Introduction
La recherche par les pays donateurs du Nord et les pays bénéficiaires du Sud d’une coopération renforcée, fondée sur des valeurs et des principes communs, relance actuellement les débats théoriques sur l’efficacité de l’aide publique au développement (APD).
La littérature émergente sur les déterminants contractuels et institutionnels du processus de délivrance de l’aide tire sa source dans les récentes conclusions des investigations empiriques et théoriques sur l’efficacité de l’aide.
Les analyses empiriques sur l’efficacité de l’aide montrent, au-delà de l’absence d’impact de l’aide sur la croissance (Boone, 1996), qu’une véritable appréciation de cet impact exige de prendre en compte l’hétérogénéité des pays bénéficiaires. Si Burnside et Dollar (2000), dans une perspective de court terme, montrent que l’impact de l’aide est positif dans les pays poursuivant de bonnes politiques macroéconomiques, Svensson (1999) considère, qu’à plus long terme, l’aide est uniquement bénéfique aux pays jouissant de bonnes pratiques démocratiques. De plus, ils ne trouvent respectivement aucun impact de l’aide sur la qualité des choix politiques des pays bénéficiaires (Burnside et Dollar, 2000), ni sur la discipline fiscale (Svensson, 2000). Si cette littérature a conduit à privilégier la politique de la sélectivité par rapport à celle de la conditionnalité, elle trouve malheureusement que cette sélectivité n’est pas suffisamment déterminante pour réduire la pauvreté dans les pays bénéficiaires (Collier, 1997 ; Dollar et Svensson, 1998 ; Collier et Dollar, 1998).
Sur le plan théorique, différentes études essaient d’élaborer des modèles analytiques qui tentent d’articuler ces paradoxes empiriques dans un schéma cohérent et d’améliorer notre compréhension de l’efficacité de l’aide. Partant de l’hypothèse que le gouvernement au Sud se préoccupe partiellement du bien-être général du pays, et partiellement du bien-être particulier de son élite dirigeante, ces modèles analytiques considèrent que l’aide et la conditionnalité peuvent être utilisées pour réduire la rente informationnelle acquise par l’élite dirigeante et accroître ainsi la consommation du pauvre au Sud, qui constitue l’élément déterminant de la croissance des pays bénéficiaires de l’aide. Si certains de ces modèles s’intéressent à l’efficacité de l’aide par la voie du transfert fiscal entre les deux groupes (des riches aux pauvres) dans le pays récipiendaire (Adam et O’Connell, 1999 ; Drazen, 1999), d’autres préfèrent celle des contrats incitatifs entre Principal et Agent visant à résoudre les problèmes informationnels (Azam et Laffont, 2003 ; Svensson, 2000).
Notre analyse s’inscrit dans la lignée de ces deux derniers modèles abstraits qui s’intéressent aux sérieux problèmes d’agence, en particulier de celui de l’aléa moral et de l’anti-sélection. Si le modèle de Svensson (2003) explore les aspects institutionnels nécessaires à une plus forte crédibilité d’engagement des donateurs altruistes, celui d’Azam et Laffont (2003) utilise les concepts de bien public mondial (BPM) et de compatibilité incitative pour améliorer la capacité des pays bénéficiaires à accroître la consommation du pauvre au Sud.
S’inspirant de ces deux structures formalisées, notre modèle s’intéresse aux mécanismes d’incitation des acteurs institutionnels impliqués dans la chaîne de délivrance de l’aide, en l’occurrence ceux d’une institution multilatérale d’aide (IMA1) telle que la Banque mondiale d’une part, ceux d’un partenariat public-privé d’autre part (ONG2, firmes contractantes). Il se différencie principalement des deux modèles par la recherche d’un partenariat global et des engagements mutuels du Nord et du Sud concernant la production du bien public mondial (BPM) qu’est l’accroissement de la consommation du pauvre au Sud en termes de construction d’infrastructures nécessaires à l’acquisition de son bien-être (accès à l’eau potable, éducation et santé).
