Introduction
Comme ses voisins immédiats, le Luxembourg et l’Alsace, le département de la Moselle est situé sur la « frontière » linguistique entre l’espace de langue romane et l’espace de langue germanique en Europe occidentale : en plus du français, qui est la langue nationale et officielle, une petite partie de la population de ce département parle encore des dialectes germaniques ou romans, ce qui en fait une zone d’observation privilégiée des phénomènes liés au contact des langues, mais aussi d’éventuels liens entre les langues et cultures locales et les territoires sur lesquels elles sont implantées. Langues et territoires peuvent en effet être envisagés comme des constructions sociales permettant l’appropriation de l’espace et le développement de sentiments d’appartenance à ce dernier, et il convient alors de s’interroger sur le rôle que jouent ces liens dans la préservation des langues et cultures locales.
En effet, la question des langues régionales et minoritaires ne se limite ni à des querelles de linguistes, ni au nombre des locuteurs, ni à la défense d’un patrimoine culturel, même si tous ces aspects ont leur importance, elle est aussi affaire de territoire : sur quel territoire sont-elles parlées, ou le plus souvent, quel est le territoire sur lequel certains partisans de leur renaissance souhaiteraient les remettre en usage et pourquoi ? (Giblin, 2002 : 3-4).
Cette contribution présente les questionnements et résultats d’une étude menée à la demande du Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) du Pays de Sarrebourg avec pour objectif de faire, d’une part, un état des lieux des dialectes encore parlés ou connus sur le territoire, et d’étudier, d’autre part, les pistes de valorisation et perspectives existantes pour sauvegarder ce qui est considéré comme un « patrimoine » au sein de la Réserve de biosphère de Moselle Sud (désormais RBMS). Il s’agit ici d’interroger le rôle des institutions et collectivités territoriales dans le développement des langues et leur promotion : pourquoi la RBMS s’intéresse-t-elle à ce qu’elle appelle son « patrimoine » linguistique ? Qu’est-ce qui en fait l’originalité ? Quels sont les leviers dont dispose cette structure pour le préserver d’une part, et le valoriser d’autre part ?
Nous présenterons dans une première partie le contexte dans lequel l’étude a été menée, en interrogeant la notion de « patrimoine culturel » et ses liens avec la situation sociolinguistique de la Moselle, ainsi que le rôle et les intérêts d’une réserve de biosphère dans la préservation de ce « patrimoine ». Nous synthétiserons les résultats de l’étude menée visant un état des lieux de la situation linguistique dans la deuxième partie, avant d’analyser les données et témoignages collectés dans le cadre de cette étude dans la troisième et dernière partie.
1. Contexte et objectifs de l’étude
1.1. Le Pays de Sarrebourg et la Réserve de biosphère de Moselle Sud
Au début des années 1990, l’association des maires de l’arrondissement de Sarrebourg a élaboré des projets de développement à l’échelle de son territoire, ce qui a conduit à l’organisation de celui-ci en « Pays » mise en place en 1998. Le PETR est ainsi à l’initiative de la construction du « Pays de Sarrebourg » pour élaborer, mettre en œuvre et suivre la cohérence territoriale1. Un « Pays », ce sont ainsi des acteurs qui travaillent ensemble sur un projet partagé autour de quatre grands thèmes : l’économie (emploi et formation), l’aménagement du territoire et de l’environnement, le cadre de vie et le service aux habitants, et le tourisme.
Le Pays de Sarrebourg est engagé depuis de nombreuses années dans un programme LEADER (Liaisons entre actions pour le développement de l’économie rurale) qui est un programme européen de développement rural consacré au financement, par le biais de subventions, de projets innovants dans les zones rurales. Parmi ces projets figure entre autres la Réserve de biosphère de Moselle Sud (RBMS), un projet de territoire qui s’inscrit dans le cadre du programme de recherche Man And Biosphere de l’UNESCO. « Les Réserves de biosphère sont les outils de ce programme pour encourager la protection de l’environnement tout en conciliant les pratiques de développement durable sur les territoires2. » Ce sont des
lieux désignés par l’UNESCO pour expérimenter et illustrer des pratiques de développement durable à l’échelle régionale, en conciliant le développement social et économique des populations avec la conservation de la diversité biologique et plus largement la protection de l’environnement, dans le respect des valeurs culturelles3.
