Performer la rage : politiques de la colère dans l’art corporel des femmes (1960-1970)

DOI : 10.57086/radar.142

Résumé

Colère, rage, fureur : ces affects intenses et puissants sont mobilisés dans nombre d’actions performatives produites par des artistes femmes dans les années 1960 et 1970. D’Yvonne Rainer à Ana Mendieta, de Marta Minujín à Adrian Piper jusqu’aux performances collectives initiées dans le cadre du Feminist Art Program à Los Angeles, les actions performatives féminines sont imprégnées par la vitalité de la colère. De l’emportement singulier à la fureur collective, les œuvres corporelles des femmes remettent en cause les normes sociales qui contrôlent voire prohibent l’expression de la colère féminine. Comment l’expérimentation du corps colérique féminin s’incarne-t-elle dans l’art performatif ? Entre force destructrice et puissance émancipatrice, quelles sont les formes performatives de la rage des femmes ? La colère peut-elle faire communauté ? Émettant l’hypothèse que l’art corporel des femmes développe de véritables politiques de la colère, l’article examine cet affect comme un objet historique, artistique et culturel.

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Mots-clés

art corporel, colère, émotion, féminisme, subjectivité

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Colère, rage, fureur : ces affects intenses et puissants sont mobilisés dans nombre d’actions performatives produites par des artistes femmes dans les années 1960 et 1970. D’Yvonne Rainer à Ana Mendieta, de Marta Minujín à Adrian Piper jusqu’aux performances collectives initiées dans le cadre du Feminist Art Program à Los Angeles, les actions performatives féminines sont imprégnées par la vitalité de la colère. En travaillant une émotion explosive, ces artistes bouleversent l’agenda artistique en réintégrant l’intime ainsi que les matérialités charnelles et affectives, dans une période où l’art contemporain privilégie l’anti-subjectivité. Par ailleurs, associée à la masculinité, violente et offensive, la colère fait partie des émotions proscrites pour les femmes : la fureur féminine rebute et ses représentations font largement office de repoussoir. Pour autant, refusant les formules pathétiques de la colère féminine, c’est avec révolte que les artistes corporelles transgressent et démantèlent les codes de la féminité, au point que leurs œuvres apparaissent encore extrêmement subversives. C’est cette rupture avec les normes sociales, émotionnelles et artistiques que je souhaite explorer à travers le motif de la colère dans les pratiques performatives féminines. Comment l’expérimentation du corps colérique féminin s’incarne-t-elle dans l’art performatif ? Entre force destructrice et puissance émancipatrice, quelles sont les formes performatives de la rage des femmes ? La colère peut-elle faire communauté ? De l’individuel au collectif, de la rage personnelle à l’indignation partagée, je propose d’examiner l’affect colérique comme un objet historique, artistique et culturel, en émettant l’hypothèse que l’art corporel des femmes développe de véritables politiques esthétiques de la colère.

La colère interdite

Ancrées dans la chair, la sensibilité à fleur de peau : dans la culture occidentale, les femmes sont encore solidement amarrées aux émotions, quand les hommes sont positionnés du côté de la maîtrise et de la raison. Dès l’Antiquité, la théorie des humeurs et des tempéraments développe une classification des corps fondée sur une dichotomie liée au genre. Par rapport au corps masculin de référence (chaud et sec), les corps féminins seraient excessivement humides et froids. Cette vision des femmes comme des machines incomplètes et imparfaites, structurellement hystériques, facilement « débordées », persiste après l’avènement de la modernité.

On en retrouve les traces dans les travaux de Charles Darwin, qui conçoit les manifestations affectives comme les fruits de l’hérédité et de l’évolution de l’espèce, donc comme des réactions psychophysiologiques naturelles, spontanées, innées, anhistoriques et universelles1. Or il est intéressant de noter avec Georges Didi-Huberman que la théorie physiologique et comparative de l’expression des émotions de Darwin prend pour objets principaux des êtres qu’il décrit comme « primitifs » (les « sauvages », les aliénés, les femmes et les enfants) qui « par nature » seraient davantage sujets aux émotions et moins capables de les maîtriser2. Si la méthode et les parti-pris darwiniens sont remis en cause aujourd’hui, les explications naturalistes des émotions demeurent vivaces3 À contre-pied, David Le Breton, par exemple, a montré le caractère socialement construit des états affectifs, qui loin d’être « des émergences sauvages venant briser des conduites raisonnables, […] répondent à des logiques personnelles et sociales »4. Si les émotions sont culturelles, il devient possible d’en étudier les variations et les évolutions, d’en faire l’histoire et de montrer l’influence des normes sociales sur leurs modalités d’expression.5 Dans ce cadre de réflexion, comment les cultures émotionnelles ont-elles perçu, encadré et représenté la colère des femmes ? Penser un affect aussi bouillonnant et énergique au féminin paraît presque subsidiaire, tant celui-ci est traditionnellement associé à la virilité. En se penchant sur le contexte occidental, le philosophe Peter Sloterdijk signale que « la première phrase de la tradition européenne, au vers introductif de l’Iliade, commence par le mot “colère” »6. Plus loin, il ne manque pas de souligner que cette colère homérique noble et héroïque, placée au cœur de la culture occidentale, est fondamentalement masculine7. L’historien de l’Antiquité classique William Harris corrobore ce postulat, en montrant que la colère des femmes a été délégitimée et exclue de la cité antique8. Sur le terrain du symbolique, dans la tragédie grecque, la bonne féminité est également conditionnée par l’étouffement de la colère : ainsi les femmes qui ne répriment pas leur rage, d’Électre à Médée, sont dépeintes comme hors-normes, masculines et monstrueuses9. Frappée d’interdit, raillée et vilipendée, l’éruption de colère féminine doit être contrôlée et empêchée. Cette dépréciation de la rage des femmes perdure à travers le temps. Une femme personnifie par exemple l’ire dans les fresques des Vices et des Vertus réalisées par Giotto à la Chapelle Scrovegni de Padoue (1302-1306) : le corps arqué vers l’arrière, le visage contracté, elle déchire sa robe à la poitrine. Consumée de rage, laide, sa physionomie est censée provoquer le rejet et le dégoût. Matrice des fautes, la colère féminine est caricaturée, associée à la folie et à l’irrationalité.

