une autre vidéo YouTube d’Isolde. La scène se déroule également sur l’écran d’ordinateur de Magne, toutefois, lors du visionnage de la vidéo, son titre et le nom de son créateur sont affichés à l’écran. Bien que la durée de cette scène ne couvre plus qu’une trentaine de secondes, elle contient des informations nécessaires à la construction de la constellation narrative. Il est en effet possible de repérer sur YouTube cette même vidéo : elle a été postée le 8 février 2020 sous le nom de « Fish are dying in Edda—check It out! » par un avatar portant le même nom que le personnage d’Isolde Eldsvoll. En suivant le modèle de fonctionnement des constellations narratives, le récit principal de la série est donc structuré à partir de récits secondaires diffusés dans d’autres médias qui interviennent dans le récit principal sans lequel ceux-ci n’existeraient pas. Outre la construction de la constellation, il est également intéressant de noter que la transmédialité rentre dans l’horizon d’attente du public de cette série. Au moment de la mise en ligne de l’épisode de Ragnarok, l’extrait de vidéo montré a été visionné 1 964 fois – 113 utilisateurs ont aimé son contenu tandis que 78 ne l’ont pas apprécié – et la chaîne YouTube de l’avatar « IsoldeEldsvoll » comptait 1 813 abonnés. À la suite de la mise en ligne de l’épisode, le public s’est mis à la recherche de ce contenu transmédia : actuellement, la chaîne YouTube « IsoldeEldsvoll » compte 615 000 abonnés, la vidéo a été visionnée 75 688 fois et elle est accompagnée de 1 592 commentaires de fans qui ont saisi la référence à ce contenu transmédia. Or, il est évident que ce contenu secondaire ne fera pas partie de l’expérience de tous les spectateurs de la série, mais ceci est une caractéristique de la narration transmédiatique : il revient au public de s’exposer de la manière qu’il le souhaite aux différents récits et médias sans que le récit de la narration principale (de la série donc) change de signification.

Enfin, la nature participative de la constellation narrative évite la frustration typique du public d’une fiction criminelle, à savoir l’impossibilité de communiquer ses intuitions à propos de la résolution du crime. Or, celle-ci est une caractéristique inhérente aux médias que Jenkins attribue à public passif, silencieux, isolé, typiquement engagé dans d’anciennes pratiques culturelles de consommation des productions (comme les romans). Ce genre de spectateurs se distingue des publics actifs, connectés et bruyants que les nouveaux récits sollicitent et pour lesquels les récits transmédias sont pensés (Jenkins 2008 : 13). Si, pour appréhender le récit, le public est invité à découvrir et à partager les éléments narratifs de l’histoire, on peut dire que la transmédialité contribue à la transformation de la posture du public, qui devient dès lors plus actif. Le spectateur passe ainsi du rôle de « voyeur » à celui de « divulgateur » : lorsqu’un fan décide d’écrire sur un blog ses impressions sur le déroulement d’une série criminelle, il le fait dans la volonté d’expliquer son interprétation à la communauté des passionnés. Grâce aux blogs et aux réseaux sociaux qui participent à l’élaboration de l’interprétation de la constellation narrative, cette frustration cesse. Dans le cas de The Rain, il n’est pas difficile de trouver sur le net des blogs et des fandom destinés à « essayer de répondre à différentes questions concernant The Rain », car « si un bon nombre d’entre elles sont claires (parfois dès le premier épisode sans que cela soit explicite) il réside une part de mystère autour de certains évènements » (Delmas 2018). Ces pages ont vocation à expliquer les aspects les moins évidents de l’intrigue, entre autres ceux ayant provoqué des doutes de la part du public :

Quel est le rôle de Rasmus ? Plus jeune, Rasmus a été gravement malade, risquant la mort. Son dernier espoir a été l’inoculation du virus dans sa première forme, la plus pure, pouvant le sauver (but apparent premier du virus). Il est donc devenu immunisé contre la pluie, et porte en lui l’antidote. C’est pour cela qu’il est tant recherché. Mais pour atteindre l’antidote, il faut le tuer car cela se trouve dans son cerveau et dans sa moelle épinière. On n’a pas compris pourquoi mais on [n’]est pas médecin. À moins qu’il ne s’agisse encore une fois de l’obligation d’un ressort scénaristique pour justifier que le père préfère voir la population mourir plutôt que son fils… (Delmas 2018)

Comme on le lit dans les commentaires des utilisateurs, ces pages portent en effet un éclairage sur des éléments qui reviennent constamment dans les discours des fans. Les commentaires des autres utilisateurs qui accompagnent cette page représentent d’ailleurs un espace d’échanges où le public peut demander au reste de la communauté comment interpréter l’enquête mise à l’écran et où il peut donner sa propre interprétation de certains faits.

