À travers les âges et les civilisations, certains rites dits primitifs, tenant aussi bien de la pratique sacrée que de la performance artistique, sont nés de la volonté de dépasser l’immanence du monde, d’accéder à une forme de transcendance. Le rituel est formé de codes et procédés destinés à produire un effet. Répétitif, il rompt avec la dimension quotidienne pour s’échapper vers l’espace-temps d’un ailleurs radical. Symbolique, il existe pour amener la pensée à croire en quelque chose : on nous incite d’abord à croire au rite lui-même, on s’y laisse prendre, on y trouve une vérité.
Cet appel de la transcendance témoigne de la présence de l’archaïque dans la pratique rituelle. Du grec arkhế, l’archaïque désigne un principe premier, à la fois commencement et commandement. Il doit être compris, non comme un archaïsme, trace morte du passé, mais au sens d’archétype, sous-jacent à toute expérience humaine : dans la poursuite de l’altérité pure, l’être-au-monde tend à faire l’expérience du sacré.
Le rite a pour fonction de faire entrer du sacré dans la vie de la communauté, où le sacré n’est autre que le corps social hypostasié — c’est-à-dire une entité propre, un élan commun, une force collective. Avec un caractère social, le rituel engage ainsi un processus de transcendance de l’individu sur la communauté, qui n’est pas tant la recherche du tout Autre que celle, simplement, d’autrui, de son prochain.
Nous vivons aujourd’hui dans une société globale et mondialisée, marquée par un système libéral et capitaliste. Dans ce monde interconnecté se développe, paradoxalement, une certaine forme d’individualisme. Au cœur de ce modèle sociétal sans précédent, nous assistons à un changement profond de nos rapports à l’autre et à l’Autre. Avec le développement de l’hyper-connexion, nous cherchons notre prochain sans rituel ; dans l’abandon des croyances métaphysiques, nous cherchons le sacré en l’absence de sacrement.
Renouer avec la ritualité, ne serait-ce pas là un remède aux maux de l’individualisme d’aujourd’hui ? C’est pour répondre à cette question que nous développerons, dans cet article, une scénologie de pratiques artistiques contemporaines qui démontrent une dimension rituelle, en engageant des techniques hypnotiques et des dispositifs immersifs, dans la recherche d’une osmose entre ses participants. Nous souhaiterions ainsi mettre en lumière la présence de l’archaïque dans ces pratiques contemporaines — des rites anciens à leurs permanences modernes, dans la perspective d’une sociologie de l’esthétique rituelle.
Nous analyserons notamment deux œuvres chorégraphiques, Quad I+II de Samuel Beckett (1981) et Tragédie d’Olivier Dubois (2012), inspirées par les rites archaïques et marquées par la difficulté d’être en communauté. En mettant en scène la transe hypnotique d’un rituel et la quête vaine d’une transcendance, ces deux pièces relèvent d’une esthétique de l’archaïque contemporain.
Nous nous intéresserons également à l’avènement des musiques électroniques répétitives qui fait de nous les témoins d’une résurgence de la nécessité rituelle. Les raves et les clubs sont devenus les théâtres de nouveaux rites, qui appelle ses participants à s’immerger et s’oublier dans la frénésie de la danse. Au cœur de ces hétérotopies modernes, l’on cherche à faire la rencontre expérientielle d’une sorte de communauté choréique, d’une forme de transe partagée.
Les rites archaïques — sociologie et scénologie de l’immersion
À travers la performance artistique contemporaine, notamment celles qui présentent un caractère rituel, l’on accepte de s’immerger, ensemble, dans la recherche d’une communauté éphémère. « Voilà que cette histoire, en bout de trajectoire, semble devoir, sous le nom de performance, introniser un retour d’archaïsme, une nouvelle et peut-être réjouissante métamorphose des rituels perdus »1 écrit Michèle Fellous. Le rite est un outil de communication entre les individus. En effet, « les êtres humains ne se font pas comprendre seulement par le langage, ils communiquent aussi par le corps et par ses diverses formes d’expression et de représentation »2 écrivent Christoph Wulf et Gabriel Nicole. Ainsi, « on compte les rituels parmi les formes les plus efficaces de la communication humaine »3 : la participation à une performance rituelle est peut-être celle qui démontre la plus incisive de ces puissances actives, où les corps propres et individuels deviennent parties intégrantes d’un corps commun, un corps rituel. Au-delà d’un processus d’échange et de communication, le rite est une communion en acte, une promesse de fraternité, un engagement social.
