L’auteur remercie cordialement Mme Anna Schleich pour la traduction minutieuse de l’article et le professeur Guido Braun pour la relecture détaillée.
Bien que les congrès diplomatiques du xviie siècle se déroulaient dans des villes relativement petites et que les émissaires résidaient à proximité immédiate, les négociations ne pouvaient avoir lieu sans circulation de documents. Les demandes de préséance entravaient souvent les rencontres entre les ambassades. Les documents élaborés solennellement et les notes rédigées provisoirement dominaient les négociations. Les médiateurs jouaient le rôle de messagers1. La recherche historique sur la paix réduit souvent le rôle des intermédiaires à celui d’un « facteur », en particulier pour la période qui a suivi la paix de Westphalie2. D’une part, cet angle de vue néglige de nombreuses autres techniques de médiation. D’autre part, comparer la médiation au travail d’un facteur, qui distribue des lettres d’un point à un autre, ne décrit en rien son effet réel. Cet article soutient que la clé pour comprendre le potentiel de l’influence des médiateurs est basée sur les traductions3.
Les trois ambassades concernées – l’expéditeur, le porteur du message et le destinataire – parlaient et écrivaient souvent aussi dans trois langues différentes. C’est pourquoi, dans ces occasions, les médiateurs ont joué le rôle de « centre de traduction ». Recevant les demandes et les offres d’une partie, ils traduisaient souvent ces déclarations d’abord dans leur propre langue. L’autre partie devait généralement retraduire les documents4. Ce processus quelque peu déroutant a potentiellement permis aux médiateurs de modifier la formulation des déclarations, voire leur fond, comme nous le verrons plus loin.
Par rapport aux études antérieures sur les pratiques de traduction, cet article se concentre sur les documents eux-mêmes. De nouvelles perspectives s’ouvrent ainsi, complétant les études antérieures sur l’utilisation des langues lors des congrès de paix au xviie siècle, ainsi que les résultats des recherches sur la traduction dans la diplomatie et les moyens de communication dans le cadre des processus de paix européens à l’époque moderne5.
Dans son introduction à une anthologie sur la traduction et la paix aux Temps modernes, Martin Espenhorst attire l’attention sur les actes de traduction des médiateurs dans le contexte de l’établissement de la paix. Il classe les pratiques des intermédiaires dans la dimension culturelle de la traduction. Dans ce cas, les actions en tant que telles représentent la performance de traduction, comme dans le cas d’un modérateur. Cependant, il est également possible d’identifier les pratiques des médiateurs comme des formes linguistiques et médiales de base de la traduction6. Outre leurs performances de traduction symbolique, notariale et modératrice, les médiateurs ont agi en tant que traducteurs de déclarations dans d’autres langues et dans d’autres médias, c’est-à-dire qu’ils ont transformé un message parlé en une déclaration écrite et vice versa7. L’analyse comparative linguistique des offres et des demandes écrites, ainsi que de leurs traductions officielles et professionnelles, a rarement été effectuée dans le domaine de la recherche sur la diplomatie de l’époque moderne8.
La première question centrale est de savoir comment les différentes versions des documents ont évolué dans le cadre du processus de transmission par le biais de la traduction. En outre, il est important de savoir si les médiateurs ont pu exercer une influence sur les négociations en faveur de l’établissement de la paix par le biais de ces procédures. Cet article répondra à ces questions en analysant les traductions des médiateurs papaux Fabio Chigi au Congrès de paix de Westphalie (1643-1649) et Luigi Bevilacqua au Congrès de paix de Nimègue (1676-1679), après une brève présentation des protagonistes apostoliques.
Bien que les contextes des deux congrès soient différents, par exemple en termes de positions de négociation, des continuités peuvent être repérées, comme l’existence d’une médiation papale et l’opposition entre la France et les Habsbourg9. Afin de permettre une analyse ciblée, les objets de négociation, sur la base desquels seront étudiées les pratiques de traduction, se limiteront principalement à certaines déclarations. Il s’agit de l’article 13 de la réplique française de janvier 1646, qui traite principalement de la question de la possession de l’Alsace, et des conditions de paix françaises d’avril 1678. Les négociations entre la France et l’empereur au sujet de l’Alsace constituent donc une base idéale pour cette analyse, car l’Alsace n’était pas seulement un objet de négociation très controversé entre les parties française et impériale. Les droits de propriété des Habsbourg en Alsace étaient également si complexes que les Français n’en avaient qu’une connaissance initialement diffuse10. Par conséquent, la nécessité d’une médiation très active doit être considérée comme élevée. En particulier, la traduction des revendications françaises sur l’Alsace lors du congrès de paix de Westphalie illustre l’ampleur potentielle de la transformation des messages sémantiques par les médiateurs. L’analyse des pratiques de traduction du médiateur papal au congrès de Nimègue se poursuit par une interrogation sur les aspects de continuité et de transformation. En effet, Bevilacqua se référait souvent aux pratiques de Chigi et de son partenaire, le médiateur vénitien Alvise Contarini à Münster11. Néanmoins, le nonce à Nimègue a partiellement adopté une approche différente de la traduction.