Quant au Nordic Noir, cette participation du public ne comporte aucun risque de spoiler le récit principal. Dans le cas des séries que nous analysons dans cet article, notamment, le fait de dévoiler et de partager ces informations sur l’intrigue ne met pas en péril l’un des topos de la fiction criminelle, à savoir l’impossibilité de déterminer le responsable du crime, cela en raison de la nature de la distribution Netflix, qui nie l’effet feuilleton des séries en proposant instantanément tous les épisodes d’une saison. La plateforme de streaming limite les éventuelles anticipations que le discours du public pourrait provoquer (il n’y a pas d’anticipation si tous les épisodes sont déjà en ligne) et ce même discours devient une occasion de promotion de la série.

Conclusion

Les décennies 2000 et 2010 ont consacré au succès le genre d’origine scandinave qui s’est fait connaître sous le nom de « Nordic Noir ». Ce succès, qui a assuré l’audience accrue du public, a inspiré l’émergence d’adaptations et de réécritures caractérisées par un nombre de plus en plus important de transferts culturels et de déterritorialisations. La production de ces séries, initialement limitée à l’espace scandinave, est actuellement délocalisée depuis que des plateformes de streaming telles que Netflix ont commencé à produire et diffuser ces séries. Depuis son essor, Netflix produit et diffuse un nombre croissant de Nordic Noir et de productions culturelles qui s’en inspirent. Cependant, ce processus de diffusion et d’appréciation du Nordic Noir inclut également une transformation du genre, qui tend à être 1) de moins en moins ancré dans le contexte local scandinave qui l’a produit afin de s’adresser à un public de plus en plus mondial, et 2) de moins en moins aligné sur le modèle du polar social dont il est l’héritier.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent les trois séries scandinaves The Rain, Ragnarok et Equinox – produites et diffusées sur la plateforme Netflix depuis 2018. Afin d’analyser ces trois séries télévisées et de comprendre leur relation avec le Nordic Noir, nous avons utilisé le cadre théorique des constellations narratives (proposé par Sepulchre) qui est inclus dans les études sur la transmédialité. Le concept de « constellation narrative » fait référence à la prédominance de la ligne narrative développée dans la série télévisée (par opposition à d’autres récits transmédias dans lesquels les histoires se situent à différents niveaux hiérarchiques) (Sepulchre 2013 : 9). Les deux éléments que nous avons pris en compte dans notre analyse sont le contenu transmédia produit par le « domaine officiel » (Netflix) et le contenu « non autorisé » produit, indépendamment des académiciens, par des fans sur les blogs. Cette perspective nous paraissait nécessaire puisque souvent « les téléspectateurs peuvent effectivement peu contribuer » à la narration principale de la série « car les producteurs maintiennent une distinction forte entre le domaine officiel émanant d’auteurs autorisés et les productions d’autres personnes » (Ibid. : 45). Cependant, lorsqu’ils s’approprient l’univers narratif notamment d’une série, les publics « développent bel et bien une activité interprétative de l’ensemble du monde diégétique » (Ibid.) à travers des prolongements narratifs. Le choix d’assimiler ainsi les « discours officiels » et les discours « non autorisés » découle de la considération que « les amateurs ne font pas nécessairement de distinction entre les éléments fictifs et les informations réelles. Ils ne semblent pas tous établir de hiérarchie entre ce qui est produit par les auteurs et ce qui émane des fans » (Ibid.).

En mettant en relation le récit principal de la série et le récit secondaire des spectateurs, nous en avons conclu que la création du monde diégétique de ces trois séries s’inscrit dans le genre du Nordic Noir tant pour des questions internes à la narration (ces séries reprennent ou resémantisent notamment certains topoï de la fiction criminelle et l’esthétique du Nordic Noir) que pour des raisons externes au récit de la série. Ce dernier point nous a amenée à prendre en compte les discours des publics dans la construction de la réception de ces productions culturelles comme des Nordic Noir. Ce discours a ensuite été mis en relation avec la construction du paratexte transmédiatique élaboré par Netflix comme support à la fois du récit principal de la série et de l’élaboration d’une interprétation des épisodes. Enfin, nous avons considéré, d’une part, le rôle actif du public dans la recherche des récits secondaires diffusés sur d’autres médias et, d’autre part, l’effort interprétatif de la communauté de fans lorsqu’il s’agit de résoudre le crime et de percer les mystères de l’intrigue.

