Reconstituer un paysage sonore par la littérature ?

Étude du son dans des récits de voyages français en Laponie (1840-1900)

  • Reconstructing a Soundscape through Literature? Study of Sound in French Travelogues on Lapland (1840-1900)

p. 101-116

Zusammenfassung

In 1977, Raymond Murray Schafer developed the concept of “soundscape”, which was translated into French by “paysage sonore”. Even though Murray Schafer has not been the first to be interested in the sound environment, his conceptualisation has opened a whole field of research, soon adopted by acousticians, ethnologists, geographers, but also historians. Beyond the visual dimension attached to the geographical notion of landscape, Murray Schafer wonders why certain sound characteristics are attached to landscapes. Sounds are likely, as much as visual elements, to evoke a landscape, which the listener sometimes transcribes into images and words, thus feeding a whole regime of imagination based on his cultural background. The historian working on the times preceding the invention of sound recording depends on these transcriptions being made by the witnesses, which are also interpretations. This obliges him to consider them as clues to gain access to a certain cultural sensitivity on the receiving side as much as traces of the emitted sound itself. In this paper, we propose to study the references to the sounds of Lapland through a series of French travel stories published between 1840 and 1900. Based on sound categories defined by the researchers in this field, we will identify the various mentions related to the sounds picked up by travellers. We will then show how the selection of sounds and their memorization can be part of a cycle of the imaginary, in the sense that the philosopher Gilbert Simondon gives to this notion. Finally, we will show that beyond the categories previously mentioned sound is a vector of memories and reveries that indirectly mirror the condition of otherness in which the traveller, far from home, finds himself.

Gliederung

Text

L’auteur tient à vivement remercier Vincent Bontems et Jérôme Baudry pour leurs conseils avisés.

« Décrire donne l’idée de la chose en réalité, la littérature donne faim. »1

Prononcée à l’occasion d’une lecture d’un texte de Guignol à la radio, cette phrase illustre parfaitement la puissance intégratrice, au sein d’un monde des représentations, de la description. Cette caractéristique semble particulièrement pertinente pour les récits de voyages. Recueils d’expériences vécues ou imaginées, ces ouvrages sont autant de fenêtres vers un ailleurs, autant d’occasions pour l’auteur de se mettre en scène et pour le lecteur d’investir le monde. Retranscription d’un itinéraire, l’auteur y fixe par écrit ses sensations, à commencer par sa rencontre avec le paysage.

La notion de paysage est discutée depuis plusieurs années en géographie2. Défini en premier lieu comme « l’aspect visible et réel d’un morceau de territoire, dans une zone donnée, avec ses éléments “objectifs” »3, le « paysage », entendu ici avec un p minuscule comme géographique, est aussi une « interface » mettant en jeu nature et société, définissant par-là « une réalité socioécologique »4. Cette notion ne se résume cependant pas à une dimension physique et certains chercheurs en ont exploré d’autres dès les années 1970. En 1977, le canadien Raymond Murray Schafer publie un ouvrage pionnier intitulé Tuning the World dans lequel il développe la notion de soundscape, traduit en français par « paysage sonore »5. Ce concept est initialement défini comme « l’étude des influences d’un environnement sonore sur les caractères physiques et le comportement des êtres qui l’habitent »6. Le géographe anglais Paul Rodaway note cependant qu’au fil des années, le soundscape de Schafer s’est peu à peu distancié de l’interconnexion territoire-individu(s) pour ne plus se rapporter qu’à son acception minimale de « tableau sonore »7.

Ce n’est qu’au cours des années 1990 que la multiplicité des sens du terme « paysage » a réellement été investie. En 1999 par exemple, Frédéric Roulier appelait de ses vœux une ouverture de la recherche à une « géographie des milieux sonores » :

Alors que l’image est collée à l’objet, les bruits parviennent à se détacher de leur source ; ils ricochent et rebondissent à une vitesse fulgurante ; ils se répètent dans l’écho puis disparaissent brutalement ; ils s’éloignent, se rapprochent, se mélangent et fusionnent… Pour insaisissable qu’il soit en apparence, l’espace sonore existe pourtant bel et bien et semble lancer comme un défi aux géographes.8

Si la géographie semble être de prime abord le champ de recherche le plus adéquat pour s’occuper de cette question, d’autres disciplines s’en sont aussi saisies telles que l’ethnomusicologie, l’anthropologie, l’architecture, l’urbanisme, ou encore l’histoire. Au sein de cette dernière, Alain Corbin, historien des sensibilités, fait office de pionnier lorsqu’il publie en 1994 un livre intitulé Les cloches de la terre9. À travers une étude des archives départementales, il met en lumière l’importance cruciale, au xixe siècle, de la maîtrise du son dans les campagnes françaises et révèle les batailles qu’ont engagé les pouvoirs laïc et religieux pour la maîtrise du temps. Il montre aussi à quel point les villageois nourrissaient pour les cloches, qu’elles soient municipales ou cléricales, une affection profonde. À sa suite, plusieurs travaux ont été menés notamment sur la sonorité des villes et de la nature10. Si différentes archives ont été étudiées pour ces divers travaux, il ne semble y avoir aucune étude portant spécifiquement sur les sons dans les récits de voyage.

