L’importance des sources diplomatiques pour le médiéviste a été bien soulignée, et leur élaboration a attiré l’attention depuis longtemps1. Les questions de l’écriture, de la rédaction et finalement de l’identité des personnes impliquées dans la production de ces textes ont ainsi mené à une myriade de méthodes et à des questions de recherche particulières. Cette thèse explore la méthodologie disponible pour les diplomatistes et ses perspectives, afin de déterminer dans quelle mesure il est possible de retrouver l’identité des rédacteurs des chartes médiévales et de savoir s’il s’agit d’une seule personne rédigeant et écrivant les chartes. L’étude des chartes épiscopales – type de charte qui mérite certainement une plus grande attention – des diocèses de Liège, d’Arras et de Cambrai aux xie et xiie siècles permet ainsi de mener une recherche comparative dans une région et une période importantes pour la production des chartes.
Ainsi axée sur les termes particuliers de « chancellerie », d’« élaboration » et d’« identité », cette étude nécessitait la détermination de quelques éléments de recherche, notamment la reprise de la problématique des chartes épiscopales dans le domaine de la diplomatique, la définition du terme « chancellerie » et l’étude des membres présents dans ce « regroupement des personnes en charge de l’élaboration des chartes et d’autres documents officiels, d’une façon plus ou moins régulière, au service d’une autorité publique2 ».
Les responsables de la rédaction des textes ont pris l’avant-plan. L’identité des rédacteurs a donné lieu à une réflexion sur plusieurs identifications possibles, c’est-à-dire les membres de la chancellerie, les personnes liées à l’impétrant3, ou un mélange des deux par une rédaction dans un bureau d’écriture et une transcription dans un autre, les « tiers » attirés pour la production d’une charte4 et finalement l’Eigendiktat, la rédaction par l’autorité même5. Ce sont surtout ces deux dernières identités qui posent problème : l’identité des tiers reste incertaine et, actuellement, on ne peut pas démontrer de façon définitive à quel degré l’auteur était impliqué dans la rédaction de ses chartes6.
La question s’est donc avérée complexe et vaste : afin de dévoiler les détails de conception, les chartes nécessitaient d’être étudiées de très près, et ceci dans le cadre des chancelleries, des bénéficiaires et de l’entourage de l’auteur. Il est ainsi logique que la mesure dans laquelle le chercheur peut obtenir des informations sur l’élaboration des chartes soit en partie dépendante de l’organisation de la chancellerie : chaque situation demande une approche spécifique et a effectivement mené à des résultats différents. À cause de l’étude poussée existante de la chancellerie arrageoise7 et du manque d’un bureau d’écriture organisée autour du prince-évêque de Liège8, la focalisation de plusieurs tests s’est également, au fur et à mesure, déplacée vers les chartes cambrésiennes, qui semblent être produites dans un cadre bien organisé9.
Les chartes épiscopales sont les sources principales pour cette recherche ; les sources administratives, telles que les minutes, les statuts, les listes du personnel, les comptes et les formulaires (à l’exception du codex Lamberti 10 pour Arras) manquent. Pour les chancelleries d’Arras et de Cambrai le chercheur dispose d’éditions critiques11 des actes. La situation est différente à Liège, où une étude systématique de la « chancellerie » reste à achever pour le xiie siècle12 ; une bonne partie de la recherche a été menée sur la base de quelques études disparates13. Ces éditions imprimées ont été complétées par les éditions électroniques dans les bases de données Diplomata Belgica 14 et Chartae Galliae 15, ainsi que par des sources d’archives venant principalement des Archives départementales du Nord à Lille ou des Archives de l’État de Belgique16, pour un corpus total de 1 381 chartes répertoriées, dont les textes étaient disponibles pour 505 cartes cambrésiennes, 277 chartes arrageoises et 297 chartes liégeoises.
La conception de ce travail a davantage été influencée par cette approche adaptée non seulement aux trois chancelleries, mais également aux méthodes jugées les plus valables pour le contrôle ; la recherche est menée en trois parties (la paléographie17, le dictamen et l’identité). Chaque partie consiste en une introduction et plusieurs chapitres. L’introduction présente le bilan de la question en faisant une analyse critique du domaine traité dans la partie. Par la suite, les méthodes sont examinées et testées, une par chapitre. Enfin, la conclusion de la partie fait le point sur les possibilités et les limites des méthodes. Cette approche a permis de fournir une explication claire et de proposer un test adéquat pour chaque méthode.
