Les migrations de marchands catalans en Méditerranée orientale aux xive et xve siècles1

Catalan Merchants and their Migrations to the Eastern Mediterrenean in the 14th and 15th Centuries

Die Wanderungen der katalanischen Fernhändler im östlichen Mittelmeer (14.-15. Jahrhundert)

DOI : 10.57086/sources.460

p. 15-29

Résumés

Le présent article analyse les stratégies de migration des marchands catalans vers les principaux centres du grand commerce en Méditerranée orientale, qui avaient déjà attiré, depuis les xie-xiie siècles, des négociants essentiellement italiens parmi les Occidentaux. Bien que les Catalans parvinssent à leur tour à accéder ultérieurement aux échelles du Levant, ils ne paraissent pas avoir adopté la même stratégie migratoire, du moins en ce qui concerne les destinations d’Alexandrie, de Beyrouth, de Damas et même de Chypre où s’était implantée la dynastie des Lusignan – et qui pour cette raison faisait figure de tête de pont chrétienne en Orient. En revanche, l’île de Rhodes, aux mains des Hospitaliers de Saint-Jean et à la croisée des routes menant au Levant musulman et à Constantinople, semble avoir joué un rôle plus attractif, que n’explique que partiellement l’élection d’un grand maître catalan à partir de 1417.

This paper analyses the migration strategies of Catalan merchants to the main commercial centres of the Eastern Mediterranean that had been able to attract Italian and other western tradesmen since the 11th and 12th centuries. Even though Catalans came late to the commercial ports of the Levant, they resorted to peculiar migration strategies, particularly to such places as Alexandria, Beirut, Damascus or Lusignan Cyprus – a Christian foothold in the Middle East. As to the island of Rhodes, held by the Knights Hospitaller and located at a crossroad between the Muslim Levant and Constantinople, it had a major power of attraction for which the election of a catalan Grand-Master in 1417 can only partially account.

Damien Coulon is associate professor of medieval history at the university of Strasbourg.

Der vorliegende Beitrag untersucht die Wanderungstrategien der katalanischen Fernhändler in die Hauptzentren des Fernhandels im östlichen Mittelmeer, die vom 11.-12. Jahrhundert an vorwiegend italienische Kaufleute angezogen hatten. Obwohl die Katalanen ihrerseits später die Hafen des Morgenlands (échelles du Levant) auch erreichten, haben sie augenfällig nicht die gleiche Wanderungstrategie angenommen, wenigstens um was die Ziele von Alexandria, Beirut, Damaskus und sogar Zypern betrifft – in Zypern hatte sich das Herrschergeschlecht von Lusignan angesiedelt, sodass die Insel als christlicher Brückenkopf im Orient fungierte. Die Insel Rhodos, die unter der Herrschaft der Johanniter war und die an der Kreuzung der zum moslemischen Osten und zu Konstantinopel führenden Strassen lag, scheint ein attraktivere Rolle gespielt zu haben, die nur teilsweise durch die Wahl eines katalanischen Ordensmeisters 1417 erklärt sein kann.

Damien Coulon ist „maître de conférences HDR“ für mittelalterliche Geschichte auf der Universität Strassburg.

Texte

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Aspect majeur de la thématique des flux à l’époque contemporaine, le phénomène des migrations retient à juste titre de plus en plus l’attention des historiens, y compris des médiévistes, qui ont trouvé dans le bassin méditerranéen un espace tout à fait propice à ces déplacements de longue durée. L’essor que connurent les ports et les marines de cette vaste aire géographique à la fin du Moyen Âge facilita en effet les départs individuels ou collectifs, vers les régions économiquement attractives.

J’avais déjà tenté d’apporter une contribution à ce sujet en examinant plus particulièrement les migrations marchandes catalanes vers l’Égypte et la Syrie à la fin du Moyen Âge2. Le présent article3me donne l’occasion d’approfondir ces premières analyses en présentant quelques nouveautés, issues notamment des Archives départementales des Pyrénées-Orientales, relatives aux migrations des marchands du Roussillon, eux aussi intégrés à la couronne d’Aragon et de ce fait également vecteurs de l’expansion commerciale catalane. Mais cette nouvelle contribution sera aussi l’occasion d’élargir la problématique aux îles de Chypre et de Rhodes, ce qui permettra de mieux comprendre la stratégie d’ensemble adoptée par les négociants de cette région pour se tailler une place aux côtés de leurs concurrents italiens, en particulier ceux de Gênes et de Venise. Car malgré la distance qui les séparait de l’Occident, ces destinations représentaient avant tout un accès essentiel aux précieuses épices que les marchands redistribuaient vers l’ensemble de l’Europe, expliquant ainsi leur engouement pour ces contrées4.

Mon objectif consistera donc avant tout à tenter de mettre en évidence, principalement à partir des archives catalanes, l’existence de populations se fixant durablement en Méditerranée orientale, c'est-à-dire au moins pendant plusieurs mois, et y jouant un rôle de correspondants commerciaux au profit de négociants restés à Barcelone ou dans d’autres places commerciales importantes de Catalogne5. Pour commencer l’étude de ces aspects, il convient de rappeler brièvement dans un premier temps les formes bien particulières que prirent les migrations marchandes catalanes en Égypte et en Syrie, afin de mieux apprécier ensuite les différences et les points communs avec les flux dirigés vers les îles de Chypre et de Rhodes.

 

L’étude des flux migratoires de marchands catalans vers Beyrouth, Damas ou Alexandrie, les principales places commerciales du sultanat mamelouk du Caire, a en effet révélé que très peu d’entre eux s’y installaient durablement, c’est-à-dire prolongeant leur séjour au delà du retour du navire sur lequel ils étaient arrivés, qui pouvait parfois rester jusqu’à trois mois dans les ports précédemment mentionnés. De véritables communautés même réduites de correspondants commerciaux établis dans ces centres névralgiques du grand négoce en Orient n’ont ainsi pu être mises en évidence. Les marchands catalans préféraient au contraire effectuer de nombreux aller-retours entre les deux extrémités de la Méditerranée, échangeant des produits d’exportation, généralement à Damas ou à Alexandrie, contre les fameuses épices – du poivre, du gingembre, de la cannelle ou des clous de girofle en particulier – dans le cadre de contrats de commande à court terme. Aucune installation durable n’est donc envisagée dans ces conditions de va-et-vient répétés.

Certains auteurs ont certes cru trouver des exemples de marchands catalans installés à demeure en Égypte et en Syrie, dans la mesure où leur nom apparaissait à des dates différentes dans les principales places commerciales de ces pays. Cependant, la richesse et la précision des archives barcelonaises permettent de montrer qu’il s’agissait en fait de commerçants de passage plusieurs fois revenus sur différents navires et ne s’étant pas établis sur place6.

À ces méthodes commerciales spécifiques s’ajoute en outre un autre argument d’importance pour ce thème des migrations commerciales catalanes : aucun notaire compatriote n’a pu être relevé en Égypte ou en Syrie, en dépit d’un négoce soutenu et de la mesure imposant la présence de l’un d’entre eux aux côtés des consuls, manifestement restée lettre morte dans le cas de ces consulats orientaux. En revanche, plusieurs minutiers de notaires vénitiens, rédigés à Damas ou surtout à Alexandrie, ont été conservés pour le xve siècle, confirmant ainsi indirectement que les marchands de la Sérénissime étaient sans aucun doute assez nombreux pour permettre à l’un de ces tabellions de s’y installer afin de consigner les opérations des négociants et vivre de cette activité7. Cette lacune concernant les notaires catalans ne saurait certes constituer une preuve pour cette époque reculée dont les témoignages ont fort bien pu disparaître avec le temps. On notera toutefois pour étayer ce qui précède, que les marchands catalans sont nombreux à avoir consulté des notaires étrangers, confirmant ainsi indirectement qu’ils n’avaient sans doute pu avoir recours à un tabellion compatriote, vers lequel allait en général leur préférence lorsqu’ils en avaient le choix. De surcroît, parmi les très nombreux contrats conservés à Barcelone, certains font référence à des accords antérieurs consignés par d’autres notaires, mais dans ce cas également, aucun d’entre eux ne s’avère avoir instrumenté en Égypte ou en Syrie.