Avec le terme de performance, il faut comprendre que celle-ci constitue une herméneutique de l’action qui induit un processus cognitif. L’acception linguistique de l’expression performative, issue de John Langshaw Austin, est assimilée à la performativité du verbe. Cette force illocutoire suscite une action — « quand dire, c’est faire »4 — et s’accompagne d’une force perlocutoire, qui provoque un effet chez le récepteur. La performativité de la performance fait donc d’elle une « philosophie en action »5 selon les mots de Démosthènes Davvetas. La performance rituelle, en particulier, engage une participation active des participants (qui sont autant de spect’acteurs du rite) et engendre un certain état hypnotique, qualifié de transe.
Dans un rituel, la notion de transe est intimement liée à celle de transcendance. Au-delà de l’état extatique de ses acteurs, celle-ci doit être entendue comme un dépassement de l’individualité vers une entité commune — la communauté rituelle. Présentant un caractère immersif, les techniques rituelles sont destinées à provoquer cette transe mystique partagée, dans la perspective d’une osmose avec l’autre et dans l’Autre. Parmi ses premiers instruments, notamment : la musique et la danse.
La musique nous touche pour la première fois in utero, dès la dix-septième semaine de grossesse, faisant de nous des mélomanes avant même notre venue au monde. Son écoute nous renvoie à l’éveil des sens de notre stade fœtal, à la vie archaïque elle-même. « Le son étant la plus abstraite de nos perceptions et le son musical la forme la plus abstraite des expressions sonores »6 écrit Alain Daniélou, la musique occupe donc une place particulière dans les arts de la transe la vie rituelle de toute civilisation. « Les formes sonores et la musique en particulier sont donc essentielles dans tous les rites, les initiations […]. Elles jouent un rôle fondamental dans les relations de l’homme et du sacré »7 écrit Daniélou. Le rite opère une transition de l’état naturel vers un état extatique notamment par le récit d’incantations, le martellement de tambours, le tintement de cloches, et d’autres instruments et procédés musicaux.
En premier lieu, ceux-ci peuvent faire office de « présence musicale symbolique, similaire à celle des fleurs, des lumières, de l’encens contribuant à créer un “climat sacré”, qui aide les hommes à sortir de leurs préoccupations matérielles, et suscite un environnement favorable leur permettant de pressentir la présence du divin »8. En second lieu, la musique a un pouvoir psycho-pathologique fort, capable de produire un effet thérapeutique ou intoxicant sur l’organisme. Il s’agit d’un outil universel de communication et de galvanisation émotionnelles, avec lequel « on peut réellement agir d’une manière extraordinaire sur un auditeur ou sur une foule d’auditeurs et […] les mettre tous dans un même état d’âme d’une intensité extrême »9. Face à elles, « la polyphonie européenne, malgré toute sa sophistication, est totalement inadéquate pour créer les états hypnotiques produits par des rythmes complexes africains, ou les états d’âme créés par les râga indiens. »10
Au-delà, la caractéristique la plus élémentaire de la musique reflète « le processus même de la manifestation cosmique dont l’origine et la réalité ultime, pour les penseurs traditionnels comme pour les chercheurs les plus avancés en astrophysique ou en mécanique quantique, est la vibration »11. De l’agitation atomique aux ondes gravitationnelles, en passant par la vibrance de l’espace-temps, « le monde n’est qu’énergie pure, tensions, vibrations, dont l’expression la plus simple apparaît dans le phénomène sonore »12. De la même manière, dans de nombreuses mythologies, l’univers est issu d’un souffle, d’une parole. Le verbe premier y est à l’origine de toutes choses — la vie naît dans un frisson, « le monde est un chant »13.