Pourquoi les hommes se sont-ils réservés l’usage de la colère ? Pourquoi ont-ils construit un imaginaire aussi négatif de la femme emportée ? La philosophe Elizabeth Spelman, dont le travail sur l’émotion féministe est précurseur, souligne que c’est plus généralement la colère des groupes minorisés qui n’est pas tolérée dans les sociétés occidentales.10 Pour autant, le cas des femmes est singulier, puisque leurs emportements ont été largement pathologisés, exposés comme des symptômes de l’hystérie.11

Pour Spelman, si la femme colérique est menaçante c’est d’abord parce que la fureur appelle l’action et ensuite parce qu’elle donne la capacité de remettre en question le dominant. Abondant en ce sens, Harris soutient que « le dénigrement des puissantes émotions colériques (…) [n’a] pas seulement concouru à exclure les femmes des affaires politiques mais aussi à les éloigner, aussi loin que possible, de l’une des fondations de la personnalité indépendante, cette chose si dangereuse, le droit à la rage »12.

Détruire, dit-elle

À quelques exceptions près, dont l’illustre exemple d’Artemisia Gentileschi, les artistes femmes se sont longtemps refusées ce « droit à la rage », de crainte d’être considérées comme excessives, folles ou hystériques. Dans les années 1960, dans un contexte politique bouillonnant, alors que les mouvements féministes reprennent de la force, les pratiques artistiques à l’avant-garde favorisent les approches dépersonnalisées, formalistes et abstraites, au détriment de la subjectivité, de la passion et de l’émotion. Analysant le paradigme minimaliste, l’historienne de l’art Anna C. Chave soutient que ces valeurs dominantes sont fondamentalement androcentrées13. Elle met ainsi en comparaison les parcours des artistes minimalistes prééminents, tels que Robert Morris et Carl Andre, et ceux de figures féminines dites « périphériques » dans le mouvement, comme Simone Forti, Eva Hesse et Yvonne Rainer. En tant que femme artiste, il était alors considérablement risqué d’aborder des problématiques personnelles ou expressives :

Pour une femme, résister aux exemples du Pop et du Minimalisme en personnalisant ouvertement son art, c’était courir le risque de voir son travail étiqueté de rétrograde et, dans le même mouvement, risquer de renforcer la division du travail tacitement injuste qui présuppose que les femmes vont développer des « rôles et des approches expressives » quand ceux que les hommes adopteront seront « pragmatiques »14.

Toutefois, dans les pratiques artistiques corporelles des années 1960, de la danse à la performance, on voit surgir des accès de colère féminine qui viennent perturber les normes esthétiques froides et inexpressives. Pionnière de la danse postmoderne aux États-Unis, Yvonne Rainer a été sacrée comme une chorégraphe du geste concret, ordinaire, abstrait et neutre. Pour autant, la critique de danse Jill Johnston a mis en évidence que si plusieurs de ses pièces chorégraphiques fondamentales montraient une abstraction froide, elles avaient également « l’impact brut d’une folie incontrôlée »15. Parmi les premières œuvres de Rainer, le solo Three Seascapes (1962), qu’elle performe elle-même, consiste en une série de tâches ordinaires et non virtuoses, à mille lieues du vocabulaire chorégraphique légitimé par la danse classique et la danse moderne : courir en imperméable noir autour de l’espace scénique ou encore le traverser en effectuant des gestes en slow-motion au son strident du Poem for Tables, Chairs, Benches, etc. (1960) de La Monte Young. Pour autant, dès la deuxième section de la danse, le corps se tord et se courbe de manière désarticulée en offrant l’image d’une femme déséquilibrée, perturbante pour la société de l’époque. Enfin, le final est une véritable explosion : Rainer arrive sur scène en marchant d’un pas décontracté. Elle place un tas de gaze blanche sur le sol, qu’elle recouvre de l’imperméable noir porté au début de la pièce. Puis, elle se dresse pour observer son ouvrage, les bras croisés

Patricia Hoffbaeuer dans la reprise de Three Seascapes d’Yvonne Rainer

Section finale, Dia Art Foundation, Beacon, le 23 octobre 2011, photogramme de la captation vidéo.