En définitive, la seule exception notable à cette situation bien particulière est fournie par la documentation toscane de la très importante compagnie Datini de Prato : des représentants de sa succursale barcelonaise occupèrent effectivement le poste de correspondant commercial à Alexandrie, du moins au cours de l’année 14108. Cette exception qui nous ramène aux méthodes développées par les négociants italiens, confirme en quelque sorte la règle de l’absence de communautés de facteurs commerciaux catalans installées en Égypte ou en Syrie.

La documentation notariée des Archives Départementales des Pyrénées Orientales ne modifie ni ne nuance ces constats, bien au contraire : elle témoigne elle aussi de l’utilisation massive des contrats de commande et de nombreuses allées et venues des marchands roussillonnais, en particulier ceux de Perpignan, dans le cadre de ces accords9. En outre, une exception révélatrice peut également y être relevée : celle du facteur commercial Francesc Queralt agissant à Damas au cours de l’hiver 1400 pour le compte d’un certain Pere Tequi demeurant dans la capitale roussillonnaise10. Or, cet important négociant, de lointaine origine toscane11, n’était autre que le facteur de la puissante compagnie marchande Datini de Prato à Perpignan. C’est précisément grâce aux lettres rédigées et échangées dans le cadre particulier de cette firme que l’on peut relever le recours exceptionnel à un correspondant commercial en Syrie12.

 

Le contexte politique régnant à Rhodes et à Chypre était bien différent de celui observé en Égypte et en Syrie, pays soumis aux sultans mamelouks du Caire, sans doute les plus puissants souverains musulmans de Méditerranée et du Proche-Orient jusqu’au milieu du xve siècle. Les deux îles étaient en effet restées sous domination chrétienne, la première sous l’autorité de l’ordre des Hospitaliers de Saint Jean, la seconde sous celle de la dynastie poitevine des Lusignan, dont les ancêtres avaient occupé dans un passé encore récent le trône de Jérusalem.

En outre, le pouvoir dans ces deux îles fut tour à tour étroitement lié aux intérêts dynastiques ou stratégiques de la couronne d’Aragon. Dans un premier temps en effet, le roi d’Aragon Jacques II (1291-1327) lui-même avait épousé en 1319 la sœur du souverain chypriote Henri II (1285-1324), Marie de Lusignan, et cette alliance familiale s’était encore consolidée en 1353, lors du mariage du roi de Chypre Pierre Ier (1358-1369) avec Éléonore, la cousine du nouveau roi d’Aragon Pierre IV le Cérémonieux (1336-1387). Les nombreux ambassadeurs envoyés pour établir des alliances dynastiques, puis maintenir d’étroites relations diplomatiques entre les deux royaumes avaient ainsi pu profiter des fréquents voyages des marchands catalans vers le Levant, pour prendre place à bord des navires que ceux-ci avaient affrétés, par exemple. À Rhodes, l’influence des Hospitaliers originaires de la Couronne d’Aragon était allée grandissante au cours de la seconde moitié du xive siècle, si bien qu’en 1377, l’Aragonais Juan Fernández de Heredia fut nommé grand maître de l’ordre jusqu’à sa mort en 1396 ; puis le Catalan Antoni de Fluvià occupa les mêmes fonctions entre 1421 et 1437 et, enfin, son compatriote Pere Ramón Sacosta entre 1461 et 1467. Si le premier ne résida guère à Rhodes durant son magistère, en revanche, l’influence du second s’y exerça de façon bien plus décisive, reflétant également une importance accrue des frères du prieuré de Catalogne à partir des années 1415-142013. Le contexte politique était donc bien plus favorable aux commerçants catalans, dans ces deux îles, qu’il ne l’était dans le sultanat mamelouk. De surcroît, elles constituaient des étapes incontournables sur la route des épices menant directement les marchands occidentaux jusqu’aux rivages syriens et égyptiens, et même, dans le cas de Rhodes, jusqu’à Constantinople. Ces données politiques et économiques combinées pouvaient ainsi entraîner des stratégies commerciales bien différentes de celles qui viennent d’être observées en Égypte et en Syrie.

Pourtant, la documentation relative aux relations catalanes avec Chypre ne permet guère d’avancer de témoignages précis au sujet de migrations marchandes durables dans cette île14. Certains Catalans proches de la reine Éléonore, précédemment citée, qui demeura à Chypre de 1353 à 1381, furent bien dotés de fiefs dans cette île en récompense des ambassades qu’ils menèrent régulièrement pour maintenir le contact entre la reine et la cour catalane. Mais il ne s’agissait généralement pas de marchands et de surcroît leur rôle d’intermédiaire leur imposait de ne pas résider dans l’île15. Ils y disposaient certes probablement de représentants chargés de défendre leurs intérêts, comme cela est bien attesté pour l’honrat Jaume Fivaller dont le facteur Dominicus de la Fos décéda en 1387. Mais ce cas révèle aussi que de tels représentants n’étaient pas nécessairement catalans16.

La documentation commerciale de son côté livre quelques rares données qui ne plaident pas non plus en faveur d’une nombreuse communauté marchande résidant dans l’île des Lusignan. Certes, dès 1300, deux sources italiennes attestent bien la présence durable de plusieurs commerçants catalans, en contact avec des compatriotes vraisemblablement de passage. Le 3 février de cette année, un citoyen de Barcelone signa dans le port de Candie en Crète, une reconnaissance de dette envers un certain Bonato Formero Minore (Bonanat Forner, menor), lui aussi citoyen de Barcelone, et envers ses héritiers à Chypre (« et tuis heredibus in Ciprum »)17, tandis que, quelques mois plus tard, Bernat « de Rose, habitator Cipri, cathalanus », reconnaissait à son tour devoir une modeste somme d’argent à un autre Barcelonais18. Ces deux documents d’origine différente fournissent donc la même année l’image concordante d’une communauté réduite de marchands catalans installés en Chypre – sans doute à Famagouste – en relation active avec leurs collègues de Barcelone, comme le contexte politique évoqué précédemment pouvait d’ailleurs le laisser supposer.

Cependant, le livre de comptes rédigé par le Barcelonais Joan Benet lors du voyage qu’il effectua à Chypre en 1343, et qui détaille méthodiquement les différentes transactions qu’il avait effectuées avec les autres marchands, révèle quant à lui de façon plutôt surprenante que ses partenaires commerciaux à Famagouste étaient avant tout des Italiens, en particulier des Vénitiens, mais aussi des Chypriotes ou des Arabes19. En fait le seul nom assurément catalan que l’on peut relever parmi les listes d’acheteurs et de vendeurs à Famagouste en 1343 est celui de Bernat Cardona, qui joue un rôle d’intermédiaire dans de nombreuses opérations. Si aucune mention le concernant ne vient préciser qu’il habite bien à Chypre, son rôle dans de nombreux accords plaide cependant pour une installation durable dans cette île qui lui aurait permis de bien être au courant des affaires du moment et de jouer en quelque sorte un rôle de courtier ; mais il ne s’agit là que d’une supposition.

Les contrats de commande barcelonais livrent aussi exceptionnellement quelques noms de commerçants qui devaient réceptionner des biens à Chypre. Or, on y trouve encore une fois des Italiens, comme dans ces deux commandes confiées en mai 1349, qui devaient être remises à Famagouste, le principal port de l’île, l’une à un certain Giorgio de Leone, et l’autre, à un dénommé « ser Philippo »20. Par la suite, la documentation, à nouveau plus rare, ne permet pas davantage de mettre en évidence l’installation de marchands catalans à Chypre21.

