Dix ans après…

p. 5-7

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Les anniversaires ne sont pas nécessairement notre fort, mais celui-là est tout de même un peu hors du commun. Le premier document édité à la fin de 2012, ce journal de bord d’une navigation de plus de quatre mois entre Rochefort et Nouméa datant de 1874-1875, arrivé entre nos mains d’une manière totalement imprévue, s’était présenté comme une extraordinaire opportunité. Mais l’intendance suivrait-elle ? D’autres inédits viendraient-ils spontanément à notre rencontre ? Le lancement de Source(s) constituait un pari difficile, dès lors qu’il était question de faire un peu plus qu’un simple bulletin de liaison, un peu mieux qu’un simple point d’information des activités d’un groupe de recherche. Combien de revues, d’ailleurs, n’ont vécu que quelques numéros et se sont essoufflées à mesure que les bonnes volontés et les enthousiasmes initiaux s’épuisaient ? Nous en avions un exemple sous les yeux, pour ainsi dire, avec Villes, histoire et culture lancée à la fin des années 1990 par le Laboratoire d’histoire urbaine qui avait brièvement rayonné sur le site de Strasbourg : la revue n’a eu que deux livraisons – elle a été relayée, mais de nombreuses années plus tard, par la Revue française d’histoire urbaine, qui s’est imposée et pérennisée. Pour la revue Source(s), nous étions aussi un petit groupe, encore jeunes quoique déjà anciens dans l’institution universitaire, et déterminés à relever ce défi – moi-même, Laurence Buchholzer, Anne Corneloup, Damien Coulon, Jean-Pascal Gay –, et cette première impulsion fut largement suffisante pour entraîner l’équipe Arts, civilisation et histoire de l’Europe d’une façon durable. Avec cette 21e livraison, annonciatrice de bien d’autres puisque la programmation actuellement prévue nous amène déjà à 2026, voire 2027, Source(s) a donc franchi le cap d’une première décennie.

C’est une grande fierté pour notre petit groupe de travail constitué en 2012 de voir cet enfant grandir et s’épanouir. D’abord dans la dimension liée à la question des sources de l’historien et de l’historienne, question toujours centrale, au cœur de notre métier, à laquelle sans cesse on revient. Le pari était le bon, puisqu’au fil de ces dix années, l’exhumation, la présentation / contextualisation et l’édition critique de sources originales n’ont plus cessé de s’affirmer comme l’un des axes directeurs de l’équipe Arts, civilisation et histoire de l’Europe. Avec l’expérience, s’est même affirmée la nécessité de bâtir le dossier d’articles autour de la source éditée, plutôt que l’inverse (partir à la découverte d’une source à éditer après avoir programmé un dossier autour d’un grand thème). Les nouvelles possibilités ouvertes par les humanités numériques, pour les volumes de sources traités et pour les méthodes de traitement de ces sources, ont déjà été et seront encore appelées à être évoquées. Et simultanément, la revue a su prendre de la hauteur et déborder de son foyer d’origine pour s’ouvrir plus largement, en termes de collaborations comme en termes d’audience, à la communauté savante française et étrangère. En effet, la formation d’un comité scientifique très international à la toute fin des années 2010, sous l’impulsion d’André Gounot, a coïncidé avec le recrutement de nouveaux auteurs et aussi de nouveaux directeurs de dossiers, qui ont partagé la responsabilité de conduire à bon port des numéros comme par exemple Nikol Dziub, de l’équipe ILLE, à Mulhouse, pour Voyages éducatifs.

C’est un bilan considérable qu’il m’est offert ici de tracer et que je trouve presque intimidant tant il me semble aller désormais loin au-delà de nos attentes initiales. Nombre de dossiers rassemblés par Source(s) sont d’ores et déjà des références reconnues, dans leur domaine, pour la communauté des chercheurs et des lecteurs : justice et société, sorcellerie, architecture et décor urbain, histoire des sciences et des savoirs, écritures de l’individualité, des émotions ou du voyage, histoire des circulations transfrontalières et des réseaux… Que de thèmes actuellement au cœur des débats les plus avancés de l’historiographie ont fait ici l’objet de bilans ou de premières synthèses ! C’est une histoire, une histoire de l’art et une histoire de l’architecture résolument accueillantes à la pluridisciplinarité et ouvertes aux concepts et questionnements issus des sciences humaines que nous avons défendues, n’oubliant ni les représentations ni les pratiques sociales. Depuis la trace et l’archive jusqu’à l’empreinte individuelle et à la mémoire collective, c’est l’amont et l’aval de la scène où évoluent les professionnels de l’écriture historienne que nous avons parcourus et interrogés. Et parmi les documents historiques édités dans ces colonnes, un grand nombre sont des raretés, qui ont fait l’objet d’un travail exigeant, exemplaire, d’édition critique, et qui méritent d’être très largement connus des spécialistes et des amateurs.

Autre sujet de satisfaction pour moi, enfin : celui d’inaugurer ici un numéro qui pour la première fois, peut-être, a été entièrement conçu par de jeunes chercheurs, affiliés pour certains mais non pour tous à l’équipe ARCHE, et encore doctorants. La revue Source(s) a très tôt mis à son agenda cette volonté de faire une place aux nouvelles générations de spécialistes d’histoire et d’histoire de l’art, en leur proposant de s’agréger aux sommaires des dossiers d’articles à côté des chercheurs plus confirmés, et en leur ouvrant une rubrique sur les ateliers et travaux en cours et sur les positions de thèses. Autour des nouvelles manières d’appréhender la montagne vosgienne que nous suggèrent les humanités environnementales, la revue renoue aussi avec l’une de ses préoccupations fondatrices : proposer, à intervalles réguliers, un éclairage à l’échelle locale ou régionale, portant donc sur l’Alsace et le monde rhénan en général ou sur leurs interfaces. Plusieurs numéros déjà l’avaient tenté, notamment ceux consacrés à l’architecture et à l’urbanisme à Strasbourg et dans l’espace germanique, et plusieurs sources publiées au cours de cette décennie d’activité ininterrompue y renvoient également. Ce numéro centré sur les Vosges renouvelle donc cette tradition. Tous les éléments paraissent réunis pour que cette production scientifique touche désormais un plus vaste public, à travers le portail de revues OpenEdition auquel nous serons officiellement candidats en 2024 et avec lequel nous espérons poursuivre cette belle aventure intellectuelle et humaine – sous la protection des dieux-fleuves qu’Anne Corneloup avait choisis autrefois pour notre couverture.

Citer cet article

Référence papier

Nicolas Bourguinat, « Dix ans après… », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe, 21 | 2023, 5-7.

Référence électronique

Nicolas Bourguinat, « Dix ans après… », Source(s) – Arts, Civilisation et Histoire de l’Europe [En ligne], 21 | 2023, mis en ligne le 15 février 2024, consulté le 28 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=848

Auteur

Nicolas Bourguinat

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