Les spécificités de la répression du crime de sorcellerie dans les très grandes villes européennes ont déjà fait l’objet d’une attention particulière pour les centres urbains du nord de l’Italie (Milan, Venise) et des Pays-Bas (Amsterdam)3, mais la capitale du royaume de France commence seulement à être étudiée en tant qu’entité territoriale de sorcellerie.
Il s’agira dans cet article d’étudier les affaires de sorcellerie des habitants de cette ville à partir des archives judiciaires et des cas évoqués dans la littérature démonologique. La particularité qui interroge d’emblée est la rareté des cas connus. D’autre part, ces affaires de sorcellerie semblent de prime abord concerner ici plus qu’ailleurs des questions de sexe et d’argent. Il s’agira donc de confirmer ces deux impressions par l’étude des affaires jugées en première instance par les justices de la ville de Paris, en essayant de dénombrer et documenter les cas contenus dans les archives, et en examinant les mobiles du crime pour déterminer les motivations et les enjeux de ces affaires mêlant cœur et bourse.
Il faut donc commencer par préciser la qualification du crime de sorcellerie et les motivations révélées dans les accusations telles qu’elles sont inscrites dans les procédures judiciaires, puis essayer d’expliquer l’absence de flambée de persécution. Pour ce faire, il faut s’attarder sur le fait d’appartenir à la ville pour ensuite savoir s’il existe effectivement une certaine clémence des justices de la ville envers leurs justiciables. L’ampleur et les raisons de cette clémence peuvent trouver leur origine dans le fonctionnement de la justice, le morcellement des juridictions de la ville et prévôté de Paris, et la recherche de l’exemplarité. La piste de la proximité avec la cour et l’Université conduit au constat d’un changement de perception de la figure du sorcier et de la sorcière.
L’étude de la sorcellerie parisienne permet-elle de voir si cette ville est la précurseuse de ce changement qui serait en avance sur la province, ou si le statut particulier de la ville induit une chronologie différente ou des spécificités qui en résulteraient ?
Accusation et qualification des crimes
Les accusés de sorcellerie à Paris ne ressemblent pas à leurs comparses des campagnes. D’après les archives, ils se voient poursuivis pour des crimes qui impliquent des méfaits différents. Il n’y a pas trace dans les documents connus des méfaits souvent imputés aux sorcières dans la plupart des affaires en milieu rural. Il n’est pas question d’atteintes à la santé ou à la productivité des bêtes ou de méfaits météorologiques gâtant les récoltes. En revanche, à Paris comme dans les autres régions du royaume de France, on en veut à la santé des hommes et des femmes. La santé physique n’est pas la seule concernée puisque les sorcières s’attaquent également à l’esprit de leurs semblables pour contrôler leurs sentiments.
Le terme générique de « sorcerie » ou « sortilège » permet une superposition de concepts qui précisent le crime : selon les pratiques magiques utilisées par les accusés, le crime est assorti d’un autre qualificatif qui peut varier. Dans un tiers des cas, l’accusation de sortilège est associée à une autre accusation : « invoceur d’espritz4 », « magie5 », vol6, empoisonnement, et enfin homicide7. Le cas unique où sortilège et homicide sont explicitement associés dans l’accusation concerne deux conjoints issus du ressort du Châtelet qui font appel en 1658 parce qu’ils doivent être soumis à la torture avec la question dite ordinaire ou extraordinaire, requise contre eux pour savoir s’ils ont commis un homicide8. La cour du Parlement décide finalement de simplement les bannir pour « neuf ans de la ville, prévosté et vicomté de Paris » avec une amende de quatre livres, et ils sont « élargis » le jour même. Les motivations et les circonstances de l’homicide qui expliqueraient cette clémence ne sont pas connues.
Motivation d’amour
Ainsi, de nombreuses qualifications du crime de sorcellerie stipulent à côté du terme classique de « sortilège9 » retenu pour qualifier toute la catégorie des accusés de sorcellerie, les termes d’« ensorcellement10 » ou « envoûtement11 » à des fins sentimentales (fig. 1). Un homme accusé de magie et sortilège est présenté comme « marchant arboriste » et « apprenti mercier »12, ce qui pourrait vraisemblablement impliquer là aussi l’utilisation d’herbes et d’éléments classiques de la sorcellerie. Ces cas rejoignent ceux des accusés de « venéfice » ou d’« empoisonnement ». Le crime concerne dans ce cas plus l’attentat à la vie d’une personne que l’implication du Diable dans ces rituels magiques.
Marion La Droiturière, dite l’Estallée, fait partie des premiers cas parisiens recensés, avec trois autres prostituées condamnées par le prévôt de Paris en 1390 et 139113. L’accusation d’« ensorcelemens » et de « poisons » est déjà d’influer avec des moyens illicites et diaboliques sur les amours des citadins. La sorcellerie se traduit ici par des actes magiques avec pour objectif d’envoûter des personnes pour gagner leur amour sentimental et physique, ou au contraire priver des personnes de cet amour et de ces actes d’amour.
Les sentiments sont de façon inhabituelle très présents dans ces procédures judiciaires d’ordinaire plus réservées sur l’expression du ressenti des justiciables. L’amour et le sexe sont au centre de ces affaires. Les tendres émois de Marion sont décrits devant la cour quand elle explique qu’un ancien amant, « escuïer du paîs d’Engleterre14 », lui donna en gage de son amour un peu de mousse prise sur une fontaine où une vierge avait été décollée. Elle la garda précieusement dans son coffre pour se souvenir de son amant à chaque fois qu’elle la voyait. Elle étale ses sentiments à un autre moment de la procédure où ce qui est appelé par Margot de la Barre, dite du Coingnet, accusée avec Marion, « la parfaite & tres grant ardeur d’amour » entre Marion et son amant au moment du procès, Hainsselin Planiete, se transforme en « mauvaise fiance que d’amour de ribaut & de ribaude15 » le jour où son amant veut se marier avec une autre, Agnesot, fille de Jehenne Herberde. La vengeance se traduit par un rituel de privation de la vigueur sexuelle de l’ancien amant.
Fig. 1 : Le sortilège d’amour, par le maître du tryptique Bonner, vers 1470/90 (Leipzig, Museum der bildenden Künste).
L’importance des enjeux affectifs et sexuels n’est pas tout de suite apparente dans la procédure puisque les premières informations données par la première accusée, Margot de la Barre, sont présentées comme une simple aide à guérir des maladies qui pourraient être naturelles, comme des remèdes magiques faits avec l’aide de Dieu et non comme des actes liés à la sorcellerie. Ainsi, pour guérir son « moult grant mal en sa teste16 » qui fait choir la cervelle de la femme malade sur ses yeux, nez et bouche, Margot dit qu’il faut prendre des herbes achetées la veille de la Saint-Jean et des herbes fraîches appelées « aumosniere17 » cueillies au cœur même de l’espace urbain, près du Louvre, les lier toutes et les entortiller autour d’un chapeau fait de vieilles herbes. Il faut porter ce chapeau (sur la coiffe et ce qui enveloppe la tête) pour « recouvrer santé », et prononcer une série de prières18. Pour guérir son mari atteint de fièvre, il faut mettre des herbes « aumônières » et « terrestres » en un petit morceau de drap blanc et, en liant le tissu, faire des signes de croix au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et réciter tout du long le Pater Noster. Les herbes doivent être portées dans la bourse et gardées environ 11 jours pour guérir « au plaisir de Dieu ».