Cette notion essentielle, la vibration, se retrouve également dans la danse rituelle. Avec la répétition à l’extrême de mouvements corporels (tremblements, déhanchements, bondissements, tournoiements…), les auditeurs entrent, physiquement et mentalement, dans la cadence effrénée de la danse. « Cette sorte de gymnastique mystique permet de communier avec la nature, avec le rythme auquel est soumis l’univers »14 écrivent Marie-Françoise Christout et Serge Jouet. Dans le désir d’une immersion collective, « la danse est génératrice d’extase »15. Elle appelle les spectateurs à devenir acteurs du rite, à prendre part à l’exaltation réciproque et à la transe mutuelle, triomphe de la participation active d’une communauté rituelle. La présence de la foule humaine est ainsi, elle-même, un outil pour développer l’émotion commune, à l’image des Dionysies ou du Charivari, ou encore aujourd’hui dans les raves où l’effet de masse plonge les participants dans la transe d’une danse frénétique, aux limites de l’hystérie collective.
Ces techniques sont aujourd’hui relativement oubliées ou obscures pour les esthètes ou les chercheurs. A contrario de la vision que l’on peut en avoir, les musiques et les danses rituelles ne sont pas des formes chaotiques mais ordonnées et élaborées, dont la structure laisse supposer un savoir-faire qui leur est antérieur. À l’inverse de l’idée préconçue selon laquelle elles seraient des pratiques primaires ou simplistes, cette complexité nous permet d’imaginer qu’elles reposaient déjà sur de multiples générations de travail de la tradition.
Éclipse rituelle — chœur systématique, acteurs fantomatiques
Désignée tantôt comme une pièce dramatique, tantôt comme un ballet, Quad I+II (1981) a été mise-en-scène pour la télévision par Samuel Beckett. Quatre performeurs encapuchonnés entrent l’un après l’autre, silencieusement, au sein d’un plateau scénique carré. À chaque interprète est associé une couleur — blanc, jaune, rouge, bleu — et une sonorité percussive spécifiques comme seuls points distinctifs. Leurs parcours, entrées et sorties respectent une suite logique de schémas fixes préétablis où la répétition de l’action construit une forme d’automatisme structurel chez les performeurs baissés, presque bossus. Tantôt dans les anguilles d’une montre, tantôt à l’inverse, leurs mouvements se correspondent au sein d’une spirale rotative pour créer une « fugue de mouvements »16 selon Pierre Longuesse, des « ritournelles d’images »17 selon Gilles Deleuze. Chacun semble, en effet, fuir son prochain sur la scène, à l’instar d’une écriture musicale fuguée où le thème semble s’échapper d’une voix à une autre.
Quad I+II, Samuel Beckett
Diffusion télévisée sur la Süddeutscher Rundfunk, Allemagne, 8 octobre 1981.
Chaque performeur évite soigneusement le contact de l’autre, de même que le centre du plateau. « La dramatisation est minimale, sans autre événement que l’apparition-disparition des corps et l’évitement obligé de la “zone de danger” du centre par un brusque déhanchement de la marche »18 écrit Guillaume Gesvret. Dans leur esquive sans cesse répétée, ils se soustraient ainsi à cet unique point de rencontre : le milieu du plateau, lieu de la communication. Les quatre spectres errants à la recherche de leurs doubles vont exténuer le mouvement, tarir l’espace lui-même : « quatre marcheurs fantomatiques », typiques de l’esthétique de Beckett, qui « épuisent des séries logiques combinant tous les trajets possibles : chacun, l’un après l’autre, apparaît dans sa tunique, encapuchonné, tête baissée, visage caché »19 et n’y deviennent plus que des automates, animés par un algorithme.