Toutefois, au début du xve siècle, certains d’entre eux sont bien chargés de recevoir des marchandises dans cette île dans des conditions comparables à celles que nous avons observées en 1349 : trois commandes datées de mai, puis de novembre 1403 indiquent en effet que les articles confiés doivent être livrés dans l’île des Lusignan et à Alexandrie à Guillem de Casasaja, marchand et citoyen de Barcelone, qui se trouve en fait être le frère du bailleur des deux derniers contrats – Bernat de Casasaja – ; au cas où Guillem serait absent, les instructions précisent que les marchandises pourront être remises à Pericó de Casasaja, le jeune frère de Bernat et de Guillem, ou à Joan Canals à Chypre, ou encore à un certain Pericó Carbonell, à Alexandrie22. Or, le nom de Casasaja est bien connu à Chypre, puisque le patron de navire Francesc de Casasaja assura lui aussi plusieurs fois un rôle d’intermédiaire entre les cours chypriote et catalane, à partir de 1383. Il était en fait un habitué des relations avec le Levant, car la documentation commerciale barcelonaise révèle qu’il y effectua au moins une douzaine de voyages entre 1369 et 139023. Rien d’étonnant donc, à constater que deux des membres de ce clan familial – Guillem et Pericó – assuraient manifestement un rôle de correspondants commerciaux à Chypre – avec Joan Canals – et plus secondairement à Alexandrie – avec Pericó Carbonell.

De fait, en observant plus attentivement les autres contrats passés par les trois frères – Bernat, Guillem et Pericó – une nette répartition des rôles se dégage entre eux : tandis que les deux derniers restaient au Levant, le premier leur faisait parvenir des marchandises depuis Barcelone ou accompagnait occasionnellement celles-ci, jouant ainsi simultanément un rôle peu fréquent de bailleurs et de preneur de fonds24. C’est d’ailleurs sans doute en raison de cette organisation, que Guillem de Casasaja se vit confier en 1409 la charge de procureur de l’ancienne reine de Chypre Éléonore, dont il a été question précédemment, qui espérait encore y faire valoir des droits ; or, il était secondé dans cette tâche par son frère Bernat qui le représentait auprès de la reine et assurait ainsi les trajets entre l’île et la Catalogne, pendant que Guillem restait en Méditerranée orientale25.

Toutefois, ce constat de recours à des correspondants commerciaux, qui peut tout de même s’observer dans ce cas pendant au moins toute la première décennie du xve siècle, reste limité à une seule famille. En fait, le contexte politique à Chypre n’était alors plus si favorable pour les Catalans, puisqu’à partir de 1374, les Génois, rivaux traditionnels des sujets de la couronne d’Aragon, s’emparèrent de Famagouste, le principal port de l’île, et y imposèrent officiellement leur domination par le traité de 1383, qui interdisait également au roi de Chypre d’ouvrir un autre port de commerce international26. On pourra aussi objecter que les contrats de commande, constituant l’essentiel de notre documentation commerciale pour cette période et vers cette destination, visent par nature des accords de brève durée entre les marchands, tandis que les opérations prévues entre des négociants catalans et leurs représentants installés dans des places commerciales lointaines ne nécessitaient pas a priori d’être consignées par écrit devant notaire. Ces contrats constitueraient donc un type de documents inadapté pour notre thème d’étude. Mais on a bien constaté que la documentation sous forme de livres de comptes ne fournissait guère plus de noms de Catalans installés à Chypre, même au cours d’une période plus favorable (avant 1374).

Il faut donc en déduire que les marchands catalans installés dans l’île des Lusignan étaient également peu nombreux aux xive et xve siècles, même si l’on est en droit de supposer que leur effectif dépassait sans doute la poignée d’individus relevés dans les contrats notariés vénitiens, génois et barcelonais. Enfin, la présence bien attestée à Famagouste d’un consulat des Catalans n’implique pas non plus que le nombre de ceux qui résidaient sur place fût conséquent, comme le montrent les cas des consulats de Beyrouth-Damas et d’Alexandrie, déjà étudiés27.

 

Examinons à présent la situation à Rhodes où les indices sont plus abondants et plus clairs. L’importance accrue du rôle de l’île, tant pour la diplomatie catalano-aragonaise, que pour les réseaux commerçants à partir des années 1410-1420, y favorisa l’établissement de certains marchands barcelonais particulièrement actifs.

Afin de préparer une vaste expédition de course contre Alexandrie, le nouveau roi d’Aragon Alphonse V le Magnanime avait tout d’abord interdit à partir de 1415 aux sujets de la Couronne de se rendre en Égypte et en Syrie, pour éviter qu’ils fissent ensuite l’objet de représailles de la part des autorités mameloukes28. Or, pour faire strictement appliquer cette interdiction, il avait fait appel à deux importants négociants habitués du commerce du Levant, Guillem de Cabanyelles et Pere de Gualbes, qui devaient transmettre les ordres royaux depuis Rhodes où ils restèrent au moins jusqu’en 141929. Le choix de cette île était judicieux, puisque d’une part Alphonse le Magnanime entendait s’appuyer sur l’ordre des Hospitaliers qui en étaient les maîtres, pour promouvoir sa nouvelle politique orientale, et que d’autre part, la fonction de tête de pont chrétienne du commerce vers la Méditerranée orientale faisait de Rhodes un poste d’observation idéal ; nul doute que les deux hommes d’affaires surent aussi mettre à profit pour leur propre compte cette situation fort avantageuse.

En 1429 et 1430, Alphonse le Magnanime entreprit la négociation d’un traité diplomatico-commercial avec le sultan mamelouk Barsbây ; cependant, les représentants des deux souverains devaient se rencontrer en terrain neutre, c'est-à-dire à Rhodes30. En outre, les pourparlers furent facilités par la médiation d’un représentant du grand maître des Hospitaliers – Antoni de Fluvià – qui n’était autre que le marchand catalan Pere de Casasaja31. Or, nous avons sans doute déjà rencontré le même personnage, sous le diminutif de Pericó, qui témoignait alors de sa jeunesse en 140332. Ses liens privilégiés avec le grand maître et son séjour avéré à Chypre au début du xve siècle laissent supposer une présence personnelle de cet homme d’affaires à Rhodes – ou peut-être de facteurs commerciaux – antérieurement à la période des négociations33, mais qui n’est à ce jour qu’imparfaitement corroborée par la documentation commerciale34.

On notera toutefois avec intérêt que les mêmes sources révèlent que Pere de Casasaja effectuait ses opérations commerciales en collaboration avec un dénommé Tristany de Queralt, qui était lui aussi sans doute parti à Rhodes en août 1428, et dont la présence dans l’île est ensuite attestée à deux reprises jusqu’au mois de juillet de l’année suivante ; cet échelonnement de dates laisse ainsi penser qu’il avait dû séjourner à Rhodes au moins au cours de cette période, pour y mener à bien ses affaires35.

Par ailleurs, plusieurs auteurs ont bien relevé la présence de marchands catalans durablement installés à Rhodes. Quelques premiers cas isolés durant la seconde moitié du xive siècle ont été mentionnés par A. Luttrell36, mais la plupart d’entre eux apparaît au cours du deuxième tiers du xve siècle. Pierre Bonneaud mentionne par exemple dans son étude du prieuré hospitalier de Catalogne, plusieurs noms de marchands établis dans l’île au cours des années 1430 et 1440, comme Ferrer Bertran et Joan Stella, accompagnés de Miquel Ros37. De son côté, Claude Carrère avait noté la présence de trois citoyens de Barcelone, Pere Viastrosa, Jaume Ses Avasses et Jaume Ballister, qui se voyaient chargés en septembre 1450 de récupérer l’héritage du « marchand Guillem [Portella], mort à Rhodes où il résidait », tandis que Pere Roig et Joan Alba, « membres de l’aristocratie marchande », y habitaient également en 145538.