Les protagonistes apostoliques de la médiation
Fabio Chigi est probablement l’un des médiateurs les plus célèbres de l’époque moderne, notamment en raison de sa carrière ultérieure en tant que pape Alexandre VII. Chigi est arrivé à Münster dès mars 1644 et y a exercé sa fonction de médiateur pendant environ cinq ans12. Son éducation lui interdisait d’interagir directement avec les protestants13. C’est pourquoi Chigi coopérait avec le Vénitien Alvise Contarini, l’autre médiateur, qui était en mesure d’entrer en contact avec les envoyés protestants. Cependant, la médiation papale-vénitienne s’est surtout concentrée sur les ambassadeurs français et impériaux, d’un côté, et sur les plénipotentiaires de la couronne espagnole et de la couronne française, de l’autre14.
Luigi Bevilacqua a transmis des déclarations depuis son arrivée à Nimègue en juin 167715. Comme Chigi, Bevilacqua n’avait pas le droit d’entrer en contact avec les protestants16. Il a servi principalement de médiateur entre la France, d’une part, et l’empereur et l’Espagne, d’autre part. Le nonce ne collaborait pas avec les médiateurs anglais qui agissaient parallèlement à Bevilacqua17.
Chigi, Contarini et Bevilacqua communiquaient des déclarations orales et des documents sur des questions préliminaires, ainsi que des propositions et des réponses substantielles. Leurs transmissions de documents et de déclarations lors des congrès se sont soldées soit par des accords de paix réussis, soit par la rupture des négociations ou bien par l’adoption de la médiation d’autres ambassades18. Les instructions papales, bien qu’ordonnant une stricte neutralité et passivité, ne prévoyaient pas ou peu de modalités sur la manière de transmettre les positions des parties, de sorte que Chigi et Bevilacqua disposaient d’une grande liberté d’action sur la manière d’organiser la transmission. Au moins, Bevilacqua avait reçu l’ordre de toujours accepter les déclarations des parties oralement et de les transmettre par écrit, bien qu’il n’ait pas toujours respecté cette consigne19.
Les nonces ne faisaient généralement pas eux-mêmes les copies et les traductions des documents. Cette tâche était généralement confiée à leurs secrétaires et à leurs scribes. Cependant, il est impossible de reconstituer la paternité ou la copaternité d’un document à partir de l’écriture ou d’autres sources telles que les correspondances des délégations. Bien que certains membres des nonciatures de Münster et de Nimègue auraient dû être qualifiés pour la reproduction et la traduction en raison de leurs connaissances linguistiques et de leur position au sein de l’ambassade, seul le familiare Niccolò Mercier de Bevilacqua a été explicitement qualifié de copiste et de traducteur20.
Les traductions, instruments d’influence des médiateurs…
… au congrès de paix de Münster
À partir de l’original français, espagnol ou latin, Chigi et Contarini rédigeaient à Münster des demandes et des offres en italien. Parfois traduits en latin, ils présentaient ces documents à la partie qui les recevait et les lisaient aux ambassadeurs21. Comme dans le cas d’une déclaration impériale présentée de vive voix par les médiateurs aux Français en avril 1646, des certifications supplémentaires écrites sur l’exactitude de ces déclarations pouvaient être jointes par la partie expéditrice. Ainsi, la transmission d’un texte écrit garantissait l’authenticité du fond22.
Il pouvait y avoir plusieurs traductions d’un même texte. Traduire avait une signification ambiguë dans le contexte du congrès. D’une part, elle était nécessaire, étant donné le multilinguisme du congrès ; d’autre part, les traductions détaillées ralentissaient les négociations et comportaient des risques de malentendus23. Mais pour Chigi et Contarini, puis pour Bevilacqua, les traductions ont permis d’exercer une influence sur les négociations en faveur de l’établissement de la paix24. Une analyse détaillée du texte de la réplique française de janvier 1646 en est l’illustration.
La réplique française a été présentée par les ambassadeurs de Louis XIV aux médiateurs le 7 janvier. Chigi a rapporté en détail cette procédure. Comme des envoyés protestants étaient présents lors de la première lecture de la réplique, puisqu’ils étaient alliés aux Français, les plénipotentiaires du Roi Très-Chrétien la présentèrent d’abord à Contarini dans ses quartiers. Pendant quatre heures, les Français dictèrent leurs exigences et leurs offres au Vénitien. Contarini les nota en italien. Le soir, pas avant 19 heures, les ambassadeurs français et Contarini entrèrent dans les appartements de Chigi sans les envoyés protestants. Les notes de Contarini avaient déjà été rigoureusement contrôlées par les plénipotentiaires de Louis XIV. Ces notes furent ensuite lues au nonce, probablement par son collègue médiateur25. Comme le souligne Guido Braun, Chigi n’a rien noté pendant cette procédure, car il voulait éviter de donner l’impression d’approuver les gravamina protestants en participant trop activement à la réception de la réplique, contrairement à ce qui est souvent dit dans l’historiographie26.
