Qu’est-ce qui vous a menée sur la voie de l’illustration scientifique ?
C’est une discipline assez particulière et méconnue. Je pense que mon premier angle d’approche était l’illustration. Quand j’étais petite, je lisais énormément d’albums jeunesse, je passais des heures à décrypter des images, par exemple de Claude Ponti, avec beaucoup de détails et des choses incongrues. Mon premier rêve était de réaliser un album jeunesse. Petit à petit, je me suis rendu compte que j’avais du mal à faire des choix parce que j’étais très curieuse. J’avais envie d’explorer la science, j’aimais beaucoup les mathématiques, la physique, la littérature. J’ai décidé de me diriger vers l’illustration avec une sorte de fascination qui avait peut-être au début une origine « scolaire » : collecter des bons points, des petites images. J’avais l’impression que ces choses visuelles constituaient toute ma richesse. L’illustration et les arts appliqués que j’ai étudiés au lycée m’ont fait découvrir la possibilité d’utiliser l’image ou les moyens de création au service d’une autre discipline. C’est là, également, que j’ai entrevu les premiers ponts avec la science. Je mélangeais les couleurs de ma palette pour créer des nuances tout en apprenant le côté plus théorique avec l’optique, la soustraction, l’addition des couleurs. Au départ, quand j’ai développé ma pratique de l’illustration, j’étais très proche de la réalité, et finalement éloignée de la fiction. Or j’ai senti que l’image permettait d’aller plus loin et de raconter des choses que l’on ne voyait pas directement. L’illustration scientifique est venue du mélange de ces deux aspects : l’envie d’être dans la technique, l’explication, la connaissance et, en même temps, de pouvoir laisser court à ma sensibilité, à ce rapport avec la couleur, à l’imagination, et de combiner les deux.
La personne qui m’a particulièrement encouragée à rentrer dans ce domaine est Roland Lehoucq, un astrophysicien vulgarisateur qui travaille au centre CEA (Commissariat à l’énergie atomique) de Paris-Saclay. Il réalise de nombreuses conférences, des livres et des supports qui permettent de rendre la science accessible au public. Cette porte d’entrée dans l’astronomie est à mon sens assez judicieuse, parce qu’on est habitué∙e à voir des images en astronomie. C’est comme si les deux étaient déjà liés. Le philosophe des sciences Gaston Bachelard disait que l’imagination peut créer des images concrètes sur des images abstraites, des images présentes qui dépeignent des images absentes. Je trouve fascinante l’idée de créer sous la contrainte tout en laissant une place à l’imagination, ce qui, en réalité, paraît assez antithétique à l’esprit scientifique.
J’aimais beaucoup feuilleter le Codex Seraphinianus (1981)2 qui réunit tous les codes encyclopédiques dans un langage imaginaire et à l’aide d’images représentant une science totalement fantastique. L’illustration scientifique est une combinaison du langage, de la littérature et du dessin. L’opportunité de ne pas faire de choix : voilà ce qui m’a séduite dans cette voie-là.
Avant le xviiie siècle, les illustrations scientifiques n’étaient pas destinées aux novices. Ce n’est qu’au début de l’époque moderne que la production et la diffusion des savoirs s’intensifient, notamment avec la publication du Dictionnaire raisonné des Sciences et des Arts (1751) qui permet de diffuser une nouvelle vision du monde centrée sur des modes de connaissances plus rationnels qu’au Moyen Âge. Des Lumières au positivisme du xixe siècle, les images scientifiques se sont multipliées avec les illustrations naturalistes de Ernst Hæckel, ou encore les métaphores visuelles et verbales de Fritz Kahn, qui dans Das Leben des Menschen (La Vie de l’Homme) (1924), souligne les similitudes entre l’anatomie humaine et certains mécanismes complexes. Il compare, par exemple, le crâne humain à un dôme architectural, l’oreille interne à une automobile, ou encore l’odorat se voit décomposé en plusieurs procédés industriels.
Pour faire venir et séduire un nouveau public dans les années 1980, les musées de sciences naturelles et techniques se sont appropriés l’usage de ces médiations visuelles. Au regard du développement du format vidéo sur les réseaux sociaux, notamment pour la vulgarisation scientifique, quels sont, selon vous, les enjeux muséographiques liés à l’illustration scientifique pour attirer un jeune public ? Quelle(s) forme(s) prend aujourd’hui l’illustration dans les musées et les institutions ?