Le territoire de la RBMS s’étend sur plus de 139 000 ha, bien au-delà du territoire couvert par le PETR du Pays de Sarrebourg (qui couvre 102 communes sur 976 km²) et compte 76 610 habitants répartis sur 138 communes (voir cartes 1, 2 et 3). Ce territoire est constitué d’une mosaïque de paysages, d’écosystèmes et d’un ensemble de sites remarquables considérés comme faisant partie de son patrimoine. Situé sur le Plateau lorrain, entre les rivières de la Moselle et de la Sarre, et se prolongeant vers le sud de la Lorraine, il s’étend depuis le Pays du Saulnois, autour de Château-Salins, jusqu’au Pays de Sarrebourg. Sur une partie de ce territoire se trouvent de nombreux étangs, tels que l’étang de Lindre (600 ha) et l’étang du Stock (360 ha), qui sont les plus importants, ou encore ceux de Gondrexange, Mittersheim et Réchicourt-Le-Château, qui font de cette zone du département une terre de culture et d’élevage, dont les paysages sont très éloignés des représentations héritées du passé industriel de la Moselle.
Carte 1 – Localisation de la Réserve de biosphère de Moselle Sud en France
Source : Carte reproduite avec l’aimable autorisation de la Réserve de biosphère de Moselle Sud, [https://biosphere-moselle-sud.fr/], consulté le 30 octobre 2024.
Carte 2 – Localisation de la Réserve de Biosphère de Moselle Sud dans le Grand Est
Source : Carte reproduite avec l’aimable autorisation de la Réserve de biosphère de Moselle Sud, [https://biosphere-moselle-sud.fr/], consulté le 30 octobre 2024.
Carte 3 – Localisation de la Réserve de Biosphère de Moselle Sud en Moselle
Source : Carte reproduite avec l’aimable autorisation de la Réserve de biosphère de Moselle Sud, [https://biosphere-moselle-sud.fr/], consulté le 30 octobre 2024.
1.2. Les langues comme « patrimoine culturel » ?
Depuis l’aboutissement du projet de Réserve de biosphère porté par le PETR du Pays de Sarrebourg, en partenariat avec le Parc naturel régional de Lorraine, les communautés de communes de Sarrebourg, du Saulnois et de Phalsbourg, et reconnu par l’UNESCO le 15 septembre 2021, la France compte seize réserves de biosphère dont trois sites ultramarins (la Martinique, l’archipel de Guadeloupe et la commune de Fakarava en Polynésie française) ainsi que deux réserves de biosphère « transfrontières » (les Vosges du Nord-Pfälzerwald, avec l’Allemagne et le Mont Viso avec l’Italie)4.
Parmi les missions de ces réserves de biosphère, on peut interroger la première d’entre celles qui sont listées sur le site Internet de la RBMS5, à savoir « conserver le patrimoine naturel et culturel en impliquant la population ».
Dans chacune de ces réserves, le « patrimoine naturel et culturel » doit dès lors être recensé afin que puissent être élaborées des actions en vue de sa « conservation » et de son « développement », mais aucune indication n’est disponible concernant les critères définitoires de ce qui est compris comme « patrimoine », et chaque réserve semble dès lors libre d’établir ses propres critères. S’agissant d’un programme de l’UNESCO, « Man and Biosphere », on peut supposer que c’est sur la définition du patrimoine culturel immatériel retenue par l’UNESCO6 que s’appuient ces critères :
on entend par « patrimoine culturel immatériel » les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel.
Ce patrimoine culturel immatériel se manifeste notamment dans « les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel7 ».
Or il convient de s’interroger sur la place et le rôle des langues et dialectes locaux dans ce qui constitue le patrimoine culturel de ces « réserves de biosphère » (désormais RB). Le terme de « réserve » lui-même dénote une dimension conservatoire : dans le domaine de l’écologie, une réserve est en effet un « territoire où des mesures de protection spéciales sont appliquées en vue de la conservation d’espèces ou de milieux naturels présentant un intérêt exceptionnel sur le plan biologique ou esthétique »8. Dans notre cas, on pense inévitablement au sens donné à ce terme en ethnologie, à savoir un « territoire assigné aux indigènes dans certains pays et soumis à un régime particulier »9. En lien avec les questions de préservation et de protection du patrimoine, le sens que prend le terme de « réserve » dans le domaine militaire peut également être invoqué, puisqu’il peut s’agir aussi de l’« ensemble des forces qui ne sont pas engagées immédiatement et sont laissées disponibles en vue d’une intervention opportune et décisive »10. En l’occurrence, on peut s’interroger sur le rôle que jouent ces réserves et leur éventuel pouvoir d’intervention dans la préservation des langues et cultures locales.
