L’Écotopie du polar nordique

Zone blanche et Jordskott

  • Ecotopia in Nordic Noir. Zone blanche and Jordskott

p. 165-179

Zusammenfassungen

L’exportation du polar nordique vers d’autres pays européens aurait favorisé la création de nouvelles fictions transculturelles. Ainsi, la série franco-belge Zone Blanche (2017) comporte bien des ressemblances avec la série suédoise Jordskott (2015). Cependant, si les deux séries se rejoignent sur certains points – même univers oppressant, même concentration sur la forêt et sur le surnaturel – Zone blanche est-elle pour autant une adaptation étrangère du polar scandinave ? Pour savoir si la série franco-belge est le résultat d’un réemploi exogène du polar nordique, il faudrait la comparer avec tout une production scandinave éco-responsable pour démontrer que la relation entre Zone blanche avec le polar nordique est à la fois une convergence, une divergence et une transvergence qui, au lieu d’imiter ou de s’écarter d’un modèle qui se trouve dans les pays nordique, propose un polar éco-critique sans frontière qui renoue surtout avec la série sylvestre Twin Peaks (1990) de David Lynch. En nous interrogeant sur le possible réemploi exogène du polar nordique de Zone blanche, nous nous plaçons dans une perspective géographique. En effet, le cinéma, et récemment les séries éco-responsables scandinaves, mettant en scène les mythes nationaux, réfléchissent souvent au concept de frontières. La frontière entre exploitation et nature exploitée, entre humain et non-humain, entre féminité et masculinité. Pour interroger ce possible lieu commun, nous proposons le concept d’écotopie, emprunté à Ernest Callenbach. Repris par Pietari Kääpä au sein des études cinématographiques, l’écotopie est un lieu affranchi des frontières géographiques, un espace transnational qui intègre l’humanité dans la nature.

The export of Nordic thrillers to other European countries will have favored the creation of new transcultural fictions. Thus, the Franco-Belgian series Zone Blanche (2017) has many similarities with the Swedish series Jordskott (2015). However, if the two series meet on certain points—same oppressive universe, same focus on the forest and the supernatural—is Zone blanche merely a foreign adaptation of the Scandinavian thriller? To know if the Franco-Belgian series is the result of an exogenous replication of the Nordic thriller, it must be compared with other eco-responsible Scandinavian productions to demonstrate that the relationship between Zone blanche and the Nordic thriller is both a convergence, a divergence and a ‘transvergence’ which, instead of imitating or deviating from a model found in the Nordic countries, offers an eco-critical whodunnit without borders which evokes especially the forest series Twin Peaks (1990) by David Lynch. By questioning ourselves about Zone blanche as a possible exogenous replication of the Nordic thriller, we place ourselves in a geographical perspective. Indeed, cinema, and recently Scandinavian eco-responsible series featuring national myths, often reflect on the concept of borders. The boundary between exploitation and exploited nature, between human and non-human, between femininity and masculinity. To question this possible commonplace, we propose the concept of ecotopia, borrowed from Ernest Callenbach. Taken up by Pietari Kääpä within the field of cinematographic studies, ecotopia is a place freed from geographical borders, a transnational space that integrates humanity into nature.

Gliederung

Text

Le cinéma nordique est connu comme un cinéma d’auteur. Dès les années 1920 Victor Sjöström et Mauritz Stiller adaptaient les classiques de Selma Lagerlöf, avant qu’un Dreyer, un Bergman ou un Kaurismäki ne contribuent au rayonnement mondial de la culture scandinave. Depuis, les médias se sont emparés d’une forme culturelle bien particulière, le Nordic noir, un genre de roman policier qui adopte souvent le point de vue de l’enquêteur et dans lequel les paysages sombres du Nord traduisent une tension entre la surface apparemment immobile des sociétés scandinaves et la violence du meurtre. Le succès international de la production nordique est avéré depuis de nombreuses années déjà. Les séries telles que The Killing (Forbrydelsen 2007) et The Bridge (Bron | Broen 2011) ont accru la notoriété des médias nordiques tandis que les romans policiers de Henning Mankell à Stieg Larsson ont, depuis plus longtemps encore, pénétré le marché mondial. Tommy Gustafsson et Pietari Kääpä, observant la diffusion internationale des médias nordiques du xxie siècle, se demandent « comment les produits médiatiques de cette petite région du monde sont devenus une partie intégrante de la culture populaire mondiale1 » (2015 : 1).

