Bilan du séminaire « Représenter la nature. Arts, sciences et techniques de l’âge classique au positivisme  »

p. 165-166

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À la rentrée de l’année universitaire 2015-2016, le séminaire « Représenter la nature. Arts, sciences et techniques des Lumières au positivisme » entrera dans sa quatrième année d’activité. Sur les trois années écoulées, vingt-deux intervenants se sont succédé, pas un n’a manqué à l’appel et nous voudrions ici leur renouveler nos remerciements1.

Créé à notre initiative au commencement de l’année universitaire 2012-2013, ce séminaire est rattaché à l’axe « Sources, Savoirs, Méthodes » de l’Équipe de recherche en sciences historiques de l’Université de Strasbourg ARCHE-EA 3400 (Arts, civilisation et histoire de l’Europe). Il se réunit une fois par mois autour d’un noyau d’une dizaine de personnes constitué d’étudiants en thèse et en master d’histoire ou d’histoire de l’art. S’y agrègent ponctuellement des historiens, des historiens des sciences, des épistémologues, des spécialistes du livre et des enseignants en école d’art. Durant ses trois années d’existence, le séminaire a connu des séances d’une grande diversité et d’une belle cohérence.

Notre axe de réflexion principal propose une approche historique et épistémologique des représentations de la nature au xviiie siècle, en particulier à travers les relations entre texte et image. C’est pourquoi le livre scientifique illustré est régulièrement au cœur de nos préoccupations et a servi de source à plusieurs de nos intervenants qui étudient son rôle comme instrument de savoir et moyen d’émulation intellectuelle. Bien sûr, d’autres liens entre écrit et représentations figurées ont été interrogés, notamment quand ils reposent sur la coprésence de l’objet et de l’observateur, comme c’est le cas dans les enquêtes de terrain, les expérimentations en laboratoire, les inventaires de collections naturalistes. Reste que ces différentes expériences sont souvent restituées sous la forme d’écrits accompagnés d’images – ou d’images accompagnées d’écrits.

Ce sont donc les processus d’appropriation des productions de la nature qui nous retiennent au premier chef, à travers leur nomination, leur description et leur figuration : chacun dans leur domaine spécifique, les intervenants ont analysé comment s’opéraient des connexions entre représentations mentales, outils conceptuels, techniques de visualisation, pratiques manuelles, interactions entre, d’un côté, les méthodes et les processus d’écriture, de sélection, de classification, et, de l’autre, les signes graphiques, les codes chromatiques et les conventions auxquelles ils obéissent pour constituer une grammaire visuelle. À cet égard, un des fils rouges du séminaire peut se résumer à travers l’idée que les images, loin de se réduire à une fonction décorative ou illustrative, contribuent pleinement au discours scientifique et revêtent une dimension cognitive et didactique qui leur est propre.

À la demande de la revue Études sur le 18e siècle, nous avons bâti un dossier intitulé « Écrire les sciences », qui a été publié au début de l’année 2015. Les quatorze contributions qui y sont réunies montrent que l’écriture des sciences naturelles au xviiie siècle conduit à interroger le lien entre le regard et le langage, non seulement pour revenir sur la place dévolue à l’observation dans la fabrique des savoirs, mais aussi pour contribuer aux débats ouverts par les visual studies.

En nous plaçant sous l’égide de l’ouvrage désormais classique de Lorraine Daston et Peter Galison, Objectivity2, nous ambitionnions de poursuivre la réflexion sur la question de l’objectivité scientifique en centrant l’attention sur la période qui s’étend de l’âge classique au positivisme. De fait, comme l’ont confirmé plusieurs participants, c’est bien dès le tournant du xviie et du xviiie siècle que sont apparues de nouvelles modalités de démonstration par l’image. Or bien qu’elle reposât sur une exigence d’observation directe, celle-ci restait déterminée par toutes sortes de références, de modèles et de dispositifs qui contribuaient eux aussi à garantir son exactitude et son autorité.

C’est à partir de ce dernier point que nous souhaiterions enrichir la réflexion lors des prochaines années. D’un côté les images « disciplinées » (même si elles restent toujours perfectibles au gré des observations) dont les détails sont explicités par les commentaires qu’elles appellent et qui supposent une restitution précise de la nature. De l’autre, ces images qui, même à l’aube du positivisme, ne sont pas entièrement soumises à la construction objective des savoirs, ou plus exactement s’affranchissent du domaine scientifique dans lequel on s’efforce de les cantonner, pour ouvrir sur des dimensions symboliques, idéologiques et sociales.

Notes

1 Laurent Baridon, Charlotte Bigg, Claude Blanckaert, Samir Boumedienne, Marie-Noëlle Bourguet, Florence Catherine, Valérie Chansigaud, Martial Guédron, Charlotte Guichard, Isabelle Laboulais, Pierre-Yves Lacour, Anne Lafont, Gaëtane Maës, Rafaël Mandressi, Yasmine Marcil, Pierre Martin, Gilles Montègre, Emmanuelle Sempère, Barbara Stentz, Lucienne Strivay, Jérôme van Wijland, Nathalie Vuillemin. Return to text

2 Lorraine Daston et Peter Galison, Objectivity, New York, Zone Books, 2007. Return to text

References

Bibliographical reference

Martial Guédron and Isabelle Laboulais, « Bilan du séminaire « Représenter la nature. Arts, sciences et techniques de l’âge classique au positivisme  » », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 6 | 2015, 165-166.

Electronic reference

Martial Guédron and Isabelle Laboulais, « Bilan du séminaire « Représenter la nature. Arts, sciences et techniques de l’âge classique au positivisme  » », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [Online], 6 | 2015, Online since 19 octobre 2022, connection on 11 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=362

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Martial Guédron

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