Les activités de ces négociants installés à Rhodes confirment également leur enracinement local. Plusieurs lettres de change entre la Catalogne et l’île des chevaliers de saint Jean peuvent en effet être relevées au cours de la première moitié du xve siècle39. Outre les liens financiers entre les deux régions, ce constat suppose également une bonne intégration des correspondants établis à Rhodes dans le milieu marchand. A contrario, dans le cadre des relations avec l’Égypte et la Syrie, aucun accord de ce type n’a pu être relevé en dépit d’une documentation très abondante, ce qui s’explique sans doute par le nombre très réduit de marchands catalans durablement installés dans ces contrées40.

En outre, de nombreux pirates catalans firent de Rhodes leur repaire, à partir de la fin des années 1410-1420, car ils semblent y avoir bénéficié de la protection des Hospitaliers, ce dont témoignent en tout cas les nombreuses missives de protestation envoyées – souvent en vain – par les autorités vénitiennes et mameloukes41. Un certain climat de confiance, très différent de celui qui régnait à Chypre, favorisa donc également la présence de marins catalans à Rhodes.

Surtout, plus que de simples mentions individuelles de marchands ou de pirates, la documentation commerciale atteste au moins à deux reprises de la présence d’un notaire catalan à Rhodes, entre 1393 et 1405 : une reconnaissance de remise de biens après décès signale en effet que le notaire Pere de Seguerrat du diocèse de Gérone, avait rédigé à Rhodes le 11 avril 1393 le testament du marchand de Perpignan Jordi Giraud, qui demeurait dans une maison « infra burgum Rodi ». Toutefois, sa femme et héritière continuait à résider à Perpignan42. Puis, en 1405, dans des circonstances très similaires, le pareur de draps Ramon de Rius, malade à Rhodes, y fit rédiger son testament vraisemblablement par le même notaire43. Sa présence dans l’île des Hospitaliers pendant plusieurs années et ses contacts manifestes avec des marchands habitant également Rhodes pourraient constituer des indices de l’existence d’une communauté catalane à une époque plus précoce qu’on n’aurait pu le supposer. Toutefois, ce notaire qualifié de « tecus » auprès de la cour de la Châtellenie de Rhodes indique qu’il était en fait plus vraisemblablement au service de la communauté des Hospitaliers que de celle des marchands catalans présents sur place44.

 

Les quelques témoignages recueillis montrent ainsi que, globalement, les éléments de conclusion doivent être nuancés : les différents ports de Syrie, d’Égypte, et de Chypre après 1374, ne constituaient pas d’importantes bases d’installation durable pour les marchands catalans. Il est vrai que puisque la logique d’aller et retours répétés s’était imposée pour eux dans le trafic des épices, elle pouvait également les dispenser de créer et de gérer l’existence de groupes de négociants solidement établis dans les dernières étapes du parcours, en Méditerranée orientale ; celles-ci se trouvaient ainsi de toute façon intégrées par les va-et-vient permanents des navires catalans à leur réseau de relations marchandes.

Or, il s’agit là d’une différence essentielle avec l’expansion commerciale de la couronne d’Aragon vers le Maghreb, certes bien plus proche : l’existence de communautés de négociants catalans, valenciens ou encore majorquins solidement établis y est en effet bien plus aisée à mettre en évidence.

Cette courte enquête semble indiquer que Rhodes constituait en fait la principale terre d’accueil pour les marchands catalans désirant se fixer en Méditerranée orientale, au cours du xve siècle. Toutefois, convenons-en, elle ne fait que poser quelques jalons qui méritent encore d’être approfondis45.

On notera cependant que cette logique de choix privilégiant l’île des chevaliers de Saint Jean paraît ainsi en contradiction avec la répartition des consulats, puisque les marchands catalans n’en disposèrent jamais à Rhodes, à la différence de l’Égypte, de la Syrie et de Chypre46. Sans doute s’estimaient-ils suffisamment protégés au cœur de l’ordre des Hospitaliers et peut-être aussi représentés par les frères de même origine qui y exerçaient des responsabilités de plus en plus importantes. Ce rôle de protection paraît en tout cas bien confirmé dans le domaine de la piraterie.

Comment expliquer en définitive ce déploiement limité des marchands catalans, qui permettait cependant des contacts nombreux et réguliers avec les principaux ports de Méditerranée orientale ? Il résultait en fait essentiellement du retard qu’ils avaient accumulé par rapport à leurs concurrents italiens. Ceux-ci s’étaient en fait lancés bien plus tôt qu’eux dans l’aventure commerciale vers le Levant et du même coup avaient pu s’y installer, y compris en territoires musulmans. Car tel est bien l’un des éléments qui mérite aussi d’être souligné à l’issue de cette brève recherche portant sur les migrations en Méditerranée : les sources consultées, pourtant en grande partie catalanes, nous mettent en effet constamment en présence de marchands italiens durablement installés, non seulement en Orient, mais aussi en Catalogne même. Tout semble ainsi indiquer a priori que ce sont bien eux qui ont été les agents les plus actifs de ces phénomènes de migrations marchandes, parvenant à créer des réseaux assez complets à travers toute la Méditerranée à la fin du Moyen Âge. Mais comme les quelques documents cités l’ont aussi montré, il faut nuancer ce constat en distinguant parmi ces marchands « italiens », les Toscans, les Génois, les Vénitiens et les autres, qui se livraient en fait une âpre concurrence. Celle-ci invite bien sûr à considérer séparément les réseaux migratoires de ces différentes « nations » marchandes et ainsi à en relativiser l’importance ; mais il s’agit là évidemment de recherches à mener sur d’autres bases documentaires.

1 Principales abréviations utilisées : ACA : Arxiu de la Corona d’Aragó (Barcelone) ; AHPB : Arxiu Històric de Protocols de Barcelona ; ADPO :

2 Damien Coulon, « Les marchands catalans installés en Égypte et en Syrie-Palestine ; essai d’évaluation », dans Michel Balard et Alain Ducellier (dir

3 Cet article résulte du texte réactualisé d’une communication présentée lors d’un séminaire international sur les migrations au Moyen Âge à Tortosa

4 En réalité les principales épices ne venaient pas de Méditerranée orientale, mais surtout d’Asie du Sud et d’Inde tout particulièrement ; c’est

5 D’autres auteurs ont ainsi pu observer, par exemple, l’existence de communautés de marchands vénitiens ou génois à Alexandrie (voir, par exemple

6 Certains contrats signalent que les marchands ou patrons de navire attestés au Levant à des dates différentes sont en fait revenus entre-temps à

7 Ibid., p.  507-508. Les minutiers de notaires génois rédigés outre-mer et qui nous sont parvenus, sont eux aussi nombreux, même s’ils concernent

8 Voir Joan Ainaud, « Quatre documents sobre el comerç català amb Siria i Alexandria (1401-1410) », dans Homenaje a Jaime Vicens Vives,Barcelone, 1965

9 Plusieurs centaines de commandes destinées à l’Égypte ou à la Syrie ont ainsi été instrumentées par le seul notaire Jaume Molines de Perpignan à la

10 Voir Eliyahu Ashtor, Levant Trade in the later Middle Ages, Princeton, Princeton University Press, 1983, p.  150 (n. 316) et 231 (n. 200).