Mais entre toutes ces invocations dignes d’une foi orthodoxe, la véritable raison apparait clairement : il s’agit bien de « desvouter » les malades, selon les propres mots de Margot. Et le prévôt et l’ensemble des conseillers « examinateurs » présents en cette première journée de procès insistent sur la logique accusatoire résultant de leur réflexion : si une personne prétend savoir désenvoûter, par « nécessité » elle doit savoir envoûter19. Et l’envoûtement est vite avoué par Marion, la jeune amie de Margot. Cette dernière, quant à elle, n’avoue rien de préjudiciable au long des premières séances de torture.
Elle commence par décrire le rituel appris entre deux verres auprès d’une autre de ses amies prostituées. Pour être plus « enamourée » de son « ami », elle doit prendre un peu de ses « fleurs »20, de son sang menstruel, pour le mettre dans du vin que les deux amants doivent boire. Mais ce philtre d’amour ne semble pas augmenter l’amour déjà existant, aux dires de l’amie de Margot. Marion accomplit le rituel mais ne précise pas s’il fonctionne. Ce rituel reste positif puisqu’il vise à accroître l’amour et le plaisir sexuel des deux amants.
Les choses changent quand Marion apprend que son amant veut en épouser une autre. Sa grande amie d’alors, la vieille Margot qui a une grande expérience et une grande influence sur la jeune femme, accepte de lui enseigner comment se venger si Marion promet et jure par la foi et par serment de son corps que nul jour de sa vie elle ne l’accuserait. Il faut faire brûler les deux testicules, « couillons21 », d’un coq blanc étouffé sous ses fesses ou au-dessus d’un feu. La poudre doit être ensuite mise dans un oreiller de plume22 pour huit ou neuf jours, puis reprise pour être cette fois mélangée à de la viande et du vin que l’homme doit absorber pour assurer la grande ardeur « quant elle vouloit baisier, acoler ou soy esbatre23 », en prenant garde à ne pas poser sa propre tête sur cet oreiller envoûtant au risque de rendre l’opération « de nulle valeur & effet ». Margot dit avoir essayé cet envoûtement avec un de ses amants, mais sans avoir utilisé toute la poudre (elle en avait jeté une partie) et en faisant dormir son amant seulement deux ou trois nuits. Le résultat de l’opération est là aussi mitigé puisque l’ardeur de l’amant n’est pas plus intense. Cet envoûtement ne nuit toujours pas à l’intéressé. En revanche, il semble être dangereux car Margot a bien prêté attention à ôter l’oreiller de sous la tête de son amant et à le pousser en arrière, de peur d’y poser sa tête par inadvertance.
Mais l’envoûtement le plus efficace qui, lui, cause du tort, est décrit avec beaucoup de détails. Le moment n’est pas choisi au hasard : la veille de la Saint-Jean, Marion est allée aux halles de Paris pour acheter deux chapeaux de roses d’« oultre-mer24 » et d’autres herbes pour les disposer autour de son corps, « comme jeusnes femme font à tel jour », et « en ceste estat » alla un peu « par ville »25. Elle rend visite à Margot qui lui aurait dit que les aumônières qu’elle portait sur elle pourrait bien faire revenir à elle son ancien amant et qu’il l’aimerait autant qu’avant. Après plusieurs promesses de résultats et de secret absolu à garantir, Marion se voit remettre deux chapeaux avec la fameuse herbe, après que Margot a fait plusieurs signes de croix de la main droite et prononcé des paroles trop basses pour être entendues. Margot explique ensuite qu’il faut faire marcher les jeunes mariés sur ces chapeaux pour que Hainsselin ait « grant peine à faire à sadite femme espousée », le privant ainsi de sa vigueur sexuelle envers Agnesot, et pour qu’il revienne vers Marion. Le prix à payer est que Marion « dampneroit [son] ame » en faisant cela. Le rituel est accompli lors des noces quand les jeunes mariés dansent. L’entourage des prostituées rapporte que le couple semble malade depuis leurs noces et que Hainsselin n’avait pas « eu de compaignie charnelle » avec sa femme.
Les questions d’amour et de sexe sont au centre des préoccupations des accusées et de leurs accusateurs pendant toute la période de répression du crime de sorcellerie. Le contrôle de la sexualité et des sentiments reste un but qui semble souvent impossible à atteindre sans une intervention magique.
Motivation d’argent
De très nombreuses affaires de sorcellerie révèlent que la motivation pour utiliser des sortilèges est souvent celle d’avoir de l’argent (fig. 2). Ainsi le vol est associé à la sorcellerie dans plusieurs accusations. Il semble être la principale cause de plusieurs arrestations dans la justice du Temple, comme celle, en 1607, d’un maître fondeur et de son manouvrier qui ont volé à l’église du Temple entre autres paroisses et monastères, des chandeliers et des bénitiers de cuivre26. En 1628, une « fille débauchée » est accusée de vol, recel et magie27 et doit restituer les biens « extorquez28 ». En 1635, c’est un homme surnommé à bon escient La Fleur Gaigne-Denier qui doit restituer les quatre pistoles mal acquises par sortilège, en plus du paiement d’une amende de huit livres29. Déjà dans les cas précoces des quatre prostituées de 1390-1391, l’argent est également une motivation pour utiliser des moyens magiques illicites. L’amour et le sexe sont déjà une question d’argent du fait de leur activité professionnelle. Ces cas décrivent les moyens d’activer le désir de certains clients et font état des tractations et arrangements entre prostituées pour s’assurer des revenus suffisants30.
Un « invoceur » d’esprits accusé en 1587 n’écope que d’une peine relativement légère puisque ce maître tapissier natif et demeurant à Paris est simplement banni de la ville pour trois ans31. Les arrêts du Parlement n’ayant pas été conservés pour cette année-là, les détails de cette affaire ne sont pas connus et il n’est pas possible de confirmer qu’il s’agit d’un cas se rapprochant de l’escroquerie en faisant intervenir des soi-disant esprits pour tromper et tirer profit de la crédulité des victimes, comme cela se fait dans nombre de cas d’invocation d’esprit.
Les détails des affaires de sorcellerie mentionnent parfois les amendes et sommes d’argent que les condamnés doivent payer en réparations, dommages et intérêts pour les personnes qui se disent victimes et qui en ont fait la requête. En novembre 1617, la femme d’un maçon du Temple, Edmée Goriard, femme de Robert Hennequin, est amenée dans les prisons de la Conciergerie sous l’accusation de sortilège pour laquelle elle a été condamnée à être fustigée aux carrefours de la ville et bannie pour 5 ans, mais aussi condamnée à rendre les hardes mentionnées au procès, apparemment volées à un couple de parisiens32. L’accusation de vol est en fait ajoutée dans l’interligne à côté de « sortilege ». L’arrêt du Parlement qui concerne son appel stipule qu’elle a été arrêtée pour blasphèmes, larcins et effronteries, sans indiquer sortilège33. Le document judiciaire insiste beaucoup sur la somme que doit payer l’accusée aux victimes qu’elle a lésées et qui ont déposé une requête pour des dommages et intérêts.