Dans son article consacré à ce genre, Glen Creeber considère qu’aucune des séries du Nordic noir n’implique la présence du surnaturel (Creeber 2015 : 24), pourtant Maria Hansson a montré que quand le Nordic noir se charge de préoccupations écologiques, le merveilleux peut y faire son apparition (Hansson 2021 : 293). En effet, le cinéma nordique et, récemment, les séries mettent souvent en scène les mythes nationaux, tout en réfléchissant au concept de frontières : frontière entre exploitant et nature exploitée, entre humain et non-humain, entre féminité et masculinité. Songeons au film d’Ali Abassi portant le titre significatif de Border (2018), adaptation de la nouvelle « Gräns » de John Ajvide Lindqvist. Une autre frontière est celle que traversent les produits culturels du nord vers le sud. Nous prendrons appui sur la série franco-belge Zone Blanche (2017) créée par Mathieu Missoffe qui comporte des ressemblances avec la série suédoise Jordskott (2015) créée par Henrik Björn et Aron Levander : même univers oppressant, même concentration sur la forêt et sur le surnaturel. Zone blanche est-elle pour autant un réemploi exogène du polar nordique (Ballotti 2018) ? Pour procéder à cette étude comparative de la série suédoise et de la série franco-belge nous nous appuierons sur la théorie de l’écocinéma élaborée par Tommy Gustafsson et Pietari Kääpä, un modèle qui permet de réfléchir à la diffusion internationale des produits médiatiques nordiques du xxie siècle. (2015). Ainsi, la confrontation des deux séries n’aura pas pour seule fin de faire apparaître des similitudes dans la diégèse, elle permettra de voir comment s’opèrent les transferts des mythèmes nordiques (Mohnike 2020) vers l’aire culturelle franco-belge. Nous verrons ainsi comment les différents mythèmes de Jordskott – la forêt, le surnaturel, l’altérité – seront repris dans Zone blanche et comment ils se combinent au sein d’une unité minimale de terrain que nous nommerons, en référence aux travaux de Pietari Kääpä, « écotope ».

Écotopie

Un écotope est un écosystème d’une surface comprise entre 2 500 m2 à 15 000 m2, caractérisé par son hydrologie de surface, son sol, sa faune et sa flore. Quant au mot « écotopie », c’est d’abord le titre d’un roman écrit par Ernest Callenbach en 1975 retraçant les aventures d’un journaliste en Écotopie, pays formé à la suite d’une guerre aux États-Unis. La notion naît d’une contraction d’« écologie » et de « topos » (« lieu » en grec) et s’inspire évidemment de l’Utopia de Thomas More, terme construit également à partir du grec signifiant « en aucun lieu », un « non-lieu ». Le roman de Callenbach est censé se dérouler vingt ans après la sécession du nord-ouest des États-Unis du reste du pays. Un journaliste du nom de Paul Weston est autorisé pour la première fois à entrer dans ce territoire. Le roman prend la forme de notes tirées du journal de cette expédition, notes dans lesquelles Weston analyse les différents aspects de la vie dans ce pays agencé autour des éléments qui n’ont commencé à être discutés sérieusement dans notre société que récemment. Il y est question par exemple du développement des énergies renouvelables. Le roman propose à travers ce lieu fictionnel une tentative pour penser à l’échelle d’un pays et dans toutes ses dimensions la mise en œuvre des idéaux progressistes des années soixante-dix. Ecotopia inverse les valeurs de l’Amérique consumériste et prétend retrouver l’essentiel dans sa relation avec la nature.

En étudiant le film Thale (2012) du réalisateur norvégien Aleksander L. Nordaas, Pietari Kääpä y voit un écotope où s’affrontent l’humain et le surhumain. Il propose alors une nouvelle définition de ce terme au cinéma : « l’écotope est le lieu de rencontre où les points de vue anthropocentriques sont confrontés à des réalités écosystémiques quand, littéralement, les humains se retrouvent face aux autres et réalisent les limites de leurs visions du monde » (2014 : 84)2. Nous verrons si ceci est également à l’œuvre dans les séries étudiées.

Dans certains films nordiques mêlant l’horreur et le surnaturel, tel que The Troll Hunter (2011) du Norvégien André Øvredal, le regard porté sur l’élément naturel est exagérément anthropocentrique. Le film est construit comme un faux documentaire sur les trolls. Dans la conception philosophique anthropocentrique, l’humain est considéré comme l’entité centrale la plus significative de l’univers, appréhendant la réalité à travers la seule perspective humaine. Les trolls, comme mythe national, sont l’outil permettant de s’interroger sur le bien-fondé de cette philosophie : « La construction de frontières entre le monde humain et le monde naturel est l’essence de la logique anthropocentrique et c’est exactement ce que The Troll Hunter interroge à travers son approche transvergente du récit national de la nature3 » (Kääpä 2014 : 79-80). En effet, en ayant recours aux procédés les plus réalistes « le film révèle à la fois la manière dont les récits fictionnels s’approprient la nature et joue également de cette appropriation pour se doter d’un capital culturel4 » (2014 : 79-80).