Brusquement, dans un mouvement prompt et inattendu, elle se jette littéralement sur cet amas en hurlant sans discontinuer, se débattant violemment avec les tissus.

Patricia Hoffbaeuer dans la reprise de Three Seascapes d’Yvonne Rainer

Tection finale, Dia Art Foundation, Beacon, le 23 octobre 2011, photogramme de la captation vidéo.

Ce déchaînement de rage, cette véritable conflagration émotionnelle, constitue une attaque radicale contre les carcans imposés au corps féminin, et notamment à celui de la danseuse : déchiquetant l’image lisse, silencieuse et gracieuse de la ballerine, Rainer impose une féminité hurlante et enragée. À l’époque, la presse est choquée et effrayée par sa performance, qui contrevient aux normes de « retenue » et de « bon goût » imposées aux danseuses, et compare sa gestualité à celle des personnes considérées comme « anormales » (les fous, les autistes, les handicapés physiques ou mentaux)16. Le malaise est palpable : là encore, la colère féminine est considérée comme dérangeante, irrecevable et pathologique. Parmi les crises proto-féministes de rage paroxystique qui viennent déchirer le cadre étriqué de la féminité normative, il faut également citer un autre solo jalon de la danse postmoderne nord-américaine, Carnation (1964) de Lucinda Childs. Assise à une petite table face au public, la danseuse entreprend une série de tâches absurdes et fastidieuses impliquant un panier à salade pliant, des bigoudis et des éponges en mousse, le pied droit placé dans un sac en plastique bleu. Se coiffant de l’égouttoir, elle positionne les bigoudis entre les éponges et les attache méthodiquement tout autour de sa tête, sur les branches en métal de son extravagant couvre-chef. Avec des mouvements lents et raides, presque mécanisés, elle réalise des sandwiches, avec les éponges en guise de pain et les bigoudis à la place des saucisses, ou encore fourre les premières dans sa bouche et se présente de profil en écartant les bras, figurant une sorte d’étrange Donald Duck. Plus tard, elle jette le tout dans le sac en plastique. La fin de la pièce consiste en de violents assauts contre celui-ci : entre crises de fureur et de douleur, elle le piétine et saute dessus à plusieurs reprises17. Imagerie surréaliste et routine domestique loufoque : avec une gestualité impassible et frénétique, Childs taillade le modèle de la féminité belle et modérée. Avec un humour grinçant, elle souligne l’ineptie des injonctions faites aux femmes, des tâches ménagères aux soins esthétiques, avant de déchaîner sa rage contre les objets domestiques.

Exprimer sa rage par la destruction d’objets : il n’est pas anodin que les actes de saccage soient récurrents dans l’art performatif des artistes femmes dans les sixties. Si ces performances s’intègrent dans des courants artistiques qui explorent le geste destructeur en art, du happening à Fluxus, elles explorent cependant des enjeux subjectifs, affectifs et politiques distincts. En 1960, devant un public rassemblé dans son loft de Chambers Street à New York, Yoko Ono jette des restes de nourriture sur un morceau de papier accroché au mur, avant de l’éclabousser d’encre, étalant le mélange à main nue, pour, enfin, mettre le feu à l’œuvre18. La performance reprend avec une ironie mêlée de rage la tâche de récupération ou d’« accommodement des restes » qui incombe à la parfaite femme au foyer. Au-delà de l’entreprise de démantèlement de l’œuvre d’art propre à l’esprit Fluxus, Ono met en scène une rage spécifiquement dirigée contre des symboles de la domesticité, sous la forme d’actes de dégradation ou de destruction. À l’époque, son travail artistique et son rôle dans le développement du mouvement Fluxus est constamment minimisé par les artistes masculins, qui la réduisent au rang de passive hôtesse de maison19.

Dans les années 1960, les opérations de saccage au féminin doivent beaucoup aux Tirs de Niki de Saint-Phalle, réalisés entre 1961 et 1963 à Paris : des tableaux préparés composés de plâtre, de poches d’œufs, de tomate, d’encre ou de shampooing, sur lesquels l’artiste tire à la carabine. Si l’objectif déclaré est de tuer le tableau, l’artiste tire également sur des formes de domination symbolique qui contraignent particulièrement les femmes : celles des hommes, de la société, de l’Église ou encore de la famille20. C’est à Paris également que l’artiste argentine Marta Minujín, alors proche des Nouveaux Réalistes, réalise le 6 juin 1963 son premier happening intitulé La Destrucción. Dans l’impasse Ronsin qui abrite son atelier, celle-ci rassemble ses œuvres, assemblages de matelas, de cartons et de textiles. Elle invite ensuite un petit groupe d’artistes de son entourage à « éliminer, effacer, modifier ses travaux »21