Sur les réseaux sociaux, les supports vidéos dédiés à la transmission de connaissances sont nombreux. Les illustrations, quant à elles, ne sont pas mobiles, mais plutôt bidimensionnelles ou tridimensionnelles, ce qui permet de focaliser davantage l’attention, dans un monde où l’on est sans cesse confronté∙e à cette multitude d’images autour de nous. L’illustration permet de synthétiser l’information ; elle partage un caractère d’immédiateté avec la vidéo. La pluralité des médias me semble une chose importante. En permettant de varier ou de combiner les types d’apprentissage, qu’ils soient centrés sur la visualisation ou sur l’audition, elle favorise la mémorisation des connaissances.
Si dans le passé les illustrations étaient surtout présentes dans les musées de zoologie, pour montrer, par exemple, des animaux en voie de disparition, leur usage dans les musées s’est multiplié. Alors qu’on pourrait les confondre avec des photographies réalistes, les illustrations scientifiques ne reproduisent pas des photographies préexistantes, elles sélectionnent des informations. Elles permettent à la fois de rendre les connaissances attractives et accessibles auprès d’un public qui n’y aurait pas eu accès, tout en laissant de la place pour la fiction. L’illustration peut aller bien plus loin que la vidéo documentaire, qui montre le monde réel. C’est un joli médium dont les objectifs ont évolué au fil des siècles. Désormais, l’illustration scientifique ne produit plus uniquement des images techniques mais permet de donner accès à la connaissance à différents types de public (des jeunes aux plus âgé∙es, des spécialistes aux novices).
En ce moment, on parle beaucoup des intelligences artificielles qui produisent des illustrations, ce qui est très effrayant pour notre domaine. Mais ce que je trouve intéressant c’est que la didactique visuelle et l’illustration scientifique font partie des disciplines que l’ordinateur ne reproduit pas encore. Le côté créatif de l’illustration scientifique est très rassurant par rapport à l’intelligence artificielle.
La collaboration avec des chercheur·euses vous permet-elle d’intégrer pleinement votre style de dessin ?
J’aime beaucoup travailler avec des personnes expertes de leur domaine. J’apprécie l’échange et la complémentarité des approches. Généralement, les collaborations commencent par une discussion. Même si j’ai déjà exploré un sujet auparavant, j’apprends toujours par la façon dont la personne va me transmettre le savoir. Cela est déjà une première manière de digérer l’information et d’y déceler une sensibilité. Tous·tes les chercheur·euses ont une manière singulière d’appréhender leur domaine et je trouve très intéressant de comprendre par où ils∙elles commencent et quelles sont les informations essentielles à transmettre. Souvent, je leur demande d’être exhaustif∙ives de manière à pouvoir piocher dans les informations mais aussi à disposer d’un maximum de possibilités au départ. Ensuite, nous décidons d’une stratégie et choisissons un support. Nous définissons ensemble le public visé, afin de cerner l’objectif de la mission et d’émettre les premières idées sur la manière de transmettre le savoir. Il s’agit par exemple de déterminer si l’on doit rester dans quelque chose de très imagé ou de plus technique. Ensuite, intervient l’étape déterminante des croquis, qui vient révéler les failles dans ma compréhension du sujet ou dans la transmission des savoirs. En effet, ce que je n’ai pas saisi sera dessiné approximativement. Par ailleurs, en voyant évoluer les images, on va se rendre compte que certaines donnent des informations erronées ou floues qui pourraient être interprétées de plusieurs façons. Petit à petit, nous remodelons le dessin de façon à condenser les informations. Une fois cette étape terminée, je passe à la mise en couleurs qui me permet davantage de liberté. Je rajoute des petits détails qui ne sont pas pédagogiques. Toutefois, dans la mesure où plus on ajoute des éléments, plus les risques de commettre des erreurs sont élevés, de nombreux aller-retours sont nécessaires. Pour ces raisons, j’utilise souvent le dessin numérique afin de pouvoir gommer, revenir sur les calques, séparer toutes mes couches et réorganiser ou déplacer le texte lorsqu’il s’agit de mise en page. Enfin, la dernière étape, celle de la validation, implique un regard extérieur : il s’agit d’aller demander à des personnes constituant notre cible de départ si elles comprennent et si elles ont des remarques.