Le terme de « biosphère » est quant à lui emprunté aux sciences dites naturelles, plus particulièrement à la biogéographie, discipline dans laquelle il désigne « l’une des couches géochimiques de la sphère terrestre, constituée par la masse organique des êtres vivants », et qui, par extension, prend le sens d’« enveloppe animée de la terre où se manifeste la vie organique »11. S’il est sans doute peu connu du grand public, ce terme comprend le préfixe bio- qui permet de le rapprocher facilement du terme de « biodiversité », dont les enjeux de la préservation font depuis quelques années l’objet de nombreux discours politiques et médiatiques (Altmanova et al., 2022).
Une consultation menée auprès des différentes réserves de biosphère françaises a permis de recenser des actions menées sur leur patrimoine culturel respectif12 : dans la plupart de ces réserves de biosphère, une ou plusieurs autres langues que le français sont historiquement implantées et considérées comme faisant partie du patrimoine culturel de la biosphère (par exemple le créole dans la RB de l’Archipel de la Guadeloupe ou le breton dans la RB des îles et de la mer d’Iroise), mais toutes les RB n’intègrent pas nécessairement la dimension linguistique dans leur plan de sauvegarde patrimonial. En effet, ce sont principalement des actions de préservation des espèces et milieux naturels qui font l’objet d’actions dans ces RB, les actions en faveur de la protection d’un patrimoine culturel étant beaucoup moins mises en avant. Le rapprochement entre protection de la biodiversité naturelle et ce que certains appellent aujourd’hui la préservation de « la diversité bioculturelle »13 ne va effectivement pas de soi. De plus, comme le constatent Alén Garabato et al. (2023 : § 22), « [s]i les langues dites régionales ne subissent plus véritablement le poids de la coercition, elles peuvent cependant être oubliées ou négligées par les pouvoirs publics français : l’emploi ou la valorisation d’une langue locale n’est pas partout un réflexe institutionnel ».
Dans le contexte français, ces actions de préservation semblent participer du processus de patrimonialisation dont font l’objet les langues et dialectes locaux aujourd’hui généralement appelés « langues régionales » ou « langues de France » : en 2008, les langues régionales ont été reconnues comme faisant partie du « patrimoine de la France »14, consacrant ainsi « une vision patrimoniale des langues régionales » (Alén Garabato et Boyer, 2022 : 11). Celles-ci sont listées dans le rapport Cerquiglini15, rendu dans le contexte de la signature par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l’Europe dans lequel sont recensées soixante-quinze langues
[…] distinctes de la langue officielle figurant à la rubrique « Le patrimoine linguistique de la France ». Le rapport associe régulièrement ces langues au « patrimoine » tantôt culturel, tantôt national, voire les deux, sans jamais proposer une définition du « patrimoine » associé aux « langues de la France ». (Colonna, 2022 : 27)
Si les critères qui sous-tendent l’association entre « langue régionale » et « patrimoine » (« culturel » ou « linguistique ») demeurent pour le moins implicites, cette association est régulièrement opérée dans les discours institutionnels (Colonna, 2022) et il n’est dès lors pas surprenant de la retrouver dans l’intitulé de la mission qui a été confiée à l’autrice de cette contribution par la RBMS, à savoir « une étude historique et géographique du patrimoine linguistique au sein de la biosphère de Moselle Sud » (Lacombe, 2024 : 8). Il s’agissait en effet de réaliser une étude bibliographique, des entretiens individuels, de dresser un état des lieux et de lister des préconisations de sauvegarde pour chaque dialecte en présence.
Pour la RBMS, « cette action s’inscrit dans un processus plus vaste d’appropriation du territoire de ce patrimoine afin d’imaginer des actions futures » (extrait des documents de communication diffusés au sujet de l’étude) : ce n’est évidemment pas « le territoire » lui-même qui s’approprie ce patrimoine, mais la structure collective du PETR et les femmes et les hommes qui travaillent pour cet opérateur et/ou vivent sur ce territoire, et il convient de se demander dans quelle mesure ce patrimoine linguistique sera potentiellement mobilisé en tant qu’atout pour le développement et la promotion du territoire et/ou, inversement, dans quelle mesure le territoire, compris ici comme structuration patrimoniale de l’espace par un opérateur public, peut se mettre au service des langues qui y sont implantées. Dans la RBMS, celles-ci sont au nombre de trois : l’une romane, « le lorrain », recensé parmi les langues d’oïl dans le rapport Cerquiglini, et deux autres germaniques, le francique rhénan et l’alémanique, rassemblés sous le syntagme « dialecte allemand d’Alsace et de Moselle » dans le même rapport (cf. supra).