Fig. 2 : Diable posant une statue de la chance sur un sac d’or, gravure de Willem Isaaksz Swanenburg (1581-1612), allégorie du mauvais usage des biens de ce monde34.
Une quinzaine d’années plus tard, un plaignant fait accuser sur « dénonciation » une bande de trois escrocs qui lui ont soutiré l’énorme somme de 1 600 livres35. Quand sortilège et vol sont mentionnés pour le même cas sur le registre des écrous, l’arrêt du Parlement indique par la bouche de celui qui fait la requête qu’il s’agit en fait plutôt de larcins, effronteries voire blasphèmes que de sortilège, ce dernier mot n’étant une fois de plus même pas retenu dans l’arrêt36. Il est question surtout des dommages et intérêts à payer et des frais du procès à rembourser. Les enjeux financiers semblent des plus importants dans la majorité des cas de sorcellerie parisiens, et il est plusieurs fois fait mention de faire « provision » de personnes comme caution pour garantir le paiement des sommes dues37.
L’affaire mêlant sorcellerie et escroquerie la plus retentissante a eu lieu dans les années 1632-1633 avec l’extorsion de 8 858 livres d’une autre bande de quatre escrocs. Cette affaire est spécifiquement étudiée dans la partie « Autour d’une source38 » de ce numéro.
Une absence de flambée de persécution dans les très grandes villes
Les cas de sorcellerie pour la prévoté de Paris font toujours l’objet de recherches, et leur nombre total n’est pas encore arrêté (fig. 3). En l’état actuel de mes recherches39 et des avancées de la recherche historique effectuées lors de la journée d’étude consacrée à la sorcellerie urbaine et de la publication qui en a découlé40, on dénombre une vingtaine de cas documentés impliquant une trentaine de personnes auxquels on peut ajouter une trentaine d’accusés cités mais qui doivent encore être confirmés par des références documentaires précises41.
La capitale du royaume de France illustre ainsi parfaitement bien cette absence d’embrasement contre le crime de sorcellerie. Selon les chiffres d’Alfred Soman qui a consacré une large étude à l’ensemble des cas de sorcellerie qui sont passés en appel devant cette cour de justice42, le Parlement de Paris aurait traité 1 288 cas de sorcellerie en appel selon son décompte, dont seulement 25 cas jugés dès la première instance dans la ville et prévôté de Paris. Robert Mandrou avait auparavant dépouillé un échantillon de deux années d’arrêts du Parlement de Paris pour son analyse43. L’objectif de mes recherches est de retrouver la trace des affaires proprement parisiennes, introduites en première instance devant l’une des justices de Paris.
L’analyse de ces cas commence par une simple constatation : la rareté du nombre d’affaires de sorcellerie. Même si tous les cas de sorcellerie ne sont pas encore identifiés, l’ordre de grandeur est déjà donné : une trentaine de personnes a été emprisonnée pour ce crime sur une période d’environ 350 ans. Le premier cas connu à ce jour date de 133744 et le dernier de 167445. La ville de Paris compte à la fin du xvie siècle une population d’environ 400 000 habitants. Le nombre d’accusés de sorcellerie impliqués dans une procédure judiciaire à Paris semble donc très faible en comparaison avec prolifération apocalyptique annoncée par l’ensemble des démonologues. La faible intensité de la répression de la sorcellerie n’a aucune commune mesure avec les dénonciations en chaîne qui peuvent s’opérer dans certaines villes du royaume de France et plus généralement dans le reste de l’Europe. La plus grande ville du royaume de France et d’Europe affiche ainsi une grande clémence ou indifférence en matière de sorcellerie.
La distribution des cas est aussi révélatrice d’une situation particulière : les cas de répression contre le crime de sortilège se concentrent sur une période comprise entre le tournant du xviie siècle et 1635, où une vingtaine de personnes sont accusées en moins de quatre décennies. Il n’y a que peu d’affaires, et relativement éparses, avant cette période et une seule affaire après, avec un temps mort de presque 25 ans46. La répression semble donc s’exercer à Paris avec un certain décalage par rapport au pic d’intensité des procès dans le reste du royaume de France et dans les terres en marge du royaume, où la flambée des buchers y apparaît plus intense à partir des années 1580 pour se réduire après 1620.
Fig. 3 : Carte de la prevosté et vicomté de Paris, par Guillaume Delisle (1675-1726), réalisée par F. Desrosier, 1711.
Vient ensuite, à la fin du xive siècle, un noyau de 5 accusations, toutes des femmes : en 1382, une femme est accusée d’avoir volé des ossements humains au cimetière des Innocents, puis fait un rituel magique en jetant au feu de sa salive mêlée à du sel, dans le but de regagner l’amour de son mari47 ; en 1390 et 1391 deux doubles cas impliquant 4 prostituées accusées d’ensorcellement et poison pour les premières, et d’être sorcière ou « devine » pour les secondes. À cette époque, les procès pour sorcellerie sont rares dans le royaume, et on ne parle de chasse aux sorcières qu’à partir de l’épisode d’Arras au milieu du xve siècle48. Cette répression précoce du crime de sorcellerie est peut-être « en avance sur le temps de la répression qui caractérise le xviie siècle parce qu’il correspond à un temps fort de la construction de l’État49 ». À cette époque, la sorcellerie n’est pas punie sévèrement dans tous les cas : Guillemette La Tubée est libérée par intervention royale avec une lettre de rémission d’avril 1382.
Mais cette explication peut-elle être valable pour la période la plus intense de répression à Paris puisque cette fois elle est en retard sur la chronologie du reste du royaume ? La réponse est peut-être dans l’objet même de la répression : s’il s’agit bien de sorcellerie classique dans l’ensemble du royaume, il est plutôt question d’empoisonnement, de philtre d’amour et d’escroquerie pour Paris, révélant une mutation des crimes poursuivis. Paris suivrait ainsi une chronologie différente dans une persécution qui, de plus, traquerait d’autres formes de crime. Cette hypothèse n’explique toujours pas pourquoi il n’y a pas eu de recherche effrénée de la sorcellerie parmi les habitants de la capitale. Ces derniers se sentaient-ils si différents des sujets des campagnes et des villes de moindre importance qui traquent les suppôts du diable ? Ou est-ce l’élan des élites qui ne fait pas de la sorcellerie le crime suprême à combattre avant tout ?
Avant d’essayer de répondre à cette question, le point de vue d’un juriste qui a été avocat au Parlement de Paris dans les années 156050 permet d’éclairer les enjeux. Jean Bodin, selon ses idées sur la puissance divine et de la place de la justice harmonique, propose une lecture presque politique de la stratégie du diable51. Il constate que « ceste peste de sorciers est plus ordinaire aux villages & aux fauxbourgs des villes que dedans les villes52 », et avance une explication :
je me suis esmerveillé pourquoy plusieurs Princes ont institué des inquisitions, & décerné Commissaires extraordinaire pour faire le procez aux larrons, financiers, usuriers guetteurs de chemin, & ont laissé les plus detestables & horribles mechancetez des sorciers impunies. Vray est que […] il c’est trouvé des Princes sorciers ou qui se sont voulu servir des sorciers53.