Dans cette œuvre, « la structure close et répétitive des mécanismes ambulants qui suivent inlassablement ce modèle géométrique défini évoque en effet la danse d’un rituel païen, la marche rédemptrice et pathétique des moines dans leur cloître, ou le mouvement comique et inquiétant d’une malédiction inconnue »20 : dans cette errance structurée, les acteurs se réduisent à des corps systématiques et perdent toute individualité, toute consistance. Alors que le rite participe à la rencontre de son prochain, constitue une entité collective, ce ballet minimaliste est presque à rebours, une vaine quête de l’autre. Quatre ectoplasmes, gravitant à la recherche d’une humanité qui leur échappe, qui participent à cette déconstruction du réel par la décomposition spatiale, visuelle et sonore.
Quad I+II, Samuel Beckett
L’œuvre générale de Beckett fait acte de ce désir de déconstruire : à travers l’écriture du vide, du silence, il passera une grande partie de sa vie d’auteur à rendre compte de l’absurdité du monde, par la recherche du rien dans la langue littéraire. Cette impotence du langage, cette insubstantialité du je, Pascale Casanova en parle comme d’une « littérature du non-mot »21, Alain Chestier comme d’une « poussière de verbe »22. À la fin de sa carrière, il produit des œuvres scéniques qui s’éloignent de la littérature, comme si les mots ne lui suffisaient plus pour exprimer le rien.
Avec ce métalangage comme ultime recours dans la recherche du rien, Beckett a mis-en-scène un rituel que l’on pourrait qualifier d’anti-phatique : non pour établir une communication, ni pour permettre une communion, mais au contraire afin de, toutes deux, les oublier. L’impasse de la communication, qu’elle soit verbale ou physique, entraîne une impossibilité d’être en société. Cet échec de la vie sociale provoque une éclipse de la vie consciente — le quator d’individus fantômes et fantoches finissent par incarner cette absence dont rêvait tant leur créateur.
Chaos dionysiaque — une tragédie de l’immersion
L’œuvre chorégraphique Tragédie (2012) d’Olivier Dubois est un ballet de résistance. Sur scène, dix- huit danseurs, marchant d’un pas assuré, s’avancent vers le public ou reculent vers l’arrière- scène ; se regroupant parfois, avant de s’éloigner les uns des autres, ils cherchent la meilleure manière d’être sur la scène, ou d’être simplement. Leur détermination est implacable : ils marchent. « Non pas d’une marche de mannequin s’affichant dans le défilé, pas de la déambulation du flâneur tchékhovien qui fait comprendre qu’il s’interroge sur sa place au monde : une marche de danseur qui marche. Il marche et il est donc incontestable qu’il est »23 écrit Philippe Verrièle.
Tragédie, Olivier Dubois
Première au Cloître des Carmes d’Avignon, juillet 2012.
Leurs corps mis à nu conjuguent fragilité et puissance. Dans une différence qui les relie, aucun n’est semblable à l’autre, et tous témoignent de ce besoin de chercher en l’autre un soutien physique, un corps collectif qui deviendra un lien spirituel, presque métaphysique. Verrièle écrit : « ils sont avec ce corps comme destin, sans autre détermination sociale (celle que l’on aurait pu chercher dans un costume, quel qu’il ait été) que d’être là, danseur »24. L’égalité sera le filtre de cette virginité nouvelle, et c’est dans cette immersion sociale que la communauté rituelle souhaite s’investir, sous une forme d’osmose.
Dans un fond de musique répétitive, aux allures de techno brute, grave et sourde, la répétition à l’extrême des mouvements engage les danseurs dans un état de tension qui trouve son paroxysme dans une transe collective. Cette ivresse choréique exprime la nécessité d’une échappée dionysiaque dans ce monde contemporain ordonné, pragmatique, rationnel, maîtrisé, marqué par l’apollinien. Un désir archaïque est là : celui de l’éclipse.