L’analyse de la constellation narrative a ainsi montré que The Rain, Ragnarok et Equinox sont des Nordic Noir : à l’égard des codes esthétiques et (partialement) narratifs que ces séries mettent en scène, grâce à la volonté de la plateforme de production et distribution d’associer ces productions à cette marque de succès et en raison de l’interprétation du public qui reçoit ces produits comme des Nordic Noir.

Bibliografie

Agger, G., 2016, « Nordic Noir—location, identity and emotion », in Garcia Alberto (ed.), Emotions in contemporary TV series, London, Palgrave Macmillan, p. 134-152.

Badley, L., Nestingen, A., Seppälä, J., 2020a, « Introduction: Nordic Noir as Adaptation », in Badley, L., Nestingen, A., Seppälä (eds.), Nordic Noir, Adaptation, Appropriation, Cham, Palgrave Macmillan, p. 1-14.

Badley, L., Nestingen, A., Seppälä, J., 2020b (eds.), Nordic Noir, Adaptation, Appropriation, Cham, Palgrave Macmillan.

Bolter, J. D., Grusin, R., 2000, Remediation: Understanding new media, MIT Press.

Chow, P.-S., Waade A. M., Saunders R. A., 2020, « Geopolitical Television Drama Within and Beyond the Nordic Region », Nordicom Review, no 41, p. 11-27.

Collins, S., 2022, « Here Are the Best Nordic Noir TV Shows on Netflix », 26/04/2022, <https://movieweb.com/nordic-noir-on-netflix/>.

Collins, T., 2022, « 15 best Scandinavian & Nordic Noir Netflix series you can’t miss », <https://tracystravelsintime.com/2021/06/02/nordic-noir-netflix/>, 13/08/2022.

Creeber, G., 2013, « Killing Us Softly: Investigating the Aesthetics, Philosophy and Influence of Nordic Noir Television », Journal of Popular Television, no 3(2), p. 21-35.

Dray, K., s.d., « Netflix’s Equinox: what you need to know about the addictive Nordic noir series », <https://www.stylist.co.uk/entertainment/tv/equinox-netflix-series/464377>.

Dray, K., 2021, « Scandi crime dramas: 19 deliciously dark Nordic noir series to stream on Netflix », 22/06/2021, <https://www.stylist.co.uk/entertainment/tv/best-scandi-noir-dramas-netflix/448359>.

Eichner, S., Mikos, L., 2016, « The Export of Nordic Stories », The International Success of Scandinavian TV Drama Series. Nordicom-Information, no 38(2), p. 17-21.

Engelstad, A., 2018, « Framing Nordic Noir », in Kim Toft Hansen, Steven Peacock, Sue Turnbull (eds.), European Television Crime Drama and Beyond, Cham, Palgrave Macmillan, p. 23-39.

Gregoriou, C., 2017, Crime Fiction Migration. Crossing Languages, Cultures and Media, London and New York, Bloomsbury Academic.

Hansen, K. T., Waade, A. M., 2017a, « Four perspectives on the Nordic region », in Hansen, K. T., Waade, A. M. (eds.), Locating Nordic Noir, Cham, Palgrave Macmillan, p. 77-101.

Hansen, K. T., Waade, A. M., 2017b, Locating Nordic Noir, Basingstoke, Palgrave Macmillan.

Hansen, K. T., 2020a, « Nordic Noir from Within and Beyond: Negotiating geopolitical regionalisation through SVoD crime narratives », Nordicom Review, no 41, p. 123-137.

Hansen, K.T., 2020b, « From Nordic Noir to Euro Noir: Nordic Noir Influencing European Serial SVoD Drama », in Badley, L., Nestingen, A., Seppälä, J. (eds.) Nordic Noir, Adaptation, Appropriation, Palgrave Macmillan, Cham, p. 275-294.