Mais « Dieu chastie les princes Sorciers que les magistrats ne peuvent chastier ». Et « cela fut verifié soubs le Roy Charles neuviesme lorsque Des Eschelles54 se voyant convaincu de plusieurs actes impossibles », « le Roy lui donna grace »55 malgré cela. Une grave erreur selon Bodin puisque, finalement, tous ceux que Des Eschelles avait dénoncés comme complices ainsi que leur « délateur eschappa » à la justice, car « la poursuite et delation fust supprimée soit par faveur ou concussion56 », soit par un trop grand nombre d’accusés. Bodin fait alors référence à un nommé Honoré ou Honorat57, aveugle des Quinze-Vingts, qui fut pendu à Paris avec seulement quelques-uns de ses complices sur les 150 dénoncés qui avaient été déférés58. Bodin craint véritablement que Paris et tout le royaume soient assaillis par l’engeance diabolique. Le laxisme du roi et plus largement des princes serait à l’origine du faible nombre d’accusations de sorcellerie. Ce postulat se vérifie-t-il dans les faits pour le ressort de la prévôté de Paris ?
Naître, habiter et aller en la ville de Paris
Paris a pris une importance économique et politique depuis le xiie siècle et devient véritablement la capitale après la construction du Louvre impulsée par Philippe Auguste, avec l’installation définitive des archives royales au Palais de la Cité, et la sédentarisation de la Curia regis qui devient le Parlement. La ville ne cesse de grandir et de concentrer les pouvoirs, même si elle n’est pas toujours le lieu de résidence de la cour. La définition du territoire de Paris est multiple (fig. 3). La ville de Paris est facilement délimitée par l’ancien tracé des remparts et divisée en trois parties (la Ville, la Cité et l’Université). Viennent ensuite les faubourgs qui jouxtent la ville et qui font partie de la banlieue où le ban de Paris s’applique sur quelques lieues à la ronde, le tout formant avec les villes plus lointaines et non-contiguës à l’espace urbain de Paris l’ensemble plus vaste appelé prévôté de Paris. Une description de la ville et prévôté de Paris, parfois idyllique et haute en couleurs, est faite dans un guide de voyage contemporain des dernières affaires de sorcellerie59. Le territoire de la prévôté couvre un grand espace qui n’est urbain que dans la ville et banlieue de Paris. Ailleurs, c’est la campagne avec un environnement comme il pourrait l’être en province. Cependant, le fait de dépendre d’une justice parisienne dès la première instance peut changer l’issue de la procédure judiciaire. Une accusée de sorcellerie d’Aubervilliers échappe apparemment à la question « à charge de se repenter » car les différentes justices de Saint-Germain, du Châtelet et du Parlement ne sont pas du même avis60.
Pour essayer de connaître le sentiment d’appartenance à la ville, il faut examiner en détail les informations sur la provenance des accusés et les indices de leur perception de leur cadre de vie. Pour la plupart des accusés, les informations ne sont pas formelles. Au moment de leur arrestation, de nombreuses personnes accusées de sorcellerie à Paris sont explicitement citées comme n’étant pas natives de la ville, ce qui correspond bien aux flux migratoires61. Mais elles y demeurent depuis parfois des décennies62. L’emplace-ment exact de leur logement n’est que peu souvent précisé63. Il n’y a qu’une dizaine d’accusés qui habitent de façon sûre à l’intérieur de l’enceinte de la ville. En fait, un seul homme64 et une seule femme65 sont cités comme à la fois natifs et habitants de Paris. Cette situation montre la grande diversité de la provenance des justiciables de Paris, ce qui est important pour prendre en compte le facteur urbain du phénomène.
Ainsi, le rapport avec la ville est très différent selon les cas. Deux bergers natifs de villages près de Soissons et des Ardennes, mais qui demeurent dans un hameau à côté de Montlhéry, dépendant de la prévôté de Paris malgré les 25 kilomètres qui les séparent, ne fréquentent apparemment pas les rues de Paris où ils sont accusés de sorcellerie. En revanche, une certaine « Damoiselle Marie du Pré66 », issue du ressort du Petit Châtelet, semble arpenter réguliè-rement les rues de la capitale. Cette dernière est qualifiée de ce qui peut être un titre de noblesse, équivalent féminin d’écuyer, mais qui était surtout un titre de civilité pour une femme de bonne condition, mariée ou non. Marie est veuve d’un certain Jehan Desbrosset dont l’occupation n’est pas précisée. Mais le registre des écrous stipule qu’elle est native de Nancy. Dans l’arrêt du Parlement qui la condamne en appel, on apprend qu’elle a été condamnée en première instance le 30 octobre 1618 pour avoir pratiqué des actes de « magie » impliquant des herbes dont il est fait « deffences de cueillir », des anneaux et des parchemins vierges. Elle doit être bannie et « battue & fustigée nue de verges ayant la corde au col » devant la porte de l’église principale de Meudon où elle avait cueilli cette herbe interdite. Le Parlement de Paris, peut-être eu égard à son rang modifie la peine puisqu’elle doit finalement être fustigée « soubz la custode », c’est-à-dire en secret et non à la vue de tous, la sentence étant appelée au néant sans amende. La ville de Meudon avait été vendue à Charles de Lorraine en 1552 et Marie devait y être connue et y fréquenter souvent les lieux par un lien avec sa terre natale. Dans cet exemple, les habitants de Paris n’hésitent pas à fréquenter des lieux hors de la ville. Le sens d’attraction n’est pas toujours des périphéries vers le centre.
Il en est déjà de même en 1390 quand le petit village de Guérard dans la Brie, à une cinquantaine de kilomètres de Paris, appartenant au ressort du Châtelet, attire des visiteurs de Paris pour aller consulter une « devine », Jeanne de Brigue, dite la Cordière, également prostituée. Ainsi, un certain Jean Laisné parcourt dix à douze lieues pour essayer de déceler ce qui s’est passé au sujet d’un vol chez une des demoiselles de la reine dans l’Hôtel de la Reine à Paris. La notoriété de cette femme originaire des Ardennes, déracinée depuis sa jeunesse du fait de sa prostitution, est alimentée par les contacts qu’elle a avec d’autres prostituées évoluant à Paris sans n’y avoir jamais été elle-même semble-t-il. Ainsi, son amie Macete, femme de Hennequin de Rully et ancienne prostituée, fréquentait les hôtels seigneuriaux parisiens, notamment ceux du duc d’Anjou et du duc de Berry. C’est donc le procureur de la reine qui demande l’arrestation et l’emprisonnement de Jeanne de Brigue au Châtelet. Ce cas est particulièrement éclairant sur les relations de voisinage à la fois dans l’espace urbain parisien et sur les relations entre la capitale et les villes et hameaux environnants. Macete est également arrêtée car elle est accusée d’avoir envoûté son mari pour pouvoir l’épouser. Elle avait pourtant dénoncé la concubine parisienne de son époux comme sorcière. Les allers-retours se prolongent avec la venue à Paris des parents et amis du mari pour présenter des preuves matérielles de la culpabilité de Macete (crapaud mort, cire, herbes…).