Avant de remettre la réplique à Contarini, les ambassadeurs français avaient rendu visite à Chigi le 7 janvier pour lui donner un bref résumé du contenu de la réplique. Mais cela ne pouvait guère satisfaire le nonce27. Il écrivit à Rome que le processus de transmission avait été défini par les Français pour éviter les discussions et les critiques à leur égard. Avant la présentation de la réplique, Chigi avait consulté Contarini. De plus, il avait discuté avec le secrétaire de l’ambassade de France, Joseph Boulanger, lui suggérant en vain une transmission de la réplique dans son quartier en l’absence des protestants28.
Dans un premier temps, une copie « fidèle » des notes de Contarini fut rédigée. Le 8 janvier, Chigi et Contarini firent réaliser une copie du texte italien. Le lendemain, cette copie et une traduction latine furent remises aux Français afin de leur permettre de contrôler les traductions29. Les Français jugèrent la traduction latine très mauvaise, ce qui est remarquable car Chigi en personne était connu pour son éducation humaniste.30 Les médiateurs ne s’attendaient pas à devoir patienter deux jours pour obtenir la version corrigée, et les ambassadeurs impériaux ne pensaient pas non plus devoir attendre aussi longtemps pour obtenir la réplique31. Lorsque les médiateurs obtinrent la version latine corrigée de la réplique par les Français le 11 janvier, ils ne furent pas autorisés à la remettre aux plénipotentiaires impériaux. En outre, les Français n’ont pas souscrit à la version révisée. Les médiateurs devaient copier la version latine de la réplique et renvoyer l’original aux plénipotentiaires français. Chigi et Contarini devaient s’excuser auprès des ambassadeurs impériaux de ne pas pouvoir leur remettre immédiatement la réplique. Pour l’instant, ces derniers devaient se contenter des informations que le Vénitien leur avait communiquées oralement32. Ce n’est que le 18 janvier que Contarini put enfin transmettre la réplique. Chigi n’y participa pas parce qu’il restait cloué au lit, malade, et parce que son partenaire avait déjà couché par écrit seul la réplique française le 7 janvier. Cet acte se déroula après la toute dernière modification d’une formulation à la demande des Français. L’ambassadeur vénitien remit la réplique aux envoyés impériaux et la leur expliqua article par article33. En attendant, Contarini avait compensé ce retard de neuf jours en communiquant à l’avance aux ambassadeurs de Ferdinand III les principaux enjeux français de vive voix le 9 janvier34.
Les différentes versions conservées de la réplique nous permettent de reconstituer en détail les pratiques de traduction des médiateurs. De ces cinq versions transmises et traduites de la réplique, quatre subsistent encore dans les archives : l’original français, la copie italienne des notes de Contarini, la traduction latine des médiateurs et la version latine corrigée par les Français35. Seules les notes que Contarini avait prises pendant la lecture de la réplique ont disparu.
L’article 13 relatif au dédommagement territorial de la France peut servir de modèle d’illustration des activités de traduction de Chigi et de Contarini. Pour son analyse, il est nécessaire de résumer une partie du contenu de l’article, tel qu’il est exprimé dans le document français. Au nom de la sécurité de la couronne de France, des rois et des états de l’Empire leurs alliés, la réplique réclamait la Haute et la Basse Alsace avec quelques territoires adjacents. Louis XIV devait recevoir ces lieux ainsi que les droits que la maison d’Autriche possédait dans ces régions. De plus, la forteresse de Philippsbourg, avec ses dépendances et les lieux nécessaires au maintien des communications avec la France, devait passer à la couronne française en possession permanente. Les Français déclarèrent qu’ils accueilleraient favorablement l’obtention du droit de vote et du siège à la Diète d’Empire liés à leurs nouveaux territoires. Enfin, ils s’engageaient à restituer Worms, Spire et toutes les places prises dans les Électorats de Mayence, de Trèves et du Palatinat, si leurs adversaires restituaient également leurs conquêtes sur ces terres36.