Selon l’anthropologue et biologiste britannique Robin Dunbar, plus les sciences deviennent complexes, plus les scientifiques utilisent des métaphores pour expliquer leurs théories3. Ce raisonnement par analogie s’observe en particulier dans l’ouvrage La Quantique autrement (2020) du physicien Julien Bobroff avec lequel vous avez collaboré4.
Vous avez en effet illustré par des chats le fonctionnement de l’informatique quantique et figuré le concept de la dualité onde-particules en convoquant le compositeur Ludwig van Beethoven. Pourquoi avoir choisi ces figures ?
Julien Bobroff a une grande expérience dans la diffusion des connaissances ; il a collaboré avec des designers et des illustrateurs. Il fait régulièrement de la gymnastique entre la science et les moyens de communication et se montre ouvert à toutes sortes d’interprétations. Le travail a commencé à partir du premier brouillon de texte, puis il a évolué en fonction du dessin. La figure du chat est apparue dès notre première discussion sur la physique quantique. Ayant déjà entendu parler de la quantique, j’avais une idée du principe d’incertitude inhérent à cette discipline. J’avais en tête ma propre représentation mais nous avons essayé de nous appuyer sur des métaphores et de déconstruire les images classiques récurrentes dans les manuels scolaires afin d’aller vers une représentation plus juste. Dans le chapitre dédié aux ordinateurs quantiques, qui porte sur quelque chose qui n’existe pas encore et qui est en train d’être développé, nous voulions partir d’un élément tangible. Le chat de Schrödinger est célèbre, presque tout le monde en a entendu parler, et nous l’évoquons également dans les autres chapitres. Ce chat imaginé par Schrödinger, qui serait à la fois mort et vivant, lui a permis d’invalider une théorie sur la physique quantique. Sa métaphore a radicalement changé notre conception des états quantiques. Il semblait ainsi évident de commencer à travailler sur l’image du chat de Schrödinger, tout en améliorant sa justesse. En effet, Julien et moi-même n’étions pas convaincus par l’histoire d’un chat-zombie et nous cherchions une image plus crédible. Or, quoi de plus plausible qu’une image fantastique ? Nous avons ainsi décidé de créer cette créature mythologique, un peu comme l’ordinateur quantique, qu’on ne sait pas encore visualiser. Lorsque l’on met ce chat de Schrödinger dans un état quantique, on étudie le même objet, mais dans deux états différents. Ainsi, la figure du chat reste commune aux deux états, mais le félin va changer d’humeur et de caractéristiques. Le fait de choisir des créatures mythologiques permet d’avoir la liberté de les superposer, les complexifier en fonction des statistiques ou des algorithmes. Nous voulions partir d’un chat, connu par la plupart des personnes, pour le transformer en un objet mythique qui permettrait de réaliser d’énormes calculs. Il s’agit de partir de l’ordinaire pour glisser vers l’extraordinaire.
Un autre chapitre commence par la célèbre histoire de Ludwig van Beethoven qui, étant malentendant, plaçait un bâton entre ses dents pour réceptionner les vibrations par voie osseuse. Une nouvelle fois, nous sommes partis de sujets concrets, tels que la musique et les instruments, pour obtenir une représentation intelligible dans l’imaginaire collectif. Les difficultés de Beethoven et son ingéniosité pour y pallier illustrent la manière dont la musique peut nous ouvrir aux sciences.
Vous utilisez parfois les codes de la bande dessinée dans vos illustrations. En tant que pont entre la littérature et l’illustration, la bande dessinée semble un vecteur approprié pour une meilleure connaissance de notre monde. C’est le cas de Mars Horizon5, une docu-fiction scénarisée par Florence Porcel et illustrée par Erwann Surcouf, qui met en scène le quotidien de la première mission habitée sur Mars. Au-delà de la médiation scientifique, la fiction permet peut-être de produire un recul critique sur certains projets scientifiques. Comment envisagez-vous l’utilisation de la fiction dans vos travaux ?
J’aimerais rebondir sur Florence Porcel : il s’agit d’une autrice déjà connue sur les réseaux sociaux pour ses activités en matière de vulgarisation scientifique. Cependant, elle transmet ses connaissances par le biais des images et de la science-fiction, notamment avec Erwann Surcouf dans l’ouvrage Mars Horizon. Imaginer une mission sur Mars, alors que ce type de projet demeure encore aujourd’hui irréalisable, pour expliquer des concepts scientifiques ou informer davantage le public sur une planète, dynamise les théories tout en leur donnant corps. La présence du récit permet d’attirer un large public sur des questions très techniques et de l’inciter à développer les recherches à ce sujet.