Une clémence particulière pour ceux de Paris ?
Les personnes accusées de sorcellerie à Paris bénéficient d’une certaine clémence ou d’une requalification de leur crime en escroqueries ou autres crimes qui, pour être graves, ne le sont pas autant que pour « sortilège ».
Pour 19 d’entre eux, la sentence définitive allège la peine, allant jusqu’à transformer la peine de mort en bannissement ou galères dans trois cas. Dans trois autres affaires, la peine est conforme à celle demandée par le prévôt : deux accusés se voient condamnés aux verges et au bannissement, et le troisième accusé voit sa peine de mort confirmée mais quelque peu adoucie67. Il s’agit du cas de l’apprenti mercier et marchand herboriste, René Hugueteau, qui pourrait correspondre au schéma classique du sorcier guérisseur utilisant des ingrédients en vue de pratiques de sorcellerie. À Paris la sentence ne le condamne pas au bûcher, mais à la pendaison suivie par la destruction de son corps pour effacer toute trace de l’abomination de son crime.
L’« ensorcellement » ne conduit pas nécessairement à une condamnation. Les données fragmentaires de l’un des cas indiquent qu’une femme d’Aubervilliers fait appel de la question que le prévôt de Paris voulait lui voir appliquer pour un crime qui est alors qualifié de « sorcellaige » en 156868. L’affaire est jugée au néant et cette femme de laboureur est relâchée. Elle réapparaît un mois plus tard, cette fois accusée d’ensorcellement par le prévôt qui veut la bannir à perpétuité du royaume de France69. Elle ne peut com-paraître pour cause de maladie, et l’arrêt du Parlement stipule qu’elle devra se représenter quand la cour le lui ordonnera. Clairement cette accusation n’est pas considérée avec fermeté puisque la saisie de corps n’est même pas ordonnée. La chasse aux sorcières n’est pas encore à cette date une obsession, comme le prouvent les cas d’appel peu nombreux émanant du reste du royaume.
Il n’y a qu’un seul cas où la peine réclamée en première instance est alourdie : il s’agit de la bande d’escrocs où le principal accusé, Toussaint le Juge, qui est initialement condamné à l’amende honorable et aux galères perpétuelles est finalement pendu et étranglé en place de Grève70. Le Parlement tient là à punir une escroquerie en bande organisée qui dépasse le simple registre de la pratique de rituels magiques interdits.
Si les raisons exactes de ce changement de peine restent encore inconnues dans certains cas, la tendance au Parlement de Paris est visiblement à la minoration des peines. En l’état actuel des recherches, la sentence de mort n’est que peu souvent prononcée pour l’ensemble de la période. La clémence déduite de ces faits s’explique-t-elle par une façon différente de considérer le crime de sorcellerie ou par une situation propre à la capitale du royaume ?
Une justice de ressorts morcelés et disputés
Il existait au xviie siècle un grand nombre de juridictions particulières pour Paris et sa banlieue71, avec chacune sa prison : les juridictions du prévôt des marchands, de l’évêque (officialité et For-l’Évêque), des chapitres de Notre-Dame, de Saint-Marcel, de Saint-Benoît et de Saint-Merri, des abbayes Sainte-Geneviève, de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Magloire, de Saint-Victor et de Montmartre, des prieurés de Saint-Denis-de-la-Chartre, de Saint-Eloi, de Saint-Martin-des-Champs et du Temple, celles de la Commanderie de Saint-Jean de Latran et de la Maison de Saint-Lazare72.
La majorité de ces justices seigneuriales appartiennent à des abbayes ou églises collégiales qui ont conservé leur autonomie pour rendre justice après en avoir été dotées par les rois au Haut Moyen Âge. Ce n’est qu’à la fin du xviie siècle que la justice est unifiée par Louis xiv en un lieu, le Châtelet : en 1667 le prévôt est en charge de la police pour toute la ville et en 1684 les seize anciennes justices féodales et les six ecclésiastiques sont réunies. Tout au long de la période de répression de la sorcellerie, de nombreuses rivalités s’exercent entre les différentes justices seigneuriales, et le Parlement est parfois saisi pour régler des litiges de compétences, en plus des appels à la justice supérieure prévus dans la coutume. La réformation de la coutume de Paris en 1580 rappelle la répartition des compétences entres les trois catégories de justice, où seul le haut justicier peut exercer en justice criminelle, exceptés pour les cas royaux. La coutume permet au bas et moyen justicier d’être compétent pour les mesures d’instruction mais la condamnation de la justice criminelle est réservée au haut justicier73.
Et là encore, une particularité existe à Paris : quand une exécution à mort est ordonnée par la haute justice de l’archevêque de Paris, elle ne peut se faire qu’à Saint-Cloud ou dans une de ses autres terres hors la banlieue, et s’il est nécessaire que l’exécution ait lieu à Paris, il faut qu’intervienne l’autorité du Parlement74. En 1282, le Parlement rendit encore à l’évêque la connaissance de deux femmes accusées de sortilège75. Mais un siècle plus tard la justice du séculière prévaut sur celle de l’Église (Jeanne de Brigue a été emprisonnée par l’évêque de Meaux pendant un an avant d’être happée par la justice du prévôt de Paris). La procédure d’appel à cette époque consiste à renvoyer l’affaire au même tribunal, mais avec des membres de la juridiction supérieure. La justification pour s’accaparer le crime de sorcellerie est que celui-ci est un crime de lèse-majesté qui doit être puni avec sévérité, loin du laxisme de certaines justices ecclésiastiques. Le prévôt devient protecteur de la religion offensée par les sorciers et il doit exercer ce pouvoir au nom du roi comme une mission76.
Dans les cas d’accusation de sorcellerie, il est peu probable qu’un accusé d’une justice seigneuriale ait renoncé à son droit d’appel au Parlement. Les cas émanant des justices autres que celle du Châtelet sont peu nombreux (dix personnes) et tardifs car postérieurs à 1600 : la justice du Temple condamne cinq accusés, trois hommes et deux femmes (un maître fondeur et son manouvrier, une femme de maçon, un joueur d’instrument et sa femme) en 1607, 1618, et 1628 ; la justice de Sainte-Geneviève condamne deux accusés, une femme en 1609 et un homme en 1635 ; la justice de Saint-Germain-des-Prés condamne 3 femmes en 1619, dont l’une est arrêtée en flagrant délit de pratique de sortilège au cimetière de Saint-Sulpice et enfermée dans les prisons de l’abbaye de Saint-Germain où le procès-verbal de toute l’affaire est dressé immédiatement77. Ses deux complices sont arrêtées chez elles au faubourg Saint-Victor et logiquement emprisonnées dans les prisons de cette juridiction. Le bailli de Saint-Germain « fait instance » pour que les deux prisonnières soient amenées dans ses prisons « comme ayant commis le delict sur la terre seigneurialle de ladite Abbaye ». Là, le bailli mène le procès avec interrogatoires, dépositions et confrontation de témoins, et rend sentence. Les accusées en appellent au Parlement, et la sentence est exécutée « devant le cimetiere au pillory de l’abbaye de S. Germain, à la porte de S. Germain & au bout du pont S. Michel ». Les lieux d’exécution se trouvent chacun dans sa juridiction, notamment sur la place du marché aux Pourceaux78, ou sur la place de Grève pour le Grand Châtelet79. Le cas tardif de 1619 relaté dans un feuillet imprimé (fig. 4) tend à montrer que la collaboration des différentes juridictions peut bien fonctionner.