Le surnaturel, le refus de l’anthropocentrisme et l’altérité sont donc aux yeux de Pietari Kääpä les trois mythèmes qui constituent les écotopes nordiques. Ce sont ces mythèmes que nous trouvons au cœur de Jordskott et de Zone blanche. En effet, comme dans de nombreux films nordiques mêlant les mythes et la nature, nous retrouvons dans Zone blanche l’évocation conflictuelle entre l’humain et le non-humain, l’obsession de l’humanité de contrôler la nature pour ses propres besoins d’un côté et l’évocation d’une nature plus puissante de l’autre.

Zone blanche et Jordskott concentrent leur action dans un seul décor, dont on ne sort pas, de véritables écotopes. Il s’agit à chaque fois des lieux fictionnels et étranges. En effet, la ville de Silverhöjd dans Jordskott (littéralement « la colline d’argent ») est comme la ville dans Zone blanche, une ville imaginaire. Pourtant, Jordskott est bien ancrée dans le territoire suédois et sa mythologie nordique, ce qui est souligné par la réception étrangère de la série : « Cette série suédoise à recours au style typique du Nordic noir – sobre mais très chargé, comme un rêve toujours au bord du cauchemar – mais elle croise une histoire typique de conspiration criminelle avec une fable effrayante d’éco-horreur5 » (Hale 2018). En revanche, l’étrangeté de Villefranche dans Zone blanche, décrite comme une ville perdue, où le taux de criminalité est bien plus élevé qu’ailleurs, un non-lieu où il fait -30 °C en hiver et 40 °C l’été, est soulignée par le titre de la série signifiant une zone non reliée à un réseau de télécommunication. Villefranche, toponyme significatif, est un lieu décrit comme bien singulier, où les gens vivent en étroite collaboration avec la nature et où les étrangers qui y entrent changent peu à peu au contact des habitants. C’est le cas du procureur Franck Siriani (Laurent Capelluto) dont l’arrivée en ville marque le début du premier épisode et dont la réticence envers les mœurs étranges des habitants se dissipe pour laisser place à un véritable attachement à cette cité à la fin de la deuxième saison. Cette cohabitation étroite entre la nature et certains membres de la population se retrouve dans la série suédoise. Bien d’autres similitudes apparaissent entre les séries et font de l’écotopie un véritable objet transmédiatique.

Afin de savoir comment les mythèmes dans les séries sont déclinés de façon différente selon le contexte culturel d’origine, nous relèverons les convergences puis les divergences entre les séries.

Convergence

Les deux séries reposent sur une intrigue comparable. À la suite de la mort de son père, la policière Eva Thörnblad (Moa Gammel) dans Jordskott retourne dans la petite ville de Silverhöjd intriguée par la disparition mystérieuse d’un jeune garçon. Comme dans Zone blanche, la policière semble liée au mystère. En effet, Joséphine, la fille d’Eva, a disparu sept ans plus tôt, sans que son corps ne soit jamais retrouvé, alors que Laurène Weiss, major de Villefranche, a elle-même été enlevée dans la forêt il y a vingt ans.

Le premier mythème commun est la forêt. Toute l’action policière se déroule à la lisière des forêts ou en leur sein. Les personnages explorent d’autres mythèmes comme les rives des lacs et les grottes, mais la nature est avant tout représentée par les bois. Les séries jouent de la ressemblance entre les arbres et les hommes. L’arbre, par sa silhouette allongée, est en effet considéré dans la culture nordique comme l’élément naturel qui se rapproche le plus de l’humain comme le montrent les poèmes de Tranströmer : ses racines sont ses pieds, ses branches ses bras, et sa frondaison sa tête et sa chevelure (Tranströmer 1962). De plus, le vent qui traverse ses feuilles produit un bruissement qui évoque un murmure humain. En effet, les arbres parlent dans les séries, plus clairement dans Zone blanche où un son explicite se fait entendre momentanément, émanant d’on ne sait où, et qui peut faire penser à des voix de fantômes.

De plus, dans les deux séries, certains personnages traitent la forêt comme une entité dotée de sentiments, lui prêtant des caractères humains, comme Olof Gran (Hans Mosesson), ancien policier considéré désormais comme un fou, et Ylva (Vanja Blomkvist), guérisseuse assimilée à une clocharde ou à une sorcière dans Jordskott. Quant à Sabine Hennequin (Brigitte Sy), gérante du bar « L’Eldorado » dans Zone blanche, elle prononce les mêmes mots d’avertissement que ses homologues suédois Ylva et Olof, selon lesquels il est dangereux de faire de la forêt son ennemi. La forêt, présente et représentée de façon très similaire sur les affiches promotionnelles, sombre et bleuâtre, tient ainsi en quelque sorte le rôle principal dans les deux séries. Dès lors, le spectateur comprend assez vite que l’écologie est le moteur des deux intrigues. Si la présence de la forêt n’y suffit pas, les activistes écologiques – autre mythème commun – jouant un rôle plus important dans Zone blanche, le rappellent.