Enfin, elle réalise ce qu’elle appelle « un véritable auto-da-fé »22, en brûlant toutes les œuvres exposées. Une photographie de Harry Shunk et de Janos Kender documentant le happening montre Minujín hilare devant les flammes. Le geste enragé de la destruction y apparaît comme un exutoire libérateur, quasiment jouissif. Or, le caractère libérateur des gestes de colère est un point commun entre les différentes explosions féminines citées. La performance de la violence féminine affirme tout autant un refus des conventions artistiques qu’une révolte jubilatoire à l’égard des normes de genre. Durant les sixties, il s’agit néanmoins d’actes féminins isolés les uns des autres, sans prise de conscience politique affirmée de la part des artistes. À la fin de cette décennie, ce sont les mouvements féministes qui montreront la dimension collective des expériences et des affects vécus par les femmes, en mettant la colère en partage.

Marta Minujín, La Destrucción

Impasse Ronsin, Paris, 6 juin 1963

Photographie Harry Shunk et Janos Kender.

Transformer la colère en paroles et en actes

Dans son travail sur les formes corporelles, gestuelles et affective du soulèvement, Georges Didi-Huberman affirme : « il n’y a pas de soulèvements, c’est l’évidence, sans une levée d’affects collectifs, un partage des émotions. Ces deux mots d’ailleurs, émotion et soulèvement, signifient peu ou prou la même sortie de quelqu’un ou de quelque chose hors de sa place habituelle »23. Dans les années 1960 et 1970, les mouvements sociaux féministes se soulèvent autour du slogan « le personnel est politique ». Ce cri de ralliement fait que les émotions ne sont plus perçues comme des expériences purement privées et individuelles, mais également comme des réalités collectives et politiques.

Ce changement de paradigme politique a également marqué la théorie : à l’orée des années 2000, les études sur l’émotion et l’affect explosent dans tous les champs disciplinaires, au point que l’on a parlé d’un « tournant affectif »24. Ces recherches sont fortement influencées par les pensées féministes. Parmi les représentant·e·s de ce tournant théorique, Sara Ahmed a notamment effectué un travail important sur la place des émotions dans l’engagement féministe. Elle déclare qu’« en tant que mouvement collectif, le féminisme est constitué par la manière dont nous sommes ému·e·s par et vers le féminisme en dialogue avec d’autres »25.

Les années 1970 sont un moment décisif de mise en commun de la colère, moteur de l’action et de la création féministes. Évoquant le programme de performances présenté dans le cadre de l’exposition Womanhouse à Los Angeles en janvier-février 1972, l’artiste Judy Chicago affirme :

Il est intéressant de constater que lorsque la programmation offrait l’opportunité d’extérioriser des sentiments, les femmes exprimaient d’abord de la colère. […] La performance était probablement le moyen le plus direct pour exprimer la rage, et c’est sans doute pourquoi elle s’est avérée si importante dans la manifestation26.

Aux États-Unis, le Feminist Art Program, fondé par Judy Chicago et Miriam Schapiro à la Fresno State University en 1970, déménagé au California Institute for the Arts en 1971, avant la création du Woman’s Building (1973), porté par Chicago, Sheila Levrant de Bretteville et Arlene Raven, ont été les fers de lance des pratiques artistiques féministes et de la performance californienne. Dans ce cadre, Suzanne Lacy, notamment, développe un programme d’enseignement de l’art performance nourri par le militantisme, par les réflexions collectives menées lors d’ateliers de prise de conscience (consciousness raising) ou par des expérimentations artistiques qui font affleurer les problématiques liées à l’expérience féminine. Influencées par les travaux d’Yvonne Rainer, Allan Kaprow, Eleanor Antin, Barbara Smith ou Adrian Piper, les performances qui en émergent mêlent le personnel et le politique.

En décembre 1977, Leslie Labowitz et Suzanne Lacy sont indignées par les viols et les meurtres de dix femmes à Los Angeles, victimes d’un serial killer, et par le traitement médiatique voyeuriste et complaisant de ces crimes27. En protestation, elles décident de réaliser un événement médiatique pour dénoncer les meurtres de femmes (qui ne sont pas encore appelés féminicides) et l’ensemble des violences sexistes. L’action prend la forme d’une performance collective à la fois artistique et politique devant l’hôtel de ville de Los Angeles, sous le titre In mourning and in rage (En deuil et en rage). Le 13 décembre 1977, soixante-dix femmes vêtues de noir réalisent un cortège funéraire à partir du Women’s Building jusqu’à la mairie. Spectaculaire, le défilé est composé d’un corbillard, deux motos et vingt-deux voitures couvertes d’écriteaux comme « Stop Violence Against Women ». Devant le bâtiment civil, dix pleureuses en longues robes de deuil, dont neuf portent une haute coiffe noire voilant le visage, s’installent sur les marches La première déclare : « je suis là pour les dix femmes violées et étranglées entre le 18 octobre et le 29 novembre ». Puis chacune prend la parole sur le même modèle, en soulignant les liens entre ces crimes singuliers et les violences exercées quotidiennement contre les femmes aux États-Unis, montrant ainsi qu’il ne s’agit pas de simples faits divers mais de violences systémiques. À chaque intervention, les autres femmes, formant une sorte de chœur grec, crient « En mémoire de nos sœurs, nous ripostons ! » avant d’offrir une cape rouge comme la colère à la déclarante. Impressionnante et vindicative, la performance en appelait à une prise de conscience croisée des médias et des pouvoirs publics pour que cesse le massacre.