Notre recherche est ici centrée sur la seconde moitié du xixe siècle, période particulièrement faste pour le développement du tourisme européen, notamment français, autour du cercle polaire11 où les conquêtes et les explorations ont laissé place à des voyages organisés avec des lieux devenus incontournables à visiter. À partir de l’étude des neuf récits de voyage français choisis et répartis entre 1840 et 1900 ayant pour objet la Laponie12, nous chercherons à interroger le rôle du son et du paysage sonore dans la fabrication du genre littéraire du récit de voyage. Pour cela, en nous appuyant sur les catégories sonores définies par les chercheurs ayant préalablement travaillé sur la notion de « paysage sonore », nous dégagerons les diverses mentions relatives aux sonorités relevées par les voyageurs. Nous montrerons ensuite comment la sélection des sons et leur mémorisation peuvent s’inscrire au sein d’un cycle de l’imaginaire, au sens que le philosophe Gilbert Simondon donne à cette notion. Enfin, nous montrerons qu’au-delà des catégories précédemment définies, le son est un vecteur de souvenirs et de rêveries qui rappellent en creux la situation d’altérité dans laquelle se trouve le voyageur, loin de chez lui.

Des sonorités catégorisées

Il est communément admis qu’il existe trois grandes catégories de sons13 :

  • La « géophonie », comprise comme l’ensemble des sources naturelles non animales telles que le vent, la pluie, le torrent, le tonnerre ;

  • La « biophonie », ou sources animales ;

  • L’« anthropophonie », qui s’applique aux sons émanant des êtres humains et des artefacts qu’ils fabriquent.

Bien que ces trois concepts soient essentiels pour arriver à caractériser une écologie du paysage sonore il semble toute de même manquer un élément qui fait, selon nous, pleinement partie de cette catégorisation : le silence. Alain Corbin en faisait état au cours d’une intervention : « Pour comprendre le paysage sonore, il faut comprendre le silence. »14 Cette remarque prend tout son sens lorsqu’il s’agit de la Laponie et plus encore durant l’hiver. Si les voyageurs s’empressent de décrire la région comme étant morte, froide et noire durant les six mois les plus froids, les habitants ne manquent pas non plus de le remarquer comme le précise un prêtre de la région de Kautokeino à Pierre Frédé :

Tout est silencieux ; ce silence est parfois écrasant, il semble qu’il nous rapetisse à la hauteur de l’insecte. On sent que la vie humaine est absente, que la vie animale est endormie.15

Au bord des fjords comme dans l’intérieur des terres, le silence gagne toutes les zones, y compris les villes. Xavier Marmier remarque lors de son voyage à Hammerfest qu’à cette période « les bâtiments étrangers disparaissent l’un après l’autre, les entrepôts ferment, les affaires cessent, tout retombe dans un profond silence », la ville devenant « un monde à part, isolé de l’univers entier »16.

Si l’on peut égrener longuement ces exemples, les sons n’en occupent pas moins l’espace. Les bruits de la région viennent se greffer sur le silence17. Un exemple caractéristique d’alternance des ambiances sonores est donné par Louis Enault lorsqu’il est au Cap Nord et qu’il évoque la succession du jour et de la nuit en été sous le soleil perpétuel :

Ainsi, vers huit heures du soir, tout rentre dans le calme, et la nature, peu à peu s’engourdit et tombe dans la torpeur du sommeil. […] l’oiseau cache sous son aile une tête fatiguée, le vent tombe, emmenant avec lui son cortège de nuages, comme pour laisser le libre espace à la lumière égale et calme. Un peu après minuit, toute la nature commence à s’animer, peu à peu et lentement. […] À la surface de la mer, montent et clapotent de petites vagues ; les courants d’air froid se précipitent du nord vers le midi ; puis, à mesure que le soleil quitte la ligne de l’horizon pour s’élever au zénith, progressivement ses rayons agissent sur le sol ; les mousses relèvent leurs petites têtes penchées, et les ruisseaux gonflés voient grossir et entendent gronder leurs flots et leurs murmures.18

Le passage, quoique romantique, est particulièrement précis dans sa description de l’alternance des sons au point le plus septentrional d’Europe. Les sons de la « nature », c’est-à-dire ce qui est extérieur à l’homme, sont multiples, divers et se retrouvent dans toutes les parties de la région. La nature de la Laponie bruisse, du « murmure du ruisseau »19 au « torrent qui mugit »20, des « brises adorables qui passent comme le souffle de Dieu, à travers [la] nature morte »21 aux « vents sonores et […] tempêtes retentissantes » où « aucune voix humaine ne peut plus se faire entendre »22. Ce large éventail de qualificatifs est d’autant plus intéressant que l’on peut relever l’utilisation de termes propres à la biophonie et l’anthropophonie pour qualifier la géophonie, abolissant presque la frontière entre ces catégories. Par ailleurs, ces descriptions de sonorités antagonistes permettent aux auteurs de faire de la Laponie une terre des extrêmes, une terre où les contraires peuvent se rencontrer au détour du chemin.