11 Voir Guy Romestan, « Les relations commerciales entre Perpignan et la Ligurie aux xive et xve siècles », Atti del I Congresso Liguria-Catalonia (

12 Cet homme d’affaires occupe une large place du mémoire d’habilitation à diriger des recherches que j’ai soutenu à l’Université de Paris I en

13 Sur tous ces aspects, voir Pierre Bonneaud, Le prieuré de Catalogne, le couvent de Rhodes et la couronne d’Aragon, 1415-1447, Millau, Conservatoire

14 Plusieurs auteurs ont déjà consacré quelques travaux aux relations commerciales des Catalans avec Chypre, mais sans approfondir cette question des

15 Maria Teresa Ferrer i Mallol, « La reina Leonor de Chipre y los catalanes de su entorno », dans Damien Coulon, Catherine Otten, Paule Pagès et

16 Cf. Antonio de Capmany i de Montpalau, Memorias Históricas sobre la marina, comercio y artes de la antigua ciudad de Barcelona, éd. de Carmen

17 Salvatore Carbone (éd.), Pietro Pizolo notaio in Candia, t. 1, Venise, Fonti per la storia di Venezia, 1978, doc. 25, p.  18-19.

18 Cornelio Desimoni (éd.), « Actes passés à Famagouste de 1299 à 1301 par devant le notaire génois Lamberto di Sambuceto », Archives de l’Orient

19 Josep  Plana i Borràs, « The Accounts of Joan Benet's Trading Venture from Barcelona to Famagusta: 1343 », Epétèris tou Kentrou Epistèmonikôn

20 AHPB, 19/5 (Jaume Ferrer), f° 83v et 19/6, f° 35r (cette seconde commande a été publiée par José Maria Madurell i Marimon, et Arcadi Garcia i Sanz

21 Les 200 actes du notaire vénitien Simeone signalent la présence ponctuelle de quatre Catalans à Famagouste, en 1362-1363, mais aucun d’entre eux n’

22 Cf. AHPB, 79/36 (Tomàs de Bellmunt), f° 21v4 (Chypre), 39v2 (Chypre) et 40v2 (Alexandrie). Le second contrat atteint la somme respectable de 490

23 Voir Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  516 et 698-718. Francesc de Casasaja était le cousin des trois frères

24 Bernat et Guillem s’étaient en fait déjà réparti ces fonctions dès le début de l’année 1400 ; cf. Maria Teresa Ferrer i Mallol, « La cort de la

25 Maria Teresa Ferrer i Mallol, « La cort de la reina Elionor de Xipre a Catalunya », op. cit., p.  361-365.

26 Catherine Otten-Froux, « Chypre, un des centres du commerce catalan… », op. cit., p.  146. Plusieurs sources judiciaires et administratives

27 Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  62-85 et 586-595 et id., « Los consulados catalanes en Siria (1187-1400) »

28 ACA, CR, reg. 2387, f° 142v (31 juil. 1415). Certes, Alphonse n’était alors pas encore roi, mais il prépara lui-même cette expédition dont il

29 ACA, CR, reg. 2740 f° 95v-96r (4 mai 1419). Guillem de Cabanyelles occupa le poste de consul d’Alexandrie entre 1405 (?) et 1408 ; il appartenait à

30 Sur le traité de 1430, signé à Rhodes, voir Maximiliano A. Alarcón y Santón et Ramon García de Linares (éd.), Los documentos árabes diplomáticos

31 Mercè Viladrich i Grau, « Jaque al Sultán en el "Damero maldito". Edición de un tratado diplomático entre los mercaderes catalanes y el sultano

32 Voir le tableau généalogique de la famille Casasaja dans Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  518.

33 Ces négociations avaient duré près d’une année, puisque les ambassadeurs du roi s’étaient embarqués pour Rhodes le 20 juin 1429 à bord de la nef de

34 Au cours du mois d’août 1428 et jusqu’au début du mois suivant, Pere de Casasaja était présent à Barcelone où il avait fait charger d’importantes

35 AHPB, 150/3 (Bartomeu Masons major), f° 13r2, 17v2, 18r2 (préparatifs du voyage de Barcelone à Rhodes en août 1428) ; f° 53r-v et 101v2-104r (

36 Anthony Luttrell, « Aragoneses y catalanes en Rodas : 1350-1430 », VII C.H.C.A., Barcelone, 1962, t. 2, p.  385, n. 10 (le marchand Arnau Serra

37 Le prieuré de Catalogne…, op. cit., p.  153 et note 227. Un document de la National Library of Malta aimablement communiqué par Pierre Bonneaud

38 Claude Carrère, Barcelone, centre économique, op. cit.,t. 2, p.  641 n. 1. En fait, Constantin Marinescu avait déjà le premier souligné l’

39 Voir Arcadi Garcia i Sanz et Maria Teresa Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, Barcelone, Institut d'Estudis

40 Voir Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  283-284.

41 Ibid., p.  209-210 et Pierre Bonneaud, Le prieuré de Catalogne, op. cit., p.  154-155.

42 ADPO, Jaume Molines, 3E1/476 f° 28r-29v.

43 AHCB, Arxiu Notarial III.1, 1405 (document aimablement communiqué par D. Duran) ; son patronyme paraît se lire « Beriguera » dans ce testament

44 Damien Coulon, « Un notaire catalan à Rhodes à la fin du xive siècle », dans Homenatge a Maria Teresa Ferrer i Mallol, sous presse.

45 Les documents publiés par Zacharias N. Tsipanlis ne fournissent quant à eux pas d’autres cas de marchands catalans installés à Rhodes ; cf.

46 Voir Anthony Luttrell, « Aragoneses y catalanes en Rodas », op. cit., p.  388 et Daniel Duran Duelt, « La red consular catalana : origen y

Notes

1 Principales abréviations utilisées : ACA : Arxiu de la Corona d’Aragó (Barcelone) ; AHPB : Arxiu Històric de Protocols de Barcelona ; ADPO : Archives Départementales des Pyrénées Orientales (Perpignan).

2 Damien Coulon, « Les marchands catalans installés en Égypte et en Syrie-Palestine ; essai d’évaluation », dans Michel Balard et Alain Ducellier (dir.), Migrations et diasporas méditerranéennes (xe-xvie siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p.  501-511.

3 Cet article résulte du texte réactualisé d’une communication présentée lors d’un séminaire international sur les migrations au Moyen Âge à Tortosa en 2003.

4 En réalité les principales épices ne venaient pas de Méditerranée orientale, mais surtout d’Asie du Sud et d’Inde tout particulièrement ; c’est toutefois en Égypte et en Syrie, et dans une certaine mesure à Chypre et à Rhodes, que les marchands occidentaux y accédaient à la fin du Moyen Âge.

5 D’autres auteurs ont ainsi pu observer, par exemple, l’existence de communautés de marchands vénitiens ou génois à Alexandrie (voir, par exemple, Éric Vallet, Marchands vénitiens en Syrie à la fin duxve siècle, Paris, ADHE, 1999 et Giovanna Petti Balbi, « La massaria genovese di Alessandria d’Egitto nel Quattrocento », Studi Storici, 38, 1997, n° 2, p.  339-353), ou de marchands de la couronne d’Aragon – en particulier Valenciens et surtout Majorquins – au Maghreb (voir María Dolores D. López Pérez, La Corona de Aragón y el Magreb en el siglo xiv (1331-1410), p.  130-135, p.  431-432 ; idem, « Marchands, esclaves et mercenaires : les transferts de populations dans le Maghreb médiéval », dans Michel Balard et Alain Ducellier (dir.), Migrations et diasporas…, op. cit., p.  405-406). Il ne sera donc pas question dans cette recherche des autres formes de migrations de sujets de la couronne d’Aragon, comme celles des musulmans fuyant la Reconquête et s’installant définitivement en Égypte ou en Syrie, ou celles, limitées, qu’entraînèrent le contrôle de la petite île de Kastellórizo au large de Rhodes par Alphonse le Magnanime à la fin de son règne ; cf. Daniel Duran Duelt, Kastellórizo, una isla griega bajo dominio de Alfonso el Magnánimo (1450-1458), Barcelone, CSIC, 2003.