L’exploitation forestière fait vivre à la fois Silverhöjd et Villefranche, mais quand la forêt est exploitée à outrance, elle se venge sur les humains. Les deux séries ne brouillent pas seulement les frontières entre l’humain et le non-humain, elles brouillent aussi les frontières entre les genres. Pietari Kääpä souligne que les rôles féminins dans les films d’éco-horreur se ressemblent beaucoup dans leur émotivité stéréotypique et que ce sont les femmes qui se rangent du côté de la nature6 (Kääpä 2014, 86). Dans Zone blanche cette fonction est attribuée à l’adolescente au tempérament rebelle Cora Weiss (Camille Aguilar), fille du personnage principal, le commandant du peloton de gendarmerie Laurène Weiss (Suliane Brahim), mais également à Sabine Hennequin. Ce sont les hommes, Bertrand Steiner (Samuel Jouy), maire de Villefranche et Gustav Borén (Peter Andersson) nouveau directeur de Thörnblad Cellulosa dans la série suédoise, qui incarnent le parti de la raison. Cette alliance entre la rationalité patriarcale et le capitalisme contribue à l’univers conservateur que l’écocritique tend à dénoncer. Notons ainsi que dans les écotopes singuliers de Silverhöjd et de Villefranche, c’est une femme qui agit. Dans Zone blanche, la tueuse est une femme tandis que dans Jordskott, c’est une femme qui est l’origine de l’exploitation de la forêt : Gerda Gunnarsson (Lia Boysen), agit ainsi pour le bien de son fils handicapé.

Mais les similitudes ne s’arrêtent pas là. Elles se retrouvent jusque dans les noms des personnages, ainsi que dans leurs aspects physiques. Dans Zone blanche, le nom du major de gendarmerie Laurène Weiss sonne comme un hommage à l’inspecteur Göran Wass (Göran Ragnerstam) qui vient en aide à la police de Silverhöjd.

Soulignons aussi la ressemblance physique des personnages. Les cheveux roux, caractéristique de la huldra, sont souvent considérés dans la culture occidentale comme la marque de la révolte, et ce sont des mythèmes que nous retrouvons dans les deux séries chez les jeunes filles perdues et rebelles, Esmeralda (Happy Jenkell) dans Jordskott et Cora Weiss dans Zone blanche, tandis que les longs cheveux gris sont un mythème commun pour désigner les sages : ceux d’Ylva (Vanja Blomkvist) et ceux de Sabine Hennequin qui révèlent toutes les deux le lien qui les unit à la forêt. Enfin, même si Laurène Weiss est brune et Eva Thörnblad blonde, les jeunes femmes, toutes deux très élancées, paraissent exténuées au fil de l’intrigue, malmenées par les événements et frôlent la mort à plusieurs reprises.

Les héroïnes ont bien quelque chose du « détective morose » du Nordic noir selon l’expression de Glen Creeber (Creeber 2015 : 21), mais participent activement au surnaturel ; Toutes deux meurent, mais reviennent à la vie grâce à la forêt elle-même. Dans la série suédoise, c’est une bouture de la terre (jordskott) donnant à la série son nom, qui fait revenir les morts à la vie. Dans Zone blanche, ce phénomène n’est pas expliqué. Eva Thörnblad et le major Laurène Weiss sont toutes les deux étrangement reliées à la nature et à ses mystères, et au fur et à mesure de leurs enquêtes, elles découvrent que les disparitions sont associées à leurs propres histoires.

Un même animal hante finalement les deux séries et figure en quelque sorte les yeux de la forêt. Dans Jordskott, le corbeau d’Ylva est le prolongement de ses sens. Villefranche, quant à elle, est dominée par les croassements incessants des corbeaux qui viennent au secours de Cora, une des activistes de la ville, menacée par l’assassin à la fin de la première saison.

Au-delà des similitudes dans la diégèse, on constate donc que les deux séries combinent les mêmes mythèmes. Sans être une adaptation de la série suédoise, Zone blanche témoigne du dynamisme des transferts médiatiques entre la Suède et l’aire francophone à l’œuvre dans les années 2010.