La ville est le principal lieu de l’anthropophonie. En effet, même si nous avons souligné le silence profond qui repose sur celle-ci durant l’hiver, les voyageurs mentionnent bien volontiers la fréquentation de Tromsø, Talvik ou encore Hammerfest. Ces poches de vie, ces ports, voient les touristes, les pêcheurs, les habitants de la localité ou de l’intérieur des terres se rencontrer, échanger, commercer. Marmier note que « l’été, cette petite ville de Hammerfest offre un tableau riant et animé »23 et Pierre Frédé mentionne la foire de Talvik déjà évoquée quatre-vingt ans plus tôt par l’italien Joseph Acerbi en voyage dans la région24. Frédé écrit des Sames que « jeunes et vieux, femmes et enfants venus en bateaux, chant[ent], grouill[ent], bavard[ent], cri[ent], tout en échangeant des fourrures, des peaux de rennes […] contre les denrées les plus indispensables »25. À Tromsø, Léon Dumuÿs compare le calme de la mer bordant la ville au « remuement du port » où « depuis longtemps, les chalands bondés de marchandises [font] un service aussi actif que régulier entre la côte et [leur] navire » ajoutant que « les rares avertissements de [leurs] matelots répond[ent] aux cris des manœuvres qui décharg[ent] les embarcations »26. Ajoutons à ce remue-ménage citadin que les auteurs évoquent tous les mouvements et bruissements de la ville sans jamais mentionner les langues qui les entourent. La longue exposition à ces dernières les a insensibilisés aux sonorités étrangères à leur propre langue. Ce n’est que lorsqu’ils redescendent vers le sud qu’ils se rendent compte de ce qu’ils ont côtoyé, comme en témoigne Dumuÿs une fois à Copenhague :

Mais au fait, il y a une Exposition internationale à Copenhague en ce moment ! Par ma foi, nous n’y pensions plus !… Quel bonheur ! nous allons donc voir des Français, entendre parler notre langue, depuis le temps que le dano-norwégien, le suédois et l’anglais nous cornent les oreilles !27

Toutefois, les multiples exemples présentés ici ne doivent pas laisser penser que les références aux sons sont omniprésentes. Il n’en est en effet rien puisqu’elles ne représentent qu’une fraction minime des récits. L’un des principaux écueils d’une approche du paysage sonore à travers ces archives serait de croire que cette mise en série crée un tableau sonore cohérent de la Laponie. En réalité, ce dernier est un canevas bien incomplet et la tentative de restitution tentée ici ne doit pas masquer les manques cruels existant et il est de surcroit impératif de garder en tête que le récit de voyage est le fruit d’un processus de sélection reposant sur différentes étapes.

Le cycle de l’imaginaire

Dans un cours donné en 1965, le philosophe des techniques Gilbert Simondon (1924-1989) inscrit le processus de création d’une image mentale dans un « cycle de l’imaginaire » :

L’image mentale est comme un sous-ensemble relativement indépendant à l’intérieur de l’être vivant sujet ; à sa naissance, l’image est un faisceau de tendances motrices, anticipation à long terme de l’expérience de l’objet ; au cours de l’interaction entre l’organisme et le milieu, elle devient système d’accueil des signaux incidents et permet à l’activité perceptivomotrice de s’exercer selon un mode progressif. Enfin, lorsque le sujet est à nouveau séparé de l’objet, l’image, enrichie des apports cognitifs et intégrant la résonance affectivo-émotive de l’expérience, devient symbole.28

Le cycle simondonien peut donc se résumer de la manière suivante :

Image

Sur ce schéma, une référence au travail de Jean Piaget a été ajoutée concernant l’étape de la perception, lui qui dans ses travaux en distinguait deux types : l’assimilation, entendue comme la concordance entre l’anticipation et l’expérience du terrain ; l’accommodation qui entraîne une correction de l’anticipation par l’expérience et une nouvelle appréhension du paysage mental29.

Dans notre cas, l’ensemble de ce schéma nous semble intervenir à au moins deux niveaux. Le premier et le plus évident est celui de la production d’un récit de voyage issu de l’expérience in situ du voyageur. Ce cycle s’applique parfaitement au voyage d’une personne qui souhaite confronter ce qu’elle suppose savoir à une expérience de terrain30. Ainsi, l’anticipation, la « pré-image », se forme par la lecture d’auteurs plus anciens permettant la composition d’un fonds de connaissances qu’il tentera d’éprouver. La confrontation avec le terrain l’amènera à confirmer ou infirmer ce qu’il croit savoir, sédimentant ou rectifiant une représentation du lieu. La comparaison des sources éclaire très bien la subjectivité des perceptions des voyageurs. La référence faite au maelström, ce lieu d’échange de courants au large des côtes nord norvégiennes et objet de littérature31, en est un bon exemple. À son approche, Louis Enault écrit en 1857 :

L’horizon se rétrécissait devant nous ; les vapeurs montaient de la mer, et le ciel gris s’abaissait. Cependant, vers un endroit d’où je ne détachais plus mes regards, je voyais de tous les points accourir, grosses comme des montagnes, les vagues sonores qui se précipitaient les unes contre les autres et luttaient ; puis tout à coup, englouties dans un abîme, elles disparaissaient ; nous étions à quelque distance de la trombe permanente, éternelle, du plus terrible tourbillon qui soit dans le monde entier, le Maëlstrom, que les anciens, dans leur langue faite d’images, appelaient le nombril de la mer.32