6 Certains contrats signalent que les marchands ou patrons de navire attestés au Levant à des dates différentes sont en fait revenus entre-temps à Barcelone pour se livrer à d’autres opérations, prouvant ainsi qu’ils ne s’étaient nullement in>stallés outre-mer ; voir Damien Coulon, « Les marchands catalans installés en Égypte et en Syrie » op. cit., p.  502-505.

7 Ibid., p.  507-508. Les minutiers de notaires génois rédigés outre-mer et qui nous sont parvenus, sont eux aussi nombreux, même s’ils concernent plutôt les principaux comptoirs génois en Méditerranée orientale hors d’Égypte et de Syrie, et reflètent bien également l’importance des communautés marchandes ligures qui s’y étaient installées.

8 Voir Joan Ainaud, « Quatre documents sobre el comerç català amb Siria i Alexandria (1401-1410) », dans Homenaje a Jaime Vicens Vives,Barcelone, 1965, t. 1, doc. III et IV, p.  334-335. Un petit groupe de trois Catalans est certes qualifié d’« hostes e factors de Catalans en Barut », mais le terme d’« hoste » renvoie en fait au personnel consulaire ; cf. Claude Carrère, Barcelone, centre économique à l’époque des difficultés, 2 vol., Paris-La Haye, Mouton, 1967, t. 1, p.  116. Il ne s’agissait donc pas non plus dans ce cas de correspondants de marchands précis restés en Catalogne.

9 Plusieurs centaines de commandes destinées à l’Égypte ou à la Syrie ont ainsi été instrumentées par le seul notaire Jaume Molines de Perpignan à la fin du xive et au début du xve siècle, révélant le départ de plusieurs dizaines de navires pour ces contrées depuis les ports de Collioure et de Barcelone.

10 Voir Eliyahu Ashtor, Levant Trade in the later Middle Ages, Princeton, Princeton University Press, 1983, p.  150 (n. 316) et 231 (n. 200).

11 Voir Guy Romestan, « Les relations commerciales entre Perpignan et la Ligurie aux xive et xve siècles », Atti del I Congresso Liguria-Catalonia (Ventimiglia, Bordighera, Albenga, Finale, Genova, 14-19 ottobre 1969), Bordighera, 1974, p.  369.

12 Cet homme d’affaires occupe une large place du mémoire d’habilitation à diriger des recherches que j’ai soutenu à l’Université de Paris I en novembre 2011, sous le titre Grand commerce, groupes urbains et individu dans un centre de Méditerranée occidentale : Perpignan à la fin du Moyen Âge (voir en particulier toute la troisième partie).

13 Sur tous ces aspects, voir Pierre Bonneaud, Le prieuré de Catalogne, le couvent de Rhodes et la couronne d’Aragon, 1415-1447, Millau, Conservatoire Larzac templier et hospitalier, 2004, en particulier p.  117-154 ; et id., « Un débouché fréquent pour les cadets des différentes aristocraties catalanes : étude sur 283 chevaliers catalans de l’ordre de l’Hôpital au xve siècle (1396-1472) », Société de l’Histoire et du Patrimoine de l’Ordre de Malte, n° 22, 2009, p.  4-35.

14 Plusieurs auteurs ont déjà consacré quelques travaux aux relations commerciales des Catalans avec Chypre, mais sans approfondir cette question des marchands installés sur place ; voir Catherine Otten-Froux, « Chypre, un des centres du commerce catalan en Orient », dans Maria Teresa Ferrer i Mallol (dir.), Els catalans a la Mediterrània occidental, Barcelone, Institut d'Estudis Catalans, 2003, p.  129-153 ; Laura Balletto, « Presenze catalane nell’isola di Cipro al tempo di Giacomo II d’Aragona », dans Maria Eugenia Cadeddu (dir.), Corona d’Aragona e Mediterraneo, strategie d’espansione, migrazioni e commercio nell’età di Giacomo II (Medioevo. Saggi e Rassegne, 20, 1995), p.  39-59 et Nicholas Coureas, « Profits and Piracy : Commerce between Cyprus and Catalonia from 1291 to 1420 », Epétèris tou Kentrou Epistèmonikôn Ereunôn, 23, 1997, p.  27-55.

15 Maria Teresa Ferrer i Mallol, « La reina Leonor de Chipre y los catalanes de su entorno », dans Damien Coulon, Catherine Otten, Paule Pagès et Dominique Valérian (dir.), Chemins d’outre-mer. Études sur la Méditerranée médiévale offertes à Michel Balard, Paris, 2004, t. 1, p.  311-332.

16 Cf. Antonio de Capmany i de Montpalau, Memorias Históricas sobre la marina, comercio y artes de la antigua ciudad de Barcelona, éd. de Carmen Batlle y Gallart et Emilio Giralt y raventos (2 vol. en 3 t.), Barcelone, Camara Oficial de Comercio y Navegacion, 1961-1963, vol. 2, t. 1, doc. 233, p.  340-341 ; le nom de Dominicus de la Fos est donné sans précision de son origine.

17 Salvatore Carbone (éd.), Pietro Pizolo notaio in Candia, t. 1, Venise, Fonti per la storia di Venezia, 1978, doc. 25, p.  18-19.

18 Cornelio Desimoni (éd.), « Actes passés à Famagouste de 1299 à 1301 par devant le notaire génois Lamberto di Sambuceto », Archives de l’Orient Latin, t. 2, 1884, doc. 166, p.  89-90 (6 juillet 1300). Les témoins de ce contrat sont aussi des Barcelonais, mais comme pour le bailleur rien n’indique qu’ils résidaient à Chypre, à la différence du débiteur.

19 Josep  Plana i Borràs, « The Accounts of Joan Benet's Trading Venture from Barcelona to Famagusta: 1343 », Epétèris tou Kentrou Epistèmonikôn Ereunôn, 19, 1992, p.  105-168, spécialement p.  144-157. Parmi les Vénitiens, on relève les noms de Francesqui de Vanasia, Rigo Barbaril, Drago Gii et Falipo Contari ; pour les autres Italiens, voir misser Pol de Bando, Pero Ricardello, ser Bartolo et Jacomi Vasia ; pour les Chypriotes, voir Jordi Temem, bourgeois de Famagouste ; parmi les Arabes, voir : Sayt Sansar, Salayman Amamet, Sacra Amamet, Sala Amamet et Issa Axems. L’origine de certains patronymes parmi les acheteurs et les vendeurs à Famagouste reste cependant difficile à identifier (par exemple, Jordi Darqués, Jordi Blay, Francesch Cabes, Manuel Manselny, Foneto Sançar, etc.).

20 AHPB, 19/5 (Jaume Ferrer), f° 83v et 19/6, f° 35r (cette seconde commande a été publiée par José Maria Madurell i Marimon, et Arcadi Garcia i Sanz (éd.), Comandas comerciales barcelonesas de la baja Edad Media, Barcelone, 1973, doc. 104). La première commande est investie en étain et la seconde en 30 marcs d’argent. Aucune des deux n’indique l’origine précise de ces deux marchands italiens.

21 Les 200 actes du notaire vénitien Simeone signalent la présence ponctuelle de quatre Catalans à Famagouste, en 1362-1363, mais aucun d’entre eux n’est déclaré habitant de cette ville ou de Chypre, à la différence de nombreux Vénitiens ; cf. Catherine Otten-Froux (éd.), « Un notaire vénitien à Famagouste au xive siècle. Les actes de Simeone prêtre de San Giacomo dell’Orio (1362-1371) », Thesaurismata, 33, 2003, p.  15-159.