Divergence

La première différence entre les séries tient à leur construction narrative. Jordskott repose sur une progression linéaire tandis que Zone blanche adopte une construction par épisode. La traque de l’homme des bois constitue le récit cadre dans lequel chaque épisode s’intègre tout en conservant son autonomie. En effet, une intrigue policière trouve à chaque fois sa résolution. Comme dans la série suédoise, il y a dans la série franco-belge des disparitions et des meurtres, mais Zone blanche est un polar écologique plus engagé que Jordskott. Les activistes y jouent un rôle plus important et y sont plus violents, presque des terroristes, alors que, dans la série suédoise, ce sont des gens pacifistes, des trädkramare (qui enlacent des arbres).

Mais c’est surtout dans leur rapport au surnaturel que les deux séries divergent. La série suédoise met en scène les créatures des croyances populaires anciennes, les trolls, qui, comme dans les contes de fées et vieilles traditions folkloriques, s’emparent des enfants. Le troll enlève les enfants des employés de l’entreprise qui exploite la forêt, les prenant en otage pour que le chef d’entreprise renoue le pacte avec la nature qu’un ancêtre des Thörnblad avait signé avec ce peuple. Dans Zone blanche, les disparus ne sont pas des enfants, mais de jeunes adultes.

En outre, la mythologie nordique est quasiment absente de la série franco-belge. Quand Cora cherche à comprendre qui sont les activistes à partir des graffitis qu’ils laissent derrière eux, elle conclut que ceux-ci peuvent être inspirés aussi bien par la mythologie nordique que par la mythologie celte. D’ailleurs le surnaturel n’apparaît que dans l’existence incertaine d’un homme des bois à tête de cerf, une divinité celte, alors que Jordskott met en scène explicitement tous les êtres qui, selon les croyances populaires, habitent la nature, les trolls et les esprits du lac (näcken) et ceux de la forêt (huldran) (Hansson 2020 : 206). La valeur identitaire de la nature est en effet bien plus forte en Scandinavie :

La nature est […] une source commune de mythes et de croyances dans le monde entier […] mais pour les Scandinaves et pour la vie en Scandinavie, la nature a une signification particulière. La nature sauvage, ses bois et ses lacs sont notamment considérés comme une utopie d’abondance et de puissance7 (Soila 1998, 32).

Il semblerait donc que l’univers mythologique scandinave ne puisse pas être transposé dans toute sa diversité dans l’aire culturelle francophone. Seule la notion d’hybridité est restée. Ainsi, la figure du troll, si familière à l’imaginaire nordique, relève davantage en France du genre littéraire et cinématographique très spécifique de la fantasy. De même, le mythème de la rousseur est interprété chez Esmeralda comme la marque de la huldra, tandis qu’il exprime simplement chez Cora, la fille de Laurène Weiss, un caractère rebelle.

La différence la plus marquée réside dans le jeu des points de vue. Ce sont eux qui chacun à sa façon créent des écotopes de Silverhöjd et de Villefranche. Eva Thörnblad revient dans sa ville natale quand les enfants commencent à disparaitre, portant un regard neuf et exogène sur les événements, alors que Laurène Weiss n’a jamais quitté sa ville et porte un regard endogène sur les habitants. Plus jeune, elle a été enlevée elle-même. Dans Zone blanche, c’est le procureur Franck Siriani qui porte un regard nouveau sur Villefranche et c’est par ce regard exogène que la ville apparaît aux yeux du spectateur comme un lieu singulier. En effet, le personnage maladroit, sarcastique et surtout très solitaire se révèlera au fil des épisodes plus social au sein de ce lieu étrange.

Ainsi, l’univers de la série franco-belge diffère par son étrangeté tandis que la série suédoise fait appel aux mythes nationaux. La scène inaugurale de l’arrivée du procureur Franck Siriani, par la route déserte qui conduit à Villefranche, apparaît d’ailleurs comme un hommage à la série Twin Peaks (1990) de David Lynch et Mark Frost, série forestière fantastique associée par David Del Principe à l’écogothic et à la dark ecology théorisée par Timothy Morton. Le lien entre la série suédoise et ses théories a déjà été souligné (Hansson 2021 : 296). L’écogothic adopte une position non anthropocentrique pour reconsidérer le rôle que l’environnement et le non-humain jouent dans la construction de la monstruosité et de la peur. Dans la société contemporaine, lécogothic donne une voix aux préjugés et aux craintes découlant de la relation précaire des humains avec tout ce qui n’est pas humain. La route dans Zone blanche est identique à celle qui mène l’agent spécial Dale Cooper (Kyle Merritt MacLachlan) vers la ville imaginaire de Twin Peaks, et cette ressemblance est soulignée par le panneau routier qui souhaite la bienvenue aux voyageurs. La filiation avec Twin Peaks passe également par l’éclairage glauque et étrange des lieux, les couleurs jaunâtres et le style démodé des intérieurs typiques des années soixante-dix : nuances orange, boiseries et lumière très tamisée, contribuent à isoler la ville dans l’espace et dans le temps.