Si nous considérons l’aide comme un contrat où un donateur bilatéral altruiste du Nord cherche à transférer une aide exogène à deux pays bénéficiaires du Sud pour réduire la pauvreté au Sud (BPM), il n’en reste pas moins que son anticipation affecte négativement les motivations des gouvernements bénéficiaires à élaborer des politiques appropriées. Pour atténuer les conséquences du dilemme du samaritain (à savoir, la possibilité que des gouvernements bénéficiaires exploitent l’altruisme du donateur), nous montrons qu’à défaut d’assurer des contrats optimaux de first best et de second best (section 1), la délégation de la règle d’allocation de l’aide à une institution multilatérale d’aide (IMA, exemple : Banque mondiale) au mandat anti-pauvreté d’une part (section 2), la maîtrise du partenariat public-privé d’autre part (section 3), peut permettre aux deux acteurs fondamentaux de la relation Principal-Agent d’atténuer les problèmes d’incohérence temporelle (allocation ex ante, décaissement ex post) et d’agence (aléa moral, anti-sélection) auxquels ils se trouvent confrontés et ainsi rapprocher l’équilibre sous-optimal discrétionnaire ex post (cohérence temporelle, mais effets négatifs du dilemme du samaritain) de l’optimum ex ante de second best, plus réalisable (la référence).
L’élaboration de contrats optimaux d’APD
Pour étudier la relation Principal – Agent de l’APD ici, on considère un modèle où l’APD est déterminée par l’aversion des riches du monde (altruistes du Nord et du Sud) à la pauvreté au Sud. On considère la consommation du pauvre au Sud (Cp) comme un bien public mondial et on étudie les questions d’aléa moral, d’asymétrie d’information et d’incohérence temporelle soulevées par le fait que les gouvernements du Sud (RJ, J=1,2) contrôlent la consommation du pauvre au Sud à travers sa politique de redistribution et profitent souvent du « dilemme du samaritain » du donateur bilatéral du Nord (N).
On considère également un jeu séquentiel à trois étapes. Le timing des évènements en cas d’engagement ex ante de N se déroule de la manière suivante : à l’étape 1, le donateur N choisit sa politique d’aide ex ante. À l’étape 2, chacun des deux pays bénéficiaires RJ choisit simultanément et de manière non coopérative son niveau d’investissement IJ, pleinement conscient de cette politique d’aide. À l’étape 3, le donateur exécute sa politique d’aide ex post indépendamment des investissements réalisés par les bénéficiaires. L’élaboration des contrats optimaux dépendra du fait que le donateur N dispose ou non d’une technologie d’engagement. Dans le premier cas, l’accès à une technologie d’engagement permet au donateur bilatéral (N) d’élaborer un contrat incitatif d’APD susceptible d’amener les deux gouvernements bénéficiaires (RJ) à réduire la pauvreté dans leurs pays respectifs (régime optimal d’engagement ex ante). Dans le second cas, l’absence de technologie d’engagement peut conduire les deux bénéficiaires à profiter du dilemme du samaritain3 du donateur bilatéral et adopter un comportement de passager clandestin4 (régime discrétionnaire sous-optimal).
Régime optimal d’engagement ex ante
Dans les modèles de statique comparative d’Azam-Laffont (2003) et de Svensson (2000), le donateur bilatéral (N) élabore des contrats incitatifs optimaux dont l’un sert de référence en information parfaite (optimum de first best), l’autre de référence en information imparfaite (optimum de second best).
L’optimum de premier rang (first best)
En s’engageant ex ante (étape 1) à distribuer son budget d’aide à l’étape 3 du jeu séquentiel à deux gouvernements bénéficiaires RJ identiques, le donateur bilatéral établit un contrat optimal de la forme suivante :
Le donateur altruiste cherche à maximiser sa fonction objectif de préférences ou d’utilité qui est la somme des consommations contribuant à accroître la consommation du pauvre dans les deux pays bénéficiaires du Sud, parfaits altruistes (θ)=1 :
WN=ΣUJ(CJ1-θJ), θ=1 (1)
sous les contraintes budgétaire :
a1+a2 = a (2a)
de participation :
CJ=YJ+γJaJ (2b)
(2a) spécifie que les transferts des deux bénéficiaires ne peuvent excéder le budget total.
(2b) exprime la consommation de chaque bénéficiaire comme la somme des revenus générés localement (YJ) et le produit de l’aide (aJ) par la productivité de l’aide (γJ). On suppose ici que la productivité de l’aide (γJ), qui est l’impact marginal de l’aide sur la consommation, devrait suffisamment varier entre les deux bénéficiaires.
