Hans Haacke et la logique culturelle du postmodernisme

DOI : 10.57086/radar.251

Résumé

Initialement publié en 1986, l’article « Hans Haacke et la logique culturelle du postmodernisme » de Fredric Jameson, ici traduit par Maxime Boidy, questionne l’autonomie de l’art et des institutions à l’ère contemporaine à travers le travail de l’artiste Hans Haacke, mis en relation avec les notions de « postmodernité » et de « critique institutionnelle » propres à l’auteur américain. Selon Jameson, l’œuvre de Hans Haacke est révélatrice d’un changement de paradigme. L’autonomie de l’art et celle des institutions n’existent plus car toutes deux répondent aux exigences d’un nouveau marché. Il n’est plus question d’analyser ou d’accepter une œuvre sous le prisme de l’« esthétique », ni de la classe sociale de l’artiste et des spectateurs – qui était alors bien définie – mais sous celui d’un art de masse, capitaliste, doté de nouvelles pratiques et constitué de praticiens et spectateurs issus d’une pluralité de microgroupes. Hans Haacke, toujours selon Jameson, exacerbe ce contexte dans son œuvre par l’utilisation, presque à outrance, des codes de ce nouveau marché qui substitue à l aquestion de l’autonomie celle de la « totalisation ».

Index

Mots-clés

capitalisme, cartographie, critique institutionnelle, esthétique, politique culturelle, postmodernisme, représentation sociale, société, sociologique

Texte

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Une forme de nécessité impersonnelle s’attache à l’œuvre de Hans Haacke. On est surpris d’apprendre que l’une de ses pièces date d’il y a trois ou cinq ans, ou peut-être simplement de l’année dernière. Tout se passe comme si elle était là depuis toujours. Il semblerait étonnant qu’il y ait eu un temps où le Holbein Reagan n’attirait pas respectueusement le visiteur à la lisière de son cordon de velours, préexistant aux conventions du portrait de la Renaissance comme à la présidence de Ronald Reagan en un domaine atemporel du Gothique américain. Il ne s’agit pas exactement d’un gag ‒ l’œuvre n’a rien de l’irrévérence triviale du mouvement Dada ou de Mona Lisa affublée d’une moustache. Il est plutôt question de froideur et d’impersonnalité, de celles qui caractérisent les messages des formes mortes par lesquelles ne s’exprime aucune position-sujet, fût-elle de protestation. Ces sentiments soulèvent d’intéressantes questions en matière de périodisations ou de ruptures, limites en deçà desquelles de tels « textes » et les réactions qu’elles suscitent n’auraient pas semblé s’imposer le moins du monde.

Hans Haacke, Oil Painting, Homage to Marcel Broodthaer, 1982.

Collage, huile sur toile, chandeliers avec corde de velours, tapis rouge, photo murale.
Installation : 44,2 × 883,92 cm, négatif photo : 20,32 × 25,4 cm, cadre pour peinture à l’huile : 17 × 74,93 × 7,62 cm, hauteur du poteau : 99,06 cm, diamètre du poteau : 30,48 cm, longueur de la corde : 185,42 cm, tapis rouge : 876,3 × 91,44 cm, tapis rouge : 284,48 × 91,44 cm, lumière de balisage : 13,34 × 20,32 × 13,97 cm, plaque en laiton : 13,97 × 30,48 cm, DVD : 12,7 × 10,16 cm.
Don de la Broad Art Foundation. LACMA, Los Angeles.

© LACMA.

Du moins dans un premier temps, la logique et la nécessité des œuvres de Haacke s’expliquent par la confluence en elles de deux puissantes « traditions » nées des années 1960 : la problématique globale de l’autonomie de l’art et de la culture (qui ne s’intensifia qu’après le questionnement objectif de cette autonomie) et l’inflexion de la critique de l’idéologie en direction des institutions (ce que je nomme « critique institutionnelle » ou « analyse institutionnelle »). Bien que j’emploie le terme de « tradition » pour les décrire, l’une et l’autre ont assez peu à voir avec des traditions existantes en matière de production culturelle, du moins jusqu’à Haacke lui-même. Elles correspondraient plutôt à des traditions de pensée ‒ à des débats intellectuels, pour les qualifier ainsi. Il serait en effet plus idoine d’identifier ces thématiques comme les traits caractéristiques d’un élargissement culturel ; ces traits soulèvent des problèmes spécifiques et nécessitent d’être compris en tant qu’éléments d’une nouvelle problématique intellectuelle. Cependant, il est également utile ‒ en fait, essentiel ‒d’appréhender ces traits sous leur forme objective, en tant que modifications de la totalité sociale : des modifications dont résultent des dilemmes inédits dans le champ de la production culturelle aussi bien que dans le champ théorique.