Figure 1 : Tableau comparatif de l’article 13 de la réplique française du 7 janvier 1646 et de ses trois traductions
Original français – AE, CP, All. 48, fol. 366-366’. |
Pour plus grande seureté des Couronnes et des Princes de l’Empire leurs Alliez comme aussy pour la satisfaction deue ala France. Ils ont dit estre raisonnable qu’outre les offres qu’on leur a desià faittes (quoyque de choses qui appartiennent desià d’ancienneté ala France) que la haute et basse Alsace demeure aux francois y compris le Sontgau, Brisac, et le Brisgau les Villes Forestiers avec tout le droict que les Princes de la maison d’Austriche y avoient avant la presente guerre. Item qu’ils demeurent en Possession de Philisbourg avec son territoire ses dependances es [sic] lieux necessaires pour asseurer la communication de cette Place avec le Royaume de France. Que si l’Empereur et l’Empire estiment qu’il leur importe que lesdittes deux Alsaces avec Philisbourg et leurs appartenances relevent de l’Empire la France ne le refusera pas pourveu qu’elle ayt seance et suffrage dans les Dietes comme les autres Princes et Estatz de l’Empire Moiennant cela les Plenipotentiaires de France ont declaré que pour le bien de la paix on restituera Spire et Worms et tout ce qui a esté occupée dans les trois Electorats de Mayence et Treves et bas Palatinat pourveu toutesfois que ceux du parti contraire restituent aussy en mesme temps tout ce qu’ils tiennent et occupent dans ces trois Electorats : |
Traduction italienne – BNM, CI, Cl. VII, Cod. MCI, fol. 18-18’. |
Dichiarano, che p[er] il bene della pace, la Francia restituirà tutto l’occupato neli tre Elettorati d’Imp[eri]o Magonza ; Treveri, et Palatinato Inferiore, con questo però, che la med[esi]ma restitution si faccia da tutti quelli del contrario partito di tutto quello, che anch’essi tenissero occupato neli d[et]ti 3. Elettorati. Dimandano di più p[er] sicurezza della Francia et de Collegati, che oltre le offerte già fattegli (se bene di cose già appartenenti ab antiquo alla Francia) di ritener l’Alsatia Superiore, et Inferiore compresovi il Sontegau, et Brisgau, le Città Foreste, le Piazze di Brissac, e Filipsburgh, con loro dipendenze, e quel di più Paese, che fusse necessario p[er] com[m]unicar a’ drittura con la Francia. Se più l’Imp[erato]re, et l’Imp[eri]o trovassero buono che le d[et]te due Alsatie con la Piazza di Filipsburgh, e sue adherenze fossero rilevate dall’Imp[eri]o ; la Francia non la ricuserà, purche habbia il voto, e sessioni nelle Diete come li altri P[ri]n[ci]pi, e stati d’Imp[eri]o, ritenendo nel resto nel modo p[er] appunto, col quale avanti la p[rese]nte guerra, erano posseduti dai p[ri]n[ci]pi di Casa d’Austria. |
Traduction latine – BAV, FC Q III 71, fol. 99. |
Declarant quod ob bonum Pacis Gallia restituet omnia occupata in tribus Electoratibus Imp[e]rij Moguntino Treviren[se] Palatinatu Inferiore Ita tamen ut eadem restitutio fiat ab omnibus adversae partis, omnium illorum quae ipsi detinent in d[ict]us tribus Electoratibus. Poscunt ulterius pro securitate Galliae et Confoederatorum, ut ultra oblatione, iam ipsis factas (quamvis rerum iam ab antiquo Galliae appertinentium) retinere Alsatiam Superiorem et Inferiorem inclusis Sontgovia, et Brisgovia, Civitatibus Silvestribus, Fortalisijs Brisaco et Philipsburgo cum suis dependentijs, et id terrarum amplius, quod necessarium erit pro communicatione directa cum Corona Galliae. Si tamen Imperator et Imperium existimarent bonum, quod d[ict]ae duae Alsatiae cum Fortalitio Philipsburg et suis adhaerentijs recognoscerent[ur] ab Imperio, Gallia non recusabit, modo suffragium habeat, et sessionem in Diaetis, sicut alij P[ri]n[ci]pes et Status Imperij, retinendo illas de reliquo modo supra deducto, quo ante bellum praesens erant possessae a P[ri]n[ci]pibus domus Austriacae. |
Version latine révisée – AE, CP, All. 59, fol. 43’-44’. |
Pro ulteriori securitate Coronarum et Principum Imperij foederatorum nec non pro debita Galliae satisfactione rationi consentaneum esse praeter oblationes jam ipsis factas (quamvis rerum jam ab antiquo ad Coronam pertinentium) ut cedat Galliae Alsatia superior et inferior, inclusis Suntgravia [sic] Brisaco et Brisgavia Civitatibus Sylvestribus, cum omni causa o[mn]iq[ue] jure quo ante praesens bellum possidebantur a Principibus Domus Austriacae. Item maneant in possessione Philisburgi cum suo territorio et dependentijs locisq[ue] n[ecessa]rijs ad liberam et securam cum Regno Galliae communicationem. Si tamen Imperator et Imperium e re sua esse judicaverit ut dicta utraq[ue] Alsatia cum Philisburgo et suis adhaerentijs recognoscantur ab Imperio, Gallia non recusabit modo sessionem habeat et suffragium in Dietis sicut alij Principes et Status Imperij. His stantibus declararunt Plenipotentiarij Galliae quod pro bono pacis restituentur Spira Wormatia et omnia occupata in tribus Electoratibus Imperij, Moguntino Trevirensi et Palatinatu inferiori, Ita tamen ut restitutio quoq[ue] fiat eodem tempore ab omnibus adversae partis aedhaerentibus omnium illorum locorum quae ipsi detinent in dictis tribus Electoratibus. |
Il n’y a pas de différences significatives entre la copie italienne et sa traduction latine, contrairement au texte français et sa traduction italienne. Entre ces deux derniers documents, les différences sont en effet nombreuses. Tout d’abord, la variation de la structure attire l’attention. Au lieu d’exiger une satisfaction territoriale, la version italienne commence par proposer la restitution des lieux occupés par les Électorats de Mayence, de Trèves et du Palatinat. Sans formuler de revendications au départ, la réplique semble beaucoup plus conciliante. En adoptant un autre ordre, le caractère de la demande française s’en trouve complètement modifié. Le texte français relie également les droits autrichiens aux demandes de cession de l’Alsace et des autres lieux alors que, dans la version italienne, les droits autrichiens suivent la demande éventuelle du vote et du siège à la Diète d’Empire. Cette nouvelle structure donne l’impression que les droits autrichiens servent plutôt de justification à l’éventuelle participation française à la Diète d’Empire, au lieu de représenter une revendication stricte.