Quarante ans plus tard, Maurice Letellier écrit à propos de ce même phénomène que « ce courant que l’on représente parfois comme un entonnoir engloutissant des navires, a une réputation de danger surfaite » et préfère évoquer les dangers d’un autre, le Saltstraumen, qui selon lui est beaucoup plus dangereux où « même les bateaux à vapeur ne peuvent traverser ces goulets que pendant l’heure où les courants changent de direction »33. L’île de Sværholt, au nord de la Norvège, aussi appelée par les voyageurs « l’île aux mouettes » et devenue un point de passage incontournable des tours dans le Grand Nord, est aussi un exemple intéressant montrant explicitement que les voyageurs se lisent les uns les autres. Comme le raconte Marcot en 1885 :

Notre bateau s’approche tout près de la côte et lâche sa vapeur ; après un premier moment de stupeur, une grande partie des mouettes posées sur le rocher, prennent leur vole en longues bandes et viennent tournoyer au-dessus de nous, en poussant des cris stridents, puis regagnent la roche. Deux fois, le navire déchire l’air du bruit de son sifflet, et deux fois des myriades de mouettes effarouchées viennent tourbillonner autour de nous.34

Quatre ans plus tard, on lit chez Léon Dumuÿs :

Tout à coup, le capitaine nous prévient que nous allons assister à un spectacle nouveau. En effet, les deux canons du bord sont chargés sur son ordre, et le navire se rapproche d’un promontoire aux rochers énormes plaqués de taches vertes et blanches. […] À son commandement, notre artillerie fait feu de toutes pièces. Aussitôt, des milliers de mouettes aux blanches ailes s’échappent de chaque fissure, de chaque arête du rocher, et s’envolent en poussant des cris d’effroi. On eût dit qu’il neigeait ; l’île disparaissait sous ce rideau mouvant, et le bruit de cette rafale d’un nouveau genre imitait celui d’une bouillotte de dimensions colossales murmurant dans l’âtre.35

Et en 1897 Maurice Letellier de raconter le même évènement :

Grâce aux descriptions exagérées de certains voyageurs, j’ai été bien déçu en voyant ce rocher fameux : il n’est pas « tout blanc de mouettes » mais bien revêtu d’une couche jaunâtre de fiente ; […] enfin, quand notre bateau, arrêté à une demi-encâblure, tira les coups de canon réglementaires et fit retentir son sifflet d’alarme, non pas des millions mais quelques centaines de mouettes s’élevèrent dans les airs en poussant leur cri aigu ; le soleil ne fut réellement obscurci et l’on pouvait encore parfaitement entendre ses propres paroles !36

Au cours de son itinéraire, le voyageur est soumis à une incessante succession de ce que John Dewey appelait une « situation », définie comme l’interconnexion de moments dépendants les uns des autres lui octroyant une « qualité d’omniprésence »37. De ce fait, le son n’est plus frontal mais spatial38. Cette notion comprend à la fois ce qui entoure l’acteur, ce qu’il discerne mais aussi ce qu’il préconçoit avant d’en faire l’expérience. Cette idée se rapproche fortement de ce que les urbanistes appellent l’« ambiance » d’une zone. Sa prise en compte par le percevant n’est pas immédiate et nécessite de sa part un temps d’arrêt et un retrait réflexif sur son environnement. C’est alors seulement qu’il peut retranscrire sur son carnet de notes ce qu’il perçoit. La mise par écrit est donc une étape supérieure qui consiste à sélectionner des éléments notables de la situation afin de les reporter et les mémoriser. Il existe nécessairement un écart important entre ce qui arrive durant le voyage, ce qui retient l’attention de l’auteur hors du champ de l’écriture et ce qu’il écrit, le voyageur étant baigné dans un bruit informationnel duquel il doit extraire des éléments qui vont, de son point de vue, sortir de l’ordinaire. De ce fait, ce qui nous parvient dans les récits sont des éléments parcellaires d’un monde qui n’était déjà pas complet au moment de son inscription sur le papier. Le récit de voyage, quant à lui, est un produit fini issu de cette étape intermédiaire, lissé, autocensuré. Plutôt qu’un outil mémoriel, il est un outil de communication39 paradoxalement riche en représentations mais pauvre en informations au regard de ce qu’a vécu le touriste. Il permet cependant d’alimenter l’imaginaire des lecteurs qui constitueront éventuellement la génération suivante de voyageurs en leur donnant la possibilité d’accéder à un univers de prime abord inaccessible. Pour résumer, l’anticipation issue des lectures des récits antérieurs est éprouvée à l’aune de l’expérience de terrain dont seulement une partie de la totalité sera mémorisée et reportée dans un ouvrage réorganisé.

Suivant cela, l’ensemble du cycle peut aussi s’appliquer à un second niveau qui serait celui du lecteur alimentant sa propre représentation de la région sans se déplacer physiquement40. Chaque étape s’applique à son parcours. Il anticipe le contenu de sa lecture, confronte sa préconception au récit, mémorise et cartographie les lieux. Ses explorations littéraires successives vont ainsi challenger les précédentes et sa perception s’en trouvera à chaque fois confortée ou modifiée. Il ne s’agit pas ici de savoir si celle-ci tend vers la vérité ou l’erreur mais plutôt de s’intéresser au fait que sa représentation est un état de son savoir sur la région. Ce niveau ne repose donc pas sur l’expérimentation directe du terrain physique mais sur celle du terrain imaginaire.

Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse du premier ou du second niveau, le récit qui est lu se doit d’être compréhensible et s’inscrire d’une manière ou d’une autre dans le champ de l’entendement du lecteur. Pour cela, l’auteur doit nécessairement faire appel à des notions déjà intégrées par son auditorat et jouer avec les analogies si la description directe ne peut pas être comprise.

Souvenirs et imaginaires

Il est un évènement qui revient souvent dans les différents récits de la période. Xavier Marmier le raconte ainsi en 1840 :

À l’arrivée des visiteurs [dans un camp same] les rennes se levèrent et s’enfuirent comme des biches sur le penchant de la colline, en faisant entendre un léger craquement d’articulations qui ressemble au pétillement d’une fusée ou à la détonation d’une machine électrique.41

Ce qui est particulièrement intéressant ici, outre le fait que l’évènement soit répété et décrit par beaucoup, ce sont les descriptions qui sont faites du bruit des sabots sur le sol. Presque tous, à la suite de Marmier, le décrivent comme celui « d’une machine électrique », d’une « décharge électrique »42 ou encore « d’une étincelle électrique »43. Bien que l’explication de la cause diffère de l’un à l’autre, le point saillant est cette introduction d’une analogie industrielle pour décrire un bruit. Cela est d’autant plus étonnant qu’elle nous ramène à l’absence complète des sonorités de l’industrie dans la région alors que les mines, les forges et les scieries sont visitées par les voyageurs. De son côté, Pierre Frédé utilise cette référence sonore pour réfuter l’idée selon laquelle les aurores boréales seraient dues « à des courants électriques, ainsi que beaucoup de savants l’affirment » puisque, ajoute-t-il :

Si l’électricité était pour quelque chose dans ces apparitions, il est évident que, pendant leur durée, très variable, quelquefois assez longue, il s’en dégagerait un bruit quelconque.44

Par l’utilisation de références industrielles permettant au lecteur de se figurer la sonorité d’un évènement, l’auteur densifie le profil culturel d’un espace inconnu en lui en attribuant un second45. Ce procédé est utilisé par certains voyageurs lorsqu’un son les replonge dans leurs souvenirs. Celui-ci devient alors une passerelle géographique et temporelle, mettant en lien le lieu visité et le foyer, le présent et le passé. La musique possède par exemple un fort pouvoir d’affect et de rappel aux souvenirs46. En 1838, alors qu’ils se trouvent dans un salon bourgeois en Norvège, Charles Martin et ses amis écoutent la maîtresse de maison jouer un morceau de piano. Il écrit alors qu’un « écho lointain de la civilisation […] venait les trouver au milieu des solitudes de la Laponie » et que chacun d’eux « y rattachait quelque souvenir de la patrie absente »47. Trente ans plus tard, chez un prêtre de Tromsø, Marcot « reconnu[t] bien vite un de ces cantiques qu’[il] avait entendu chanter tant de fois dans [s]on village de France ». Revoyant la campagne et l’église, il ajoute :

Mais aussi pouvais-je penser qu’à Tromsö (sic), au-delà du cercle polaire, j’allais voir se dresser devant moi cette évocation inattendue de ce petit coin de la patrie où j’avais laissé tant de chers souvenirs.48

Enfin, la même année mais plus haut dans les terres, Eugène Guibout assiste avec sa femme à la messe qu’il craint être une « messe basse ». Des chœurs d’enfants se mettent alors à chanter et le voyageur écrit :

Ces chants inattendus, d’une si pieuse expression, ces voix d’enfants, cet orgue, dont les sons étaient si doux, ces mêmes chants, ces mêmes airs de Paris, retrouvés et entendus, dans une région si différente, si lointaine, en pleine Laponie, tout cela nous émut profondément, et je sentis mes yeux se mouiller de larmes.49

Le souvenir superpose donc deux évènements, deux images qui ne raccourcissent ni ne dilatent le temps mais intensifient, densifient, le moment50. Ceux-ci ne se répondent pas temporellement mais affectivement.

Si le son est un vecteur de souvenirs, il est aussi un vecteur de rêverie. Cela ne concerne pas uniquement les voyageurs frappés de nostalgie, il peut aussi affecter les locaux. Dans la région de Kautokeino par exemple, alors que Pierre Frédé est hébergé par un prêtre et sa famille, celui-ci lui parle du rapport de la population locale au feu :

Nous avons des hivers rudes et dures, cela est vrai ; mais ces froids-là ne durent que quelques jours ; nous nous chauffons avec de bon bois résineux qui ne nous coûte rien que la peine de le faire couper dans la forêt. Ce bois crépite gaiement dans l’âtre, cela vaut mieux que du charbon de terre. Le charbon donne un feu bête, insignifiant, qui se contente de brûler sans rien dire ; tandis que nos bonnes bûches de sapin parlent, jacassent, pétillent, éclatent, murmures gaiement. En nous chauffant nous entendons quelque chose. Ce feu-là est mouvant, il a un langage, il vous sourit et vous parle, anime votre esprit par mille facettes lumineuses ; il égaye votre cœur. Avec lui on ne s’ennuie pas, on pense, on prie, et le soir, en nous endormant aux clartés de ces grandes flammes, nous remercions le créateur de toutes choses de nous donner une si bonne société pendant l’hiver.51

Mettre en mots les sonorités implique d’aller puiser dans un imaginaire buissonnant de qualificatifs qui éveillent les sens. Bien qu’un propos traduit d’une langue à une autre perde nécessairement une partie du sens de l’original, Frédé nous montre parfaitement que contrairement à ce qu’écrit Gaston Bachelard, le son et les sonorités peuvent être traduits et provoquer une émotion52.