Ces modifications peuvent être envisagées au moyen du concept de postmodernisme à condition de l’entendre de deux manières : comme le nom d’un ensemble de caractéristiques esthétiques et culturelles, mais aussi comme le nom de cette mutation spécifique de l’organisation socioéconomique de notre société, mutation communément appelée capitalisme tardif. (Ce troisième stade du capitalisme est également qualifié de « capitalisme de consommation », de « capitalisme multinational » et même de « société postindustrielle »). Désignant à la fois une logique culturelle systémique et une période socioéconomique, ce double emploi a l’avantage d’échapper aux débats souvent stériles qui émergent lorsqu’on accole au postmodernisme un sens restreint, spécifiquement stylistique, celui d’un « mouvement » artistique contemporain, d’un courant parmi d’autres. Lorsqu’on l’entend selon cette acception plus restrictive, il est tentant de prendre parti : c’est-à-dire, soit d’attaquer le « postmodernisme » comme un style en raison de sa frivolité, de condamner son abandon de la grande mission transesthétique du haut modernisme, son caractère décoratif et sa dépolitisation ; soit de saluer en lui l’inauguration d’une ère nouvelle par-delà la « référence » et l’illusion métaphysique ou ontologique ‒ une ère « poststructurale » inédite dans laquelle nous consentons pour la première fois au libre jeu des signifiants en délaissant le « confort intellectuel » de la représentation où s’étaient enfermées tant de grandes figures du haut modernisme. Interpréter le « postmodernisme » selon cette voie stylistique restreinte reviendrait à y situer Haacke afin de « décider », depuis la position qui est la nôtre, si son œuvre exemplifie les traits d’un postmodernisme que l’on désire célébrer ou si, au contraire, elle marque une opposition radicale au sein d’un postmodernisme que l’on condamne. (Notons que ces options rejouent de vieilles habitudes propres à la critique de gauche consistant à formuler des jugements politico-moralisateurs : cela équivaut à « décider » si les œuvres sont progressistes ou réactionnaires, si elles sont contestataires et oppositionnelles ou bien si elles sont partie prenante de la reproduction du système et d’un renforcement de ses idéologies.) Mettre l’accent sur le « postmodernisme » en tant que forme systémique du capitalisme, en tant que situation dans laquelle l’artiste doit œuvrer et vis-à-vis de laquelle la culture est comprise comme une réponse active (et souvent comme une intervention ou une réappropriation) devrait, par conséquent, nous affranchir des solutions de facilité propres à un débat d’ordre purement esthétique. Cela devrait aussi nous confronter à un problème beaucoup plus complexe : la relation entre la nouveauté de la culture contemporaine et sa situation de production et de lutte (tout aussi nouvelle et inédite).

Le thème de l’autonomie de l’esthétique et de la culture, ainsi que l’argument selon lequel la culture existerait en dehors et au-dessus de l’expérience de la vie quotidienne, nous fournissent une porte d’entrée privilégiée pour engager un débat sur le postmodernisme. Et nous saisissons d’emblée que cette problématique peut se situer à deux niveaux au moins. Le concept d’« autonomie » peut être entendu soit comme une caractéristique de l’expérience esthétique à proprement parler, soit comme la localisation de la sphère culturelle au sein de la « société » et de la vie sociale. Ce que l’œuvre de Haacke peut nous apprendre est instructif, voire exemplaire, sur les deux plans. Pour l’heure, il est important de les distinguer quand bien même nous désirerions explorer ultérieurement les déterminations qui les relient (nous verrons émerger ces déterminations de manière plus significative encore sur un troisième plan, celui des idéologies de l’esthétique et de la culture).

L’autonomie de l’expérience esthétique constitue sans aucun doute la problématique fondamentale de « l’esthétique » en tant que discipline philosophique, parvenue à maturité avec Emmanuel Kant et sa Critique de la faculté de juger. La « solution » kantienne ‒ l’œuvre d’art comme « finalité sans fin » ‒ a fondé et étayé le champ pour toute la philosophie esthétique qui lui a succédé jusqu’à nos jours. On considère cette « solution » comme normative non pas au sens où elle est largement adoptée, mais au sens où la problématique qu’elle soulève n’est jamais contestée ou transgressée (la rejeter en bloc équivaudrait à quitter le champ disciplinaire de la philosophie esthétique). La fonction de la solution kantienne se résume à consolider un tiers espace situé entre le domaine propre à l’éthique et l’action, orienté vers une finalité (et rétrospectivement assimilable au nouveau monde des affaires et à ses diverses téléologies locales fondées sur la valeur d’échange), et un autre espace émergeant. Cet espace est celui de la science et du savoir, de l’abstraction et du contrôle, des systèmes intellectuels ‒ apparemment non moins téléologiques que les activités du monde pratique, ceux-ci se présentent par différents biais sous des traits désintéressés ou objectifs et se fondent sur une différence radicale entre la fonction du savoir et le monde marchand, du moins jusqu’à l’émergence d’une science technocratique désormais au service des grandes firmes. C’est ainsi qu’on en vient à considérer l’œuvre d’art comme une chose désintéressée, distincte de la marchandise, tout en la percevant comme un type de pratique tel qu’on l’entend dans le domaine de l’action. Cette synthèse instable requiert d’insister sur la clôture de l’expérience esthétique. Pour y pénétrer et être à la hauteur de sa demande formelle, il convient de s’extraire des bassesses du monde pratique tout en s’arrêtant au seuil du domaine scientifique, celui de la vérité abstraite, de l’Idée, de l’abstraction de la raison pure.