De plus, la nomination des « couronnes et des princes de l’Empire, leurs alliés » a été remplacée dans la traduction italienne par « de Collegati »37. En mentionnant explicitement les états de l’Empire, les Français se présentent comme les protecteurs de certains membres du Saint-Empire avec le droit implicite d’intervenir à l’intérieur de l’Empire et sapent ainsi la prétention de l’empereur d’être son seul représentant et seul compétent de décider pour celui-ci dans les affaires extérieures. Dans la lutte contre les couronnes française et suédoise ainsi que contre certains états de l’Empire, l’empereur avait déjà dû admettre sa défaite l’année précédente. Il avait abandonné sa prétention d’être le seul représentant légitime de l’empire en envoyant des invitations à tous les états pour le congrès de la paix38. Apparemment, Chigi et Contarini considéraient la formulation française encore trop provocante. La simple mention des alliés dans le texte italien devait éviter une provocation et un nouveau conflit de préséance entre Paris et Vienne.
En réalité, Chigi et Contarini ne furent pas en mesure d’aboutir à une modération de la réplique parce que les Français retirèrent presque toutes les formulations modifiées par les médiateurs après avoir reçu la traduction latine à des fins de vérification39. S’il est vrai que les Français n’apportèrent pas de modifications substantielles à la réplique, ils la formulèrent de manière beaucoup plus provocante et intransigeante, du moins en ce qui concerne l’article 1340.
Une influence plus positive des médiateurs à travers la traduction de documents est illustrée par un épisode qui se produisit à la fin de l’année 1644, comme l’a souligné Braun. À cette époque, les plénipotentiaires de Louis XIV refusaient d’entamer des négociations sérieuses, jusqu’à ce que le dernier prince de l’Empire n’apparût à Münster ou à Osnabrück. Dans ce contexte, les ambassadeurs de Ferdinand III adressèrent par écrit aux médiateurs une plainte contre l’obstination française. Les deux intermédiaires jugeaient la déclaration trop impolie pour être remise aux Français. Après une discussion entre Chigi et Contarini, ils décidèrent, avec l’approbation de la partie expéditrice, de rédiger une traduction librement interprétée en italien afin de tempérer les formulations. Ils y reprirent l’essentiel de la critique dans un choix de mots plus modéré41.
À la demande des Espagnols, les médiateurs présentèrent la plainte aux Français le 24 décembre 1644. Le contenu de la plainte, lu par Contarini, suscita l’indignation des ambassadeurs français. Ils reprochèrent aux médiateurs de leur avoir présenté ce document. Pour défendre les envoyés impériaux et espagnols, Chigi fit remarquer que le processus de traduction par les médiateurs avait pu donner lieu à des malentendus linguistiques. Cette approche et l’allusion à des formulations vagues avaient été prévues par Chigi avant la présentation de la plainte42. Dans le contexte des conquêtes politico-gouvernementales des dominations territoriales à travers la langue, il était important de transférer les systèmes de signification linguistiques, mais aussi culturels et sociaux43. Ici, cependant, Chigi visait le contraire, à savoir créer un certain caractère non contraignant des déclarations. En outre, le nonce assuma la responsabilité de la plainte et disculpa ses véritables initiateurs en présentant le document comme s’il avait été initié par les médiateurs44.
De plus, les exemples de la transmission des deux documents, la réplique française et la plainte impériale, montrent que la partie expéditrice ainsi que les médiateurs pouvaient transmettre des déclarations soit en les remettant par écrit soit en les lisant à haute voix, ce qui pouvait également signifier la dictée du document45.