Cette thèse s’intéresse avant tout à la méthodologie : aux pistes de recherche déjà creusées, aux résultats et aux limites, mais surtout aux nouvelles voies à développer. Dans ce cadre, l’apport du numérique est d’une importance indéniable. Plusieurs méthodes existantes sont modernisées à l’aide de l’ordinateur qui forme la prochaine étape dans la recherche du dictamen et de la paléographie.
Cette dernière s’est avant tout développée autour de la classification des écritures et de l’analyse des formes des lettres18. Poussée par l’évolution des démarches scientifiques, une volonté d’objectiver la recherche s’est fait sentir, résultant en des mesures précises faites manuellement19 qui se sont ensuite étendues et qui ont été formalisées par l’usage de l’ordinateur. Pourtant, la personne chargée de l’écriture d’une charte n’est pas oubliée dans la méthodologie : le paléographe tente de déterminer des mains différentes. La capacité d’un scribe de changer volontairement son écriture20 ainsi que l’évolution de l’écriture d’une personne au cours du temps21 remettent en question l’idée de base de la paléographie : est-ce qu’une écriture désigne indubitablement une seule personne ? Ce problème est intemporel et invite le chercheur à garder ces possibilités à l’esprit tout au long de son analyse.
Par l’analyse « classique » et manuelle de la comparaison des écritures, y compris la ponctuation22, les trois diocèses ont illustré trois cas différents. À Arras, l’analyse paléographique effectuée par Benoît-Michel Tock a conclu à des « types » d’écriture plutôt qu’à des mains individuelles23. Liège a donné lieu à de nombreuses analyses paléographiques24. Son étude détaillée, exécutée par Jean‑Louis Kupper25, exige une approche particulière, notamment par la comparaison des chartes épiscopales originales à celles émanant des différents centres d’élaboration présents dans le voisinage de l’évêque. À Cambrai, les écritures étaient suffisamment distinctes pour permettre les identifications soutenues par Erik van Mingroot26, ainsi qu’une propre analyse paléographique pour couvrir la période attenante, de 1131 à 1200. Le corpus de 245 originaux de cette période presque inexplorée était effectivement assez important, les conditions de conservation étaient assez bonnes, la chancellerie était bien organisée et les écritures étaient suffisamment distinctes pour permettre une étude poussée dans les limites temporelles de cette thèse. L’approche manuelle a permis de distinguer vingt et une mains impliquées27 dans la production de 149 chartes épiscopales cambrésiennes, et de formuler quelques points de discussion pour la fin de cette période, qui montre des écritures très semblables28.
La démarche numérique a mené au développement de plusieurs logiciels et méthodes s’intéressant à la paléographie numérique29, ce qui a soulevé des questions sur les possibilités et les limites des ordinateurs30. Ce volet de la recherche a conduit au test des performances d’une méthode numérique pour laquelle j’ai pu acquérir la licence : « Giwis Intelligent Writer Identification System » (GIWIS), développée par Lambert Schomaker31. Ce logiciel constitue une automatisation de la méthode de Jan Burgers, qui mesure plusieurs aspects (« marqueurs ») d’une écriture, comme l’intensité de l’encre à la fin d’un trait de plume (Brush), les mesures du nombre de pixels successifs qui correspondent soit à l’arrière-plan, soit à l’encre, dans une direction horizontale ou verticale, ce qui montre la mesure dans laquelle une écriture est allongée (Run-lengths), la direction des contours des lettres (Directions), la relation entre l’ampleur de l’encre et la direction des traits de plume (Quill), les deux contours des points de rencontre dans les lettres (Hinge), l’ampleur de l’encre (Inkwidth), et les fragments des traces d’encre (Fraglets). Ces mesures peuvent être consultées pour chaque image, et leur analyse peut être menée ensuite de plusieurs façons : la comparaison en graphique des similitudes et des différences entre deux images (compare), une comparaison par une liste des images les plus proches (search) et enfin les pourcentages totaux de la performance de « GIWIS » (performance).
En premier lieu, et afin de contrôler la fiabilité de ce logiciel, ce test se concentre sur les résultats obtenus par Benoît-Michel Tock et Erik van Mingroot, respectivement pour Arras et Cambrai. Comme plusieurs aspects de « GIWIS » exigent l’utilisation d’identifications connues et un corpus très étendu, le cas de Liège est laissé de côté pour ce test. Les premiers résultats problématiques de « GIWIS » étaient dus aux soucis concernant la préparation du corpus et le nettoyage de données ainsi qu’à l’interprétation des analyses par le chercheur. Cependant ce logiciel a permis d’étudier plusieurs procédés afin d’analyser les résultats : il semble reconnaître l’écriture provenant d’une seule charte, mais il n’est pas certain que la qualité de la photo influence ce résultat.