Tragédie, Olivier Dubois
Néanmoins, cette transcendance de l’individu sur leur communauté se réalise-t-elle seulement ? « La puissance de la relation créée par la marche initiale, cette connivence qui est particulière à la danse nous a rendu ces lutteurs si proches que même dans ce groupe confus que le rythme agite, ils sont toujours l’assemblé de ces solitaires qui toisaient au début de la pièce »25. Telle en est la véritable tragédie : une impossibilité d’être-au-monde, d’être en communion. Naufrage immersif. Revers du rituel. Cette Tragédie de toutes les tragédies met en scène l’impasse d’un retour de la vision dionysiaque dans un monde maîtrisé par l’idéal apollinien ; c’est le drame de la tragédie elle-même — née dans la frénésie de la danse cabalistique, et morte dans l’idéal de la maîtrise de soi.
Les rites contemporains — s’oublier dans une communauté éphémère
On peut déceler une pérennité de ces désirs archaïques dans les raves de musiques répétitives électroniques, des événements qui ne sont autres que des rites contemporains témoignant de la constance de la nécessité rituelle. Ils représenteraient « les dionysies ou les bacchanales des temps modernes »26 selon Michel Gaillot, par leur aspect d’osmose communautaire et de libre engagement, en tant que « processus qui invite à la participation et, déjà dans la techno, à une participation par le corps car elle est et reste une musique qui se danse. »27
De cet élan mutuel s’échappe, comme l’écrit Michael Peitkov-Kleiner, « une puissance presque mystique, qui permet de se reconnecter à un ailleurs encore mal déterminé. Une puissance qui confine à l’état de transe, qui n’est pas sans rappeler les rituels sacrés des peuples premiers »28. Ainsi, « les teufs techno sont-elles une résurgence de ces cérémonies collectives, qui parait-il, sont vieilles comme le monde ? Plus pertinemment : dans nos sociétés hypermatérialistes, offrent-elles la possibilité d’une transe moderne »29, une expérience hors du temps d’où surgirait une communauté rituelle éphémère ?
En emportant la nébuleuse de ses participants dans de telles célébrations nocturnes, « les raves incarnent-elles un rituel contemporain, décomplexé et protéiforme ? »30 demande Maxime Retailleau au prêtre Thierry Dassé, qui répond : « la dimension communautaire est importante dans les raves, elle ouvre à une forme de spiritualité. On y recherche une autre dimension, autre chose que la pure matérialité du monde. Il y a une sorte de jubilation, qu’on peut qualifier d’extase »31. Père de la musique techno à ses origines à Detroit, Robert Hood est aussi pasteur. Selon lui, « la musique est un outil spirituel, c’est un langage que le monde entier comprend »32.
Au sein de cette véritable hétérotopie que sont les clubs, les danseurs prennent part à un rituel très particulier ; ces temples deviennent « des lieux magiques de découverte de soi, des autres, et d’expérimentation sensitive »33. Dans un environnement empli de stimuli sensibles, entre lumières, fumées, pyrotechnies, les participants sont les sujets d’une expérience esthétique globale. Kosmicki ajoute : « parmi les principaux ingrédients de cette surstimulation, la très forte intensité sonore : que l’on soit ou non sensible à la musique techno, on sent dans un premier temps bouger son cœur, son ventre, cligner ses yeux, vibrer sa poitrine. »34
Dès lors qu’il s’immerge dans l’onde de la nuée humaine, celui qui ne ressent rien à l’écoute solitaire de ce genre musical ne peut s’empêcher de se laisser prendre dans cette transe kinésique partagée, « et lorsque l’on se mêle à la danse, on se sent pris dans un “corps dansant” unique qui ne nous appartient plus, porté par la masse, rassurante, entraînante »35. La foule elle-même participe à cette ivresse paroxystique qui conduit à l’hystérie collective dont les ravers « accompagnent les climax, les enrichissent, les stimulent, les suscitent parfois »36.
La frénésie de la danse rituelle est donc l’expression d’un désir archaïque : celui de l’éclipse partagée. Au cœur de l’immersion rituelle, s’il n’y a qu’une vérité, c’est bien celle que l’autre n’est seulement qu’un alter ego. Mais faut-il réellement s’oublier pour en avoir la révélation ?