La justice ne remplit pas toujours son rôle comme elle le devrait. L’implication du pouvoir politique dans le judiciaire est notamment dénoncée par le juriste Bodin : il déplore que sous le règne de Charles IX, contrairement au règne de Henri II, les juges ont fait des « difficultez80 » à condamner les sorciers, de quoi s’est plaint le Président des Requêtes Berthelemy Faye. Mais heureusement « peu à peu, on a ouvert les yeux ». Bodin rappelle que la punition des sorciers peut résulter de l’action des juges ordinaires ou des commissaires, ces derniers devant être établis pour chaque gouvernement et travailler main dans la main. Les sorciers doivent également être livrés entre les mains de la justice laïque par arrêt du Parlement à la poursuite de l’évêque de Paris en 1280, puis par un autre arrêt de 1390. En effet, « les gens d’Église n’ont puissance de condamner à mort ny a peine de sang » et ne peuvent qu’user de « peines légères81 » (ce qui n’empêche pas de mener des procès « conjointement ») mais les sorciers sont également convaincus « d’homicides & de mille meschancetez qui passent les termes de la simple hérésie », ce qui nécessite une « jurisdiction seculière ».
Fig. 4 : Procès verbal du crime destestable de trois sorcieres surprises ès faulx-bourgs Sainct Germain des Prez…, Paris, chez Sylvestre Moreau, 1619.
Bodin critique les procureurs du roi qui seraient bien souvent plus négligents que les juges et « se réveillent » parfois trop tard. Les juges doivent alors « de leur office faire informer des suspects », ce qui est peut-être la voie la plus sure pour aboutir à une condamnation. Les simples « particuliers » devraient pouvoir comme pour tous les autres crimes accuser « pour la vindicte populaire » toutefois en respectant le droit commun énoncé dans la loi « qui accusare de publicis iudiciis82 ». Il propose même de copier l’habitude étrangère d’installer un tronc dans l’église pour y déposer anonymement le nom des sorciers. Le juge et le procureur du roi (ou fiscal) détiendraient chacun une clé pour ouvrir la boîte tous les 15 jours83. Des lettres monitoires peuvent être utilisées pour contraindre à dénoncer les sorciers, ou au contraire promettre l’impunité à un accusé s’il dénonce ses complices, se repent et renonce à Satan. Ce dernier point fait débat car si l’accusé est coupable il doit être puni de mort. Bodin en appelle à Jean Durand, l’un des plus grands jurisconsultes de son temps, pour corroborer cette opinion.
Paris, ville exemplaire ?
Claude Gauvard souligne l’importance pour les juges parisiens de présenter Paris comme une « ville exemplaire » où le prévôt, appelé « réformateur général », veut « purger de ses scories » le centre politique du royaume, notamment grâce au registre du Châtelet qui atteste du bon fonctionnement de la justice84. Marion la Droitirière a d’abord essayé d’échap-per aux rigueurs de la justice en utilisant sa bonne connaissance des rouages de la justice de sa ville. Elle fait appel par le prévôt du Châtelet auprès du Parlement de Paris « afin que a son absolucion ou condempnacion s’eust procedé comme au cas appartendroit85 » pour que le prévôt envoie une requête vers un « seigneur » du Parlement. Le Parlement envoie deux de ses membres conseillers du roi qui décident après délibération que le prévôt peut faire ce qu’il estime « de raison », en l’occurrence « entérin[er] [ce] premier jugement & sentence interlocutoire » pour forcer l’accusée à dire la vérité par la torture de la question sur les petit et grand tréteaux. Le Parlement, peut-être sollicité par Marion comme une chance de clémence, se révèle strict sur l’exemplarité de la justice et la rigueur de la recherche de la vérité.
Cependant, un contre-exemple précoce révèle que la justice de Paris n’a pas été toujours exemplaire. Dans certaines affaires, des accusés et des accusateurs peuvent avoir un rôle important dans la vie de la cité.
Fig. 5 : Extrait de Le vray pourtraict naturel de la ville, cité, uniuersité & faubourgz de Paris, par Olivier Truschet et Germain Hoyau (plan publié en 1553 et représentant la ville en 1552), figurant le Palais de justice, la Conciergerie, le Grand Châtelet, le Petit Châtelet, l’Hôtel de ville, la place de Grève, le Louvre.
Ainsi, un prévôt de Paris, Hugues Aubryot, est emprisonné par une cour ecclésiastique en 1380 pour avoir utilisé des sortilèges pour débaucher des filles et enlever à leurs maris plusieurs épouses dont certaines étaient juives, en utilisant son pouvoir et ses richesses86. Mais son crime est surtout d’avoir porté atteinte aux privilèges de l’université et du clergé en enfermant certains de leurs membres dans les prisons du Petit Châtelet qu’il avait fait construire (fig. 5). Il avait exigé que l’Université de Paris reconnaisse comme pape légitime Clément VI et voulait forcer les étudiants à participer au guet. Il perd son appui principal quand le roi Charles V meurt, et est emprisonné à son tour87. Il est libéré par un coup de force des « maillotins », ces Parisiens qui se sont révoltés contre le rétablissement des taxes abolies par Charles V. Il meurt quelques années après, sans avoir pu retrouver son rang.
Un autre contre-exemple, cette fois tardif, corrobore le manque d’exemplarité de la justice parisienne. Un « sergent à cheval au Chastellet de Paris », Edmé Le Cour, emprisonné au Grand Châtelet, est accusé en 1633 et fait appel a minima pour ne pas être appliqué à la question88. Il échappe à la torture et est finalement banni de Paris pour 9 ans avec une amende assez importante (24 livres) et, surtout, est « mis hors de coup et de procès », c’est-à-dire qu´il est dégagé de toute autre obligation financière ou légale. Cette réponse de la justice est clairement un traitement de faveur envers un des siens.
Le système judiciaire parisien avec l’enchevêtrement des juridictions, la multiplicité des cas d’appel provenant de tout le ressort du Parlement, n’a peut-être pas cherché à voir la sorcellerie sous ses yeux directement, prenant ce crime pour un crime extérieur à l’espace urbain.
Une proximité avec la cour férue de magie
Paris n’est pas que le siège de l’autorité judiciaire suprême, elle est aussi le centre du pouvoir politique et de la cour royale. Le tout premier cas connu pour la ville de Paris montre déjà des liens étroits entre les accusations de sorcellerie et la cour. Cette affaire concerne l’emprisonnement, le 9 novembre 1337, d’Alips, habitante du ban Saint-Martin89 (autour du prieuré de Saint-Martin-des-Champs). Cette tentative d’empoisonnement par sorcellerie sur une comtesse dans l’entourage de la reine, fait état d’une part de deux témoins pour l’accusation, et d’autre part deux chevaliers et un comte pour sceller l’accord de libération de la prisonnière contre une amende. Des liens étroits entre sorcellerie et entourage royal semblent déjà être tissés au xive siècle.