Si la consommation du pauvre au Sud (Cp) est pleinement observable et les contraintes budgétaires et de participation des deux bénéficiaires parfaitement respectées, on obtient l’optimum de premier rang (first best) où les engagements du Nord et du Sud sont pleinement respectés. On est ici dans un contexte d’information et de comportement parfait :
La courbe concave décroissante est la courbe d’indifférence montrant tous les couples de consommation du riche et du pauvre au Sud {CR, Cp} auxquels chaque gouvernement bénéficiaire du Sud reste indifférent. Tout point en dessous de cette courbe d’indifférence perturbe sa contrainte de participation, et tout point au-dessus de cette courbe laisse une rente informationnelle au riche du Sud, laquelle est coûteuse pour le donateur bilatéral et réduit donc la part de l’accroissement de la consommation du pauvre (Cp). La droite décroissante représente la contrainte budgétaire de chaque gouvernement bénéficiaire du Sud (on suppose que les comportements des deux gouvernements RJ sont identiques). Après substitution des deux contraintes budgétaires dans la fonction d’utilité du Nord, la courbe d’indifférence du donateur bilatéral peut être représentée par une courbe en forme de cloche comme dans le graphique 1. Ainsi, le point B est l’optimum sous pleine observabilité. Ce point B représente l’optimum de first best, c’est-à-dire en information parfaite. Ce monde parfait n’existe qu’en théorie. La réalité atteignable est en information imparfaite (optimum de second best).
L’optimum de second rang (second best)
À l’étape 2 du jeu séquentiel, les deux pays bénéficiaires choisissent simultanément et indépendamment leurs politiques de redistribution (ou d’investissement) respectives afin de maximiser leurs utilités correspondantes, sous les mêmes contraintes budgétaires (2a) et de participation (2b). Mais comme nous faisons ici l’hypothèse d’information imparfaite, le donateur bilatéral n’a pas les moyens d’obtenir l’information privée que lui cache chacun des deux bénéficiaires (différents degrés d’altruisme ou de révélation d’information θJ≠1), ce qui l’oblige à laisser ces deux derniers prélever une rente informationnelle qui réduit, à l’étape 3, l’accroissement de la consommation du pauvre au Sud :
Si la résolution du problème d’anti-sélection dû à l’asymétrie d’information sur le degré d’altruisme θ de chaque gouvernement bénéficiaire du Sud peut se faire par le mécanisme de révélation sincère ou d’engagement plus ou moins crédible (atténuation de l’aléa moral), il n’en reste pas moins qu’un problème subsiste, celui de l’incohérence temporelle liée au décalage entre l’engagement ex ante et le décaissement ex post. Cette incohérence temporelle remet en cause l’hypothèse de la crédibilité d’engagement des deux acteurs fondamentaux de la relation Principal-Agent (donateur bilatéral N, les deux gouvernements bénéficiaires RJ). Pour atténuer ce problème d’incohérence temporelle, nous allons nous intéresser au régime discrétionnaire qui, bien que plus proche de la réalité (décaissement ex post), reste sous optimal et sans technologie d’engagement ex ante.
Régime discrétionnaire : sans technologie d’engagement (third best)
Les contrats optimaux de first et second best sont censés résoudre les problèmes d’aléa moral et d’asymétrie d’information présents dans la plupart des relations Principal-Agent. Mais l’exécution de tels contrats s’avère difficile du fait de l’absence d’une tierce partie (tribunal par exemple) ou de normes implicites de comportements garantissant leur réalisation. L’absence de crédibilité d’engagement des deux acteurs fondamentaux de la relation Principal-Agent nous conduit à partir de la réalité quotidienne de l’aide, c’est-à-dire le régime discrétionnaire, sans technologie d’engagement préalable, mais des décaissements ex post, quel que soit le résultat. Ce régime se caractérise par un équilibre sous optimal où les gouvernements bénéficiaires adoptent des comportements stratégiques susceptibles de profiter du dilemme du samaritain auquel le donateur bilatéral se trouve confronté.
S’il n’y a plus d’incohérence temporelle (pas d’engagement ex ante, que des décaissements ex post), il reste néanmoins le dilemme du samaritain qui conduit le donateur à davantage décaisser pour combler les défaillances des gouvernements bénéficiaires. L’anticipation de ce dilemme amène les bénéficiaires à dévier de l’objectif de réduction de la pauvreté (accroissement de la consommation du pauvre) fixé par l’aide et à profiter pour accroître leur rente informationnelle. Résultat, on aboutit à un équilibre sous optimal où la consommation du pauvre s’accroît très faiblement au profit de la rente des riches au Sud, accentuant davantage le déséquilibre économique Nord-Sud. De ce fait, l’utilité du donateur altruiste (qui est théoriquement liée à la consommation du pauvre au Sud) reste affectée.