En ce qui concerne mon rapport personnel à la fiction, j’aime beaucoup l’utilisation de la bande dessinée pour transmettre les connaissances. La Revue Dessinée, une revue d’actualité dont les illustrateur∙ices et auteur∙ices mettent en récit différents évènements en regard de l’histoire, s’avère être un bon moyen d’expliquer des sujets complexes. Dans cette revue, j’ai découvert Benjamin Adam qui a récemment publié la bande dessinée Capital et idéologie6 basée sur un livre de mille pages de Thomas Piketty que je n’aurais jamais lu autrement ! Benjamin Adam a développé une stratégie fantastique avec sa scénariste. En effet, il raconte l’évolution des taxes et des impôts au fil des époques, mais en répartissant ces événements sur plusieurs générations d’une même famille, et en y ajoutant quelques touches de légèreté. Je m’en inspire à titre personnel pour apporter des éléments humoristiques aux illustrations techniques. Il peut s’agir d’insérer un personnage pour raconter les phénomènes, ou de construire une bande dessinée pour mettre en narration des idées dont la complexité mérite davantage d’explications. Même si les phylactères limitent l’ajout de texte, cette contrainte permet de mieux cerner les explications essentielles. Finalement, la logique narrative me guide case après case et me rassure.
En 2018, vous avez collaboré avec l’astrophysicien Roland Lehoucq et l’illustrateur Alexandre Martins à la création d’un drapeau pour le projet Dessine-moi un drapeau, initié par Christian Boltanski à l’occasion de l’exposition « A Beautiful Elsewhere » organisée par la Fondation Cartier au Power Station of Art (PSA) de Shanghaï. En revisitant le tableau périodique qui permet de classifier tous les éléments chimiques dans des cases, vous avez choisi de représenter le corps humain. En effet, chaque croix renvoie aux éléments chimiques présents à la fois dans le corps humain et sur le tableau.
Ce drapeau semble être une métaphore de l’unité des humains. Était-ce une volonté d’être plus inclusif ? Par ailleurs, la couleur blanche du drapeau vise-t-elle à symboliser la paix ?
Bien qu’elles soient complexes à traiter, les questions d’inclusivité sont toujours présentes en filigrane dans mon travail. Il est difficile d’être inclusif, c’est-à-dire de proposer une variété de représentations incluant les minorités. Dans une dizaine d’années, je trouverai probablement que mes illustrations manquent d’inclusivité, et je suis convaincue qu’il y a toujours matière à progresser.
Dans l’élaboration du tableau périodique, nous avions l’intention de représenter un maximum de monde tout en créant une image identifiable par tous les pays. L’idée d’un tableau périodique a surgi, en raison de sa présence internationale dans l’enseignement des sciences. Ainsi cette forme est reconnaissable par la plupart des personnes, et même si elle ne l’est pas, elle reste un élément graphiquement intéressant. Il s’agissait d’être relativement inclusif en termes de connaissances et d’unifier les humain·es par la traduction du corps en éléments chimiques. Enfin, les couleurs choisies changent de la plupart des drapeaux, dans la mesure où l’association du blanc, couleur de la paix, avec le jaune, qui renvoie à la vie, s’y trouve très rarement.
Nous avons privilégié une colorimétrie sobre, mais à y regarder de plus près, il est possible de percevoir de nombreuses petites informations cachées. Le format du drapeau étant très grand, nous pouvions nous permettre d’ajouter ces éléments qui réunissent à la fois la science, le graphisme et l’approche didactique. En ce sens, le drapeau répond à notre défi initial, celui d’être inclusif.
Vos illustrations nous évoquent celles de Paul Cox, notamment celles de son ouvrage Ces nains portent quoi ? (2001), parce que vous partagez une même spontanéité dans le trait et une semblable recherche de couleurs vives. Quel·les autres artistes vous inspirent ?
Je vous remercie pour cette référence à Paul Cox, qui est très flatteuse, car j’apprécie particulièrement son utilisation de la couleur rouge, très présente dans mon travail. Dans la nature, par exemple, cette couleur possède la capacité de faire émerger un coquelicot au milieu d’un champ. D’une manière similaire, en illustration, le rouge fait vibrer le dessin. J’aime aussi les cartographies de Paul Cox, sa propension à tout mettre dans des cases pour ensuite en changer la disposition, comme un puzzle.