Hansen, K.T., 2021, « Glocal Perspectives on Danish Television Series : Co-Producing Crime Narratives for Commercial Public Service », in Waade, A.M., Novrup Redvall, E., Majbritt Jensen, P. (eds.), Danish Television Drama: Global Lessons from a Small Nation, Palgrave, Macmillan, p. 83-102.

Hedberg, A., Nilsson, L., Damrosch, D., D’haen, T., 2017, Crime Fiction as World Literature, New York, Bloomsbury Academic.

Hirons, P., 2020, « NORDIC NOIR Netflix releaes first trailer for Equinox », The Killing Times, 24/11/2020, <https://thekillingtimestv.wordpress.com/2020/11/24/nordic-noir-netflix-releaes-first-trailer-for-equinox/>.

Jenkins, H., 2008, Convergence culture: Where old and new media collide, New York, New York UP.

Jensen, P. M., Jacobsen, U. C., 2017, « Danish TV drama: behind the unexpected popularity », Critical Studies in Television, no 12(4), p. 325-330.

Natrass, JJ, 2018, « Netflix’s next must-see foreign series The Rain mixes Nordic-noir and horror with teenage angst », Metro, 30/01/2018, <https://metro.co.uk/2018/01/30/netflixs-next-must-see-foreign-series-the-rain-mixes-nordic-noir-and-horror-with-teenage-angst-7271848/>.

Nørgaard, N., 2021, « From black to green with a dash of New Nordic. The multimodal rebranding of a Danish energy company with global aspirations », Social Semiotics 0:0, p. 1-20.

Peyron, D., 2008, « Quand les œuvres deviennent des mondes. Une réflexion sur la culture de genre contemporaine à partir du concept de convergence culturelle », Réseaux, no 2(3), p. 335-368.

Redvall, E. N., 2013, « ‘Dogmas’ for television drama: The ideas of ‘one vision’, ‘double storytelling’, ‘crossover’ and ‘producer’s choice’ in drama series from the Danish public service broadcaster DR », The Journal of Popular Television, no 2, p. 227-234.

Saint-Gelais, R., 2011. Fictions transfuges. La transfictionnalité et ses enjeux, Paris, Seuil.

Stougaard-Nielsen, J., 2016, « Nordic Noir in the UK: the allure of accessible difference », Journal of Aesthetics & Culture, no 8(1), <https://doi.org/10.3402/jac.v8.32704>.

Stougaard-Nielsen, J., 2020, « Revisiting the Crime Scene: Intermedial Translation, Adaptation, and Novelization of The Killing », in Badley, L., Nestingen, A., Seppälä, J., 2020b (eds.), Nordic Noir, Adaptation, Appropriation, Cham, Palgrave Macmillan, p. 89-111.

Waade, A. M., 2017, « Melancholy in Nordic Noir: Characters, landscapes, light and music », Critical studies in television, no 12(4), p. 380-394.

Anmerkungen

1 Pour les études précédentes du Nordic Noir et son rapport avec les médias, voir Tapper 2011, Nestingen, Arvas 2011, Bergman 2014, Peacock 2014.

2 La question de la valeur sémantique du terme « noir » dans l’expression Nordic Noir est en réalité complexe et a été étudiée par Audun Engelstad dans son article « Framing Nordic Noir From Film Noir to High-End Television Drama » (2018).

3 L’emploi du terme « genre » pour définir le Nordic Noir n’est pas sans tenir compte de la complexité de ces questions. Le point de vue de l’auteur de cet article prend en compte la polysémie de ces termes, comme l’ont postulé, entre autres Hansen et Waade dans Locating Nordic Noir (2017) et Sue Turnbull dans TV crime drama (2014).

4 Le terme « captivant » fait référence à l’immense succès (en Scandinavie et hors des pays nordiques) de certains Nordic Noir, comme Forbrydelsen-The Killing. Voir l’article de Jakob Stougaard-Nielsen publié dans ce dossier.

5 Comme Hansen (2020) le suggère, il s’agit d’un point important de la construction narrative de ces séries qui remplacent des éléments typiques du contenu du Nordic Noir par des contenus typiques des fictions pour adolescents tout en gardant partialement l’esthétique du Nordic Noir.

6 Par « glocalisation », on entend la capacité de situer au niveau global un récit ancré dans un certain espace local (Weissmann 2018 : 119).