La crise dans laquelle cet idéal de l’expérience esthétique s’est vu récemment plongé (en même temps que la discipline philosophique fondée sur lui) peut être envisagée au prisme des transformations respectives de la science et de l’économie, les domaines adjacents dont il hérite ses attributs contradictoires. Tout d’abord, il ne semble plus possible de décrire de façon pertinente la science moderne comme la découverte de vérités ou de lois éternelles. L’activité scientifique s’est davantage affirmée comme un type de pratique dépourvue de finalité (la production de texte scientifique, une sorte de jeu peut-être pas si éloigné de l’esthétique). D’autre part, le prodigieux essor de la logique marchande a désormais commencé à coloniser jusqu’au monde utopique de l’esthétique (ainsi que l’Inconscient). À l’ère de la culture de masse et de la marchandisation de la forme, la culture et l’œuvre d’art en viennent inévitablement à être soupçonnées de ne plus pouvoir être envisagées comme un domaine extérieur au cadre téléologique et pratique. Ce moment de doute radical et de conscience de soi de la philosophie esthétique est clairement mis en évidence par les travaux de l’École de Francfort. Sa nature et son existence y sont d’ores et déjà remis en question sur un mode historique. Les limites des théories de l’École de Francfort, qui sont aujourd’hui les nôtres, apparaissent dans leur tentative désespérée en vue de sauvegarder un espace pour quelque ultime production esthétique « authentique », non marchandisée, « haut moderniste » ; un espace certes restreint, mais plus intense et utopique encore. L’échec historique de cette tentative signale l’émergence du postmodernisme de manière plus que symptomatique.

Cependant, il peut être utile de cerner le problème de la clôture de l’expérience esthétique d’un point de vue plus pratique. Demandons-nous comment et à quel prix une expérience contemporaine de ce qui s’est appelé « l’esthétique » est concevable une fois la clôture de l’esthétique rompue et la culture dissoute dans le monde. Le fait que la littérature de masse, les sous-genres littéraires ou le cinéma commercial abolissent cette clôture n’a rien d’évident : nous continuons à nous immerger dans un best-seller ou à consentir à l’obscurité de la salle de cinéma. En ce sens, regarder la télévision peut bel et bien constituer une forme d’expérience esthétique plus avancée sur le plan historique en ce que le living-room détermine une certaine dispersion de l’attention, mais de manière opposée. Nous n’avons pas cessé de suivre les séries suivant un mode d’attention de lecture traditionnel : c’est plutôt l’image télévisée qui a désormais pris place parmi les objets du living-room d’une manière « intramondaine » bien plus affirmée.

Avec les « installations » de Hans Haacke, nous nous rapprochons d’une limite extrême au-delà de laquelle l’effectivité du rapt d’attention conféré au « chef-d’œuvre » artistique traditionnel (un tableau de Holbein ou de Cézanne) perd son évidence. Auquel cas cela semble grandement excéder le cadrage spatial effectif de « l’objet » en question. Il se produit à mon avis la chose suivante (et nous anticipons ici l’autre dimension de son œuvre, qui a trait à la critique des institutions) : les éléments de ce qui fut l’œuvre d’art pénètrent désormais le monde des objets « réels » qui les entoure. Les voici qui occupent un espace non moins rigoureusement conçu, non moins différencié sur le plan spatial et institutionnel que le living-room d’une famille de la classe moyenne : à savoir, le musée. Or ce « basculement » intramondain s’opère selon un mode propre à l’œuvre de Haacke. Sans pour autant leur être identique, il est lié au phénomène de la « volatilisation » ou de la disparition de l’objet d’art, d’une part, et d’autre part aux fragments décoratifs « intramondains » d’un postmodernisme de type différent. Ce qui survit ici à l’extinction de l’« œuvre », ce ne sont pas ses matériaux ou ses composantes, mais plutôt quelque chose de très différent : ses présuppositions, ses conditions de possibilités. Dans Manet Projekt’74 ne subsistent que des propriétaires et des patrons ramenés à leur condition entrepreneuriale ainsi qu’à l’histoire de leurs comptes en banque, observés comme à travers des rayons X. Quant à l’installation MetroMobiltan, elle ne propose aucune œuvre d’art, seulement les contours de son futur obscène, l’« offre » de gratifications culturelles à venir1.

Hans Haacke, MetroMobiltan, 1985.

Aluminium, découpé, Isorel, photographie, polyester, textile. 355,6 cm × 609,6 cm × 152,4 cm. Centre Pompidou, Paris.

© Georges Meguerditchian – Centre Pompidou, MNAM-CCI / Dist. RMN-GP, © Adagp, Paris.