2. La situation linguistique de la Moselle Sud : un état des lieux
La première étape de cette étude a consisté à faire un état des lieux des publications disponibles sur les langues et la situation linguistique de ce territoire. L’ouvrage de référence concernant l’histoire des langues en présence sur le territoire de la Moselle reste l’Histoire linguistique d’Alsace et de Lorraine de Lévy (1929), même si ce dernier a tendance à se focaliser sur les parlers germaniques. Force est de constater que les travaux plus récents ne traitent plus du territoire lorrain, ni même mosellan, dans sa globalité, mais se consacrent soit aux variétés romanes, soit aux variétés germaniques en présence.
La Moselle, département de l’actuelle région Grand Est, a une frontière au nord avec l’Allemagne (Saarland, région de la Sarre), à l’est avec le département du Bas-Rhin, au sud et sud-ouest avec le département de Meurthe-et-Moselle, et au sud avec le département des Vosges. Du fait de sa position centrale, il est un très bon exemple de territoire où les langues coexistent et entrent en contact. Cet aspect est particulièrement marqué au Pays de Sarrebourg, situé à l’est de la RBMS.
2.1. Une dualité linguistique caractéristique
Une « frontière » linguistique traverse le département de la Moselle sur plus de 100 km, de Thionville au nord-ouest à Sarrebourg au sud-est, et divise ce territoire en deux parties distinctes : une aire de langues germaniques et une aire de langues romanes (Philipp, 2003). Formée au Moyen Âge, elle s’est stabilisée à partir du xe siècle pour se maintenir remarquablement, à quelques exceptions près, jusqu’à nos jours (Beyer et Fehlen, 2019 : 111). Bien qu’invisible, elle se révèle notamment au travers de la toponymie avec une différence entre les localités germanophones et francophones (les suffixes de noms de villages en « ‑ange » et « ‑ing » sont ainsi des variantes du suffixe germanique « ingen », cf. Simmer, 2002).
Or, la Moselle Sud, et le Pays de Sarrebourg en particulier, est précisément située sur la zone de contact entre l’aire de langue romane et l’aire de langue germanique, d’une part, mais aussi sur la zone de transition entre les dialectes franciques et alémaniques au sein de l’aire germanique, d’autre part, comme l’illustre la carte 2 ci-dessous (sur laquelle on remarquera d’emblée que le « parler roman » est présenté comme « éteint », cf. infra).
Carte 4 – Dialectes présents dans le département de la Moselle (France)
Source : JuJu939, 2011, [https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Dialectes_de_Moselle.svg], CC-BY-SA 3.0, consulté le 30 octobre 2024.
C’est ainsi la dualité linguistique et culturelle du département de la Moselle qui lui donne sa principale originalité. C’est un pays de l’Entre-Deux, une terre de transition (Weyland, 2010) entre langues romanes et langues germaniques, mais aussi entre différents dialectes germaniques. Bien que l’on parle de « frontière » linguistique, les locuteurs de ces différents dialectes sont amenés à se côtoyer au sein de cet espace de transition. Colette Méchin (2001 : 221) indique ainsi que
depuis le xviiie siècle au moins, il est d’usage de considérer la limite linguistique entre les anciens parlers romans et german[iques] qui traverse l’actuel département de la Moselle comme une ligne de rupture entre deux « civilisations » profondément et très anciennement distinctes
mais son enquête montre que « plus on s’approche de cette fameuse limite linguistique, moins les différences sont perçues par ceux qui vivent là » (Méchin, 1999 : 95-96).