Sortir du silence et de la peur dans lesquels les femmes sont enfermées, agir et riposter contre les violences, rendre visible la révolte féminine dans l’espace public : ce sont les ambitions portées par les artistes, confiantes dans le pouvoir politique de l’art performance. Empêchées d’exprimer leur colère dans la société, les femmes affirment alors le caractère juste et légitime de leur parole. La poète, théoricienne et féministe noire Audre Lorde en fait une revendication forte et un moyen de lutte contre l’oppression raciste : « les femmes de Couleur en amérique ont grandi au sein d’une symphonie de colère, d’être muselées, rejetées, de savoir que lorsque nous survivons, c’est en dépit d’un monde qui […] hait notre existence même quand elle n’est pas à son service »28. Face aux préjugés raciaux et à l’exploitation, la colère est la réponse la plus appropriée. Il est donc nécessaire « d’extérioriser la colère, la transformer en action »29. Jusque-là, le mouvement de libération des femmes nord-américain, dominé par les femmes blanches de classe moyenne, a concentré sa lutte et sa fureur contre un ennemi principal, le patriarcat, en demeurant sourd aux revendications des femmes noires. Les années 1970 sonnent l’heure de la révolte des femmes noires et voient l’irruption du Black feminism, qui développe des outils théoriques pour comprendre l’imbrication du racisme et du sexisme.

Entre 1973 et 1975, l’artiste conceptuelle africaine-américaine Adrian Piper donne corps à la rage et au ressentiment face aux oppressions racistes. C’est en se travestissant en homme noir qu’elle choisit d’affronter le « schéma épidermique racial », pour reprendre les termes de Frantz Fanon30. La série The Mythic Being mêle des dessins, des photographies en noir et blanc, des annonces fictives dans les journaux et des performances mettant en scène l’alter ego masculin de Piper. Coiffée d’une perruque afro, portant une moustache et des lunettes de soleil, fumant le cigare, cette dernière déambule dans les rues de New York en incarnant ce stéréotype de l’homme noir qui effraye tant la société raciste. Elle expérimente alors un racisme diffus, omniprésent au quotidien. Dans le portrait photographique The Mythic Being : I Embody (1975), retravaillé au crayon, le personnage apparaît en clair-obscur, cigare aux lèvres. Une bulle de texte déclare « j’incarne tout ce que tu hais et crains ».

Adrian Piper, The Mythic Being: I - Embody Everything You Most Hate and Fear, 1975

Crayon gras sur photographie argentique en noir et blanc.

Face aux regards qui le racisent, face aux préjugés qui le déshumanisent, The Mythic Being répond à l’aliénation par la colère. Outre cette licence émotionnelle, Piper apprécie également l’expérience d’une corporéité audacieuse et assurée ainsi que d’une liberté sexuelle interdite aux femmes. Son exploration de la masculinité noire révèle combien les identités de genre et de race sont performatives. Elle montre aussi que l’exclusion détermine l’être-au-monde et l’expression affective des individus. Dans The Cultural Politics of Emotion (2004), Ahmed analyse l’influence des hiérarchies sociales et des rapports de pouvoir sur l’expression et la définition des émotions31. Les normes émotionnelles sont définies par un groupe pour s’identifier, se reconnaître et se rassembler tout en excluant les « autres », celles et ceux qui diffèrent de ces codes d’identification et qui se voient dès lors attribuer des émotions connotées négativement. Ainsi, certains stigmates émotionnels sont encollés aux corps marginalisés par les systèmes de hiérarchie sociale.

Parmi les premières vidéo-performances de l’artiste Ana Mendieta, Blood Sign (1974) explore ces stigmates du point de vue d’une femme américano-cubaine. Dans ce court film, la performeuse se tient dos à la caméra, le corps collé contre un mur blanc en béton, une cuvette remplie de sang à ses pieds. Se baissant à plusieurs reprises, elle trempe ses mains dans ce récipient avant de les faire glisser sur le mur le long des courbes de son corps, dessinant un arc rougeâtre autour d’elle avec des mouvements lents. Enfin, elle inscrit progressivement et au doigt, dans cette forme courbe, les mots ensanglantés : There is A Devil Inside Me (il y a un démon en moi).

Ana Mendieta, Blood Sign, 1974

N°17, super 8, couleur, silencieux. Photogramme.