C’est finalement le regard étonné que le procureur porte sur ce lieu, les remarques qu’il formule et les conversations téléphoniques qu’il entretient avec ses collègues restés en dehors de la ville qui font prendre conscience au spectateur de l’étrangeté de Villefranche, une cité complètement isolée, que personne ne connaît, située au cœur d’une forêt gigantesque. L’étrangeté de la ville de Silverhöjd, peuplée de trolls et de divers esprits, n’est en revanche jamais explicitement soulignée et la série suédoise laisse au spectateur, plus familier de la mythologie nordique, le soin de tirer ses propres conclusions.

Nous avons pu constater une différence dans la construction narrative mais en prenant en considération les différents mythèmes, nous voyons qu’ils font l’objet de déclinaisons révélatrices des préoccupations de chaque aire culturelle : les activistes suédois deviennent des terroristes dans la série franco-belge, mais c’est surtout dans la place faite au surnaturel que réside la plus grande différence. La nature suédoise est tout entière parcourue par des créatures familières. Les forêts de Villefranche troublent par leur étrangeté. Nous ne pouvons donc pas parler d’une simple adaptation de la série suédoise car Zone blanche procède plutôt d’un réemploi exogène des éléments de Jordskott.

Transvergence

Comment s’opèrent les transferts des mythèmes nordiques vers l’aire culturelle franco-belge ? La signification symbolique de la mythologie nordique est une des raisons essentielles du succès national et international des films écologiques. Dans The Troll Hunter, le spectacle de l’exploitation de la nature sert à raviver la conscience du public sur les enjeux environnementaux : « l’utilisation de matériaux écologiques à des fins de divertissement exploite la nature tout en confrontant le spectateur à cette exploitation et leur indique leur rôle clé dans le maintien de la conception normative de la logique anthropocentrique8 » (Kääpä 2014 : 79-80). Cette dimension est également présente dans Jordskott (Hansson 2020 : 210). Or, dans la série suédoise, le spectateur n’opère plus une lecture au deuxième degré, les enjeux écologiques sont présentés avec beaucoup plus de gravité. Le public a d’ailleurs très bien accueilli nos deux séries. Zone blanche a connu un très bon démarrage le 10 avril 2017, réunissant plus de 15 % de part d’audience sur France 2, ce qui a rendu possible la création de nouvelles saisons.9 Jordskott a quant à elle obtenu le deuxième plus grand succès d’audience pour une série diffusée sur ARTE en 2016.10 La critique a également reçu très favorablement ces productions comme en témoignent les articles élogieux du New York Times (Hale 2018)11 et du Guardian (Donaghy 2015)12. Le public s’est donc montré sensible à ces récits qui « s’accrochent aux frontières changeantes entre l’humain et le non-humain13 » (Kääpä 2014 : 30).

Les perspectives transvergentes font des incertitudes et des contradictions de ces schismes leur objectif. Les approches transvergentes sur l’écocinéma nordique luttent contre la manière dont l’exploitation et l’appropriation de la nature constituent un élément clé de toute compréhension culturelle de l’organisation humaine14 (2014 : 30).

Pietari Kääpä se demande en outre si les films, qui « sont coupables de logique anthropocentrique convergente15 » (2014 : 81) peuvent s’apparenter à du cinéma de nation-building dans lesquels l’argumentation écologique est utilisée pour justifier les récits nationaux. Les séries étudiées illustrent cette hypothèse en montrant la manière dont les pays gèrent les ressources naturelles pour en faire une marque nationale. Jordskott fait partie des productions qui se concentrent consciemment sur les mythes nationaux, souvent en milieu rural et qui développent très clairement les connotations idéologiques du cinéma patrimonial. Les séries combinant mythes traditionnels et discours écologique sont souvent donc pleinement conscientes du capital culturel à tirer de la nature.

Il convient dès lors de se demander comment un film ou une série dont l’imaginaire est aussi intimement lié à une région du monde peut toucher un public international. Nous suivons une fois encore Pietari Kääpä, selon qui il s’agit de toucher d’abord une nation pour ensuite toucher le monde, en « négoci[ant] les façons complexes dont les cultures cinématographiques nationales conditionnent la nature à des fins, d’abord, d’édification de la nation et, deuxièmement, pour s’adresser à un public originaire de contextes divers16 » (2014 : 82).