Conclusion

La Laponie ne correspond donc pas, du moins pas pleinement, à l’idée stéréotypée que l’on peut s’en faire, c’est-à-dire à une zone morte, à une région silencieuse. Des poches de sonorités existent à la fois dans les villes mais aussi en dehors. Penser la notion de paysage sonore dans les récits de voyage, c’est essayer de reconstituer un monde encore plus difficile d’accès que peut l’être le paysage visuel. Premièrement, les voyageurs prennent peu la peine de décrire ce qu’ils entendent proportionnellement aux nombreuses pages qui traitent de l’itinérance. Deuxièmement, le récit de voyage est lui-même le produit d’une succession d’étapes qui ont filtré au fur et à mesure les informations à faire parvenir aux lecteurs. Essayer de dresser un tableau cohérent du paysage sonore de la Laponie à partir des récits de voyage n’est donc pas une tâche facile. En revanche, une approche des sons permet de mettre en lumière des procédés d’écriture et de connexion entre l’auteur et son auditorat. Par l’intermédiaire d’analogies, le voyageur est capable de modifier le profil culturel d’une région et de le densifier en y superposant son propre imaginaire. Si faire connaître est un élément essentiel de la littérature viatique, le voyageur, dans sa position d’acteur, peut re-connaître une situation et, en la partageant, rappeller la situation d’extrême altérité dans laquelle il se trouve.

Enfin, il serait illusoire de croire qu’aujourd’hui l’enregistrement sonore pourrait être une meilleure source pour travailler sur ces questions. Si le dispositif peut capter en continu l’ambiance d’une zone, elle devra nécessairement, pour être traitée, être mise en mots et associée à des images mentales. Nous ne saurions mieux conclure que Daniel Deshays qui écrit à ce propos :

Lorsqu’on interroge le sonore par son enregistrement, on oublie d’interroger les protocoles de sa captation. On croit en sa représentation. Or celle qui est offerte par le microphone n’est que le modèle historique actuel de la représentation sonore, un objet nouveau dont la « vérité » est née à la fin du xixe siècle et qui n’a pas changé de principe depuis la naissance du cylindre. […] Cette croyance en la fidélité de la représentation masque la véritable question : celle de la construction de la représentation.53

Anmerkungen

1 Ono-dit-biot, Christophe, « Andrea Marcolongo et Paul Fournel : légendes », Le temps des écrivains, France Culture, émission diffusée le 23/02/2019, consultée le 24/03/2019, <https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-des-ecrivains/le-temps-des-ecrivains-du-samedi-23-fevrier-2019>.

2 Pour une bibliographie conséquente, nous renvoyons le lecteur vers l’article de Gauché, Évelyne, « Le paysage à l’épreuve de la complexité : les raisons de l’action paysagère », Cybergeo: European Journal of Geography, Environnement Nature, Paysage, document 742, mis en ligne le 03 octobre 2015, consulté le 07 mars 2019. <https://doi:10.4000/cybergeo.27245>.

3 Carrière, Jean-Claude, « La notion de “paysage” et l’imaginaire de la montagne dans l’Antiquité grecque », Levêque, Laure (éd.), Paysages de mémoire, mémoire du paysage, Actes du Colloque international de Besançon « Mémoire et devenir des paysages culturels d’Europe » (1-4 décembre 2005), Paris, L’Harmattan, 2006, p. 113-123, p. 113.

4 Bertrand, Georges, « Le paysage entre la Nature et la Société », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, t. 49, fascicule II, 1978, p. 239-258, p. 245.

5 Schafer, R. Murray, Le Paysage sonore : Le monde comme musique, Wildproject, 2010 (1977).

6 Cité par Geisler, Élise, « Du “soundscape” au paysage sonore », métropolitiques.eu, mis en ligne le 23/10/2013, consulté le 22/10/2018, <https://www.metropolitiques.eu/Du-soundscape-au-paysage-sonore.html#nh4.>.

7 Rodaway, Paul, Sensuous Geography. Body, Sense and Place, Londres et New York, Routledge, 1994, cité par Geisler, Élise, Ibid.

8 Roulier, Frédéric, « Pour une géographie des milieux sonores », Cybergeo: European Journal of Geography, Environnement, Nature, Paysage, document 71, mis en ligne le 21 janvier 1999, consulté le 15 octobre 2018. <http://journals.openedition.org/cybergeo/5034>, p. 1-2.

9 Corbin, Alain, Les cloches de la terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au xixe siècle, Paris, Albin Michel, 1994.