De nombreuses artistes m’inspirent, notamment issues de ma génération et qui ont étudié l’illustration à Strasbourg ou à Paris. Je pense immédiatement à Jeanne Sterkers, dont le travail réunit tout ce que j’aimerais voir dans la didactique. Elle se pose à contre-courant des stéréotypes de l’illustration scientifique comme discipline rigide. Son dessin est instinctif, sa palette de couleurs est variée, avec des tons de bleu ou de vert intenses qui rendent ses décors luxuriants. Son univers, qui donne un aspect fantastique à la nature, me fascine. J’admire en particulier sa spontanéité – qui n’est pas toujours présente dans mon dessin car je réfléchis beaucoup à mes images et à la manière de les polir.
Antoinette Metzger, qui a investi le Pavillon Jeunes Talents d’Angoulême cette année, m’inspire également. L’humour auquel elle recourt dans ses œuvres permet de mieux retenir les informations. Elle dispose d’une sensibilité presque philosophique que je souhaiterais davantage intégrer à mes propres illustrations. J’apprécie également le travail de l’illustrateur David Goodsell qui est également chercheur et professeur en biologie moléculaire dans le New Jersey. À partir de ses recherches sur la structure et le volume de l’ADN, il forme des paysages moléculaires à l’aquarelle. Je suis étonnée que l’on puisse aussi bien respecter l’aspect scientifique tout en créant un monde sensible et merveilleux.
Enfin, j’ai réalisé de nombreux travaux sur les météorites avec le Muséum national d’Histoire Naturelle de Paris. En étudiant la représentation des météorites, j’ai fait la découverte des gravures réalisées au xvie siècle par Conrad Lycosthenes. Cet humaniste alsacien a réalisé le Livre des prodiges (1552) qui relate tous les événements météorologiques observables, de façon fictionnelle. Les images fantastiques présentées dans ce livre m’ont donné envie de me plonger dans l’histoire des météorites.
Nous avons remarqué que parmi vos illustrations scientifiques se glissent également des croquis de paysage extraits de vos carnets. Un peu plus éloignés de l’illustration scientifique, ces dessins vous permettent-ils de vous exprimer plus librement et de tester de nouvelles techniques ?
Les dessins de paysage me permettent d’utiliser la couleur sans hésiter sur les teintes. Je n’ai pas besoin de veiller aux contrastes et à la lisibilité des images. Je me libère ainsi des contraintes imposées par l’illustration scientifique. Les paysages m’inspirent car ils donnent un nouveau souffle à ma créativité. En les condensant dans mes carnets de croquis, je ressens des émotions intenses. Leur représentation favorise l’emploi d’autres techniques que les outils numériques, tel que l’encre. En effet, je suis tellement habituée à travailler avec mon stylet que j’oublie parfois la sensation du papier et l’impossibilité de gommer. Bien que j’apprécie l’utilité du numérique, j’éprouve toutefois la nécessité de revenir au papier. Par ailleurs, ces croquis me permettent de me déconnecter des enjeux liés à la pratique de l’illustration didactique, précisément liés au respect des données scientifiques.
Pour finir cet entretien, quels sont vos projets à venir ?
Je travaille actuellement sur un projet de cours en ligne, sur la communication et la technologie, avec la maison d’édition Cambridge University Press. Je prépare également un projet de clé d’identification avec le Natural History Museum de Londres. Il s’agira de proposer un système d’arbre afin d’identifier méthodiquement les invertébrés du jardin. Cette clé d’identification, destinée au jeune public, sera aussi utilisée de façon itinérante dans les écoles. J’ai par ailleurs découvert récemment l’existence de la galle du tilleul. Le rouge éclatant qui compose ces excroissances contraste fortement avec la feuille verte. Cette découverte m’a donné envie de me promener davantage et d’être en contact avec la nature. Enfin, j’élabore actuellement une ébauche d’un livre en compagnie de Nicolas Cornet, un écologue qui travaille pour l’Agence régionale de la biodiversité de Paris et l’Institut Paris Région. Nous avons déjà collaboré ensemble sur un projet consacré à l’environnement en ville. Ce nouveau livre porte sur l’obscurité, notamment sur la pollution lumineuse et ses conséquences sur la biodiversité. Afin de sensibiliser le plus grand nombre sur ce sujet, nous voulons distribuer cet ouvrage gratuitement. Je me réjouis de produire des images accessibles et partagées sans un objectif financier.