Ce genre de débats indique clairement le type de saut conceptuel en jeu lorsque nous passons de la question philosophique de l’autonomie de la culture à la question plus « sociologique » du statut de la culture et de l’activité culturelle dans notre société. L’« autonomie » y réfère désormais à la valeur sociale et à la signification de l’activité en général. (Dans une société capitaliste tout comme dans une société socialiste, la « culture » doit-elle se voir assigner une valeur de plein droit, ou devrait-elle être subordonnée à des fins plus pratiques telles que la quête de statut social ou l’éducation de masse et la pédagogie ?) Ainsi envisagée, la question de l’autonomie rejoint celle de la sphère publique et des différents espaces de la société moderne. Il semblerait plausible de décrire la situation récente (dans laquelle les anciens espaces « sacrés » du théâtre et de l’opéra, du musée et de la salle de concert continuent à survivre de façon résiduelle) moins comme une dissolution de la culture que comme une prodigieuse expansion de la sphère culturelle en général. À travers la logique de l’image, du spectacle ou du simulacre, tout est devenu « culturel » en un sens. Un palais des glaces de réplication visuelle et de reproduction textuelle d’un type inédit a remplacé l’ancienne réalité stable de la référence et du « réel » non culturel.

Dans ce contexte, Haacke expose le dilemme politique d’une nouvelle politique culturelle : comment combattre au sein du monde du simulacre en employant les armes spécifiques à ce monde, qui sont elles-mêmes des simulacres ? Cette œuvre ouvertement politique, qui réaffirme une certaine continuité avec des traditions antérieures, esquisse néanmoins une conclusion stratégique sur laquelle semble reposer un généreux consensus de la production culturelle de gauche au sein des États capitalistes avancés. À savoir qu’il n’est plus possible d’opposer ou de contester la logique du monde-image du capitalisme tardif en réinvestissant une ancienne logique du référent (ou du réalisme). En lieu et place, la stratégie qui s’impose peut se voir caractérisée au mieux comme homéopathique, du moins pour le moment : elle consiste à injecter des doses de poison toujours plus élevées, choisir et affirmer la logique du simulacre jusqu’à ce que la nature même de cette logique soit dialectiquement transformée. Même conçue comme temporaire, une telle stratégie n’a que peu en commun avec l’assurance des anciennes esthétiques politiques, voire proto-politiques, qui cherchaient à opposer à l’espace en ruines du capitalisme un espace culturel révolutionnaire radicalement neuf et distinct. Il semble pourtant que ce que nous sommes en mesure d’imaginer se réduise pour l’heure à une politique culturelle homéopathique, aussi modeste et frustrante puisse-t-elle apparaître.

Toutefois, même ici, il est essentiel de préciser certains traits caractéristiques de la stratégie de Haacke habituellement absents d’un art politique qui perçoit la contestation d’une société de l’image ou du simulacre comme sa tâche fondamentale. L’art de Haacke ne semble pas consister à « translaborer » les images, au sens freudien du terme. Tout se passe comme si nous les court-circuitions, comme si nous les neutralisions par anticipation à travers la substitution d’un type d’attention en tout point différent. (En affirmant cela, il me faut ajouter que je prends mes distances vis-à-vis de la lecture extrêmement intéressante que propose Rosalind Krauss de l’œuvre de Haacke, fondée sur le thème de la répétition chez Freud et Bataille). Quelle que soit la logique et la dynamique internes de ce contenu de l’image, la caractéristique de ces installations la plus efficiente politiquement parlant ‒ MetroMobiltan me revient à l’esprit ‒ est davantage l’accent mis sur les possibilités de représenter le cadre entièrement nouveau du système multinational global, dont les coordonnées ne peuvent encore pénétrer le contenu d’aucun système de représentation antérieur. Haacke met en évidence cette crise de la « cartographie », ainsi que je l’ai nommée ailleurs, en sectionnant les liens existants entre les icônes appauvries, les objets de cultes morts d’une ancienne culture d’élite, et les « faits », les « statistiques d’arrière-plan » du nouveau système mondial. Ces statistiques et ces faits n’ont pas encore trouvé un système de représentation adéquat par le biais de nouvelles formes esthétiques ‒ si de telles formes sont seulement concevables.

J’ai déjà relevé que ces deux manières de cerner le problème de l’autonomie de l’art (comme expérience phénoménologique de l’« œuvre » ou comme espace social de la culture) entraînent des conséquences inévitables qui semblent toucher à une troisième dimension quelque peu différente, celle de l’idéologie ou de la valeur esthétique. Quelle est de nos jours la valeur de l’esthétique, tant en matière de réception que de production ? En réalité, quelle est la position (politique ou autre) de la culture elle-même ? Poser les questions de cette façon nous force avant tout à nous confronter à ce que d’anciennes générations d’esthètes ressentaient (ou ressentent encore) nécessairement comme de l’anti-intellectualisme : à savoir, le doute radical d’une culture vis-à-vis d’elle-même, la culpabilité profonde des travailleurs de la culture envers leur propre absence de finalité pratique d’ordre « élitiste » et kantienne, la tentation de calmer cette angoisse par des actes de destruction radicaux, la mise au rebut de formes de culture « respectables » et, en dernier lieu, le reniement de toute forme de production culturelle.