… au congrès de paix de Nimègue
Lors du congrès de Nimègue, Bevilacqua utilisa également les transmissions de documents et leur traduction comme instruments de médiation. Il acceptait à son tour des déclarations en français et en latin et les rédigeait en italien46. On peut seulement supposer que Bevilacqua accepta également des déclarations en espagnol. Il n’y en a cependant aucune preuve dans les sources des archives italiennes. Sa chancellerie ne semble pas avoir traduit les versions italiennes en latin, contrairement à la chancellerie de Chigi. En novembre 1677, lorsqu’on lui demanda d’employer le latin au lieu de l’italien, le nonce refusa en invoquant, entre autres, la pratique et la tradition de la transmission. Il affirma qu’il ne recevait pas de documents écrits de la part de l’expéditeur, mais que celui-ci lui dictait ses déclarations. Par conséquent, il avait la possibilité de tempérer les formulations impolies, si le contenu des déclarations n’était pas modifié, ce qui faisait partie des fonctions d’un médiateur. Selon Bevilacqua, Chigi et Contarini avaient également procédé de la sorte à Münster47. Il est difficile de déterminer si Bevilacqua dictait ou remettait les documents. Dans ses lettres, Bevilacqua utilisait les expressions de « communiquer » (partecipare) en relation avec « l’écoute » (udire) de la partie destinataire, mais aussi de « porter » (portare) comme synonyme de « donner entre les mains de quelqu’un » (fare nelle mani). Ainsi, portare peut signifier la remise de documents, mais le mot était également utilisé par le nonce comme synonyme de partecipare. Cela montre que partecipare peut également indiquer une transmission de documents, tandis que portare peut désigner des messages oraux48.
En examinant plus en détail la circulation des déclarations, on peut se faire une idée de l’efficacité de la transmission. Pour cela, la période de négociation allant du 20 octobre au 1er novembre 1678 sera étudiée. Le 20 octobre, les Français et les Impériaux convinrent d’une base commune pour les négociations. Le 1er novembre, les négociations furent interrompues, car les deux ambassades attendaient de nouvelles instructions de Paris et de Vienne. En moins de deux semaines, six déplacements de Bevilacqua eurent lieu. Entre la réception des déclarations par le nonce et la remise des traductions, il ne s’écoulait pas plus d’un jour. L’absence de réponse impériale du 23 au 29 octobre fut la raison pour laquelle les négociations et la transmission des positions ne furent pas encore plus rapides49. Ce processus montre que la procédure de transmission et de traduction ne devait pas nécessairement prendre beaucoup de temps50. Cependant, en octobre 1678, la plupart des déclarations reçues étaient des documents écrits, et non des dictées, contrairement à ce que Bevilacqua avait écrit au secrétaire d’État en 167751. En effet, le 31 octobre 1678, les médiateurs pontificaux et anglais se plaignirent de la surproduction de documents52.
Les conditions de paix françaises d’avril 1678 étaient tout aussi importantes que la réplique française de Münster du 7 janvier 1646, car les deux déclarations fixaient les orientations des futures négociations. Le 14 avril 1678, les Français présentèrent de vive voix leurs conditions de paix à Bevilacqua. Le nonce demanda qu’on les mît sur papier et rappela qu’il ne pouvait prendre part aux affaires protestantes. Dans l’après-midi, les Français ayant remis au nonce un papier contenant leurs conditions de paix, celui-ci en fit rédiger une copie en italien par ses collaborateurs. Comme annoncé, la copie ne mentionnait aucun point concernant les affaires protestantes. Par conséquent, la lecture des conditions de paix françaises, le 15 avril, apparaissait aux ambassadeurs impériaux, espagnols et lorrains comme incomplète et inexacte. Ils informèrent donc Bevilacqua qu’ils ne pouvaient pas lui donner de réponse car ils ne savaient pas quelles conditions leurs alliés protestants avaient reçues53. Plus tard, le médiateur anglais Leoline Jenkins leur annonça le contenu intégral des conditions de paix54.
Là encore, les sources permettent d’analyser en détail les pratiques de traduction, car les copies du document français et de la traduction italienne se trouvent dans les archives italiennes55. En supprimant les conditions de paix pour les puissances protestantes, le nonce ne fut pas en mesure d’énumérer toutes les offres et demandes des alliés catholiques. Ainsi, Bevilacqua ne mentionna pas l’acceptation par la France de l’édification d’une barrière dans les Pays-Bas espagnols, réclamée par l’Angleterre et les États généraux, bien que cela fût également important pour le roi d’Espagne56. De ce point de vue, on pourrait penser que la transmission par Bevilacqua des conditions de paix françaises ne devait être qu’un instrument de prestige pour le pape.