10 On retiendra par exemple Gutton, Jean-Pierre, Bruits et sons dans notre histoire : essai sur la reconstitution du paysage sonore, Paris, Presses Universitaires de France, 2000 ; Balaÿ, Olivier, L’espace sonore de la ville au xixe siècle, Bernin, À la croisée, 2003 ; Thompson, Emily, The Soundscape of Modernity. Architecture Acoustics and the Culture of Listening in America, 1900-1933, Cambridge, MIT Press, 2004 ; Farge, Arlette, Essai pour une histoire des voix au dix-huitième siècle, Paris, Bayard, 2009 ; le très récent Silences et bruits du Moyen-Âge à nos jours. Perceptions, identités sonores et patrimonialisation sous la direction de Juliette Aubrun, Paris, L’Harmattan, 2015 ; ou encore Corbin, Alain, Histoire du silence, De la Renaissance à nos jours, Paris, Albin Michel, 2016.

11 Orlandini Carcreff, Alessandra, Au pays des vendeurs de vent. Voyager en Laponie et en Finlande du xve au xixe siècle, Aix-en-Provence, Publication de l’Université de Provence, 2017 ; Spring, Ulrike, « Tracing Tourism Discourse : discovering Spitsbergen around 1900 », Communication donnée lors du colloque « L’écriture du “Nord du Nord”. Construction d’images, confrontation au réel et positionnement dans le champ littéraire », Nancy, 15-17 novembre 2018.

12 Les récits en question sont : 1) Marmier, Xavier, Lettres sur le Nord : Danemark, Suède, Norvège, Laponie et Spitzberg, 2 tomes, Paris, H. L. Delloye, 1840 ; 2) Enault, Louis, La Norvège, Paris, Hachette, 1857 ; 3) Martin, Charles, Du Spitzberg au Sahara, étapes d’un naturaliste au Spitzberg, en Laponie, en Écosse, en Suisse, en France, en Italie, en Orient, en Égypte et en Algérie, Paris, J.B. Baillière et fils, 1866 ; 4) Léouzon le Duc, Louis, Vingt-neuf ans sous l’étoile polaire, souvenirs de voyages, deuxième série : Le Renne, Finlande – Laponie – Îles d’Aaland, Maurice Dreyfous, Paris, 1880 ; 5) Guibout, Eugène, Les Vacances d’un médecin, 5e série, Paris, G. Masson, 1885 ; 6) Marcot, L., À travers la Norvège : Souvenirs de voyage, Paris, Berger-Levrault et Cie, 1885 ; 7) Frédé, Pierre, Voyage au Cap nord et en Laponie par la Finlande, Paris, Libraire Ch. Delagrave, 1887 ; 8) Dumuÿs, Léon, Voyage au pays des fjords. De Paris au Cap Nord, Orléans, H. Herluison, 1889 ; 9) Letellier, Maurice, À travers la Norvège et le Spitzbergen, Paris, Lamulle & Poisson Éditeurs, 1897.

13 Krause, Bernie, The Great Animal Orchestra: Finding the Origins of Music in the World’s Wild Places, Boston, Little, Brown and Company, 2012.

14 France culture, La fabrique de l’histoire, « Épisode 4 : Peut-on faire l’histoire du paysage sonore ?», 21/03/2013, consultée le 04/03/2019, <https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/paysage-sonore-44>.

15 Frédé, Pierre, op. cit., p. 177.

16 Marmier, Xavier, op. cit., t. 1, p. 263.

17 À la différence d’autres moments de l’histoire comme la première guerre mondiale où c’est le silence qui vient se greffer sur le bruit. France culture, La fabrique de l’histoire, op. cit.

18 Enault, Louis, op. cit., p. 443.

19 Marmier, Xavier, op. cit., t. 2, p. 11.

20 Enault, Louis, op. cit., p. 347.

21 Frédé, Pierre, op. cit., p. 177.

22 Enault, Louis, op. cit., p. 444.

23 Marmier, Xavier, op. cit., t. 1, p. 95.

24 Acerbi, Joseph, Travels through Sweden, Finland and Lapland, to the North Cape, in the years 1798 and 1799, 2 vol., Londres, Joseph Mawman, 1802.

25 Frédé, Pierre, op. cit., p. 217.

26 Dumuÿs, Léon, op. cit., p. 132-133.

27 Dumuÿs, Léon, op. cit., p. 310-311.

28 Simondon, Gilbert, Imagination et Invention, 1965-1966, Paris, Presses universitaires de France, 2014 (2008), p. 3.

29 Piaget, Jean, Biologie et connaissance. Essai sur les relations entre les régulations organiques et les processus cognitifs, Gallimard, Paris, 1967.

30 Gilles Deleuze (dans « V comme voyage ») citant Proust dit : « Finalement qu’est-ce qu’on fait quand on voyage, on vérifie toujours quelque chose », et il prend soin de préciser que Proust ajoute plus loin : « Le vrai rêveur c’est celui qui va vérifier quelque chose. » « V comme voyage », L’Abécédaire de Gilles Deleuze avec Claire Parnet produit et réalisé par Pierre-André Boutang, Paris, Montparnasse, 1996, 3 dvd, cité dans Condé, Lycette (dir.), Variations juridiques sur le thème du voyage, Nouvelle édition [en ligne]. Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2015, (consulté le 15 mars 2019), <doi:10.4000/books.putc.827>, p. 395.