Dans le champ critique de l’idéologie esthétique, celui des différentes théories et apologies de l’art et de la culture, aucune démarche n’a été plus radicale et profonde que celle de Pierre Bourdieu. Les dimensions sociologiques « appliquées » de sa recherche peuvent être entendues comme une longue et implacable charge menée contre les rationalisations et les justifications mêmes de la culture. Car c’est précisément en tant que rationalisation essentielle des formes d’activité déterminées selon des dynamiques sociales très différentes que Bourdieu démystifie l’ensemble des théories de la valeur esthétique.

La meilleure démonstration figure dans Un art moyen, un travail précoce de Bourdieu et de ses collaborateurs portant sur la photographie amateur2. La marginalité et l’émergence récente de la photographie amateur en tant que medium offrent à ces processus profondément assourdis par la mauvaise foi de longue date des arts « majeurs » d’être déchiffrés et démontrés. Ce qui frappe dans les analyses de Bourdieu peut se formuler par le biais d’un paradoxe (le mien, non le sien) : la photographie est un « art » dans lequel une première étape de « réalisme » est nécessairement et structurellement absente. Au contraire, toute photographie en sa qualité d’art est moderniste (si ce n’est postmoderniste). Cela signifie sans aucun doute que la photographie tournée vers le réalisme ou la représentation n’est pas un art. Or ce n’est là qu’une manière banale et négative d’établir un fait social d’une toute autre portée : à savoir, que la photographie « réaliste » relève essentiellement de pratiques d’un espace différent de la vie sociale, espace qui a peu en commun avec ceux de la production culturelle à proprement parler, c’est-à-dire la famille. D’une manière ou d’une autre, la photographie « réaliste » participe à la reproduction sociale de la famille. Bourdieu en fait la démonstration en indiquant que celles et ceux qui emploient la photographie à des fins spécifiquement « artistiques » sont, en termes sociologiques, des marginaux : célibataires, jeunes, « pères de famille » ratés. Pour eux, la pratique de la photographie constitue une manière d’échapper à la famille et à ses idéologies tout en affirmant dans le même temps une certaine forme d’identité. Dans le domaine de la photographie, cette identité n’est pourtant pas un rôle socialement déterminé. Du moins dans les années 1950, lorsque Bourdieu et son équipe effectuèrent leur terrain, l’accessibilité de masse du medium était trop récente pour avoir développé un statut institutionnel. Cet art, qui est davantage une forme symbolique de praxis sociale et de refus d’un mode de vie qu’un mode de production culturelle, est pratiqué par des individus qui sont par conséquent forcés de devenir des théoriciens de l’esthétique, de manière à se donner des raisons conscientes de persévérer dans cette activité. Ils sont contraints d’inventer, ex nihilo pour ainsi dire, toutes les postures que l’esthétique occidentale a élaborées afin de justifier leur pratique de la « photographie », maintenant considérée comme une activité autonome de plein droit.

Les praticiens issus de la classe inférieure et de la classe moyenne inférieure développent ainsi rapidement, et semble-t-il instinctivement, les deux grandes postures idéologiques qui divisent l’art moderne en son milieu. Il y a d’une part l’apologie technologique, celle des adeptes qui portent leur intérêt sur l’appareil et ses possibilités, et pour qui la valeur des photographies est fonction de leurs innovations techniques. D’autre part figure ce qui pourrait être désigné plus scrupuleusement encore comme l’apologie « esthétique » (peut-être pourrions-nous dire « symboliste »), par laquelle diverses expériences idiosyncrasiques de beauté ou d’étrangeté sont convoquées de manière à justifier une activité inexplicable qui consiste à prendre des clichés durant son temps libre dans des lieux pour le moins bizarres. Dans le même temps, lorsqu’on gravit l’échelle sociale, les photographes amateurs issus de la moyenne et de la haute bourgeoisie tendent déjà à rebasculer vers les formes langagières et les justifications des anciens arts majeurs (aristocratiques). Contaminées par les traditions de la culture d’élite, leurs théories esthétiques s’attachent systématiquement à établir des analogies entre photographie et peinture. Ces analogies sécurisent immédiatement leur justification étant donné que la valeur de la peinture est socialement et institutionnellement inscrite dans l’ordre social bourgeois.

Peu d’analyses sont plus dévastatrices pour toute théorie culturelle et esthétique que celles-ci, du fait que Bourdieu y démasque* toutes* les théories de la valeur culturelle (autonome ou non) comme autant de mauvaise foi sartrienne au service d’une praxis de classe à caractère non-esthétique. Certaines œuvres de Haacke telles que les Visitor’s Polls ou les Residence Profiles procèdent à des opérations analogues, avec, de manière suggestive, des résultats différents. Dans ces installations, aucun « plaisir » esthétique ne préexiste pour être démystifié ; aussi l’attention délaisse-t-elle la destruction bourdieusienne des catégories de « goût » et d’« art » pour mieux saisir et « cartographier » le système social qui les sous-tend. Dès lors, les valeurs de l’art majeur (ou du modernisme) deviennent simplement les déguisements revêtus par les esthètes d’une période donnée de manière à se différencier des affaires et du travail. Par une telle analyse, même la valeur d’un art politique comme celui de Haacke n’est pas à l’abri d’un chavirage de l’esthétique. En lieu et place, il faudrait peut-être voir son œuvre comme une manière de mettre à profit les formes creuses et conventionnelles de la visite muséale et du goût artistique dans le but inattendu de dispenser des leçons politiques radicales.

