Décloisonner les approches et fouiller « les couches sous-jacentes de l’histoire »

Le parcours d’un historien de la diplomatie entre sources, écritures et archives

DOI : 10.57086/rrs.489

p. 237-250

Zusammenfassungen

Le texte reprend la leçon inaugurale donnée le 16 mai 2024 lors de l’assemblée générale du laboratoire CRÉSAT, dans le cadre de la présentation des nouveaux maîtres de conférences élus en 2022-2023. Soucieux de décloisonner les approches historiques pour une compréhension plus fine du passé et de l’actualité, l’auteur plaide pour une pratique connectée des méthodes et des savoirs en revenant sur son parcours scientifique, marqué dès le début de sa carrière universitaire par une démarche intellectuelle comparatiste, interdisciplinaire et fortement européenne. Il en esquisse les origines et les spécificités, ainsi que les perspectives pédagogiques et épistémologiques, et met cela en résonance avec les intérêts scientifiques du CRÉSAT et du département d’histoire et patrimoines, avec qui il collabore depuis 2022.

Der Text stellt eine Überarbeitung der Antrittsvorlesung dar, die am 16. Mai 2024 anlässlich der Generalversammlung des Forschungszentrums CRÉSAT im Rahmen der Vorstellung der 2022-2023 berufenen neuen Dozenten (maîtres de conférences) gehalten wurde. Bestrebt darum, Abschottungen zwischen unterschiedlichen historischen Ansätzen abzubauen und damit zu einem vertieften Verständnis der Vergangenheit und der Gegenwart beizutragen, plädiert der Autor für eine Methoden und Wissensbestände verbindende Forschungspraxis. Er präsentiert seinen wissenschaftlichen Werdegang, der von Beginn seiner universitären Laufbahn an durch einen vergleichenden, interdisziplinären und dezidiert europäischen Ansatz geprägt ist. Dabei skizziert er die Ursprünge und Besonderheiten sowie die pädagogischen und epistemologischen Perspektiven dieses Werdegangs und bringt sie in Resonanz mit den wissenschaftlichen Interessen des CRÉSAT und des Fachbereichs „Histoire et Patrimoines“, mit denen er seit 2022 zusammenarbeitet.

Text

J’ai accepté avec plaisir l’invitation de Guido Braun à présenter mon parcours et mes perspectives scientifiques sous forme de leçon inaugurale le 16 mai, lors de l’assemblée générale du laboratoire CRÉSAT.

Loin, bien entendu, de toute autoréférentialité, cette intervention a surtout été l’occasion d’esquisser les courants historiographiques et les enjeux disciplinaires et professionnels auxquels mes recherches – et mon activité universitaire au sens large – participent et contribuent.

Le pluriel s’impose étant donné que, dès le début de mes études, ma démarche scientifique a été marquée par une interdisciplinarité prononcée et par la connexion entre approches différentes. Ma formation universitaire tenait en effet compte des dynamiques historiques et des phénomènes de production et de conservation graphico-documentaires sur une chronologie étendue, en poussant ainsi à décloisonner non seulement les périodisations mais aussi les réflexions historiographiques et méthodologiques.

La diachronie de certains phénomènes, ainsi que leurs réceptions et manipulations postérieures (des procédés que l’on pourrait qualifier de « palimpsestes mémoriels ») ont constitué le filigrane de mon parcours universitaire. Ainsi, tout en ayant toujours à l’œil les subdivisions traditionnelles de l’Histoire, ce parcours avait dans le fond l’ambition de montrer la continuité effective (ce qui ne veut aucunement dire régularité ou homogénéité, bien sûr) des dynamiques sociopolitiques, économiques et culturelles en Europe entre Moyen Âge et époque contemporaine. En m’intéressant aux contextes politiques et culturels de l’Europe de l’époque moderne, ainsi qu’à l’activité documentaire engendrée par les pratiques et les processus diplomatiques, j’ai commencé à travailler sur les relations interétatiques en Italie au xve siècle dans le but de démanteler certaines narrations diplomatiques accoutumées, transmises par un processus narratif actif déjà à l’époque, et de fournir ainsi un modèle assez flexible pouvant être appliqué à d’autres cadres géographiques et chronologiques1.

À l’université de Rome Sapienza j’ai donc été formé au regard diagonal, à l’approche comparée et à une méthode connectée qui m’a amené des mondes médiévaux aux contemporains en essayant de comprendre et d’exploiter les réseaux de relations et les renvois disciplinaires dans plusieurs contextes historiographiques européens. Il faut certainement reconnaître que cette démarche transchronologique est d’autant plus aisée et naturelle quand on est également formé à la science archivistique et aux sciences autrefois dites « annexes », dont la puissance et l’action s’exercent sur le (très) long terme, tout en s’adaptant aux contextes.