22 Cf. AHPB, 79/36 (Tomàs de Bellmunt), f° 21v4 (Chypre), 39v2 (Chypre) et 40v2 (Alexandrie). Le second contrat atteint la somme respectable de 490 livres investies en draps catalans et en corail. À la date du 19 mai 1403, Guillem de Casasaja apparaît pourtant comme preneur de fonds d’une autre commande à Barcelone, mais il est en fait représenté par son frère Bernat, sans doute parce qu’il se trouvait à Chypre au même moment ; voir Ibid., folio non relié et non numéroté, inséré en fin de minutier ; voir en outre Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient à la fin du Moyen Âge. Un siècle de relations avec l’Égypte et la Syrie-Palestine (1330-1430 environ), Madrid-Barcelone, Casa de Velazquez-Institut Europeu de la Mediterrània, 2004, p.  520-521. Le règlement des affaires commerciales du marchand de Perpignan Pere Ferrer, mort à Chypre sans doute au cours de l’année 1393, révèle que Guillem de Casasaja se livrait déjà à des opérations commerciales dans cette île à ce moment ; voir ADPO, Jaume Molines, 3E1/476, f° 21r-v. Il est toutefois certain qu’il ne résida pas de façon continue à Chypre entre 1393 et 1403, puisqu’il accepta deux commandes à Barcelone les 16 et 18 juin 1397 – en commun avec Berenguer Pomar ; voir AHPB, 58/169 (Bernat Nadal), 1393-1397, f° 179r-v.

23 Voir Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  516 et 698-718. Francesc de Casasaja était le cousin des trois frères Bernat, Guillem et Pericó, cf. Maria Teresa Ferrer i Mallol, « La cort de la reina Elionor de Xipre a Catalunya », Acta Historica et Archaeologica Mediaevalia, 25, 2003-2004, p.  361. Concernant Francesc de Casasaja, voir en outre id., « La reina Leonor de Chipre », op. cit., p.  330-332.

24 Bernat et Guillem s’étaient en fait déjà réparti ces fonctions dès le début de l’année 1400 ; cf. Maria Teresa Ferrer i Mallol, « La cort de la reina Elionor de Xipre a Catalunya », op. cit., p.  361 n. 67 (il faut sans doute lire janvier 1400 et non 1399, puisque le minutier cité couvre la période s’étendant de novembre 1399 à mai 1400 et que le navire utilisé – de Guillem Passadors – est bien parti en janvier 1400 et non l’année précédente ; cf. Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  732). On observe la même répartition et spécialisation des tâches entre les trois frères en 1403-1404, voir ibid., p.  520 (en particulier notes 59 et 61).

25 Maria Teresa Ferrer i Mallol, « La cort de la reina Elionor de Xipre a Catalunya », op. cit., p.  361-365.

26 Catherine Otten-Froux, « Chypre, un des centres du commerce catalan… », op. cit., p.  146. Plusieurs sources judiciaires et administratives génoises, présentant de très nombreux protagonistes des opérations commerciales dans le port de Famagouste, montrent bien qu’au milieu du xve siècle, les Catalans sans doute installés à demeure constituaient des cas tout à fait exceptionnels dans ce contexte de domination génoise établie de longue date ; voir J. Roth, Famagouste en 1440. Aspects d’une colonie génoise d’après un registre administratif et judiciaire de la curia du capitaine, mémoire de maîtrise inédit, réalisé sous la direction de C. Otten-Froux (Université de Strasbourg, 2002) : voir le cas de Joan Martí qui se porte garant d’une dette le 9 janvier 1440, puis est convoqué devant les autorités militaires du port le 9 novembre de la même année (cf. doc. 4 et 323, f° 2v et 70r) ; l’écart des dates plaide pour une installation durable, de même que les opérations dans lesquelles il est impliqué, qui tranchent singulièrement avec les sept sauf-conduits accordés aux marchands catalans de passage en 1440-1441 (voir A. Wiedenberg, La société à Famagouste au milieu du xve siècle. Multiculturalisme et métiers des Famagoustains, mémoire de master réalisé sous la direction de C. Otten-Froux (Université de Strasbourg, 2012), tableau H p.  172). Voir en outre Catherine Otten-Froux (éd.), Une enquête à Chypre au xve siècle. Le sindicamentum de Napoleone Lomellini, capitaine génois de Famagouste (1459), Nicosie, Centre de recherche Scientifique, 2000 ; tous les Catalans mentionnés sont des pirates qualifiés d’ennemis ou d’étrangers, à l’exception notable de Joan Pere Fabregues (appelé Fabriges), qui abandonne progressivement ses activités de pirate et de patron de navire, pour entrer au service du roi Jacques II de Lusignan, sans doute grâce à l’entremise de son frère Lluís Pere, archevêque de Nicosie ; cf. ibid., p.  235 ; on notera enfin que le consul des Catalans à Famagouste est lui-même un Génois en 1459 : Benedetto de Vernacia ; cf. ibid., p.  215.

27 Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  62-85 et 586-595 et id., « Los consulados catalanes en Siria (1187-1400) », dans Rafael Narbona Vizcaíno (dir.), xviii Congrés Internacional d’Història de la Corona d’Aragó, La Mediterrània de la Corona d’Aragó, (València, sept. de 2004), 2 vol., Valence, 2005, t. 1, p.  179-188.

28 ACA, CR, reg. 2387, f° 142v (31 juil. 1415). Certes, Alphonse n’était alors pas encore roi, mais il prépara lui-même cette expédition dont il devait recueillir les fruits peu de temps après son avènement en avril 1416.

29 ACA, CR, reg. 2740 f° 95v-96r (4 mai 1419). Guillem de Cabanyelles occupa le poste de consul d’Alexandrie entre 1405 (?) et 1408 ; il appartenait à une véritable lignée de marchands qui participèrent aux relations avec la Méditerranée orientale, au moins dès le milieu du xive siècle ; voir Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  61 et 82.

30 Sur le traité de 1430, signé à Rhodes, voir Maximiliano A. Alarcón y Santón et Ramon García de Linares (éd.), Los documentos árabes diplomáticos del Archivo de la Corona de Aragón, Madrid, Impr. E. Maestre 1940, doc. 153 ; Eliyahu Ashtor, Levant Trade in the Later Middle Ages, op. cit., p.  296 et Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  58-59.

31 Mercè Viladrich i Grau, « Jaque al Sultán en el "Damero maldito". Edición de un tratado diplomático entre los mercaderes catalanes y el sultano mameluco (1429) », dans Maria Teresa Ferrer i Mallol et Damien Coulon (dir.), L’expansió catalana a la Mediterrània a la baixa Edat Mitjana, Barcelone, CSIC, 1999, p.  161-205. En fait, comme l’indique bien le préambule du document recomposé et traduit par M. Viladrich, p.  173-174 ou 190-191, les ambassadeurs du roi étaient Rafael Ferrer et Lluís Sirvent, tandis que Pere de Casasaja, dont il n’est absolument plus question dans la version définitive du traité, agissait pour le grand maître, qui souhaitait jouer un rôle de médiateur dans ces négociations ; sur ces tractations diplomatiques voir en outre Damien Coulon, « Négocier avec les sultans de Méditerranée orientale à la fin du Moyen Âge. Un domaine privilégié pour les hommes d’affaires ? », dans Maria Teresa Ferrer i Mallol, Jean-Marie Moeglin, Stéphane Péquignot et Manuel Sánchez Martínez (dir.), Negociar en la Edad Media / Négocier au Moyen Âge, Barcelone-Madrid-Créteil, CSIC-Casa de Velazquez, Université de Paris XII, 2005, p.  521. Le lien familial entre Pere et les trois frères Bernat, Guillem et Pericó de Casasaja, précédemment cités, n’est malheureusement pas connu.

32 Voir le tableau généalogique de la famille Casasaja dans Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  518.

33 Ces négociations avaient duré près d’une année, puisque les ambassadeurs du roi s’étaient embarqués pour Rhodes le 20 juin 1429 à bord de la nef de Ramon Serra, (cf. Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  784-785), que la version préliminaire du traité avait semble-t-il déjà été rédigée le 4 août suivant (cf. Mercè Viladrich i Grau, « Jaque al Sultán en el "Damero maldito" », op. cit., p.  161), mais que le traité définitif ne fut signé que le 30 mai 1430, cf. Maximiliano A. Alarcón y Santón et Ramon García de Linares (éd.), Los documentos árabes, op. cit., p.  372.