Helena Lindblad explique elle aussi le succès de cette série par la traduction écologique et non anthropocentrique qui est faite aujourd’hui du folklore scandinave :

Il n’est pas étonnant que Jordskott ait déjà attiré l’attention internationale, les elfes et les trolls sont une ressource inexploitée dans le Nordic noir. Et à une époque où les forêts dont nous avons hérité sont de plus en plus transformées en champs de conifères artificiels, Jordskott est susceptible de faire resonner une menace même au plus profond de l’âme du peuple suédois17. (Lindblad 2015)

En effet, dans Jordskott et dans Zone blanche, l’humain n’est plus le seul à être au centre des préoccupations. Le biocentrisme, un courant de l’éthique environnementale d’origine norvégienne, est diffusé grâce aux séries même en dehors des pays scandinaves. La zone blanche de Villefranche serait ainsi une terre échappant à toute emprise nationale dans « un no man’s land transcendant inculte18 » (Kääpä 2014 : 83).

Comme Thörnblad, le nouveau patron Gustav Borén et sa maîtresse, des personnages tels que Gérald Steiner (Olivier Bonjour) dans Zone blanche apparaissent donc comme des ennemis de la nature et font l’objet d’une véritable déshumanisation. Comme dans Thale et Jordskott, dans Zone blanche, il ne s’agit plus de trouver l’harmonie ou de comprendre l’autre. Le message qui émane des séries est bien la toute-puissance de la nature qu’il faut respecter : « Ce n’est pas un point de synergie, voire d’hybridité, mais plutôt un espace de friction écosystémique. Toute tentative de l’humain de contrôler autrui aboutit à la destruction de l’humain et des autres19 » (Kääpä 2014 : 84). Et c’est ici le plus grand décalage entre les films plus anciens voulant sensibiliser les hommes à la préservation de la nature. Le public est désormais assez informé pour percevoir la menace écologique. La figure de l’humain est maintenant celle qui demande pardon pour les méfaits du passé. Le spectateur accepte cet éloignement dans l’espoir de voir « les capacités de guérison mythiques de créatures plus en contact avec la nature que les hommes20 » (Kääpä 2014 : 84). Selon The New York Times :

Le résultat hybride, une procédure policière avec des éléments de thriller de contagion et de conte de vampire, est traité si adroitement qu’il nécessite étonnamment peu de suspension de l’incrédulité21 (Hale 2018).

Conclusion

Le succès d’audience de Zone blanche et de Jordskott repose donc sur la capacité des mythèmes nordiques à traduire les préoccupations écologiques contemporaines. Le premier d’entre eux est la forêt, cet espace singulier dans lequel les prétentions anthropocentriques de l’humain se trouvent brutalement contestées. Celle-ci forme un véritable écotope, un lieu étrange, coupé du monde, affranchi des frontières nationales. La forêt constitue un espace transnational qui intègre l’humanité dans la nature afin qu’elle puisse se réconcilier avec elle. Comme les séries scandinaves dont elle s’inspire, Zone blanche adopte cette perspective qui voit aussi le seuil entre réalisme et surnaturel s’estomper. Mais tandis que Jordskott fait percevoir la familiarité des créatures surnaturelles, Zone blanche représente la nature comme une puissance étrangère.

Bibliografie

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Callenbach, E., 1975, Ecotopia, Paris, Gallimard, Folio SF.

Creeber, G., 2015, « Killing us softly: investigating the aesthetics, philosophy and influence of Nordic Noir television », Journal of Popular Television, p. 21-35.

Del Principe, D., 2014, « Introduction. The EcoGothic in the Long Nineteenth Century », Gothic Studies, Manchester University Press, p. 1-7.

Donaghy, J., 2015, « Jordskott : the latest Swedish import brings a mythical edge to Scandi drama », The Guardian (09.06.15).

Gustafsson, T. & Kääpä, P., 2015, Nordic genre film, Small Nation Film Cultures in the Global Marketplace, Edinburgh University Press.

Kääpä, P., 2014, Ecology and Contemporary Nordic Cinemas. From Nation-building to Ecocosmopolitanism, Ecology and Contemporary, London, Bloomsbury.

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Soila, T., Söderbergh Widding A. & Iversen G., 1998, Nordic National Cinemas, London, Routledge.

Anmerkungen

1 Notre traduction. Texte original : « how did the media products of this small region of the world become part of global popular culture. »

2 Notre traduction. Texte original: « the ecotope is the meeting place where humancentric views are confronted by ecosystemic realities as, literally, the humans come face to face with their others and realize the limitations of their worldviews. »

3 Notre traduction. Texte original : « The construction of barriers between the human and the natural world is the essence of anthropocentric logic and this is exactly what Troll Hunter interrogates through its transvergent take on naturalized national narration. »

4 Notre traduction. Texte original : « the film both reveals the ways fictional narratives appropriate nature while it also uses this very appropriation to provide itself with cultural capital. »

5 Notre traduction. Texte original : « This Swedish series uses the house style of Nordic noir—subdued but highly charged, like a dream always on the verge of a nightmare—but it crosses a typical conspiracy-minded crime story with a spooky eco-horror fable. »