En effet, les sciences annexes sont des disciplines autonomes capables d’enrichir l’analyse historique et de permettre la compréhension des processus de conservation et de transmission des documents. Afin de continuer à « dépasser les tournants » entre histoire et archivistique2, l’intellectualisation des processus documentaires et des procédés archivistiques que j’essaie de mettre en place permet de s’attarder sur des phénomènes archivistiques et sur leur histoire, dans la perspective de développer progressivement une histoire transnationale des archives. Ainsi, entre sources, écritures et archives, j’ai pu faire fructifier ici à l’UHA cette formation historique, paléographique et en archivistique comparée, en fournissant aux étudiants et étudiantes une épaisseur et en ouvrant le parcours « Gestion contemporaine des archives » à des réalités professionnelles tant nationales qu’internationales.

J’ai transféré cette empreinte scientifique dans mes projets postdoctoraux et dans les autres activités académiques : je suis en effet lié à cette approche comparatiste, interdisciplinaire et fortement européenne qui a marqué ma carrière. Par ailleurs, l’histoire de la diplomatie connaît de nos jours un vaste processus de révision conceptuelle, encouragé à la fois par des changements politiques, sociaux et économiques dans un monde « globalisé », et par une véritable critique du grand récit eurocentrique parfois encore dominant. Ainsi, rester fortement – quoiqu’inconsciemment, souvent – attaché à ce qu’Alain Wijffels avait appelé le « raisonnement circulaire autour de la notion, culturellement biaisée, de modernité »3 peut être particulièrement trompeur lorsqu’il s’agit du peacemaking aux époques médiévale et moderne, dont les résultats les plus connus sont les grands traités de paix qui ont régulièrement été élevés en exemple pour définir les fondements des rapports intra- et inter-étatiques, voire des relations internationales à l’époque contemporaine (les paix d’Arras, d’Augsbourg, de Cateau-Cambrésis, de Vervins, de Westphalie, d’Utrecht…).

Cette grand narrative4 est fondée sur l’idée de l’émergence de politiques nationales, territoriales et souveraines à partir d’un système politique dans lequel deux entités supranationales – l’Empire et l’Église – encadraient un monde fragmenté de princes et de villes liés par des modalités féodales de sujétion et d’allégeance ; et ce système se tiendrait sur les traités diplomatiques, étape ultime de l’entente princière5. Dès lors, les traités de paix ont été perçus comme les porteurs idéaux de légitimation et d’ordre, et ils ont été édités, publiés et, par conséquent, pris au fil des siècles comme garantie d’une certaine narration diplomatique de plus en plus figée.

Ainsi, la résolution des conflits a longtemps été réduite à la production de traités de paix hautement formels et juridiquement contraignants entre princes, et leur généalogie (reconstruite à l’aide de produits tout aussi impressionnants que fallacieux, tels les recueils diplomatiques) a été utilisée comme un fil rouge pour lire l’histoire européenne de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne. Ils ont été étudiés par les historiens comme des réservoirs d’informations sur les guerres et les alliances politiques, et comme des moments diplomatiques qui résumaient et résolvaient les conflits. Ce n’était pas le cas : pas toujours, parfois pas du tout.

Le temps est venu, en somme, pour une enquête plus fine sur la résolution de conflits et sur les processus de pacification sous des angles différents, comme le montre le travail important qui est en cours un peu partout en Europe6. Mes recherches analysent et repensent les processus de pacification, les pratiques diplomatiques et les flux archivistico-documentaires et éditoriaux des négociations dans le monde « pré-moderne » (à savoir entre le bas Moyen Âge et la moitié du xixe siècle)7, en s’inscrivant ainsi dans le sillage du débat contemporain sur la diplomatie et les relations internationales.

La révision récente de l’histoire diplomatique, qui va sous le nom de New Diplomatic History (NDH), réévalue les paradigmes traditionnels de l’étude des relations diplomatiques à l’époque moderne (mais la tendance peut s’appliquer aussi à d’autres contextes)8. Grâce à une approche multidisciplinaire, elle vise à fournir une compréhension plus nuancée et en même temps plus complexe de la diplomatie et des processus diplomatiques en explorant leurs dimensions « à plusieurs niveaux » et en reconnaissant le rôle et l’agentivité de divers acteurs (et objets) au-delà des acteurs étatiques traditionnels.

La NDH prend en compte les perceptions, les réceptions et les récits diplomatiques, en examinant ainsi la manière dont ils façonnent non seulement les décisions de politique étrangère mais aussi l’opinion publique et les identités nationales. Contrairement à l’histoire diplomatique traditionnelle, qui se concentrait – et parfois encore se concentre – de façon quelque peu exclusive sur les dirigeants politiques et les diplomates officiels (en allant jusqu’à vouloir identifier le tout premier ambassadeur résident9), la NDH cherche à enquêter sur la diplomatie en étudiant également les contextes non-européens et en reconnaissant le rôle joué par des entités non-étatiques, telles que des catégories d’individus spécifiques, des organisations, des groupes culturels et des communautés10.