Suite à ces essais, nous estimons que ce logiciel n’est pas encore suffisamment fiable pour pouvoir remplacer entièrement l’analyse paléographique des chartes ou pour l’utiliser comme aide dans ce type de recherche. Pour l’instant, l’approche manuelle, qui garde pourtant ses propres limites et exige beaucoup de temps et d’expertise pour les phases de préparation et d’analyse, reste recommandée.
« GIWIS » mérite certainement de plus amples contrôles, peut-être à partir des propres recherches paléographiques effectuées pour la période 1131-1200 avec la version la plus récente de « GIWIS 3.1 » afin de comparer les résultats et de mieux déterminer l’utilité de cette méthode pour l’étude des chartes. Un test additionnel avec d’autres logiciels, par exemple « Archetype32 », pourrait être envisagé afin de comparer ces logiciels et leurs approches.
Malgré la difficulté de s’insérer dans un domaine fort technique et de rester à jour, il est certainement important de suivre ces développements numériques de près. L’idéal serait de trouver le juste milieu entre les deux méthodes : d’une part l’étude manuelle qui mène à une connaissance détaillée des sources mais reste toujours un peu subjective, et d’autre part l’examen numérique qui permet d’obtenir des résultats plus objectifs, mais qui devrait cependant encore s’améliorer. Un tel juste milieu pourrait par exemple aider à résoudre le problème de plusieurs écritures qui désignent plusieurs ou un seul scribe. Si le paléographe pouvait, par des études de cas et leur analyse par des logiciels, déterminer le seuil de façon mathématique entre les concepts « évolution d’une main » et « même main écrivant en une autre écriture » il pourrait peut-être utiliser ce seuil afin d’adapter les méthodes numériques.
Alors que la paléographie numérique a évolué vers une discipline presque indépendante, l’étude du dictamen s’est développée à un rythme plus lent. L’étude des formules s’est étendue de l’analyse des phrases protocolaires à l’examen des expressions et des combinaisons de mots plus courtes dans le texte complet (méthode De Paermentier33). Nous avons en premier lieu essayé de déterminer le dictamen général dans les chancelleries épiscopales de Liège et de Cambrai en suivant la méthode De Paermentier.
Cette recherche a déjà été réalisée pour Arras par Benoît-Michel Tock et aucun rédacteur individuel n’a pu être déterminé34. Tout comme celui d’Arras, le cas de Liège a immédiatement souligné quelques limites de la méthode : très peu de locutions distinctives ou de combinaisons de mots particulières ont pu être identifiées dans les chartes liégeoises. Le chercheur ne peut donc pas partir de la même idée d’une production « en chancellerie ». Ce type de recherche constituera toujours un ensemble de cas particuliers, à étudier presque acte par acte. Les quelques cas retrouvés semblent typiques pour certains bénéficiaires35 ; ce résultat correspond au consensus de recherche au sujet du manque d’une chancellerie centralisée. Les chartes liégeoises semblent surtout souscrire à un dictamen mixte36. En effet, nous n’avons retrouvé aucun rédacteur individuel.
Les résultats étaient plus positifs pour Cambrai. Par l’étude des expressions provenant des chartes épiscopales dans les bases de données complètes des Diplomata Belgica et des Chartae Galliae, 275 chartes épiscopales cambrésiennes ont été étudiées de 1131 à 1200. De cette façon, et en combinaison avec les résultats d’Erik van Mingroot et de Nathalie Barré ainsi qu’avec les études concentrées sur les destinataires des chartes cambrésiennes, nous avons pu reconstituer plus en détail le formulaire général de la chancellerie cambrésienne pour la deuxième moitié du xiie siècle37. En particulier l’usage des citations bibliques38 typiques dans les préambules de ces chartes invite à creuser plus en profondeur les références littéraires dans les textes diplomatiques de cette chancellerie39.