D’un point de vue théorique, il est à mon avis utile d’opérer une distinction entre de telles considérations, qui gravitent autour du problème de l’autonomie culturelle (comme développement historique et comme idéologie esthétique), et l’analyse institutionnelle à proprement parler. Cette distinction perçoit un écart au sein de l’analyse idéologique, qui correspond à ce qui est habituellement désigné sous la terminologie marxiste traditionnelle de la base et de la superstructure, désignant respectivement les réalités sous-jacentes de la production économique et les expériences ou les structures moins tangibles du monde social et culturel. La démystification de l’idéologie esthétique débute dans le domaine des superstructures, qu’elle situe et défamiliarise en pointant une relation fonctionnelle putative avec la base. Ainsi une esthétique spécifique se donne-t-elle comme une théorie philosophiquement cohérente de plein droit, mais s’avère plus problématique lorsqu’on interroge cette théorie d’un point de vue social et que l’on prend conscience des différentes fonctions qu’elle remplit (légitimation de classe, statuts, praxis symbolique d’ordre social, etc.), fonctions qui semblent avoir bien peu à voir avec le contenu manifeste de l’esthétique en elle-même. Pour sa part, l’analyse depuis la base débute par des institutions telles que le musée, auxquelles sont attribués des effets superstructurels et idéologiques. Ces deux mouvements analytiques, bien qu’étant symétriques, coïncident rarement. Parvenir à une médiation satisfaisante entre l’étude des idéologies esthétiques et l’étude des institutions qui les produisent ou les reproduisent constitue une activité complexe, dont les termes ne sont jamais donnés par avance, et qui semble toujours nécessiter un certain type de saut dialectique.

C’est pourquoi il nous faut repartir du second grand courant d’analyse avec lequel l’œuvre de Haacke présente une relation évidente ‒ ce que j’ai désigné sous l’expression d’analyse institutionnelle. Sous sa forme contemporaine caractéristique, l’analyse institutionnelle est relativement récente, n’ayant été développée en tant que proposition théorique que dans les années 1960. Au premier abord, cette manière de théoriser peut sembler paradoxale si l’on part de l’idée que les institutions de la classe dominante ont toujours été l’objet de l’analyse idéologique marxiste, du moins au sens large. Or c’est précisément le degré de spécificité qui est ici en jeu. Car nous ne serons pas en mesure de saisir ce qui caractérise des approches nouvelles si nous ne définissons pas une rupture nette entre, d’une part, l’attention globale traditionnellement portée à des entités telles que la « classe dominante », la « bourgeoisie », « l’idéologie hégémonique » ou « l’État » et, d’autre part, les distinctions plus pertinentes établies par l’analyse institutionnelle, laquelle s’attache à différer autant que possible l’assimilation d’institutions spécifiques (telles que le système scolaire, le réseau de galeries, l’industrie culturelle ou Madison Avenue) avec la généralisation totalisante que constitue « l’idéologie de la classe dominante ». En effet, plus on s’attarde sur l’une de ces institutions spécifiques, plus ses mécanismes et sa « semi-autonomie » apparaissent nettement, et plus il devient difficile de procéder à cette seconde étape, c’est-à-dire noyer son détail par une vision globale, vision qui en est venu à véhiculer aujourd’hui des connotations de conspiration et de paranoïa.

La publication de l’essai programmatique de Louis Althusser intitulé « Idéologie et Appareils Idéologiques d’État » en 1970 peut être vue comme le moment de maturité de l’analyse institutionnelle. Certes, ce texte vient après coup, mais il a produit l’une des théories parmi les plus influentes d’une tendance depuis longtemps à l’œuvre dans certains champs. Par malheur, la terminologie d’Althusser est inutilement déroutante, en particulier dans la mesure où l’expression fondamentale qu’est le soi-disant « Appareil Idéologique d’État » désigne des institutions qui ne sont pas nécessairement liées au pouvoir étatique (la famille, par exemple), bien qu’elles puissent être des composantes semi-autonomes d’un système gouvernemental moderne élargi, par le biais du système éducatif.