2.2. Le lorrain roman
Le lorrain roman (appelé également parfois « patois lorrain », cf. infra) fait partie des langues d’oïl et était pratiqué couramment jusqu’au début du xxe siècle (il était parlé à Nancy jusqu’en 1900). Après le rattachement de la Lorraine à la France en 1766, et à partir de la Révolution française, l’État va entreprendre « une politique de francisation basée sur l’argument de la langue nationale comme instrument de cohésion politique et sociale. Le patois n’est pas seulement perçu comme élément centrifuge, mais aussi comme frein au progrès et à la modernisation » (Fehlen, 2013 : 417). Avec la scolarisation obligatoire à partir de la fin du xixe siècle et la francisation qui en découle, le lorrain roman fut progressivement délaissé au profit du français, mais subsista plus longtemps en milieu rural. Il est en sérieux déclin depuis les années 1930 et en perdition depuis le milieu du xxe siècle.
Il a néanmoins fait l’objet de collectes linguistiques et de publications, comme le Dictionnaire des patois romans de la Moselle de Zéliqzon (1924), et, comme la plupart des dialectes parlés en France, il est décrit dans l’Atlas linguistique et ethnographique de la Lorraine romane (Lanher et al., 1979-1988) initié par le CNRS. L’espace francophone du département de la Moselle, où était parlé historiquement le lorrain roman, s’étend du Pays de Sarrebourg vers l’ouest jusqu’en Meurthe-et-Moselle. Il se compose de plusieurs zones dialectales, catégorisées comme des « patois » sur la carte 5 ci-dessous. Ceux qui sont présents dans la RBMS font partie des ensembles appelés « Saunois » et « Vosgien » par Zéliqzon (1924).
Carte 5 – « Carte des patois romans de la Moselle » (Zéliqzon, 1924 : XX)
Source : Gallica/BnF, consulté le 30 octobre 2024 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30761726].
Aujourd’hui, c’est une population plutôt âgée et rurale qui le pratique encore, mais aucune donnée chiffrée récente n’est disponible à ce sujet. Simoni-Aurembou (2003 : 155) souligne que « la Lorraine romane est certainement l’une des régions de France où il est le plus difficile de mener des enquêtes dialectales sur le terrain en raison de la disparition des locuteurs » et qu’une estimation « d’un ou deux milliers serait très optimiste ». Les descriptions récentes de ce dialecte font en effet cruellement défaut16, et il ne suscite plus guère que l’intérêt de quelques passionnés qui tentent de faire perdurer cette langue au travers d’activités culturelles pour entretenir la « mémoire vive ».
On peut revenir ici sur les différentes dénominations dont ces dialectes font l’objet : Boyer (2013 : 172) rappelle que « patois » est « la désignation largement reprise, par opposition à « (idiome) français », « langue française » ou encore « idiome national ». Comme dans la plupart des régions de France, ce désignant est ainsi devenu « un instrument particulièrement efficace » (Boyer, 2013 : 173) du processus de substitution sociolinguistique des dialectes locaux par le français, langue nationale et officielle. Vers l’Est vosgien, dans les parlers dialectaux germaniques, le dialecte lorrain roman est aussi désigné par le terme « welche », qui désigne tout ce qui n’est pas germanique. Les « Welches » sont donc les locuteurs de parlers romans qui vivent au contact des locuteurs des parlers germaniques. C’est ainsi que sont désignés également les habitants de certaines vallées de la Haute-Alsace, locuteurs de parlers dialectaux romans et non germaniques (Michel, 2015). À force d’être désignée comme « welche » par les Alsaciens des environs, la population semble avoir intériorisé cette altérité.
2.3. Les variétés germaniques, francique et alémanique
Les dialectes germaniques qui coexistent avec le lorrain roman sont d’une part les dialectes franciques rhénans, issus du moyen-allemand et généralement appelés platt ou Lothringer platt, parfois encore Ditsch (« allemand »), et d’autre part l’alémanique, relevant de l’allemand supérieur, communément appelé « alsacien » par référence géographique à l’Alsace toute proche. L’alémanique est en effet pratiqué à l’est de Sarrebourg ainsi que dans le Pays de Phalsbourg et à Dabo, communes limitrophes au département du Bas-Rhin. Le francique est quant à lui parlé principalement dans le nord du département, « dans un territoire resté longtemps rural, sans grandes villes » (Fehlen, 2013 : 411). À l’est de la Moselle, autour de Saint-Avold, Forbach, Sarreguemines et Sarrebourg, c’est le francique rhénan qui est parlé. Les parlers de plusieurs localités situées dans la RBMS, notamment Vibersviller, sont décrits finement dans l’Atlas linguistique et ethnographique de la Lorraine germanophone (Bothorel et al., 1979). Contrairement à la dénomination « patois » dans la zone romanophone, « le terme platt est revendiqué avec une certaine fierté » (Fehlen, 2013 : 413) pour désigner ces parlers dialectaux germaniques.