Bien que la question d’une « nouvelle histoire diplomatique » eût déjà été abordée durant le dernier quart du xxe siècle par des contemporanéistes, l’expression fut popularisée par John Watkins quelques années plus tard11. L’histoire diplomatique européenne tient ainsi compte d’acteurs et d’univers conceptuels non-européens, dans un jeu d’idiosyncrasies et d’influences réciproques12. Et dans un environnement historiographique de plus en plus attentif à la mondialisation et à la « connexion »13, les approches multidisciplinaire et extra-européenne convergent parfois, au point que les chercheurs travaillant dans la lignée de la NDH explorent la façon dont les échanges culturels, les normes et comportements sociaux, les performances artistiques, les efforts intellectuels et les intérêts économiques influencent (et ont influencé) les relations et interactions diplomatiques dans un monde globalisé et interconnecté.

La diplomatie est ainsi de plus en plus vue comme une pratique sociale et culturelle qui a permis aux Européens et aux non-Européens de s’engager les uns avec les autres dans des contextes tant formels qu’informels, tant étatiques que non-étatiques, grâce à l’élaboration de langages communs, de pratiques de communication partagées et de cultures politiques en dialogue.

Et puisque c’est précisément une pratique sociale et culturelle, il faut reconnaître que dans la transition historiographique d’une « histoire diplomatique en soi » – comme l’avait formulé Lucien Febvre dans la première moitié du xxe siècle (Contre l’histoire diplomatique en soi), à savoir une histoire politique événementielle de la diplomatie – vers la NDH, il serait utile de considérer aussi l’autre face de la médaille. En effet, ce virage historiographique a été influencé par la réalité d’un monde en mutation : la décolonisation, la mondialisation, même le changement climatique ont rendu plus urgente la nécessité d’une nouvelle façon de voir les relations internationales et le peacemaking. Et d’ailleurs, parmi les mots cruciaux de ces recherches, il y a sans aucun doute « peacemaking », le processus de pacification dans son activité de résolution14.

Le peacemaking peut être entendu comme un processus pouvant aboutir à un accord légalement contraignant quel que soit le succès d’un tel accord ; dans les approches actuelles sur la résolution des conflits, la construction de la paix est le processus qui amène deux acteurs politiques ou plus à un tel aboutissement. Dans mes analyses, un processus de construction de la paix a inévitablement des implications spatiales (étant donné qu’il implique une zone géographique d’application et d’exercice), ainsi qu’une dimension temporelle (étant donné que ses effets doivent s’appliquer sur une période fixée et spécifiée dans les accords) ; enfin, ce processus se matérialise le plus souvent dans des espaces textuels et documentaires, comme les correspondances diplomatiques et les traités. Ainsi, le territoire, le temps et le texte s’avèrent être trois éléments interdépendants dans la construction de la paix, et dans ce « schéma à 3T »15, certains points sont à mettre en évidence.

Tout d’abord, le binôme peacemaking – placemaking (construction de la paix – construction d’un espace de paix) est crucial. À travers la négociation diplomatique, l’action synchronique de cette double construction détermine des espaces géopolitiques orientés vers la concrétisation de la paix. Ce processus, dont le résultat matériel est généralement un traité diplomatique, lie la sélection et la définition d’un territoire à la pacification, puisque les espaces politiques nouvellement définis sont créés par consentement mutuel afin d’atteindre la paix. Un exemple du lien structurel entre la paix et l’espace peut se retrouver dans les listes méticuleuses des alliés incluses dans de nombreuses ligues.

La préparation et la ratification de ces listes – un processus controversé en soi – ont défini et confirmé la portée territoriale des « sphères d’influence » de chaque acteur majeur, ce qui a également fonctionné comme un effort pour discipliner la juridiction des membres mineurs de la ligue et pour désamorcer les conflits entre eux16.

D’autres exemples peuvent être représentés par les traités signés pendant les guerres de religion en France, dans lesquels la volonté de créer des zones géographiques consacrées au protestantisme pour atteindre la paix entre les deux factions opposées est évidente (la question du croissant réformé est assez connue pour être ici évoquée et comprise même par les non-spécialistes). Dans les dynamiques pour une conciliation politico-religieuse entre catholiques et protestants, ces régions deviennent ce qu’ailleurs j’ai proposé d’appeler « peaced places », à savoir des espaces non seulement pacifiés (« pacified ») mais qui ont aussi fait l’objet d’une activité / d’un processus spécifique de construction de la paix.