Ces liens ne vont pas se délier au fil du temps : pour preuve, l’importance accordée au cas d’un magicien nommé Des Eschelles Manseau (parfois appelé Trois-Eschelles). Cet homme originaire du Maine90 habitué à faire des « souplesses & tours de passe-passe91 » fit un jour de 1571 « un traict de son métier » devant le roi Charles IX qui s’étonna de le voir attirer une chaine dorée (avec un aimant ?), mais le roi le chassa au lieu de le faire devenir un favori, « on luy fist son procez & fut condamné comme sorcier par le prévost de l’Hostel92 ». Il obtint finalement la grâce du roi93 en échange de révéler ses complices94, ce qu’il fit notamment en révélant la marque du diable sur leurs corps. Mais :
il s’en trouva si grand nombre, riches & pauvres que les uns firent eschapper les autres, en sorte que cette vermine a tousiours multiplié avec un tesmoignage perpetuel de l’impiété des accusez & de la souffrance des Iuges qui avoient la commission & charge d’en faire les procez95.
Ce cas semble intéresser particulièrement Jean Bodin qui y fait mention à 11 reprises dans sa Démonomanie des sorciers. Ce magicien fait état d’une « infinité » de complices sorciers, parfois dénombrés à 100 000 ou 300 00096. Et cette engeance innombrable est pour Bodin une menace réelle qui n’est pas prise au sérieux par Charles IX qui va jusqu’à emmener Des-Eschelles en voyage avec lui et l’utiliser comme divertissement après dîner pour raconter devant de grands seigneurs tout étonnés des histoires de transport au sabbat, de danses, de sacrifices, de paillardises97 et même de poudres pour empoisonner et « faire mourir hommes, bêtes et fruits98 ». L’amiral Gaspard de Coligny qui assiste à la scène raconte alors le cas d’un jeune sorcier absous par les juges alors qu’il aurait empoisonné le lit de deux gentilshommes qui en seraient morts. Bodin met en garde contre l’attitude de ce roi qui aurait eu « heureuse & longue vie » s’il avait fait « brusler ce maistre sorcier & ses complices » et assène que « celuy qui faict escapper l’homme digne de mort verse sur luy mesmes la peine d’autruy » et que « iamais n’avoit esté ouy qu’on donnast grace aux sorciers ». Monstrelet insiste lui aussi sur les riches et puissants qui échappent à la justice et « se rachepte[nt] par force d’argent » alors des « moindres gens de bien » sont accusés à tort par des dénonciateurs « pervers et inhumains » ou des examinateurs ou juges qui poussent à la délation avec la fausse promesse de ne « perdre ne corps ne biens »99. Ce Des Eschelles semble avoir été exécuté en fin de compte100.
Ce cas rendu célèbre par la force de l’imprimé corrobore d’autres cas restés dans l’ombre des archives des justices parisiennes, tel celui de Françoise Houart dénoncée par un avocat du Parlement, maître Jean Marie, pour avoir « tenu mauvais ban » en se mêlant de « deviner & dire la bonne adventure » par « chiromancie »101.
L’influence de l’université et de la faculté de médecine
Bodin laisse entendre que les habitants des campagnes sont plus enclins à croire en la sorcellerie : « les pauvres simples gens craignent les sorciers plus que Dieu ny tous les magistrats102 ». La différence se situerait alors dans le niveau d’éducation qui permettrait une meilleure compréhension des enjeux posés par l’action de l’engeance diabolique. Ainsi, si les sorciers sont moins nombreux à Paris qu’ailleurs, ce serait parce que les Parisiens sont plus en « recherche de ce crime103 » et plus efficaces dans leur traque. Or, le phénomène inverse semble se produire : Paris se montre plus indulgente qu’ailleurs au sujet de la sorcellerie.
Un facteur peut jouer un rôle dans cette clémence parisienne : l’influence de la faculté de médecine. L’autorité des médecins se fait particulièrement sentir à la fin du xvie siècle avec le recours à trois médecins et un chirurgien pour examiner 14 condamnés à mort pour sorcellerie qui ont fait appel au Parlement de Paris depuis Tours où une session du Parlement se tient en 1589. Le chirurgien de Henri III, Pierre Pigray, a conservé le rapport médical fait avec les médecins Falaiseau, Le Roy et Renard qui conclut à la folie des inculpés et à la nécessité de leur faire subir un traitement médical plutôt qu’un châtiment judiciaire :
la visitation fut faite par nous en la présence de deux conseillers de ladite cour. Nous n’y reconnûmes que de pauvres gens stupides, les uns qui se souciaient de mourir, les autres qui le désiraient ; notre avis fut de leur bailler plutôt de l’ellébore pour les purger, qu’autre remède pour les punir. La cour les renvoya suivant notre rapport104.
Ce rapport établit clairement l’avis de certains médecins qui dédiabolisent la recherche de marques sur le corps des accusés. Ces médecins sont de plus en plus nombreux à enlever le diable de l’équation qui lie accusation et condamnation de sorcellerie, sans pour autant nier l’existence du diable.
Ces hommes érudits n’arrivent pas à convaincre l’un des leurs, le calviniste Lambert Daneau. Celui-ci, après avoir étudié le droit pendant quatre ans à Orléans, se tourne vers la théologie qu’il enseigne à Genève où il s’est retiré, puis à Leyde et Gand, avant de revenir en France en tant que ministre de la Chambre de l’Édit de Castres. Le traité de Daneau adopte un style original en présentant ses arguments sous la forme d’un dialogue fictif entre un Théophile convaincu de l’existence des sorciers et de la nécessité de les mettre à mort, et un Antoine qui s’étonne de voir qu’à Paris depuis trois mois on a découvert un nombre infini de sorciers provenant de toute la France et issu du « simple peuple & ignorant » mais aussi ce qui est « encore plus estrange » des « gens de marque & de qualité » dont des « gens savants & qui ont bruit d’avoir bien estudié »105. L’autorité de théologien dont il se sent investi lui fait affirmer que tout sorcier est digne de la haine publique de tout le pays et digne de mort car « ennemi public du genre humain106 » :
[Il est un] apostat de la foy chrestienne, criminel de leze maiesté divine & humaine, traitre, revolté & transfuge de Dieu veu qu’il s’en est enfuy au champ de l’ennemi de Dieu107. Bref, c’est un empoisonneur & meurtrier diabolique108.
Le candide Antoine s’ébahit alors de voir « des juges si doux ou plutost si mols » qui craignent ou font « conscience de condamner & faire mourir les sorciers ». Lambert Daneau sous le nom de Théophile ne peut qu’acquiescer et déplorer que de « tels juges » les « suportent & laissent vivre »109, faisant « distinction damnable de dire qu’il y a de bonnes & de mauvaises Eriges ou Sorcieres110 ». Il conclut qu’il faut que tous les juges soient « soigneux & diligents à punir rigoureusement, surtout Messieurs des cours de Parlement, ne s’amusans à vaines disputes » et que « le Roy de France & autres rois & seigneurs souverains » donnent la compétence en dernier ressort au bailli de chaque province comme ils l’ont fait pour les assassinats, crime pourtant moins « meschant & détestable111 ».