Les gestes sont mesurés, la configuration est minimaliste, la mise en scène anti-spectaculaire. Les signes de sang connotent la violence et la douleur, mais également la colère32 influencent les caractéristiques physiques et morales. La colère relève du tempérament sanguin, plutôt masculin, associé à la chaleur, à l’humidité ou encore à la puissance.). Pour autant, associée à une modalité performative atone et contrôlée, cette rage vibre de manière aussi glaciale que puissante. À l’époque, Mendieta est étudiante au sein de l’Intermedia Art Program de l’Université de l’Iowa :

J’étais considérée par les gens du Midwest comme une créature érotique (le mythe de la Latino sexy), agressive, et un peu diabolique. Leur attitude a généré une grande rébellion en mon for intérieur jusqu’à ce que ça finisse par exploser en moi, et j’ai pris conscience de qui j’étais, de ma propre existence en tant que personne très particulière et unique.33

Blood Sign apparaît comme un geste radical en réponse directe et vindicative à ces stéréotypes déshumanisants. Une riposte en forme de provocation qui retourne le stigmate, se le réapproprie et en fait une force.

En 1984, Ana Mendieta déclare dans une interview réalisée pour promouvoir l’exposition Ritual and Rhythm: Visual Forces For Survival, « mon art est le produit de la colère et du déplacement », avant de préciser « même si mon imagerie peut paraître dénuée de rage, je pense que tout art vient d’une colère sublimée »34. Qu’il s’agisse d’une colère franche et explosive ou d’une fureur froide et maîtrisée, les pratiques corporelles des femmes sont loin de purement incarner ou représenter cette émotion forte. Elles œuvrent plutôt à susciter une intensité affective violente qui se diffuse et se transmet aux spectateur⸱rice⸱s à travers des gestes. Gestes d’explosion, de saccage, de protestation ou de rébellion : ces formes corporelles véhiculent et lient ensemble l’émotionnel et le politique. D’un emportement individuel à une fureur collective, l’irruption du féminisme dans les champs sociaux, politiques et artistiques transforme la colère en espace privilégié de conscientisation et de mobilisation. En se transmettant de corps en corps, la rage acquiert alors une dimension publique et performative. L’intensité colérique des œuvres performatives féminines ouvre au soulèvement, ou pour le dire avec Audre Lorde agissent pour « métamorphoser les différences en puissance ».

1 Voir Charles Darwin, The Expression of the Emotions in Man and Animals, Londres, John Murray, 1872.

2 Georges Didi-Huberman, Peuples en larmes, peuples en armes. L’Œil de l’Histoire, 6, Paris, Les Éditions de Minuit, 2016, p. 20.

3 À partir des années 1960, le courant néo-darwinien en psychologie a théorisé l’existence d’émotions dites « primaires » qui seraient biologiquement

4 David Le Breton, Les passions ordinaires. Anthropologie des émotions, Paris, Armand Colin, 1998, p. 96.

5 Voir ces travaux pionniers en histoire et en anthropologie : Carol Z. Stearns et Peter N. Stearns, « Emotionology. Clarifying the History of

6 Peter Sloterdijk, Colère et temps. Essai politico-psychologique, trad. Olivier Mannoni, Paris, Libella-Maren Sell Éditions, 2007, p. 9.

7 Ibid., p. 24.

8 William V. Harris, « The Rage of Women », in Susanna Morton Braund et Glenn W. Most, éd., Ancient Anger : perspectives from Homer to Galen, New York

9 Allen, Danielle S., « Angry Bees, Wasps, and Jurors: The Symbolic Politics of Orgê in Athens », in Ancient Anger, op. cit., p. 86.

10 Elizabeth Spelman, « Anger and Insubordination », in Ann Garry et Marilyn Pearsall, éd., Women, Knowledge, and Reality: Explorations in Feminist

11 Depuis l’Antiquité, l’hystérie est considérée comme une maladie féminine, liée à l’utérus. Cette conception demeure à la naissance de la

12 William V. Harris, « The Rage of Women », art. cit., p. 143.

13 Anna C. Chave, « Minimalism and Biography », Art Bulletin, vol. 82, n° 1, mars 2000, p. 149-163.

14 Ibid., p. 151.

15 Jill Johnston, « Pain, Pleasure, Process », The Village Voice, 27 février 1964, p. 9, 15.

16 Par exemple Lillian Moore, « Rainer-Herko Dance Recital », New York Herald Tribune, 6 mars 1962, p. 12; Maxine Munt, « For Dancers Only… », Show

17 Seuls de brefs extraits de Carnation sont disponibles sur Internet. La critique de Jill Johnston offre un résumé précis de l’ensemble de la pièce :

18 La performance fusionne deux Instruction Pieces de Yoko Ono : Kitchen Piece et Smoking Piece. Voir sa description dans Midori Yoshimoto, Into

19 Idem.

20 Voir les propos de Niki de Saint Phalle, cités par Catherine Francblin dans Niki de Saint Phalle. La révolte à l’œuvre, Paris, Hazan, 2013.

21 Marta Minujín, « Destruction of my works in the Impasse Ronsin, Paris », [juin 1963], republié dans Inéz Katzenstein éd. , Listen Here Now!

22 Elsa García et Hemma Schmutz, « An Interview with Marta Minujín », in Sabine Breitwieser, éd., Vivências / Lebenserfahrung / Life Experience

23 Georges Didi-Huberman, Désirer désobéir. Ce qui nous soulève 1, Paris, Éditions de Minuit, 2019, p. 303.

24 Voir par exemple Patricia Clough et Jean Halley, éd., The Affective Turn : Theorizing the Social, Durham, Duke University Press, 2007.