Le couple peacemaking – placemaking couvre des domaines (comme l’anthropologie, la sémiotique de l’espace, la philologie politique) et des chronologies plus vastes que les nôtres, parfois sur une véritable longue durée : nous pourrions penser, par exemple, à la manière dont la conception politique et géographique de la région Tuscia – un concept qui est devenu un véritable Begriff de longue durée – a affecté l’histoire florentine et toscane jusqu’à l’époque contemporaine. Par ailleurs, il est assez aisé de remarquer que ce binôme peacemaking – placemaking concerne également les questions les plus actuelles à propos des migrants, de la crise de l’UE et des difficultés de l’Europe dans la gestion et la réaffectation de ces flux humains.

La construction de la paix avait également des implications temporelles à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les accords étaient précédés d’une période plus ou moins longue de pourparlers et de négociations, dont la temporalité était souvent chaotique ou, à tout le moins, peu définie17. Sans compter que, une fois signés, les accords étaient suivis d’un laps de temps nécessaire pour la ratification et la mise en œuvre du traité. En outre, malgré l’objectif déclaré d’atteindre une paix idéalement perpétuelle, chaque accord fixait ses propres frontières chronologiques, susceptibles de varier selon les protagonistes et leurs traditions culturelles. Souvent, le cadre temporel était précisément délimité, mais il pouvait parfois s’étendre à l’éternité (« ad perpetuum », comme dans certains traités occidentaux) ou, plus rarement, à « al-dawām bi-dawām » dans le monde islamique, où il était généralement prévu que l’entente entre les Ottomans et les chrétiens ne fût en vigueur que pour la durée de vie du sultan signataire18.

Enfin, la construction de la paix devrait également être interprétée comme une activité textuelle, conçue comme un processus d’écriture, ancrée dans le pouvoir pragmatique et culturel du langage, ainsi qu’une activité écrite, fondée sur la nature documentaire et archivistique des textes. Par ailleurs, une analyse de la tendance de l’époque moderne à créer des collections de traités de paix et de documents diplomatiques pourrait montrer dans quelle mesure le contenu et les résultats de cette dimension documentaire de la construction de la paix ont influencé les pratiques, les concepts et les interprétations historiques et diplomatiques qui ont suivi. En ce qui concerne le processus d’écriture, dans ce que nous appelons « faire la paix », peacemaking, le verbe « faire » est traduit dans les accords écrits en utilisant des verbes comme « contrahere », « firmare », « tractare » (ou leurs équivalents dans des langues autres que le latin) : ceux-ci ne sont guère des synonymes mais ils expriment plutôt différentes phases et actions au sein du processus de construction de la paix, et ils jouent également sur un premier niveau de signification (locutionnaire) ainsi que sur un niveau performatif (perlocutionnaire).

Je fais référence, bien évidemment, aux speech acts de John Austin19, les « actes de langage ». Brièvement, un acte de langage est une phrase dont le sens est lié non seulement à ce qu’elle exprime littéralement mais aussi à ce qu’elle est capable de faire faire à quelqu’un (sur la base, j’ajoute personnellement, d’un comportement social partagé dans lequel les actes de langage vivent et qu’ils aident à consolider). Un acte de langage, donc, « accomplit une action » : « En disant ce que je fais, j’accomplis réellement cette action » – ou je fais faire quelque chose à quelqu’un. Ainsi, comme dans les actes de langage d’Austin, la dimension écrite de la construction de la paix implique un acte performatif, qui est assuré par une condition préalable nécessaire (la « condition de félicité » d’Austin) reposant sur la nature prescriptive de l’écrit (comme dans le cas des traités) et/ou sur le partage d’un cadre juridique (c’est le cas de la correspondance diplomatique) : on pourrait alors dire ici que « en écrivant ce que je fais, j’accomplis réellement cette action » (et j’incarne ses conséquences diplomatiques) au sein d’un univers juridique et culturel donné. Par conséquent, en sus du rôle de l’oralité dans la construction de la paix, l’agentivité diplomatique des traités (leur agency) en tant qu’« actes écrits » mérite d’être soulignée. Il suffit de penser que dans la diplomatie ottomane la centralité de la dimension écrite de l’accord est clairement illustrée par le mot même « ahidnâme » (qui indique généralement un accord entre les Ottomans et une puissance européenne) où « -name » signifie précisément « de manière écrite », « sous forme écrite ».

C’est précisément dans cet univers textuel et culturel que se meut mon projet Faire la paix. Édition et textualité des collections diplomatiques de l’époque moderne (xviie-xviiis.), présenté en octobre 2023 et financé par l’UHA. Ce projet s’inscrit dans la continuité de mes travaux sur les processus de pacification en Europe à l’époque moderne et s’intéresse aux pratiques textuelles, documentaires et éditoriales de la diplomatie en se concentrant sur l’étude des éditions des collections diplomatiques entre le milieu du xviie et la fin du xviiie siècle. Le titre du projet joue sur la sémantique plurielle du verbe « faire » : « faire », dans le sens de « signer » ; « faire », au sens de confectionner la paix d’un point de vue éditorial ; « faire », enfin, dans le sens de « construire », par rapport à la construction des narrations diplomatiques que ces collections diplomatiques mirent en place ou, plutôt, permirent par la suite de construire.