De telles approches associant l’analyse pratique à la théorisation méthodologique réflexive n’émergent pas du néant ; elles sont autant d’indices et de symptômes de phénomènes nouveaux, d’une restructuration relative de la réalité sociale. Rappelons-nous que parallèlement à l’attention théorique et critique portées par la gauche à de telles institutions idéologiques ont émergé de multiples formes de « micro-politique », par opposition à d’anciennes politiques de partis de classe. De fait, on peut supposer, non pas que de telles institutions sont apparues soudainement, mais qu’à l’ère des entreprises multinationales, elles ont gagné en visibilité sociale et qu’elles se sont également vues dotées de pouvoirs semi-autonomes d’une nature très différente de celle que leurs équivalents antérieurs ont pu exercer. Si la société civile bourgeoise née de l’ordre féodal a ouvert la voie au développement des classes sociales sous leur forme classique, peut-être pourrait-on affirmer qu’à notre époque, cette même société civile a subi de nouveaux changements de manière dialectique. Parmi ces transformations figurent une atomisation et une prodigieuse fragmentation sociale qui laisse apparaître de nouvelles forces politiques, mais également de nouvelles formes de réorganisation bureaucratique du pouvoir (les grandes firmes n’en sont que les manifestations les plus dramatiques). Ces formes requièrent par conséquent ce nouveau type d’enquête que nous avons qualifié de l’adjectif « institutionnel ».

L’œuvre de Haacke me semble émerger à ce stade, comme une solution apportée à certains dilemmes cruciaux d’une politique culturelle de gauche fondée sur cette conscience exacerbée du rôle des institutions. Car l’écart précédemment mentionné entre la superstructure et la base, ou entre l’analyse des idéologies et l’analyse des institutions, peut se voir reformulé ici comme une scission entre des textes ou des œuvres spécifiques et des processus de production généraux. Prenons l’exemple de la « Littérature », qui pourrait tout à fait être une institution culturelle et idéologique stratégique associée à la classe moyenne. On peut écrire son histoire ; ses sous-systèmes institutionnels (universités, maisons d’édition, revues littéraires, etc.) peuvent faire l’objet d’un examen détaillé ; ses différentes « idéologies » (défenses et apologies, « théories » de la littérature en tant que telles, etc.) peuvent se voir démystifiées. Cependant, une telle approche semble laisser passer les textes individuels entre les mailles du filet. Que la Littérature en général soit idéologique, qu’une œuvre littéraire spécifique soit également nécessairement idéologique : ces deux propositions peuvent être validées sans qu’il y ait une relation nécessaire ou cohérente entre les deux idéologies en question. Pour une certaine tradition de la gauche radicale ou anarchiste, la solution à ce dilemme ‒ l’incommensurabilité de ce que Terry Eagleton a utilement désigné comme « l’idéologie esthétique » par opposition à « l’idéologie générale » ‒ réside dans une résolution trop prompte et en une dénonciation globale de la Littérature. Au contraire, une tradition littéraire bourgeoise résout la tension de la manière inverse, en appliquant une distinction entre des approches « extrinsèque » et « intrinsèque », qui exclut systématiquement la première des études littéraires et, de fait, la dynamique institutionnelle de la Littérature. Ainsi exposée, la problématique de l’analyse institutionnelle présente au moins deux déterminants importants. D’un côté, elle se pose généralement en termes rétrospectifs ou historiques, comme une question portant sur l’attitude à adopter vis-à-vis d’œuvres existantes, de la tradition ou du canon, plutôt que comme une tension à initier (sinon à résoudre) par une nouvelle production culturelle. D’un autre côté, notre exemple qu’est la Littérature et le texte écrit, publié et lu de manière privée, semble être un medium moins propice à l’analyse institutionnelle que les autres arts, lesquels déploient nécessairement une infrastructure complexe bien spécifique autour de leurs « textes » ou de leurs « performances ». L’étude du mécénat artistique a ainsi constitué une composante tout à fait respectable, voire essentielle de l’histoire de l’art bien avant que celle des maisons d’édition n’apparaisse pertinente aux études littéraires.

La « solution » de Haacke ‒ transformer les déterminants « extrinsèques » de l’art en contenu « intrinsèque » du nouveau texte artistique ‒ s’évalue mieux en qualité de réponse à ce dilemme et à cette situation étendue que nous avons tenté de cerner ici. Désormais le « mécénat » (les propriétaires d’un tableau, les administrateurs et les donateurs d’un certain musée) se voit retracé à l’intérieur de « l’œuvre » elle-même (si tel est toujours le mot approprié) de sorte que son contenu ne peut être exclu comme « extrinsèque » qu’au prix du rejet de l’installation et du refus de lui accorder tout statut d’« œuvre d’art ». (Dans le cas de Haacke, les institutions en question telles que le musée Guggenheim ou le musée de Cologne à l’origine de son Manet-Project’74 en ont tiré les conclusions en choisissant d’exclure les œuvres.)

Même les limites que pose ce retournement stratégique m’apparaissent instructives, étant donné que dans un monde constitué de microgroupes, soumis à une fragmentation sociale croissante, une identification aussi intense des déterminants sociaux d’un art spécifique risque de courir une sorte de danger micro-politique ou sécessionniste. Le pouvoir d’étrangeté et de scandale de cet œuvre sur son public peut être inestimable, mais cela s’inscrit significativement dans une société au sein de laquelle le public des musées et celui des galeries (pour ne rien dire de la structure bureaucratique propre au monde de l’art) demeure (ou est devenu) quelque chose de l’ordre d’un microgroupe ou d’un groupe ethnique, groupe qui chevauche potentiellement les publics spécialisés des autres arts (sans même aborder la question cruciale de la ville de New York en tant que gigantesque microgroupe). C’est pourquoi l’effet politique sur un tel public est bien différent de ce qu’il était possible d’obtenir dans le contexte du xixe siècle, par exemple. Les masses de visiteurs d’une exposition parisienne étaient alors « typiques » ou « représentatifs » d’un public issu d’une classe sociale déterminée.