Figure 2 : Tableau comparatif des extraits des propositions de paix françaises du 14 avril 1678 et de leur traduction italienne
Original français – ASL, AB II 55, no 109, non numéroté. |
Premierement : Que la fidelité avec laquelle Sa M[ajes]té s’attache inviolablement à l’observation de ses Alliances, la porte a n’entendre iamais a aucunes propositions de Paix, que la Satisfaction du Roy de Suede pleine et entierre ny fut comprise, aussy luy a elle esté positivement promise par le Roy de la grande Bretagne, comme se faisant fort en ce point pour luy et pour les Estats generaux, elle fait encore aujourd’huy le premier article qu’elle demande, et sans lequel elle ne pourroit conclure sur tous les autres. |
[…] |
Que pour ce qui touche l’Empire : Comme S[a] M[ajes]té demeure constante dans les sentiments qu’elle a tesmoigné pour son repos, qu’elle l’a veu troublé avec peyne, et qu’elle s’est trouvée contraincte avec douleur d’y porter la guerre, Elle ne change rien aux declarations publiques qu’elle a fait tant des [sic] fois, qu’elle insistoit seulement sur les [sic] restablissement des traittez de Westphalie dans tous leurs poincts et qu’ils servissent encore une fois pour rendre la paix a l’Allemagne. C’est ce qui fait qu’elle offre l’Alternative Ou de remettre Fribourg et Philipsbourg luy soit remis, ou de garder Fribourg et que Philipsbourg demeure a l’Empereur, sans changer rien dans tout le reste, a ce qui est porté dans lesdits Traittez. |
Que pour l’Espagne : Comme son interest paroit le plus grand dans cette guerre, et que l’Angleterre, la Hollande et les Estats voisins de la Flandre ont tesmoigné desirer d’avantage qu’il restast a cette Couronne une frontierre aux pays bas, capable de former cette barriere qu’ils croyent si importante a leur repos, Sa M[ajes]té a bien voulu accorder par l’entremise du Roy de la grande Bretagne les moyens de l’establir. C’est dans cette veue, ainsy qu’elle s’en est desià expliquée a ce Prince, qu’elle a offert et qu’elle offre encore de remettre à l’Espagne les places suivantes |
Premierement la place de Charleroy |
[…] |
Que ces Conditions, sont celles qui peuvent et doivent former le plan de la Paix generale, et dont S[a] M[ajesté] s’est expliquee depuis long temps au Roy de la grande Bretagne, comme le dernier point auquel Elle a peut [sic] se relascher, Et sur lequel ses ennemis peuvent choisir de la Paix, ou de la guerre ; Et elle ne pretend pas aussy qu’elles l’engagent au dela dudixiesme du mois de May ; parce qu’il ne seroit pas iuste que ses Ennemis les regardassent, comme un party qui leur seroit tousiours libre d’accepter, quelq[ues] nouvelles pertes qu’ils eussent faites, et qu’ils se prevalussent de cette confiance pour faire durer la guerre. |
Traduction italienne – ASL, AB II 55, no 109, non numéroté. |
[La satisfaction de la Suède n’est pas mentionnée.] |
[Le mauvais état de l’Empire et les déclarations publiques passées de Louis XIV sur le rétablissement des dispositions des traités de paix de Westphalie ne sont pas mentionnés.] |
Per quello che tocca all’Imp[erator]e offerisce S[ua] M[aes]tà l’alternativa, o’ di restituire Friburgo e che Filisburgo gli sia restituito, o’ di ritenere Friburgo e che Filisburgo resti a S[ua] M[aestà] Imp[eria]le, rimettendosi tutto il restante nello Stato, in cui si trovava prima della p[rese]nte guerra. |
[La barrière et la médiation anglaise ne sont pas mentionnées.] Per la Spagna S[ua] M[aes]tà offerisce di restituirle le seguenti Piazze |
Primieram[en]te la Piazza di Charleroy |
[…] |
[La communication au roi d’Angleterre n’est pas mentionnée.] Queste sono le condizioni, che riguardano i P[ri]n[ci]pi Catt[oli]ci impegnati nella p[rese]nte guerra et alle quali S[ua] M[aes]tà intende di restare obligato p[er] tutto li 10 di Maggio prossimo, e non più oltre, e che siano l’ultime, a’ cui possa condescendere p[er] la Pace. [La justification de la limitation dans le temps de la validité des clauses de paix n’est pas mentionnée.] |
Toutefois, dans la version italienne, certaines modifications de formulation sont significatives. Les conditions de paix françaises sont structurées en fonction des destinataires des demandes et des offres. La quatrième section traite des clauses pour l’empire. Bien que l’empereur soit désigné comme représentant et décideur exclusif de l’empire, les Français ne lui adressent pas leurs conditions, mais à l’empire en général57. Cela devait sembler comme un affront à l’empereur Léopold Ier. C’est pourquoi la version italienne change le destinataire qui passe d’« Empire » en français à l’« Imp[erator]e »58 en italien, évitant ainsi d’insulter Léopold.