Compte tenu du succès que ces ouvrages eurent, la question de l’univers culturel et juridique qui les imprégnait, ainsi que les implications liées à la circulation de l’information et à la gestion de la communication diplomatique à l’époque moderne s’avèrent cruciales. Par l’analyse des éléments paratextuels composant ces ensembles documentaires20, ce projet voudrait mieux comprendre certains mécanismes de la « public diplomacy »21 et saisir l’impact que leur impression eut sur la construction d’une identité européenne fondée sur la paix. Dans la fabrique de l’actualité qui occupait constamment la monarchie22, par le prisme de ces éditions documentaires, cela revient également à interroger la relation entre exercice du pouvoir et diffusion publique du savoir diplomatique. Et alors que la production de specula sur le « parfait ambassadeur » baissait, et qu’elle considérait de plus en plus l’ambassadeur comme une figure irréelle, les éditions de traités de paix et d’autres documents diplomatiques fleurissaient et fournissaient aux diplomates une sorte de manuel de pratique et de science diplomatique23, préparant ainsi le terrain pour les Relations internationales. Ces mêmes recueils furent déterminants dans la naissance de grand narratives diplomatiques qui ont perduré jusqu’à l’époque contemporaine et qui ont eu un effet sur les théories et pratiques développées par les relations internationales. Il s’agit de métarécits de longue durée qui survivent encore de nos jours, comme le montre l’exemple des études sur le Westphalianism24.

La construction d’une tradition diplomatique accoutumée, et donc la transmission d’une certaine idée de la paix, passe par le canal éditorial d’une manière qui n’est certainement pas neutre. Comme Alain Wijffels l’avait indiqué25, il y a un biais politique et culturel derrière la vision moderne des relations diplomatiques, et une telle perspective est particulièrement évidente lorsque l’on travaille sur (et avec) ces traités de paix et sur leur édition. Certes, si l’on s’intéresse aux simples traités et à leur valeur documentaire, Bertrand Haan avait raison de dire que « le recours fréquent aux recueils publiés à partir de la fin du xviie siècle est commode mais prive de nombreux éléments de compréhension et d’interprétation »26. Or, si l’on considère un processus plus large, c’est en réalité dans ces premiers recueils diplomatiques et dans le type de sélection qui y est faite que l’on peut trouver des réflexions, des interprétations et des orientations sur l’établissement et le maintien de la paix qui ont forgé une partie des théories des Relations internationales et ont longtemps influencé, voire biaisé, la manière moderne d’envisager les interactions interétatiques. Ces traités nous sont parvenus à travers des éditions publiées entre le mitan du xviie et la fin du xviiie siècle les présentant comme des actes formellement définis et juridiquement contraignants, mais ignorant ainsi tout le flux documentaire diplomatique qui a mené à leur achèvement. Pourtant, les chercheurs n’ont pratiquement jamais accordé d’attention systématique à ces collections, et ils les ont utilisées plus simplement comme des réservoirs de sources sur la politique et la diplomatie européennes. Le moment est donc venu pour une transition des seuls traités aux éditions des recueils diplomatiques qui nous les ont transmis mais qui ont aussi opéré une sélection (en effet, les traités ont été explicitement « assemblés, mis en ordre et imprimés ») et une lecture biaisée de ces documents.

Finalement, par ces éditions, une identité européenne se façonne et se réinterprète en se voulant juridiquement et culturellement pivotant sur la paix et sur des processus de pacification encadrés, dans leur phase « finale », par un traité diplomatique. Et en tant qu’historien moderniste qui travaille sur les pratiques diplomatiques et documentaires en prenant toujours en compte des périodes assez larges (voire délibérément élargies), je tiens également à souligner que ces enjeux ne sont point éloignés de l’actualité. En effet, je ne peux d’ailleurs conclure mon intervention sans considérer l’impact que la crise actuelle des relations internationales a eu sur mes réflexions les plus récentes. La guerre en Ukraine (à laquelle Vladimir Poutine fit stratégiquement référence comme à une mission de « maintien de la paix »27), ainsi que de nombreux autres conflits en cours, défient et transforment l’ordre international créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale28, amenant les politiciens, les chercheurs et les analystes politiques à renforcer et à réévaluer les moyens d’une « diplomatie préventive » et à envisager « un monde post-américain », un nouveau programme pour la paix, une approche interactive de la construction de la paix, voire la fin du maintien de la paix29. Dans de tels jours, alors que les traités internationaux sont remis en question, voire complètement ignorés, il apparaît particulièrement important de retracer la grammaire politique des accords que l’Europe a développée pendant les périodes médiévale et moderne pour gérer les conflits et leur(s) résolution(s).