Pour atténuer ce problème du dilemme du samaritain, il est important de recourir à des intermédiaires institutionnels (IMA, partenariat public-privé) susceptibles de rapprocher l’équilibre sous optimal discrétionnaire de l’équilibre optimal de second best d’information incomplète, plus réalisable.
La délégation à une IMA au mandat anti-pauvreté
Un résultat bien connu de la littérature d’économie politique sur la politique monétaire et fiscale est que la délégation à un agent aux objectifs différents peut aider à relâcher les contraintes incitatives (cas de la délégation de la politique monétaire européenne à une banque centrale indépendante). Svensson (2000) a montré qu’un tel résultat peut s’appliquer au problème d’incohérence temporelle en politique d’aide. Si en réalité les IMA tels que la Banque mondiale et le Fonds Monétaire international ont joué un rôle important et controversé dans l’efficacité de l’aide, il n’en reste pas moins qu’une meilleure adéquation de leur action s’avère nécessaire. C’est l’objet de notre section.
Les critiques (Havnevik, 1987 ; Summers & Pritchett, 1993) soutiennent que les donateurs bilatéraux devraient prendre leurs distances vis-à-vis du consensus de Washington (accent sur l’efficacité économique au détriment de l’équité sociale)5.
Si Svensson (2000) montre qu’un donateur bilatéral avec une plus faible aversion à la pauvreté (ou un plus fort accent sur l’efficacité globale), accroîtrait le bien-être du pauvre (consommation du pauvre au Sud, Cp), nous considérons que la délégation d’une part du budget d’aide à une IMA indépendante aux préférences différentes de celles du donateur bilatéral, dotée d’une règle d’allocation axée sur le gain d’efficacité globale (double effet d’efficacité et de redistribution), serait plus bénéfique à l’objectif de réduction de la pauvreté au Sud. Nous utilisons le modèle de Hagen (2006) pour soutenir notre assertion. Le résultat intuitif de Hagen (2006) qui corrobore notre assertion peut s’énoncer de la manière suivante par rapport au niveau optimal du degré d’altruisme de la règle d’allocation optimale de l’IMA.
L’intuition derrière ce résultat est que la délégation n’est bénéfique que lorsqu’il y a un gain d’efficacité. Par elle-même, la distribution ex post est optimale pour un donateur N compte tenu de ses préférences. Le problème est que l’allocation discrétionnaire de l’aide génère des effets incitatifs négatifs conduisant à de plus faibles niveaux d’investissement que dans le cas du régime d’engagement ex ante. De plus, lorsque θN≠1, le revenu domestique total des bénéficiaires RJ6 n’est même pas maximisé compte tenu du fait que l’aide est distribuée ex post. Alors, changer la règle d’allocation peut avoir des effets positifs. Le type d’IMA choisi est déterminé par le fait que davantage de redistribution en faveur du bénéficiaire R1accroît ou réduit le montant de ressources disponibles à l’étape 3, lequel à son tour dépend du degré de préférence du donateur. Le fait que deux donateurs aux antipodes de la ligne des donateurs de l’APD (Etats-Unis, moins préoccupé par la pauvreté que les pays scandinaves champions de l’aide) délèguent leur règle d’allocation à un même agent (IMA : Banque mondiale) se trouve ainsi théoriquement justifié. Ceci constitue, à notre avis, un gain conceptuel dans la recherche de l’efficacité des mécanismes institutionnels actuels de la délégation de l’aide, qu’il s’agisse des institutions de Bretton Woods ou des IMA régionales (Banque africaine de développement ou Banque asiatique de développement), ou de l’Union européenne à travers le Fonds Européen de développement (FED).
Le partenariat public — privé
Deux alternatives non exclusives peuvent être considérées ici : le recours à une firme contractante dans le pays du donateur bilatéral moyennant une perte minimale d’APD (Svensson, 2000) d’une part, l’incitation des gouvernements bénéficiaires du Sud à une approche contractuelle plus coordonnée des actions volontaires et contributives des ONG locales (Azam et Laffont, 2003) d’autre part.