Ainsi, face au crime de sorcellerie, la faculté de médecine semble définitivement plus indulgente ou peut-être seulement indifférente que la faculté de théologie.
Le basculement de la perception de la sorcière
La perception du crime de sorcellerie change au tournant du xviie siècle : la sorcière n’apparaît plus automatiquement comme une effrayante et dangereuse complice du puissant diable. Dorénavant, elle est parfois perçue comme une « miserable » et « vieille » femme et même une « bonne dame affublée de [son] tablier » qui commet « une action digne certes de punition » et le « confessa ingenuëment »112. L’intérêt pour ces femmes accusées de sorcellerie ne fléchit pas pour autant, mais il se transforme en une attirance pour le sensationnel, comme le montre la publication de ce feuillet de 16 pages imprimé à l’occasion de la condamnation de trois femmes pour sortilège. Ces femmes ont accompli un rituel magique pour faire « quelque espèce de sort » en pénétrant de nuit dans le cimetière de l’église Saint-Sulpice et enterré dans la fosse d’un charpentier une fressure de mouton, avec le cœur percé d’épingles et de clous à latte, en forme de demi-croix. Mais le ton du feuillet imprimé est plutôt celui d’un récit d’intrigue policière et de mystère, avec la description de leur entrée en secret dans la nuit sombre, du gardien qui épie la scène et son chien qui aboie, de la course poursuite et enfermement provisoire de l’accusée dans le « petit bouge » où les bières et les outils du fossoyeur sont rangés, de la tentative d’apitoiement et de tromperie en prétextant être « pauvres femmes échappées de l’hospital des enfermez » et enfin du rôle joué par la fille de l’accusée attrapée dans l’arrestation rocambolesque des deux complices. Le feuillet se termine par la tirade lancée par l’accusée principale, Claire Martin, la « sorcière » et « devinaresse & auctrice de tout ce malheur » sur le lieu de la sentence :
[elle] confessa avoir bien merité ce qu’elle enduroit pour avoir perpétré beaucoup de sortes de crimes & forfaicts, neantmoins dist à l’executeur de Iustice que ceux qui estoient cause qu’on l’avoit fouetée extraordinairement s’en repentiroient113.
Ces menaces explicites ne sont pas relevées et le feuillet se termine par le compte-rendu du « grand estonnement du peuple et des anciens » à voir dans l’église quantité de « crapaux croassans » sortant d’une tombe. Le sensationnel prime sur le surnaturel.
Un processus enlevant la magie des accusations de sortilège à l’encontre d’escrocs aboutit à la fin du xviie siècle à la disparition du terme sortilège dans l’incrimination. Un diseur de bonne aventure est accusé des mêmes pratiques que celles poursuivies antérieurement, en l’occurrence de se mêler « de deviner et dire la bonne advanture », mais sans l’adjonction du crime de sortilège114. L’arrêt du Parlement de 1674, particulièrement long, stipule que Guillaume Thuret a récidivé contre des ordonnances qui lui ont été faites dès 1669. L’arrêt mentionné n’est malheureusement pas noté dans le registre, et on ne peut pas savoir si la sorcellerie est déjà sortie de l’accusation à cette date. L’arrêt de 1674 est très intéressant car il dévoile l’attitude très hardie de ce diseur de bonne aventure qui fait une requête auprès du Parlement pour annuler sa condamnation à 20 livres d’amende. Il prétend « qu’il a esté mal et nullement jugé » par la sentence du lieutenant de police du Châtelet, et demande à être renvoyé « quitte et absoubz de la fausse et calomnieuse accusation » faite par « ses ennemis secrets » que le substitut du procureur général est « tenu de desnoncé audict suppliant et judiqué leur demeure pour luy en faire réparation d’honneur, et son escroue rayé et biffé, avec dommages, interests et despens ». Cet arrêt du Parlement se situe dans l’entre-deux, quand les sorciers ne sont plus poursuivis et que les « faux-sorciers » étudiés par Ulrike Krampl ne le sont pas encore vraiment115. Ils sont alors appelés par la police de Paris les « faux sorciers » après la décriminalisation officielle du crime de sorcellerie en 1682 et tout au long du xviiie siècle où magie et sorcellerie sont réduits à des artifices qui cachent des desseins bien réels, comme l’empoisonnement et l’escroquerie. Leur rôle est important dans l’histoire de la vie urbaine pour aboutir à l’accusation d’escroquerie clairement formalisée dans la législation révolutionnaire en 1791.
Conclusions
Dans les très grandes villes, les modes de vie et de pensée traditionnels ont évolué rapidement, comme le montre la présence de différents types de praticiens de la magie qui y ont proliféré. Encore faut-il garder à l’esprit que tout un pan de la pratique magique nous est inconnu car non reporté dans les procédures judiciaires, écarté par les démonologues ou ignoré par les imprimeurs de feuilles volantes ou opuscules à sensation. La magie sexuelle qui semble avoir beaucoup imprégné Paris au début de la répression de la sorcellerie implique plus de femmes que d’hommes car cette période voit se creuser de plus en plus un écart entre les femmes honorables et toutes les autres. Ces accusées sont souvent liées à la prostitution, au commerce sexuel mais aussi au commerce des sentiments. Il est facile de soutirer de l’argent à des amants éconduits, et l’escroquerie des sorciers puis des « faux-sorciers » ne seraient que la conséquence logique d’un marché du cœur florissant à Paris.
On voit une évolution de la conception du crime de sorcellerie qui n’oppose pas vraiment culture savante et culture populaire au xive siècle quand les rituels magiques sont pratiqués par tous, élites et gens du peuple, quand tous craignent la justice de ces femmes que ne contrôle pas celle du roi ou celle de l’Église116. Progressivement au cours des trois siècles qui suivent, la perception et la place de la sorcellerie va évoluer dans tous les milieux pour finalement aboutir à une dichotomie plus marquée mais cependant encore floue par endroits. Les croyances et les pratiques ne sont pas unanimement partagées entre ceux qui leur accordent une importance capitale pour résister aux attaques du diable et ceux qui n’y voit plus que la manifestation d’une peur maintenant perçue comme irrationnelle.
Bodin se fait le reflet d’un même esprit. Il est un précurseur en réfléchissant sur les principes du bon gouvernement et de la souveraineté d’un État où le système de justice peut être repensé à l’aune de l’arithmologie. Mais il est par ailleurs foncièrement crédule au sujet d’attaques diaboliques menaçant le monde, ce qui le fait apparaître comme l’un de ces magistrats « cruels, bourreaux et bouchers » aux yeux de son ennemi, le médecin Jean Wier117. Cependant, le bon sens commun et la logique de la réflexion sur un système qui utilise la torture et qui se base uniquement sur les aveux sont présents partout, comme l’attestent les procédures judiciaires du terrain, les œuvres démonologiques, les rapports des médecins, les imprimés destinés au peuple et les mots mêmes des accusés et de leurs accusateurs consignés par la justice.
Il faut enfin garder à l’esprit qu’une partie de la chasse aux sorcières peut se passer en dehors de la justice officielle avec un règlement infra-judiciaire des situations conflictuelles liées aux pratiques magiques interdites, et donc ne laisser aucune trace. Les Parisiens peuvent trouver le moyen de régler leurs affaires sans intervention extérieure.