6 Notre traduction. Texte original : « Stereotypes of emotional femininity and dangerous activism combine in a negative representation that not only questions her identity but also her professional integrity. »

7 Notre traduction. Texte original : « Nature is […] a common source for myths and beliefs all over the world […] but for Scandinavian people and for life in Scandinavia nature has a special meaning. The wilderness and its woods and lakes are in particular regarded as a utopia of abundance and power. »

8 Notre traduction. Texte original : « the use of ecological material as entertainment both exploits nature while it also confronts the viewer with this exploitation and indicates to them their key role in maintaining the normative constitution of anthropocentric logic. »

9 <https://www.toutelatele.com/audiences-tv-du-lundi-10-avril-2017-retour-mitige-pour-the-island-zone-blanche-seduit-sur-france-2-josephine-ange-gardien-reste-leader-sur-tf1-90006>.

10 <http://download.pro.arte.tv/uploads/Jordskott-audience-2016.pdf>.

11 Notre traduction. Texte original : « Cette série suédoise utilise le style habituel du nordic noir – sobre mais très chargé, comme un rêve toujours au bord du cauchemar – mais elle mêle une histoire typique de conspiration criminelle avec une fable effrayante d’éco-horreur. L’hybride qui en résulte, une procédure policière avec des éléments de thriller de contagion et de conte de vampire, est traité si adroitement qu’il nécessite étonnamment peu de suspension de l’incrédulité. » Texte original : « This Swedish series uses the house style of Nordic noir—subdued but highly charged, like a dream always on the verge of a nightmare—but it crosses a typical conspiracy-minded crime story with a spooky eco-horror fable. The resulting hybrid, a police procedural with elements of contagion thriller and vampire tale, is handled so adroitly that it requires surprisingly little suspension of disbelief. »

12 Notre traduction. Texte original :« Les résultats sont glaçants. Les mythes anciens persistent en raison de leur universalité et de leur capacité à puiser dans nos peurs et nos désirs primaires. Et le nordic noir crée une mythologie moderne où des solitaires héroïques dotés de terribles compétences sociales se battent contre des agresseurs dépravés, des policiers incompétents et un establishment corrompu. Personne ne promet une fin heureuse, mais vous ne pouvez pas en détourner les yeux. » Texte original : « The results are chilling. Ancient myths persist because of their universality and their ability to tap into our primal fears and desires. And Nordic noir creates a modern mythology where heroic loners with terrible social skills do battle with depraved abusers, incompetent policing and a corrupt establishment. No one’s promising a happy ending, but you can’t take your eyes off it. »

13 Notre traduction. Texte original : « […] ecocriticm and ecophilosophy grabble with the shifting borders between the human and the non- human […]. »

14 Notre traduction. Texte original : « […] transvergent perspectives take the uncertainties and contradictions of these schisms as their focus. Transvergent approaches to Nordic ecocinema wrestle with the ways exploitation and appropriation of nature form a key part of any cultural understanding of human social organization. »

15 Notre traduction. Texte original : « are guilty of convergent anthropocentric logic. »

16 Notre traduction. Texte original : « negotiate the complex ways in which national film cultures package nature for, first, nation-building purposes, and, secondly, for addressing audiences from a variety of contexts. »

17 Notre traduction. Texte original : « Det är inte konstigt att Jordskott redan väckt uppmärksamhet internationellt, tomtar och troll är en outnyttjad resurs i ’nordic noir’ Och i en tid när skogarna vi ärvde alltmer förvandlas till konstlade barrträdsåkrar lär Jordskott slå an en hotfull klang även djupt i den svenska folksjälen. »

18 Notre traduction. Texte original : « uncultivated no-man’s-land »

19 Notre traduction. Texte original : « It is not a point of synergy, or hybridity even, but more a space of ecosystemic friction. Any attempt of the human to control its others results in destruction of both the human and its others. »

20 Notre traduction. Texte original : « indicates the mythical healing abilities of creatures more in touch with nature than the human. »

21 Notre traduction. Texte original : « The resulting hybrid, a police procedural with elements of contagion thriller and vampire tale, is handled so adroitly that it requires surprisingly little suspension of disbelief. »

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gedruckte Quellen

Maria Hansson, « L’Écotopie du polar nordique », Deshima, 16 | 2022, 165-179.

Elektronische Referenz

Maria Hansson, « L’Écotopie du polar nordique », Deshima [Online], 16 | 2022, online gestellt am 04 décembre 2025, aufgerufen am 05 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/deshima/index.php?id=518

Autor

Maria Hansson

Chercheuse à la Sorbonne, REIGENN, chercheuse affiliée à l’université d’Uppsala.

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