31 Il est par exemple le sujet du livre d’Edgar Allan Poe Une descente dans le Maelstrom (1841) ou se retrouve dans le Moby Dick de Melleville (1851).

32 Enault, Louis, op. cit., p. 395.

33 Letellier, Maurice, op. cit., p. 79.

34 Marcot, L., op. cit., p. 223.

35 Dumuÿs, Léon, op. cit., p. 102-103.

36 Letellier, Maurice, op. cit., p. 115-116.

37 En anglais : « pervasive quality ». Dewey, John, Logic: The Theory of Inquiry, New York, Henry Holt and Company, 1938, p. 66, cité dans Thibaud, Jean-Paul, « The sensory fabric of urban ambiances », Senses and Society, vol. 6, no 2, p. 203-215, p. 204.

38 Battesti, Vincent, « “L’ambiance est bonne” ou l’évanescent rapport aux paysages sonores au Caire : Invitation à une écoute participante et proposition d’une grille d’analyse », Candau, Joël, Le Gonidec, Marie-Barbara (éd.), Paysages sensoriels : Essai d’anthropologie de la construction et de la perception de l’environnement sonore, Paris, CTHS, 2013, p. 79.

39 « En d’autres termes, l’artiste qui produit sait qu’il structure à travers son objet un message : il ne peut ignorer qu’il travaille pour un récepteur. Il sait que ce récepteur interprétera l’objet-message en mettant à profit toutes ses ambiguïtés, mais il ne se sent pas pour autant moins responsable de cette chaîne de communication. Par suite, toute poétique explicite est déjà, comme projet opératoire, projet de communication, elle est projet sur un objet et sur ses effets. » Eco, Umberto, L’œuvre ouverte, Paris, Seuil, 1965 (1962), p. 11.

40 Un niveau intermédiaire serait à considérer mais il nécessiterait une étude en lui-même. Il s’agit de ces producteurs de récits de voyage de salon, ceux qui ne voyagent pas mais qui pourtant alimentent le fond bibliographique. Ils se nourrissent des écrits des autres, les synthétisent et les combinent pour créer une représentation supplémentaire de la région sur laquelle de nouveaux lecteurs vont peut-être fonder leur préapproche de la zone.

41 Marmier, Xavier, op. cit., t. 2 p. 33.

42 Léouzon Le Duc, Louis, op. cit., p. 210.

43 Letellier, Maurice, op. cit., p. 102.

44 Frédé, Pierre, op. cit., p. 143.

45 Romieu, Patrick, « Désenchanter le sonore : quelques considérations sur les méandres inférieurs de l’écoute », Guiu, Claire et al., Soundspaces. Espaces, expériences et politiques du sonore, p. 167-172, p. 169.

46 « À l’égal des yeux qui, fermés rapidement, laissent persister et vivre brièvement la dernière image captée, un événement sonore pertinent laisse des traces dans notre entendement, comme une sorte de résonnance mentale. […] une cause (instrumentale) n’a pas qu’un effet (sur notre perception) elle a aussi des conséquences. » Savouret, Alain, Introduction à un solfège de l’audible, Lyon, Symétrie, 2010, p. 27, cité dans Mghirbi, Ali, Images sonores et promotion publicitaire, thèse de doctorat sous la direction de Gilles Methel, soutenue le 29 juin 2016, Université Toulouse 2 Jean Jaurès, 2016, p. 63.

47 Martins, Charles, op. cit., p. 192.

48 Marcot, L, op. cit., p. 192.

49 Guibout, Edouard, op. cit., p. 84.

50 « Plus un temps est meublé, plus il paraît court. On devrait donner à cette observation banale une place primordiale dans la psychologie temporelle. Elle serait la base d’un concept essentiel. On verrait alors l’avantage qu’il y a à parler de richesse et de densité plutôt que de durée. » Bachelard, Gaston, La dialectique de la durée, Paris, Presses universitaires de France, 2013 (1950), p. 37.

51 Frédé, Pierre, op. cit., p. 174-175.

52 « Un rêveur qui a lu les livres de Franz von Baader retrouve, en miniature et en sourdine, dans les cris de sa chandelle, les éclats de l’éclair. Il entend le bruit de l’être qui brûle, ce Schrack qu’Eugène Susini nous dit intraduisible de l’allemand en français. Il est curieux de constater que ce qu’il y a de plus intraduisible d’une langue à une autre ce sont les phénomènes du son et de la sonorité. » Bachelard, Gaston, La flamme d’une chandelle, Paris, Presses universitaires de France, 2015 (1961), p. 42.

53 Deshays, Daniel, « Paysage sonore ? », Guiu, Claire et al., op. cit., p. 20-24, p. 21.

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gedruckte Quellen

Yohann Guffroy, « Reconstituer un paysage sonore par la littérature ? », Deshima, 14 | 2020, 101-116.

Elektronische Referenz

Yohann Guffroy, « Reconstituer un paysage sonore par la littérature ? », Deshima [Online], 14 | 2020, online gestellt am 04 décembre 2025, aufgerufen am 05 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/deshima/index.php?id=672

Autor

Yohann Guffroy

Assistant-doctorant. École polytechnique fédérale de Lausanne (LHST/EPFL).

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