On relève également une meilleure connaissance du nombre de locuteurs de ces parlers par rapport au lorrain roman : si les auteurs de l’Atlas linguistique et ethnographique de la Lorraine germanophone admettent qu’ils ne connaissent « malheureusement pas le nombre exact de dialectophones de [leur] domaine » (Bothorel et al., 1979), les données relevées par l’INSEE lors de différents comptages permettent au moins de se faire une idée de la part de la population mosellane qu’ils représentent : en 1962, celle-ci était encore très importante, les valeurs atteignant jusqu’à 90 % de locuteurs dans la région de Sarreguemines et Sarrebourg (résultats du recensement de 1962 dans Beyer et Fehlen, 2019 : 108). S’il n’y a plus eu de comptage depuis cette date, le volet linguistique de l’enquête Famille réalisée conjointement par l’INSEE et l’INED en parallèle du recensement de 1999 permet de constater un déclin très fort, le nombre de locuteurs du platt y étant estimé à 78 000 (Héran et al., 2002, repris dans Beyer et Fehlen, 2019 : 109), ce qui représente environ 7 % de la population à cette date.
En Moselle germanophone, plusieurs associations mènent des actions pour assurer la pérennité des dialectes germaniques. Parmi elles figurent l’association Schick’Lothringen, l’association Culture et bilinguisme de Lorraine (CBL) ou encore la Société d’histoire et archéologie (SHAL) – section de Sarrebourg qui anime des conférences sur des thèmes historiques variés et qui pourrait développer une section spécifique « Langues régionales » dans la Moselle Sud. À cela s’ajoute l’activité de sept troupes de théâtre dialectal sur le territoire qui contribue à maintenir la vitalité de la langue, ou au moins à sa visibilité. La médiathèque communautaire de Sarreguemines dispose quant à elle d’un fonds documentaire de plus de 6 000 ouvrages et organise de nombreux ateliers qu’ils soient d’ordre culturel ou de mémoire écrite. C’est aussi elle qui est à l’initiative du festival « de langue francique et de langues de France » Mr redde plàtt17. Enfin, la médiathèque intercommunale de Phalsbourg dispose d’un catalogue en ligne permettant un accès privilégié à de nombreux ouvrages portant sur les langues de la région.
Il est enfin remarquable que les travaux consacrés au francique, s’ils sont plus fréquents et nombreux que les travaux consacrés aux dialectes romans (on pense ici notamment aux travaux de Laumesfeld, 1996), ont tendance à se concentrer sur les zones frontalières de la Moselle, notamment sur le francique mosellan parlé dans la région de Thionville et sur le francique rhénan dans le bassin houiller (Dorner, 2011 s’intéresse par exemple à la vitalité du francique à Freyming-Merlebach) mais aucune étude récente ne porte sur les parlers de Sarrebourg ou Phalsbourg situés dans la zone de la RBMS qui nous intéressent ici. Ils ne sont pas évoqués non plus dans la synthèse de Philipp (2003 : 51) qui n’évoque que le Pays de Bitche à l’extrême sud de cette aire. Il paraît dès lors urgent de consacrer une étude sociolinguistique plus approfondie à ces parlers pour avoir une meilleure idée de leur situation actuelle.
3. Les pistes de valorisation : collecte de témoignages
Dans le but de recueillir les témoignages des habitants du territoire recouvert par la RBMS, un questionnaire composé de quinze questions permettant d’établir le profil socio-biographique des informateurs et de recueillir leurs avis et préconisations sur la situation linguistique du territoire de la RBMS a été établi (Lacombe, 2024). L’objectif de ce questionnaire était de constituer une base de discussion avec les informateurs concernant d’éventuelles pistes de valorisation du patrimoine linguistique régional. Cette enquête ne peut dès lors être considérée que comme une étude exploratoire préalable à l’enquête approfondie que nous appelons de nos vœux (cf. supra).