7 Bien que certains critiques s’accordent à définir cette série comme un Nordic Noir (voir notamment Hansen 2020 : 132), il existe plusieurs différences entre Störst av allt et les trois séries analysées : d’abord, il ne s’agit pas d’une production « Netflix original » ; ensuite, l’intrigue suit le schéma d’un policier procédural avec une focalisation sur le point de vue du coupable (potentiel) ; enfin, l’altgenre indiqué par Netflix est « Crime Tv Show » et non « Nordic Noir ». Tous ces éléments seront importants dans la suite du développement de notre étude.

8 Le traitement narratif du meurtre sur le plan visuel et métaphorique réduit son impact émotionnel. Ce même effet se retrouve dans les scènes topiques du Nordic Noir qui sont normalement associées à la notion de souffrance extrême, comme le moment où la famille de la victime apprend la nouvelle du décès et celui où le cadavre est retrouvé. Dans The Rain, la mort du personnage de la mère et de Beatrice ne est que rapidement traitée. La disparition d’Ida dans Equinox et le meurtre d’Isolde dans Ragnarok sont juste suggérés par la découverte du cadavre et par une scène symbolique de sacrifice qui présente comme protagoniste l’assassin. Lorsque les corps des victimes sont retrouvés, ils sont seulement montrés comme des corps sans vie, sur lesquels aucune violence ne semble avoir été actée – ce qui suggère, pour la victime, l’idée d’une mort soudaine et privée de souffrance.

9 Dans ces fictions, le sacrifice humain est acté avec insistance contre de jeunes personnages (Rasmus, Léa, Ida, Isolde) et est exacerbé par une focalisation interne déterminante dans l’association sémiotique entre l’image de la « jeune victime » et son « innocence ». Le sacrifice rituel de la victime innocente devient un topos remplaçant le motif de la mort violente, rituelle, prédéterminée qui est normalement l’apanage des tueurs en série dans le Nordic Noir. Il permet ainsi de mettre en scène le meurtre – qui est nécessaire à la définition du genre – mais dans une version édulcorée, grâce au cadre du rituel ésotérique. L’absence de réalisme de ces récits facilite l’association de la représentation du mal qui est confiée à des forces obscures, ce qui n’est pas possible, notamment, dans une série comme Störst av allt.

10 La critique sur ces trois productions et leur lien avec le Nordic Noir est encore rare. En effet, aucun discours critique sur la série Equinox n’a encore été produit et les seules critiques repérées sur Ragnarok et The Rain sont celles précédemment introduites. En référence à The Rain et à Ragnarok, Pei-Sze Chow et al. ont également montré que les raisons pour lesquelles ces séries sont des Nordic Noir dépendent de leur « Nordic aesthetics » et cela pour des questions principalement liées à la marque Nordic Noir qui est devenue « a significant selling point » (Chow et al. 2020 : 13-16).

11 Saint-Gelais emploie ce terme pour définir des récits élaborés par les fans d’une production culturelle et en continuité avec celle-ci, tandis que nous l’utiliserons ici pour parler aussi des considérations du public sur la série.

12 Le facteur d’association des titres inhérent à la fonction « Because You Watched » doit, bien entendu, être pris en compte. Pour un approfondissement sur ce sujet, voir : Gomez-Uribe, Hunt 2015.

13 Ces récits sont « secondaires » en raison de cette hiérarchie dont parle Sepulchre en s’inspirant du « modèle satellitaire » de la fiction élaboré par Richard Saint-Gelais dans Fictions transfuges. La transfictionnalité et ses enjeux, Paris, Seuil, 2011, p. 313-322. Selon ce modèle, une fiction peut être prolongée par différents textes, mais le récit originel reste au centre du système. 

Diesen Artikel zitieren

gedruckte Quellen

Alessandra Ballotti, « La constellation narrative du Nordic Noir », Deshima, 16 | 2022, 141-164.

Elektronische Referenz

Alessandra Ballotti, « La constellation narrative du Nordic Noir », Deshima [Online], 16 | 2022, online gestellt am 04 décembre 2025, aufgerufen am 05 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/deshima/index.php?id=509

Autor

Alessandra Ballotti

Maître de conférences en études nordiques à Sorbonne Université, REIGENN.

Mehr vom selben Autors

  • IDREF
  • ORCID
  • HAL
  • ISNI

Artikel desselben Autors

Urheberrecht

Licence Creative Commons – Attribution - Utilisation non commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 (CC-BY-NC-SA)