En conclusion, le long titre que j’ai souhaité donner à mon intervention devrait maintenant être plus clair, avec sa référence explicite à Henri Hauser et à son travail, dont déjà le titre, à mon sens, était en soi très significatif : Manuel de politique européenne : Histoire de la diplomatie (1870-1914). « Il faut une faille ou une fracture » – disait-il30 – pour faire affleurer les niveaux cachés de l’Histoire. Dans cette dynamique inter- et multi-disciplinaire qui est la mienne, cette fracture peut tout à fait être incarnée par un décloisonnement des approches et par le dialogue que j’essaie d’établir (non sans risques, il faut le dire) entre histoire, philosophie, archivistique, sémiotique, linguistique, histoire des sciences, philologie politique. Ainsi, je ne puis que me réjouir de pouvoir continuer à enseigner et à mener mes recherches ici à l’UHA, notamment à côté des collègues du CRÉSAT, en proposant une approche scientifique qui, en raison de sa nature plurielle et polyédrique, permet particulièrement bien de fouiller les « couches sous-jacentes de l’histoire ».

Anmerkungen

1 Luciano Piffanelli, Contra et adversus ducem Mediolani. Politica e diplomazia nell’Italia del primo Rinascimento, Rome, École française de Rome, 2020. Zurück zum Text

2 Olivier Poncet, « Archives et histoire : dépasser les tournants », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 74 (2019), p. 711-743. Zurück zum Text

3 Alain Wijffels, « Early modern scholarship on international law », in Alexander Orakhelashvili (dir.), Research Handbook on the Theory and History of International Law, Cheltenham et al., Elgar, 2011, p. 23-60, ici 27. Zurück zum Text

4 Jean-François Lyotard, La Condition postmoderne. Rapport sur le savoir, Paris, Éd. de Minuit, 1979. Pour la traduction de « métarécit » en « grand narrative », cf. Id., The Postmodern Condition. A Report on Knowledge, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1984, traduit par Geoff Bennington et Brian Massumi. Zurück zum Text

5 Cf. par exemple Jean-Marie Moeglin et Stéphane Péquignot, Diplomatie et « relations internationales » au Moyen Âge (ixe-xve siècles), Paris, PUF, 2017, p. 155-233 ; Philippe Contamine, « Les rencontres au sommet dans la France du xve siècle », in Heinz Duchhardt et Gert Melville (dir.), Im Spannungsfeld von Recht und Ritual. Soziale Kommunikation in Mittelalter und Früher Neuzeit, Cologne et al., Böhlau, 1997, p. 273-289 ; Lucien Bély, « Les rencontres de princes (xvie-xviie siècles) », in Rainer Babel et Jean-Marie Moeglin (dir.), Identité régionale et conscience nationale en France et en Allemagne du Moyen Âge à l’époque moderne, Sigmaringen, Thorbecke, 1997, p. 101-110. Zurück zum Text

6 Cf. par exemple Jenny Benham, International Law in Europe, 700-1200, Manchester, Manchester University Press, 2022, où l’auteur remet en cause l’idée de l’absence d’un droit international au Moyen Âge ; Olivier Poncet (dir.), Diplomatique et diplomatie : les traités (Moyen Âge-début du xixe siècle), Paris, École des Chartes, 2015. Je voudrais citer également, entre autres, le groupe des collègues du Leibniz-Institut für Europäische Geschichte de Mayence, qui travaillent justement sur les Friedensverträge (les traités de paix) à l’époque moderne. Zurück zum Text

7 Sur la pertinence, voire l’utilité d’une telle échelle chronologique pour l’étude des relations internationales, voir au moins Jakub Grygiel, « The Primacy of Premodern History », Security Studies, 22 (2013), p. 1-32. Zurück zum Text

8 Créé en 2011 et basé à l’Université de Leyde, le Network for New Diplomatic History compte aujourd’hui plusieurs centaines de spécialistes dans le monde entier (https://newdiplomatichistory.org/). Zurück zum Text

9 Garrett Mattingly, « The First Resident Embassies », Speculum, 12 (1937), p. 423-439. Zurück zum Text

10 Parmi les exemples les plus récents, voir Bram Van Leuveren, Early Modern Diplomacy and French Festival Culture in a European Context, 1572-1615, Leyde-Boston, Brill, 2023 ; Malika Dekkiche, « New Diplomatic History and Mamluk Studies : Challenges and Possibilities », CESURA, 2 (2023), p. 133-165 ; Ayşe Başaran, « Books for the Sultan : European Authors and Book Diplomacy in the Ottoman Court in the Mid-19th Century », Quaerendo, 54 (2024), p. 38-76 ; Glenda Sluga, The Invention of International Order. Remaking Europe after Napoleon, Princeton, Princeton University Press, 2021. Zurück zum Text

