Avant-Propos

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Les frontières séparent dans l’espace des ensembles humains et marquent des limites de souveraineté. Elles présentent une certaine permanence tout en étant vouées à être rectifiées avec le temps. Suscitant des rationalisations en vue de les pérenniser et de les légitimer, elles sont aussi objets de contestations, de controverses et de contentieux. Les frontières représentent des repères dans la vie humaine et sociale. Souvent considérées comme stables, voire intangibles, elles sont à la fois durables et vouées à être dépassées et même transgressées. En Europe, elles dessinent des confins par rapport auxquels se définissent des desseins partagés, elles ménagent des perspectives intégratrices, elles déterminent des marges et des marches tiraillées entre des références et des influences contrastées.

Les frontières « dans les têtes » séparent aussi des domaines du savoir, des écoles de pensée et des théories. Elles délimitent des usages méthodologiques et fixent des limites de validité. La confrontation entre les disciplines permettra d’élaborer quelques pistes dans l’exercice même du franchissement ou non des frontières disciplinaires.

Les frontières sont aussi celles que se forgent implicitement les groupes humains lorsqu’ils veulent séparer, ranger mais aussi contraindre les autres à se sentir différents. Ces frontières sociales et psychologiques étouffent ceux qui y sont soumis mais peuvent aussi susciter la création, la sublimation. Les carcans ont cette double signification de restreindre mais aussi de stimuler. Dans tous les ghettos, il y a eu des survivants qui franchissaient les limites, des Anne Franck, des Wladyslaw Szpilman pour témoigner à travers leurs œuvres.

Les frontières sont, dans les mondes modernes, souvent intériorisées par les êtres qui les peuplent. Si la censure est dans les têtes, point n’est besoin de la promulguer. Ces frontières actuelles sont difficiles à saisir parce qu’elles restent discrètes. Les recherches des sciences humaines peuvent saisir les représentations ou les communications qui forment autant de barrières virtuelles à la liberté de penser et de vivre.

Les frontières sont aussi symboliques. Elles s’étendent dans les univers parallèles, elles interdisent le bouche à oreille alors que nul obstacle ne semble être posé. Les rituels où tel geste, tel objet est chargé de sens, posent des frontières entre l’imaginaire des uns et le passage des autres. Passer d’un groupe à un autre implique des délimitations et des marques. Après la formule consacrée s’autoriseront les changements et les avancées de ces hommes et de ces femmes sur le parcours constamment renouvelé mais en réalité récurrent pour des sociétés humaines ordonnées.

Quels usages des frontières peut-on observer et analyser, y compris dans des milieux et des pratiques qui les subvertissent ? En quoi les frontières peuvent-elles être considérées comme des lieux où se cristallise la conflictualité ? Les articles ici rassemblés se présentent comme autant de contributions susceptibles de renouveler ces interrogations.

Citer cet article

Référence électronique

Pascal Hintermeyer et Marie-Frédérique Bacqué, « Avant-Propos », Strathèse [En ligne], 2 | 2015, mis en ligne le 01 septembre 2015, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/strathese/index.php?id=182

Auteurs

Pascal Hintermeyer

Université de Strasbourg

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