Cependant, la façon dont Haacke procède me semble différer y compris de démarches artistiques plus récentes qui sembleraient avoir certaines stratégies et intentions en commun, du moins à première vue. Je pense par exemple à l’apparition des Rockefeller sur la grande fresque murale commandée à Diego Rivera pour le Rockefeller Center. Ces « mécènes », qui voilèrent immédiatement la fresque pour finalement la détruire, n’avaient pourtant pas particulièrement besoin de médiations. Autrement dit, il s’agissait simplement de désigner la « classe dominante » et leur rôle en tant que mécènes de cette fresque murale n’était qu’une somptueuse ironie. Ceci pour dire que Rivera ne se confronta pas, dans sa situation, au même problème de l’autonomie institutionnelle qui constitue désormais un impondérable des institutions culturelles.

La manière dont Haacke traite ce problème est exemplaire (bien qu’elle puisse être inimitable) en raison de la cartographie spécifique et des représentations totalisantes qu’il dramatise, et ce, dans une situation qui voit non seulement le concept de totalisation rendu archaïque, mais aussi sa politique. Car ses installations reconstituent le processus de totalisation en reconnaissant le pouvoir et l’existence du micro-public ou de l’institution plutôt qu’en tentant de l’éluder ou de le court-circuiter par le biais du réalisme ou de la « représentation ». Ces noms propres, ces mécènes, réfèrent aux administrateurs de l’institution culturelle spécifique dans laquelle l’œuvre est exposée, de telle sorte que le choix d’en faire le thème d’un certain « texte » artistique consiste à réinventer une « autoréférentialité » d’un genre nouveau, à la fois exacerbée et dialectiquement transformée. Or le fait que ces noms devraient aussi être rapportés de façon systématique à des firmes qui perpétuent activement l’apartheid en Afrique du Sud, ou bien à des multinationales ayant contribué au renversement de Salvador Allende au Chili, nous entraîne au-delà de la « culture » et de son autonomie. Il s’agit davantage d’un impératif de totalisation. Cet impératif d’un type nouveau ne se rabat pas sur une idée reçue ou sur une catégorie préexistante de la « classe dominante », mais il rend sa réinvention indispensable dans une situation sociale globale dont la complexité s’est considérablement accrue.

1 Ndt : MetroMobiltan [1985] met en évidence les contradictions entre les politiques commerciales et culturelles du groupe pétrolier Mobil. L’

2 Ndt : Pierre Bourdieu [dir.], Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Éditions de Minuit [coll. « Le sens commun »]

Notes

1 Ndt : MetroMobiltan [1985] met en évidence les contradictions entre les politiques commerciales et culturelles du groupe pétrolier Mobil. L’installation comporte un agrandissement d’une photographie prise lors des obsèques de victimes noires tombées sous les balles de la police du régime d’apartheid d’Afrique du Sud. La photographie est masquée par plusieurs bannières sur lesquelles figure la réponse cynique du groupe pétrolier à un appel lui demandant de rompre ses liens commerciaux avec le gouvernement sud-africain. La bannière centrale rappelle le soutien de Mobil à une exposition d’art africain au Metropolitan Museum of Art de New York en 1980

2 Ndt : Pierre Bourdieu [dir.], Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Éditions de Minuit [coll. « Le sens commun »], 1965. Contribuèrent également à l’enquête Luc Boltanski, Robert Castel et Jean-Claude Chamboredon. L’ouvrage n’a été traduit en anglais qu’en 1990 sous le titre Photography : A Middle-Brow Art [trad. Shaun Whiteside, Stanford, Stanford University Press]

Citer cet article

Référence électronique

Fredric Jameson, « Hans Haacke et la logique culturelle du postmodernisme », RadaЯ [En ligne], 4 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2019, consulté le 24 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/radar/index.php?id=251

Auteur

Fredric Jameson

Né en 1934, Fredric Jameson est critique littéraire et théoricien politique. Il obtient son doctorat en1959 à l’université de Yale (Connecticut) et a, par la suite, enseigné à l’université de Harvard (Massachusetts) ainsi qu’à l’université de Californie jusqu’en 1985. Un de ses plus célèbres écrits, Postmodernism, or, The Cultural Logic of Late Capitalism (1990) a été traduit pour la première fois par le sociologue des études visuelles Maxime Boidy. Dans le cadre de ce quatrième numéro de RadaR, ce dernier l’a recontextualisé puis commenté afin d’en apporter une compréhension au public français.

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Traducteur

Maxime Boidy

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