25 Sara Ahmed, Living a Feminist Life, Durham, Duke University Press, 2017, p. 5.

26 Judy Chicago, Through the Flower: My Struggle as a Woman Artist, [1975], New York, Anchor, 1982, p. 125. Sauf mention contraire, la traduction de l

27 Voir Leslie Labowitz-Starus et Suzanne Lacy, « In Mourning and in Rage… », Frontiers: A Journal of Women Studies, vol. 3, n°1, printemps 1978, p. 

28 Audre Lorde, « De l’usage de la colère : la réponse des femmes au racisme », in Sister Outsider. Essais et propos sur la poésie, l’érotisme, le

29 Ibid., p. 137.

30 Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, [1952], Paris, Seuil, 1971, p. 90.

31 Sara Ahmed, The Cultural Politics of Emotion, Londres, Routledge, 2004.

32 Dans la théorie humorale, les fluides corporels fondent tout autant la différenciation sexuelle que les tempéraments humains. En fonction de leur

33 Ana Mendieta, notes inédites, non datées, citées dans Gloria Moure, Ana Mendieta, Saint-Jacques-de-Compostelle, Centro Galego de Arte Contemporánea

34 Eva Cockcroft, « Culture and Survival: Interview with Mendieta, Willie Birch and Juan Sanchez », Art and Artists, février 1984, p. 16. L’exposition

Notes

1 Voir Charles Darwin, The Expression of the Emotions in Man and Animals, Londres, John Murray, 1872.

2 Georges Didi-Huberman, Peuples en larmes, peuples en armes. L’Œil de l’Histoire, 6, Paris, Les Éditions de Minuit, 2016, p. 20.

3 À partir des années 1960, le courant néo-darwinien en psychologie a théorisé l’existence d’émotions dites « primaires » qui seraient biologiquement déterminées et universelles, notamment Paul Ekman et Wallace V. Friesen, « The Repertoire of Nonverbal Behavior: Categories, Origins, Usage and Coding », Semiotica, n° 1, 1969, p. 49-98 ; Paul Ekman, « An Argument for Basic Emotions », Cognition and Emotion, n° 6, 1992.

4 David Le Breton, Les passions ordinaires. Anthropologie des émotions, Paris, Armand Colin, 1998, p. 96.

5 Voir ces travaux pionniers en histoire et en anthropologie : Carol Z. Stearns et Peter N. Stearns, « Emotionology. Clarifying the History of Emotions and Emotional Standards », American Historical Review, n° 90, 1985, p. 813-836 ; Peter N. Stearns et Jan Lewis , éd., An Emotional History of the United States, New York, New York University Press, 1998 ; William Reddy, The Navigation of Feeling : A Framework for the History of Emotions, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.

6 Peter Sloterdijk, Colère et temps. Essai politico-psychologique, trad. Olivier Mannoni, Paris, Libella-Maren Sell Éditions, 2007, p. 9.

7 Ibid., p. 24.

8 William V. Harris, « The Rage of Women », in Susanna Morton Braund et Glenn W. Most, éd., Ancient Anger : perspectives from Homer to Galen, New York, Cambridge University Press, 2003, p. 121-143. Sauf mention contraire, les traductions sont les nôtres.

9 Allen, Danielle S., « Angry Bees, Wasps, and Jurors: The Symbolic Politics of Orgê in Athens », in Ancient Anger, op. cit., p. 86.

10 Elizabeth Spelman, « Anger and Insubordination », in Ann Garry et Marilyn Pearsall, éd., Women, Knowledge, and Reality: Explorations in Feminist Philosophy, New York, Routledge, 1989, p. 263-274.

11 Depuis l’Antiquité, l’hystérie est considérée comme une maladie féminine, liée à l’utérus. Cette conception demeure à la naissance de la psychanalyse, qui l’envisage en termes de trouble ou de pathologie associée aux femmes et à l’inhibition d’affects forts, comme la colère, Josef Breuer et Sigmund Freud, Études sur l’hystérie, [1895], Paris, Presses universitaires de France, 1956. Par ailleurs, dans leur étude du style émotionnel de la colère aux États-Unis, Carol et Peter Stearns analysent l’incidence de l’ère victorienne, qui a entériné la représentation des femmes comme pathogènes en les associant à la maladie nerveuse et à l’hystérie et en les obligeant à contrôler leurs émotions. Carol Zisowitz Stearns et Peter N. Stearns, Anger: The Struggle for Emotional Control in America’s History, Chicago, University of Chicago Press, 1986.

12 William V. Harris, « The Rage of Women », art. cit., p. 143.

13 Anna C. Chave, « Minimalism and Biography », Art Bulletin, vol. 82, n° 1, mars 2000, p. 149-163.

14 Ibid., p. 151.

15 Jill Johnston, « Pain, Pleasure, Process », The Village Voice, 27 février 1964, p. 9, 15.

16 Par exemple Lillian Moore, « Rainer-Herko Dance Recital », New York Herald Tribune, 6 mars 1962, p. 12; Maxine Munt, « For Dancers Only… », Show Business, 24 mars 1962; Marcia Marks, « Dance Works by Yvonne Rainer and Fred Herko », Dance Magazine, n° 36, avril 1962, p. 54 et 57.