11 Elizabeth Cobbs Hoffman, « Diplomatic History and the Meaning of Life : Toward a Global American History », Diplomatic History, 21 (1997), p. 499-518 ; John Watkins, « Towards a New Diplomatic History of Medieval and Early Modern Europe », Journal of Medieval and Early Modern Studies, 38 (2008), p. 1-14. Zurück zum Text

12 En est un exemple le volume dirigé par Tracey Sowerby et Ian Hennings, Practices of Diplomacy in the Early Modern World (c. 1410–1800), Londres-New York, Routledge, 2017. Zurück zum Text

13 Cf. par exemple Sanjay Subrahmanyam, Connected History : Essays and Arguments, Londres-New York, Verso, 2022 ; Alessandro Stanziani, Les entrelacements du monde. Histoire globale, pensée globale, Paris, CNRS éditions, 2018. Zurück zum Text

14 Pour un regard récent sur des questions concernant les traités de paix et le peacemaking, je me permets de renvoyer à Isabella Lazzarini, Luciano Piffanelli, Diego Pirillo (dir.), Reframing Treaties in the Pre-modern World, Oxford, Oxford University Press, sous presse, d’où certaines des considérations présentées ici sont tirées. Zurück zum Text

15 Luciano Piffanelli, « Peacemaking through Territory, Time, and Text : Some First Reflections », communication tenue à la Table Ronde Peacemaking in the Early Renaissance : Negotiating Conflicts, Shaping Identities, and Defining Ideas (Renaissance Society of America, Toronto, 17-19 mars 2019). Le jeu phonétique entre « treaties » et « 3Ts » ne peut fonctionner qu’en anglais, bien évidemment. Zurück zum Text

16 Luciano Piffanelli, « Crossing Boundaries : A Problem of Territoriality in Renaissance Italy », Viator, 49 (2018) [mais 2020], p. 235-277. Zurück zum Text

17 Par ailleurs, suivant Henry Kissinger, selon qui l’impasse était « la condition la plus propice à la négociation », William Zartman avait introduit son concept de maturité (ripeness) et de moment propice dans les échanges diplomatiques. Cela serait le meilleur moment pour les parties concernées d’entamer des négociations, étant donné que le processus de construction de la paix bénéficierait de la perception mutuelle d’une impasse, en permettant ainsi d’atteindre le meilleur résultat diplomatique. Cf. William Zartman, « The Timing of Peace Initiatives : Hurting Stalemates and Ripe Moments », The Global Review of Ethnopolitics, 1 (2001), p. 8-18. Zurück zum Text

18 J’ai eu l’occasion d’aborder cette question lors du colloque La traduction dans les diplomaties de l’époque moderne, organisé par Guido Braun et Vladislav Rjéouski (8-9 décembre 2023, Institut historique allemand de Paris), en présentant l’analyse d’un traité de paix du xviiie siècle entre les Vénitiens et les Ottomans (titre de l’intervention : « Traduire l’éternité. Médiation linguistique et paix perpétuelle entre Venise et l’Empire ottoman au xviiie siècle »). Zurück zum Text

19 Au moins John L. Austin, How to Do Things with Words, Londres et al., Oxford University Press, 1962, p. 6-7, passim. Zurück zum Text

20 Je développe certaines réflexions à ce sujet dans « Behind the Codex and the Mantissa » (à paraître), où je m’intéresse aux recueils publiés par Leibniz entre 1693 et 1700. Zurück zum Text

21 Helmer Helmers, « Public Diplomacy in Early Modern Europe. Towards a New History of News », Media History, 22 (2016), p. 401-420. Zurück zum Text

22 Les journées d’étude co-organisées depuis 2022 avec Alexis Lévrier (Université de Reims) sur Les supports de l’actualité interrogent aussi cette relation entre le pouvoir et la circulation de l’information. Zurück zum Text

23 Cf. par exemple Alain Ruiz, « Aux origines de la diplomatie contemporaine : de l’ambassadeur improvisé à la formation du spécialiste (d’après un manuel inédit de la fin de l’Ancien Régime) », Revue d’histoire diplomatique, 87 (1973), p. 38-95 ; Marc Belissa, « De la critique de “l’art de négocier” à l’apprentissage de la “politique” », in Stefano Andretta et al. (dir.), De l’ambassadeur. Les écrits relatifs à l’ambassadeur et à l’art de négocier du Moyen Âge au début du xixsiècle, Rome, BEFAR, 2015, p. 523-558. Zurück zum Text