– D’un côté, contrairement à la littérature sur l’aide liée généralement perçue comme une aide purement commerciale (Feyzioglu et al., 1996) et hautement fongible (la mauvaise aide chasse la bonne), Svensson (2000) considère qu’en introduisant une tierce partie dans le jeu entre le donateur et les bénéficiaires, il se crée un conflit d’intérêt entre bénéficiaires de l’aide. Ceci influencera à son tour les incitations ex post du donateur bilatéral sur l’effort de réforme nécessaires des bénéficiaires. L’hypothèse réaliste ici est que l’aide liée (aide commerciale) est moins efficace que l’aide non liée (APD). La firme contractante, moyennant une perte minimale d’APD servant à la rémunérer, peut contribuer, par le biais d’un partenariat public - privé initié et maîtrisé par le donateur bilatéral (N), à augmenter la consommation du pauvre au Sud (CP).
– De l’autre, Azam et Laffont (2003) tentent de modéliser une approche contractuelle plus coordonnée de l’activité contributive des ONG locales. La question posée à ce sujet est la suivante : comment optimiser l’activité contributive des ONG locales à l’augmentation de la consommation du pauvre au Sud si le donateur bilatéral n’élabore son contrat d’APD qu’avec le gouvernement bénéficiaire ? Pour y répondre, la méthode d’analyse est la suivante : les ONG sont modélisées comme un type différent de riches au Sud, avec un degré d’altruisme (θ1>θ2) plus élevé. L’analyse s’opère selon deux scénarios : d’abord montrer l’inefficacité due à l’absence de coordination entre le gouvernement bénéficiaire et les ONG locales, ensuite restaurer l’efficacité de l’APD conditionnelle liée à la coordination gouvernement bénéficiaire / ONG locales. Les résultats sont les suivantes :
– en l’absence de coordination entre le gouvernement bénéficiaire RJ et les ONG locales volontaires de Cp (régime ii) dans le contexte de la fongibilité de l’aide, les contrats d’APD excluent l’activité de ces ONG :
– cas de l’efficacité de la restauration de l’action coordonnatrice : s’il y a des ONG locales combattant la pauvreté aux côtés du gouvernement bénéficiaire, le contrat optimal d’APD est un quadruplet {a, Cp, T, H}. Ceci implique que la conditionnalité ne portera pas uniquement sur les résultats {Cp, H} (consommation du pauvre au Sud, système de redistribution incitant les contributions volontaires des deux groupes d’ONG à l’accroissement de Cp), mais aussi sur une variable politique T (plus proche de la pratique courante où la conditionnalité porte principalement sur le respect des équilibres macroéconomiques : par exemple la réduction du déficit budgétaire).
L’élaboration de ce contrat optimal d’APD peut s’opérer en plusieurs étapes représentées dans le graphique 4.
A l’étape 1, le donateur bilatéral (N) offre au gouvernement bénéficiaire (RJ) un contrat de type « je vous donne a (APD) si vous contribuez à T et réalisez Cp ». Le gouvernement bénéficiaire du Sud ne rejettera pas cette offre tant que la contrainte de participation des ONG moins altruistes (régime i) est respectée et qu’il sait que l’étape 2 réalisera l’objectif.
En effet, dans la seconde étape, le gouvernement bénéficiaire du Sud (RJ) offre à toutes les ONG locales (altruistes et moins altruistes) un contrat de type : « Je mets a,T,H dans le système de redistribution si vous réalisez l’objectif Cp ». Ensuite, l’optimisation par les ONG locales assure que le contrat est bien rempli.
Conclusion
La question que nous nous sommes posée dans cet article est de savoir s’il est possible d’élaborer une approche institutionnelle du processus de délivrance de l’APD permettant aux deux acteurs fondamentaux (donateur bilatéral, gouvernements bénéficiaires) de la relation Principal – Agent de résoudre les problèmes d’incohérence temporelle et d’agence (aléa moral, anti-sélection) auxquels ils se trouvent confrontés et ainsi rapprocher l’équilibre sous optimal discrétionnaire de l’optimum de second best, plus réalisable (la référence).