17 Seuls de brefs extraits de Carnation sont disponibles sur Internet. La critique de Jill Johnston offre un résumé précis de l’ensemble de la pièce : Jill Johnston, « The Object », The Village Voice, 21 mai 1964, p. 12.

18 La performance fusionne deux Instruction Pieces de Yoko Ono : Kitchen Piece et Smoking Piece. Voir sa description dans Midori Yoshimoto, Into Performance. Japanese Women Artists in New York, New Brunswick, Rutgers University Press, 2005, p. 86.

19 Idem.

20 Voir les propos de Niki de Saint Phalle, cités par Catherine Francblin dans Niki de Saint Phalle. La révolte à l’œuvre, Paris, Hazan, 2013.

21 Marta Minujín, « Destruction of my works in the Impasse Ronsin, Paris », [juin 1963], republié dans Inéz Katzenstein éd. , Listen Here Now! Argentine Art of the 1960s: Writings of the Avant-Garde, New York, The Museum of Modern Art, 2004, p. 61. Voir également Sophie Halart et Mara Polgovsky Ezcurra éd., Sabotage Art. Politics and Iconoclasm in Contemporary Latin America, New York, I.B.Tauris, 2016.

22 Elsa García et Hemma Schmutz, « An Interview with Marta Minujín », in Sabine Breitwieser, éd., Vivências / Lebenserfahrung / Life Experience, Vienna, Generali Foundation, p. 230–238.

23 Georges Didi-Huberman, Désirer désobéir. Ce qui nous soulève 1, Paris, Éditions de Minuit, 2019, p. 303.

24 Voir par exemple Patricia Clough et Jean Halley, éd., The Affective Turn : Theorizing the Social, Durham, Duke University Press, 2007.

25 Sara Ahmed, Living a Feminist Life, Durham, Duke University Press, 2017, p. 5.

26 Judy Chicago, Through the Flower: My Struggle as a Woman Artist, [1975], New York, Anchor, 1982, p. 125. Sauf mention contraire, la traduction de l’anglais est la nôtre.

27 Voir Leslie Labowitz-Starus et Suzanne Lacy, « In Mourning and in Rage… », Frontiers: A Journal of Women Studies, vol. 3, n°1, printemps 1978, p. 52-55.

28 Audre Lorde, « De l’usage de la colère : la réponse des femmes au racisme », in Sister Outsider. Essais et propos sur la poésie, l’érotisme, le racisme, le sexisme…, trad. M.C. Calise, Genève, Éditions Mamamélis, 2003, p. 139.

29 Ibid., p. 137.

30 Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, [1952], Paris, Seuil, 1971, p. 90.

31 Sara Ahmed, The Cultural Politics of Emotion, Londres, Routledge, 2004.

32 Dans la théorie humorale, les fluides corporels fondent tout autant la différenciation sexuelle que les tempéraments humains. En fonction de leur dosage dans le corps, les quatre humeurs (la bile noire, la bile jaune, la pituite et le sang

33 Ana Mendieta, notes inédites, non datées, citées dans Gloria Moure, Ana Mendieta, Saint-Jacques-de-Compostelle, Centro Galego de Arte Contemporánea, Barcelone, Editiones Polígrafa, 1996, p. 101.

34 Eva Cockcroft, « Culture and Survival: Interview with Mendieta, Willie Birch and Juan Sanchez », Art and Artists, février 1984, p. 16. L’exposition Ritual and Rhythm: Visual Forces For Survival, dont le commissaire était l’artiste chicano Juan Sanchez, a eu lieu à la galerie Kenkeleba House de New York en 1982.

Citer cet article

Référence électronique

Johanna Renard, « Performer la rage : politiques de la colère dans l’art corporel des femmes (1960-1970) », RadaЯ [En ligne], 6 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/radar/index.php?id=142

Auteur

Johanna Renard

Docteure en histoire et critique des arts de l’université Rennes 2, Johanna Renard est l’autrice d’une thèse intitulée « Poétique et politique de l’ennui dans la danse et le cinéma d’Yvonne Rainer », à paraître à l’automne 2021 chez De l’incidence Éditeur. Ses recherches sur l’histoire et la théorie de l’art contemporain depuis les années 1960 explorent les rencontres et les croisements entre arts visuels, performance, danse, cinéma expérimental et art vidéo. S’intéressant plus particulièrement aux femmes artistes, sa réflexion est nourrie par l’histoire sociale de l’art et les études de genre. Elle a co-dirigé avec Marie-Laure Allain Bonilla, Emilie Blanc et Elvan Zabunyan une anthologie de textes intitulée Constellations. Pour une histoire féministe de l’art, publiée en 2020 aux Éditions iXe. Elle enseigne l’histoire et la théorie des arts à l’université de Strasbourg.

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