3.1. Préparation et réalisation de la collecte de témoignages
Afin de sélectionner ces potentiels informateurs, une liste de contacts a été établie dans un premier temps grâce aux interlocuteurs du PETR du Pays de Sarrebourg et de la Société d’histoire et archéologie de Lorraine (SHAL), section de Sarrebourg, dont chaque membre connaît des historiens, écrivains ou encore des familles historiquement implantées dans la région. Souvent, ces personnes font partie de l’une des associations évoquées dans les paragraphes précédents. C’est ainsi qu’un réseau d’interlocuteurs a pu être constitué et contacté ensuite par téléphone ou par courriel pour convenir d’un rendez-vous pour un entretien en face à face.
Les entretiens ont été menés de fin mars à début juillet 2024 auprès d’une vingtaine de témoins (4 femmes et 16 hommes) à Vibersviller, Tarquimpol, Château-Salins, Phalsbourg, Dabo, dans la zone de biosphère Moselle Sud, et au-delà, quand ces informateurs étaient originaires de la région mais installés ailleurs (en Moselle ou en Alsace). Des entretiens téléphoniques ont été menés avec les informateurs trop éloignés de Sarrebourg. Les entretiens n’ont pas été enregistrés : les réponses données par les informateurs ont été notées par l’enquêtrice en vue de leur exploitation ultérieure.
Il est à noter que l’échantillon d’informateurs ainsi constitué n’avait pas vocation à être représentatif de la population habitant sur le territoire de la RBMS, puisqu’il s’agissait avant tout de recueillir des témoignages auprès de personnes locutrices des langues locales, d’une part, et impliquées d’une manière ou d’une autre dans leur préservation, d’autre part, afin de compléter l’état des lieux demandé par le PETR. Ainsi, 100 % des personnes rencontrées disent parler un dialecte ou connaître des expressions d’un dialecte local, pour 70 % d’entre elles des dialectes germaniques, l’alsacien (35 %) ou le platt (35 %), et pour 17,4 % d’entre elles, un dialecte roman. Une minorité déclare uniquement la connaissance d’expressions en lorrain roman (4,3 %), en platt (4,3 %), voire en lorrain et en platt (4 %). Le déclin de la pratique des parlers dialectaux en Moselle étant avéré (cf. supra), on ne sera pas surpris de la répartition des informateurs par tranches d’âge : 75 % des informateurs ont plus de 60 ans, 16,4 % entre 45-55 ans et 8,6 % ont entre 35-45 ans.
Interrogés sur leurs pratiques, 28,6 % des informateurs déclarent parler leur dialecte dans la vie courante tandis que 23,8 % d’entre eux disent ne parler que rarement leur dialecte. 47,6 % parlent leur dialecte dans la sphère privée, en famille ou lors de rencontres entre amis à un taux respectif et équivalent de 23,8 %. Concernant la transmission, 90,5 % des informateurs indiquent que le dialecte leur a été transmis par transmission intergénérationnelle (grands-parents, parents, oncles ou tantes), les 9,5 % restants se déclarant autodidactes. 52,2 % des informateurs affirment avoir transmis le dialecte à leur tour.
3.2. Analyse des discours recueillis
Dans la suite du propos, nous chercherons à dégager les éléments saillants ressortant des réponses des informateurs aux questions suivantes qui leur ont été posées au cours de l’entretien :
- Quelle est votre vision par rapport au développement de votre dialecte à long terme ?
- Quels seraient les moyens à mettre en œuvre pour y contribuer ?
- Constatez-vous un regain d’intérêt de la part de la jeune génération ? Si oui, quels seraient les moyens à mettre en œuvre pour soutenir et développer l’image des langues régionales ?