Surtout la comparaison des chartes épiscopales avec les textes regroupés par destinataire a produit les résultats les plus satisfaisants. Dans le cadre restreint de la thèse, cela a été fait pour les destinataires ayant reçu l’attention académique : les abbayes Saint-Adrien de Grammont40 et Saint-Michel d’Anvers41, celles de Ninove42, de Vaucelle43, d’Anchin44 et de Saint-Bavon de Gand45. L’abbaye de Cambron constitue une exception : ses chartes n’ont pas encore été étudiées mais grâce à la présence d’un groupe de formules très typiques ce scriptorium a retenu l’attention dans cette analyse. De même, la découverte d’un lien paléographique avec les chartes de Saint-Aubert et celles des châtelains de Cambrai (en particulier la famille d’Oisy-le-Verger), ainsi que la présence d’un dictamen épiscopal, pourrait inspirer une édition ou au moins une analyse plus poussée de ces études de cas. Il s’avère clairement nécessaire d’élargir l’analyse de ces quelques destinataires vers celle de tous les destinataires.
Mieux encore, grâce à l’analyse des locutions et plus précisément par l’usage de commitimus…memoriali, j’ai retrouvé la piste d’un seul rédacteur cambrésien que j’estime pouvoir relier au scribe RogF/JeanE.
Cette dernière identification a servi de bêta-test46 pour notre approche numérique, c’est-à-dire la méthode de stylométrie utilisée pour l’analyse du dictamen. Ce domaine concerne l’analyse numérique de textes afin de déterminer le style d’un rédacteur. Pour l’instant surtout utilisée dans le champ de la littérature médiévale47, la stylométrie a été appliquée pour la première fois sur les chartes médiévales par le cas du rédacteur RogF/JeanE (1187-1196). Un corpus de 546 textes disponibles dans les bases de données Diplomata Belgica et Chartae Galliae a été codé en texte brut, comprenant les chartes des épiscopats de Roger de Wavrin (1179-1191) et de Jean II d’Antoing (1192-1196) dont l’évêque cambrésien était l’auteur, ainsi que les chartes des 23 destinataires des chartes épiscopales de cette période. Un code adapté pour les chartes médiévales a été développé par Mike Kestemont, appliquant deux méthodes à la fois : une représentation visuelle des chartes en nuage de points selon le principe du « voisin le plus proche » (t-SNE ou T-distributed Stochastic Neighbor Embedding 48) et la détection automatisée de locutions recopiées (Text Reuse Detection).
Les techniques apportées par la stylométrie se sont certainement avérées prometteuses puisqu’elles nous ont permis de révéler des produits additionnels de RogF/JeanE49 . Bien que nous ayons prouvé l’utilité de la stylométrie dans le domaine de la diplomatique médiévale, notre travail n’est pas achevé. Cette discipline est une nouvelle étape potentielle dans la méthodologie du diplomatiste qui offre de nouvelles perspectives et invite à continuer à travailler sur les chartes, sans pourtant perdre de vue la nécessité de l’expertise et de la connaissance de son corpus.
Comme pour la paléographie numérique, le plus grand défi pour l’examen de ces méthodes réside dans le côté technique. Le code développé par Mike Kestemont est également sujet aux changements dans le monde numérique, mais il permet pour l’instant de conduire d’autres tests nécessaires. Ainsi, la question de l’influence du corpus reste à être analysée, vu que la présence des chartes des grands auteurs comme le pape, les ducs de Brabant et les comtes de Flandre influence les résultats jusqu’à un certain degré. D’autre part cette même présence a permis de lier certaines chartes à d’autres. Ainsi, on pourrait étudier le corpus comme un réseau d’échanges de formules. La reprise avec d’autres études de cas et avec le corpus complet des chartes épiscopales de Cambrai (1131-1200) pourrait éclaircir peut-être le lien entre le scribe et le rédacteur dans cette chancellerie, en particulier par l’ajout des résultats d’Erik van Mingroot et de Nathalie Barré ; actuellement, je travaille à ce projet. Des tests éventuels avec les résultats existants d’Arras et de Liège pourraient peut-être permettre de déterminer plus correctement l’importance d’une méthode stylométrique pour le diplomatiste en ce qui concerne les cas compliqués.
Il serait également intéressant de comparer les chartes épiscopales de plusieurs diocèses, ce qui invite à suivre de près le projet actuel « Actépi : les actes épiscopaux français du Moyen Âge : édition multimodale et exploitation50 », lancé à l’université de Caen Normandie en partenaire avec les universités d’Orléans, de Lorraine, de Strasbourg et de Rennes, qui vise l’édition critique de 25 corpus diocésains en France du Nord du milieu du xie au milieu du xiiie siècle. Un tel instrument de recherche permettrait d’adapter la méthodologie de stylométrie à ce type de source et ainsi d’avancer considérablement dans les connaissances des chartes épiscopales.