34 Au cours du mois d’août 1428 et jusqu’au début du mois suivant, Pere de Casasaja était présent à Barcelone où il avait fait charger d’importantes quantités de marchandises sur la nef d’Antoni Marquès à destination de Rhodes ; cf. AHPB, 150/3 (Bartomeu Masons major), f° 15r-v, 18r, 22v, et 24v. Il accompagna vraisemblablement ces biens à bord du navire cité, au cours du mois de septembre 1428. Le même minutier notarial prouve en tout cas qu’il était bien à Rhodes au début du mois de juillet 1429, d’où il expédiait des marchandises orientales vers Barcelone, que d’autres correspondants se chargeaient d’assurer ; cf. ibid. f° 101 v2 (1er juillet 1429).

35 AHPB, 150/3 (Bartomeu Masons major), f° 13r2, 17v2, 18r2 (préparatifs du voyage de Barcelone à Rhodes en août 1428) ; f° 53r-v et 101v2-104r (opérations commerciales à Rhodes en décembre 1428, puis juillet 1429). Le départ de Tristany de Queralt à Rhodes en août 1428 est en outre confirmé par d’autres sources : cf. AHPB, 106/13 (Antoni Brocard), f° 8v-9r et ACA, RP MR, Reg. 2910, f° 17r3. Un troisième marchand catalan fait lui aussi assurer des biens à transporter de Rhodes à Barcelone en juin et juillet 1429 – aux côtés de Pere de Casasaja et de Tristany de Queralt : Joan Amat ; cf. AHPB, 150/3 (Bartomeu Masons major), f° 98v et 103v. Il est possible qu’il ait également séjourné de façon plus ou moins durable à Rhodes.

36 Anthony Luttrell, « Aragoneses y catalanes en Rodas : 1350-1430 », VII C.H.C.A., Barcelone, 1962, t. 2, p.  385, n. 10 (le marchand Arnau Serra entretenait à Rhodes un « factor et negotiorum gestor » en octobre 1351) et p.  386 (n. 22 : Joan Guilaniu de Barcelone, habitant de Rhodes vers 1389).

37 Le prieuré de Catalogne…, op. cit., p.  153 et note 227. Un document de la National Library of Malta aimablement communiqué par Pierre Bonneaud fait allusion aux frères Joan et Jaume Maçana, marchands catalans habitant Syracuse et souhaitant s’établir à Rhodes en 1446 ; cf. Codex 359, f° 216v-217r.

38 Claude Carrère, Barcelone, centre économique, op. cit.,t. 2, p.  641 n. 1. En fait, Constantin Marinescu avait déjà le premier souligné l’installation de marchands catalans à Rhodes, au cours de l’année 1451 : il évoque ainsi la participation financière de quatre d’entre eux aux efforts militaires et diplomatiques du roi Alphonse V, qui cherchait à protéger Rhodes face à la menace des Mamelouks et des Ottomans ; cf. Constantin Marinescu, La politique orientale d’Alfonse V d’Aragon, roi de Naples (1416-1458), Barcelone, Institut d'Estudis Catalans, 1994, p.  206, 214 et 216-217. Toutefois, plusieurs documents cités – ACA, CR, Reg. 2655, f° 176v-177v et f° 177v-178v, publiés par Daniel Duran Duelt, Kastellórizo, op. cit., doc. 10-11 – ne précisent pas que ces négociants (du moins Lluís de Sant Angel, Lluís Bertran et Macià Vinyes), étaient bien établis à Rhodes ; de surcroît, le dernier commandait un navire en 1452 – cf. Constantin Marinescu, La politique orientale d’Alfonse V, op. cit., p.  217 – ce qui ne lui laissait guère la possibilité d’y résider. Une fois de plus – cf. supra note 4 –, il faut donc faire preuve de prudence quant à l’installation de ces marchands en Méditerranée orientale.

39 Voir Arcadi Garcia i Sanz et Maria Teresa Ferrer i Mallol, Assegurances i canvis marítims medievals a Barcelona, Barcelone, Institut d'Estudis Catalans, 1983, t. 2, doc. 129, et commentaire t. 1, p.  113 (lettre de change de 1416) ; AHPB, 106/6 (Antoni Brocard), f° 28r3 (quittance pour une lettre de change rédigée à Rhodes) ; National Library of Malta, Codex 356, f° 231r, document aimablement communiqué par Pierre Bonneaud (lettre de change de 1800 livres de Barcelone rédigée à Rhodes en juin 1444 pour financer l’effort de guerre contre le sultan mamlûk Djaqmaq qui assiégeait l’île) ; Daniel Duran Duelt, Kastellórizo, op. cit., doc. 10-11 (nouvelles lettres de change d’un total de 8000 ducats expédiées par le roi Alphonse V en octobre 1451 pour participer aux efforts de défense face au même sultan ; documents déjà signalés par Constantin Marinescu, La politique orientale d’Alfonse V, op. cit., p.  216 n. 4).

40 Voir Damien Coulon, Barcelone et le grand commerce d’Orient, op. cit., p.  283-284.

41 Ibid., p.  209-210 et Pierre Bonneaud, Le prieuré de Catalogne, op. cit., p.  154-155.

42 ADPO, Jaume Molines, 3E1/476 f° 28r-29v.

43 AHCB, Arxiu Notarial III.1, 1405 (document aimablement communiqué par D. Duran) ; son patronyme paraît se lire « Beriguera » dans ce testament, mais la terminaison finale peu fréquente et commune à celle du nom du précédent notaire, ainsi que cette fonction rare exercée au même endroit et à quelques années d’intervalle invitent à considérer qu’il s’agit bien de la même personne.

44 Damien Coulon, « Un notaire catalan à Rhodes à la fin du xive siècle », dans Homenatge a Maria Teresa Ferrer i Mallol, sous presse.

45 Les documents publiés par Zacharias N. Tsipanlis ne fournissent quant à eux pas d’autres cas de marchands catalans installés à Rhodes ; cf. Zacharias N. Tsipanlis, Anekdota eggrapha gia te Rodo kai tis noties Sporades apo to archeio ton Ioanniton ippoton (1421-1453), Rhodes, 1995. Sans mentionner non plus explicitement de négociants catalans demeurant à Rhodes, Pierre Bonneaud insiste cependant sur leur nombre et leur rôle accru dans les activités économiques de l’île, au moment où les Hospitaliers subissaient une grave crise financière, principalement due à leurs gros efforts de défense face aux Mamelûks, puis aux Ottomans, à partir du milieu du xve siècle ; voir Pierre Bonneaud, « Le difficile exercice du pouvoir par le Maître Jean de Lastic 1437-1454 », Société de l’Histoire et du Patrimoine de l’Ordre de Malte, n° 26, 2012, p.  22-43.

46 Voir Anthony Luttrell, « Aragoneses y catalanes en Rodas », op. cit., p.  388 et Daniel Duran Duelt, « La red consular catalana : origen y desarrollo », dans Mediterraneum. L’esplendor de la Mediterrània medieval (s. xiii-xv), Barcelone, Museu maritim de Barcelona, 2004, p.  358-359.

Citer cet article

Référence papier

Damien Coulon, « Les migrations de marchands catalans en Méditerranée orientale aux xive et xve siècles », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 1 | 2012, 15-29.

Référence électronique

Damien Coulon, « Les migrations de marchands catalans en Méditerranée orientale aux xive et xve siècles », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 1 | 2012, mis en ligne le 22 septembre 2023, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=460

Auteur

Damien Coulon

Damien Coulon est maître de conférences HDR en histoire médiévale à l’université de Strasbourg.

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