Si la délégation par le donateur altruiste de la règle d’allocation de l’aide à un agent aux préférences différentes des siennes justifie de manière théorique le recours utile et nécessaire de différents pays donateurs du Nord aux IMA (Banque mondiale par exemple) pour une meilleure efficacité et crédibilité de l’aide, celle du partenariat public-privé qui introduit une tierce partie (firme privée contractante) aux objectifs plus conflictuels (à but lucratif ou non) dans la relation Principal-Agent de l’aide semble également être une des voies analytiques alternatives complémentaires et non négligeables dans un contexte de globalisation croissante et de développement participatif (intégration de la société civile). La combinaison de ces deux types d’intermédiaires institutionnels (IMA, ONG à but non lucratif ou lucratif) dans la stratégie des acteurs fondamentaux de la relation Principal-Agent permet d’enrichir les aspects positifs et normatifs de l’architecture internationale du processus de délivrance de l’aide. Si les modèles de Svensson (2000) et de Hagen (2006) présentent une justification théorique de la délégation de la règle d’allocation d’une partie du budget d’aide des donateurs bilatéraux aux antipodes du spectre de l’APD (États-Unis, pays scandinaves) à un agent (IMA) aux préférences différentes des leurs, ceux d’Azam et Laffont (2003) et de Svensson (2000) offrent des perspectives intéressantes en matière de partenariat public — privé, tant sur le plan local (restauration de l’action coordonnatrice du gouvernement bénéficiaire du Sud des contributions des ONG locales) qu’au niveau international (contrat domestique donateur bilatéral — firmes contractantes). En exploitant les institutions domestiques, le donateur bilatéral consolide son degré d’engagement dans le jeu de la politique internationale.
L’analyse des déterminants institutionnels de la délégation d’une partie du budget d’aide d’un donateur bilatéral plus ou moins altruiste à une IMA aux préférences différentes des siennes participe ainsi à la dynamique de l’efficacité de l’APD dans la perspective de la construction des capacités endogènes de production, de commercialisation et de négociation des pays les moins avancés (PMA) dans un monde de plus en plus globalisé. Dès que ces capacités endogènes de développement seront acquises, l’APD n’aurait plus sa raison d’être, une fois remplie sa mission de facteur d’intégration à l’économie mondialisée, du moins pas sous sa forme actuelle. L’appropriation progressive des processus de développement endogène par les PMA et leur accompagnement approprié par les pays donateurs feront évoluer l’aide au développement vers un statut de véritable partenariat Nord-Sud bénéfique à toutes les parties prenantes. La gestion d’un bien public mondial qu’est la réduction de la pauvreté au Sud deviendra réellement un thème fédérateur pour tous les acteurs du processus de délivrance de l’aide. L’aide au développement pourrait davantage être analysée en termes stratégiques entre partenaires concernés, en termes de politiques publiques internationales s’inscrivant résolument dans la mondialisation plutôt qu’en termes de conditionnalité imposée par le Nord au Sud. L’aide publique au développement, dont la mission serait la réduction de la pauvreté et le renforcement des capacités endogènes des pays du Sud, pourrait ainsi contribuer à une forme d’intégration réussie des PMA à la mondialisation.
Notre article est actuellement à caractère exploratoire. Les résultats des modèles dont nous nous sommes inspirés exigent des modèles analytiques similaires ou divergents et des confrontations empiriques pour les confirmer ou infirmer. L’objet de nos développements ultérieurs s’appuiera sur certaines observations théoriques et empiriques récentes. Si Besley et Ghatak (2001) montrent, dans le cadre des théories de contrats incomplets et de partenariats public - privé, l’importance des questions de propriété et de motivation dans la délivrance d’un bien public, Svensson (2006) observe, d’un point de vue empirique (cas des dépenses publiques financées par l’aide au système éducatif en Ouganda et en Tanzanie) que l’aide publique au développement (APD) diffère des services financés localement dans les PMA par trois schémas institutionnels : d’abord, la séparation géographique et politique entre bénéficiaires potentiels dans le pays du Sud (pauvres au Sud) et contribuables dans le pays du Nord (électeurs) bloque le processus normal d’appréciation de la performance réelle de l’aide (avec le résultat que personne n’est tenu pour responsable de l’inefficacité de l’aide) ; ensuite, l’aide est globalement une relation intergouvernementale, aussi lier les contraintes politiques aux deux pays souverains (bénéficiaires et donateurs) limite sérieusement les actions du donateur dans la réduction de la pauvreté ; finalement, l’aide est gérée, non pas par une, mais par plusieurs agences, ce qui soulève des problèmes de coordination des objectifs et de coûts élevés.
Conclusion : trouver des moyens de renforcer la relation de responsabilité entre les différents acteurs impliqués dans la délivrance de l’aide et identifier les coûts de la coordination des objectifs autour du bien public mondial qu’est la réduction de la pauvreté au Sud, constituent des questions importantes auxquelles la communauté internationale est confrontée. Dans ce sens, des recherches sur les différentes formes de partenariats public - privé adaptées aux différents types de développement constituent de nouveaux paradigmes dans le processus de globalisation actuel.