De plus, Bevilacqua effaça l’introduction de Louis XIV qui exprimait les inquiétudes du roi quant aux souffrances de l’empire dues à la guerre. Le nonce abrégea également les explications françaises sur le fait que ces conditions de paix étaient données sous forme d’ultimatum. Louis XIV y imputait à ses adversaires l’intention de poursuivre la guerre. Cette introduction et la déclaration sur l’ultimatum décrivent l’empereur et ses alliés comme belliqueux. Il s’agissait là d’une véritable provocation, car le roi de France avait commencé la guerre en menant des raids dans les Pays-Bas du Nord. Ainsi, comme Chigi à Münster, Bevilacqua utilisa à son tour la traduction pour exercer une modération sur les parties contractantes.
Cependant, le nonce à Nimègue transcenda sa fonction de médiateur en tenant compte des intérêts papaux dans ses traductions italiennes. Ignorer les questions protestantes signifiait également dissimuler la médiation concurrente du roi d’Angleterre. Or, le texte français mentionne le roi d’Angleterre, mais pas la médiation papale, ce qui représentait une énorme perte de prestige pour Rome.
Le remplacement de certains termes par des formulations aux significations équivalentes servait également les intérêts de Rome. Alors que les Français, dans leur version originale, exigeaient le rétablissement général des conditions de la paix de Westphalie, la traduction de Bevilacqua ne mentionnait plus ces traités. Dans son bref Zelo domus Dei antidaté au 26 novembre 1648, le pape Innocent X avait protesté contre la paix de Münster en raison des préjudices et des désavantages qui en résultaient pour l’Église59. Si Bevilacqua avait mentionné la paix de Westphalie dans sa traduction, il aurait reconnu la légitimité des traités. Pour éviter une telle reconnaissance, le nonce remplaça la demande française de rétablissement de la paix de Westphalie par la formulation que tout devait être comme avant l’actuelle guerre de Hollande. Plus tard, Bevilacqua fut à nouveau confronté à des références à la paix de Westphalie. Il fit part au cardinal secrétaire d’État Alderano Cybo à Rome de son intention de remplacer ces termes par des formulations équivalentes et, en novembre 1678, il lui déclara qu’il avait toujours omis la paix de Westphalie60. Contrairement au congrès de Münster, la médiation de Bevilacqua à Nimègue permit un certain lobbying en faveur des intérêts de l’intermédiaire et de son patron61.
Conclusion
Pour conclure, force est de constater que les traductions servirent d’instruments aux médiateurs pour peser sur les négociations en faveur du rapprochement des parties adverses. Chigi, Contarini et Bevilacqua réussirent à modérer les déclarations sans dénaturer le fond de l’original. Cela correspondait absolument à leur intention et Bevilacqua décrivit ce procédé comme une pratique habituelle lors des congrès de paix de Münster et de Nimègue62. Ils évitèrent ainsi les provocations à l’égard de la partie destinataire et ne laissèrent pas non plus s’insinuer des malentendus substantiels et de fausses déclarations. Dans leurs traductions, les médiateurs utilisaient différentes techniques, principalement des variations de la structure, des classifications des articles dans d’autres connexions, des éliminations de termes et des remplacements de termes par d’autres ayant une signification équivalente. Même si Chigi et Contarini essayaient d’encourager les parties à négocier directement et même s’ils n’étaient parfois pas satisfaits d’être de « simples porteurs de papiers »63, la transmission leur permettaient d’utiliser certains instruments d’influence64. C’est ce qu’illustrent les demandes françaises d’un siège et d’une voix à la Diète d’Empire pour les possessions habsbourgeoises en Alsace, que les médiateurs de Münster transformèrent – au moins temporairement – en conséquence juridique logique, alors qu’il s’agissait d’une revendication française. Bevilacqua alla plus loin que Chigi et Contarini. Il ne s’écarta pas des pratiques de traduction de Chigi, qui peuvent être considérées comme un moment de continuité. Par ces pratiques, il tenta cependant d’intégrer les intérêts papaux dans les déclarations des parties contractantes, comme l’illustrent le fait de passer sous silence la paix de Westphalie et la dissimulation de la médiation anglaise.
En comparant les transmissions et les traductions à Münster et à Nimègue, il est évident que les parties contractantes approuvèrent la variation des déclarations à travers les traductions par les médiateurs. Toutefois, lorsqu’elles étaient en mesure de contrôler ces traductions, elles limitaient strictement les variations, comme le firent les Français à Münster. De nombreux documents furent transmis par écrit, contrairement à ce que l’on croit souvent. Mais cela ne semble pas avoir perturbé les transmissions, parfois rapides. Cela pourrait s’expliquer par le fait que leur remise officielle était précédée d’explications informelles et présentées de vive voix.
Les résultats de cet article soulignent qu’outre les négociations en face à face, la matérialité au sens large est essentielle pour les approches historiques praxéologiques65. Sans un regard sur les documents informels et les documents de travail, les pratiques de négociation ne peuvent pas être complètement déterminées. Les astuces tactiques de négociation de tiers intervenants, en l’occurrence les médiateurs, qui ont conduit, du moins temporairement, à ce que les exigences françaises en Alsace soient transformées de demandes en un droit légitimé, resteraient sinon cachées.