Enfin, des analyses continues peuvent inclure d’autres éléments à contrôler. En premier lieu je considère l’influence du type de charte : dans le domaine de la littérature médiévale, il est devenu clair que le style d’un rédacteur pouvait être fortement influencé par le genre de texte51.
Le troisième et dernier volet de cette thèse concerne la problématique de l’identité, sans doute l’étape la plus compliquée. La combinaison des données de la paléographie et du dictamen donne lieu à la tentative d’associer un nom propre aux personnes impliquées dans la production des chartes, en utilisant les listes de témoins, les sources administratives et la documentation nécrologique. Actuellement, le développement majeur de la méthodologie consiste en la publication des bases de données qui permettent de chercher et d’exploiter les sources de façon plus complète et plus facile.
Pour Liège et Arras, les recherches faites par Jean-Louis Kupper et Benoît-Michel Tock ont mené à des identifications de quelques personnages d’une certaine importance52. À Cambrai, les identifications spécifiques d’Erik van Mingroot se fondent toujours sur les noms dans les souscriptions et les listes de témoins, en rapport avec les résultats de la paléographie et du dictamen. Pour la période après l’évêque Burchard, aucune identification n’est absolument certaine étant donné l’absence actuelle de lien entre la plupart des mains, le dictamen peu personnel et les rares mentions d’un rédacteur éventuel. Pourtant, l’analyse de quelques noms a été faite, dont l’identité possible pour le rédacteur RogF /JeanE (1187-1196) dans la personne de Siger d’Arras et l’étude plus poussée du chancelier Werinbold III (1101-1148) a permis le plus de résultats.
C’est clairement dans cette étape que la plupart des questions restent ouvertes : la majorité de l’identité des scribes et des rédacteurs se trouve actuellement dans les ténèbres et la question de l’identité reste sans réponse définitive. Les quelques rédacteurs identifiés à Arras et à Liège et les cas cambrésiens de Werinbold III et de (peut-être) Siger d’Arras semblent indiquer une identité unique pour le scribe et le rédacteur pour plusieurs chartes, sans pour autant accepter cette idée sans réserve. Les possibilités de l’Eigendiktat ou de l’implication d’un tiers restent à creuser, problématiques auxquelles les résultats actuels n’ont pas pu ajouter d’exemples clairs. De même, le lien entre les chancelleries épiscopales et les chapitres cathédraux (et leurs écoles) a souligné qu’une étude approfondie de ces milieux intellectuels et leurs sources manuscrites en rapport avec la documentation diplomatique et administrative s’avère toujours nécessaire.
Les exemples de Cambrai, d’Arras et de Liège adhèrent donc à la problématique existante concernant l’identification des scribes et des rédacteurs par un nom. La question devient particulièrement compliquée par la combinaison des difficultés inhérentes à l’étude de la scriptio et du dictamen des chartes, aux mentions dans les listes de témoins et dans les souscriptions, et enfin aux éléments de prosopographie. Le niveau de la connaissance de l’identité des scribes et/ou des rédacteurs dépend donc largement des résultats des deux étapes précédentes. C’est pourtant dans la toute dernière phase, par l’étude du personnel et des noms propres, qu’un bureau d’écriture prend vie. Même si la majorité des informations restent dans les ténèbres, chaque étude d’une chancellerie épiscopale contribue à une meilleure compréhension des bureaux d’écriture autour des évêques.
La thèse dirigée par M. Benoît-Michel Tock, professeur d’histoire du Moyen Âge à l’Université de Strasbourg, membre de l’équipe ARCHE, et Mme Brigitte Meijns, professeur d’histoire du Moyen Âge à la K.U. Leuven, a été soutenue à Strasbourg le 16 septembre 2019, devant un jury composé des membres suivants : Mme Els De Paermentier, professeur d’histoire du Moyen Âge à l’Universiteit Gent, M. Cédric Giraud, professeur d’histoire du Moyen Âge à l’Université de Lorraine, M. Thomas Brunner, maître de conférences en histoire du Moyen Âge à l’Université de Strasbourg et Mme Muriel Ott, professeur de Littérature française du Moyen Âge à l’Université de Strasbourg. Après délibération, le jury a a prononcé la délivrance du grade de docteur de l’université de Strasbourg à Mme Eveline Leclercq.