24 Andreas Osiander, « Sovereignty, International Relations, and the Westphalian Myth », International Organization, 55 (2001), p. 251-287 ; Christian Kreuder-Sonnen et Bernhard Zangl, « Which Post-Westphalia ? International Organizations between Constitutionalism and Authoritarianism », European Journal of International Relations, 21 (2015), p. 568-594 ; Luis Simón, The Spectre of a Westphalian Europe ?, Abingdon, Routledge Journals, 2018 ; Jane O. Newman, « Remembering Westphalia : Rights Talk in Times of ‘Domestic Jurisdiction’, 1648 and 1948 », in I. Lazzarini, L. Piffanelli, D. Pirillo (dir.), Reframing Treaties…, op. cit. À ce propos, je voudrais rappeler également le discours tenu par Emmanuel Macron à l’assemblée générale des Nations unies en 2018, pendant lequel le président de la République parla – de façon quelque peu inappropriée – d’un « ordre international libéral westphalien ». Zurück zum Text

25 Alain Wijffels, « Early modern scholarship on international law », in A. Orakhelashvili (dir.), Research Handbook…, op. cit., p. 23-60. Zurück zum Text

26 Bertrand Haan, « Lier par l’écrit », in O. Poncet (dir.), Diplomatique et diplomatie…, op. cit., p. 69-90, ici 70. Zurück zum Text

27 Officiellement, l’armée russe avait lancé des opérations dans la région de Donetsk afin de mettre en œuvre des « fonctions de maintien de la paix » (« осуществление […] функций по поддержанию мира »). Cf. le décret russe Указ Президента Российской Федерации от 21.02.2022, no 71, « О признании Донецкой Народной Республики », disponible à l’adresse http://publication.pravo.gov.ru/Document/View/0001202202220002. Zurück zum Text

28 Cf. par exemple Jana Krause et Erin Kamler, « Ceasefires and Civilian Protection Monitoring in Myanmar », Global Studies Quarterly, 2 (2022), p. 1-12 ; William Maley et Ahmad Shuja Jamal, « Diplomacy of Disaster. The Afghanistan “Peace Process” and the Taliban Occupation of Kabul », The Hague Journal of Diplomacy, 17 (2022), p. 32-63 ; Ismail Rashid et Amy Niang (dir.), Researching Peacebuilding in Africa, Londres, Routledge, 2021. Zurück zum Text

29 Pour quelques références bibliographiques : Boutros Boutros Ghali, An Agenda for Peace. Preventive diplomacy, peacemaking and peace-keeping : report of the Secretary-General pursuant to the statement adopted by the Summit meeting of the Security council on 31 January 1992, New York, Nations unies, 1992 ; Fareed Zakaria, The Post-American World, New York-Londres, Norton & Company, 2008 ; Mary Kaldow, « Peacemaking in an Era of New Wars », in Thomas P. L. de Waal (dir.), Think Peace : Essays for an Age of Disorder, Washington, Carnegie Endowment for International Peace, 2019, p. 21-26; Michele Dell’Agli et Francesco Lamberti (dir.), Il peacekeeping, fine di un (falso) mito, Milan, Giuffrè Francis Lefebvre, 2021 ; Ingrid Brunk et Monica Hakimi, « Russia, Ukraine, and the Future World Order », American Journal of International Law, 116 (2002), p. 687-697 ; Susan H. Allen, Interactive Peacemaking. A people-centered approach, Londres, Routledge/Taylor & Francis Group, 2022 ; Sukanya Podder, Peacebuilding Legacy. Programming for Change and Young People’s Attitudes to Peace, Oxford, Oxford University Press, 2022. Zurück zum Text

30 Henri Hauser, Manuel de politique européenne : Histoire diplomatique de l’Europe (1871-1914), Paris, PUF, 1929, p. 16 (ibid. pour la citation qui clôt ce paragraphe). Zurück zum Text

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gedruckte Quellen

Luciano Piffanelli, « Décloisonner les approches et fouiller « les couches sous-jacentes de l’histoire » », Revue du Rhin supérieur, 6 | 2024, 237-250.

Elektronische Referenz

Luciano Piffanelli, « Décloisonner les approches et fouiller « les couches sous-jacentes de l’histoire » », Revue du Rhin supérieur [Online], 6 | 2024, online gestellt am 16 décembre 2024, aufgerufen am 03 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/rrs/index.php?id=489

Autor

Luciano Piffanelli

Doctor Europaeus des universités de Rome Sapienza et de Toulouse 2. Ses recherches portent sur les phénomènes politico-diplomatiques, les stratégies archivistico-documentaires et les dynamiques culturelles en Europe entre les xve et xviiie siècles. A été directeur des études en histoire à l’Institut catholique de Toulouse et a enseigné dans les universités de Picardie et de Tours ; il a également été visiting scholar à l’université de Warwick, chercheur postdoctoral auprès du Medici Archive Project et professeur adjoint de l’université de Padoue.

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