À propos de l’avenir des dialectes, germaniques ou romans, leur déclin, voire leur disparition apparaît comme inéluctable à la plupart des informateurs, comme le montrent les extraits suivants :
(1) « Je pense que cette langue va se perdre » (F, 40-49 ans, Insviller)
(2) « Malheureusement, elle est en train de disparaître alors qu’elle est tellement “fleurie” » (H, 60 ans +, Dabo)
Tous y semblent résignés, mais à des degrés divers : si certains nuancent leur pessimisme en introduisant l’éventualité d’une intervention qui pourrait changer la situation (politique pour un informateur qui affirme qu’« il faudrait une révolution », ou divine pour un autre selon qui « il faudrait un miracle »), d’autres semblent vraiment résolus à voir les dialectes disparaître :
(3) « Au rythme actuel, la mort de cette langue est proche (20 à 30 ans). Il faudrait un miracle pour qu’elle survive au siècle présent » (H, 60 ans +, Saverne)
(4) « On ne peut pas parler de développement, mais de déclin et sa disparition à long terme, si rien n’est entrepris en Moselle » (H, 60 ans +, Longeville-lès-St Avold)
On remarquera l’emploi du terme de « réserve », emploi par l’informateur le plus résigné dans la comparaison qu’il effectue :
(5) « Les associations qui s’intéressent exclusivement à la dimension dialectes apparaissent comme de petites tribus d’Indiens dans leur réserve, qui essaient de donner de la voix et crient dans le désert. En conclusion, ces langues sont destinées à disparaître. C’est le lot de toute chose. » (H, 60 ans +, Porcelette)
Si l’école apparaît comme un relai potentiel de la transmission pour plusieurs informateurs, ils ne partagent néanmoins pas tous le même optimisme :
(6) « Majoritairement via l’Éducation nationale avec des écoles immersives français/langue régionale, mais il manque malheureusement une vraie politique linguistique. » (H, 60 ans +, Rémering-lès-Puttelange)
(7) « L’Éducation nationale n’est pas “armée” pour envisager ce développement » (H, 40-59 ans, Mittelbronn)
(8) « La voie naturelle de transmission de ces langues vernaculaires est la famille, le contexte social de proximité. Or ces différents vecteurs ne portent plus ni la langue, ni la culture régionale. Je pense que ce serait peine perdue de vouloir exiger de l’école de faire ce travail : ce serait immanquablement un coup d’épée dans l’eau et ce n’est pas sa mission. » (H, 60 ans +, Porcelette)
Par ailleurs, ce relai par l’école n’est guère envisagé sous une autre forme que la valorisation d’un « patrimoine » (H, 60 ans +, Niederhof) auquel les élèves seraient exposés de temps en temps, sous la forme de comptines ou de chansons (deux informateurs insistent sur cet aspect). En aucun cas, les dialectes ne sont envisagés comme langue d’enseignement à part entière. C’est ainsi bien timidement qu’une informatrice (F, 40-49 ans, Insviller) suggère de « peut-être faire une initiation à l’école » tandis qu’un autre envisage des activités relevant plutôt du périscolaire :
(9) « Éveil culturel en classe, présentation langue, histoire régionale et la traditionnelle excursion de fin d’année en Alsace (nostalgie quand tu nous tiens). Je pense que des cours de cuisine en alsacien avec des recettes traditionnelles seraient un levier intéressant. » (H, 60 ans +, Dabo)
Dans l’extrait 9, on relève une mention de l’Alsace voisine, qui est fréquente dans les commentaires, souvent envieux du sort des parlers dialectaux alsaciens qui apparaissent comme mieux lotis qu’en Moselle. En effet, l’alsacien semble mieux se maintenir que le platt en Moselle, une enquête menée en 2022 estimant la part des locuteurs sachant parler assez bien ou très bien l’alsacien à 46 %. Un informateur (H, 60 ans +, Longeville-lès-Saint-Avold) fait ainsi l’hypothèse qu’il existe « une stratégie » en Alsace dont devraient selon lui s’inspirer les pouvoirs publics mosellans. Seul un informateur (H, 60 ans +, Sarrebourg) invoque l’idée de « dynamiser la langue en insistant sur la proximité de la frontière allemande ».
Le constat de l’absence de volonté politique à l’égard de la promotion/préservation des dialectes est globalement partagé et revient également régulièrement dans les échanges, comme dans l’extrait suivant :
(10) « Il faudrait que les élus régionaux lancent une grande campagne de sensibilisation au fait linguistique et au risque de perte de diversité culturelle. À cela, deux conditions : 1o que ces élus aient eux-mêmes des connaissances de linguistique, 2o qu’ils arrivent à convaincre que cela fait du sens de consacrer de l’argent à ce sujet “alors qu’il y a tant d’autres besoins” (argument souvent cité pour ne rien faire dans le domaine linguistique). » (H, 60 ans +, Saverne)
Le pessimisme des informateurs est encore plus marqué concernant le dialecte lorrain roman, dont un informateur (H, 45-59 ans, Tarquimpol) n’hésite pas à affirmer qu’il va « devenir une langue morte (à l’exemple du latin) ». C’est pour cette variété que le rôle des « anciens » (la catégorisation « les anciens » revient fréquemment dans les réponses de plusieurs informateurs) est le plus souvent invoqué comme facteur de conservation et, pour les moins pessimistes, de maintien des pratiques. Ainsi, selon une informatrice (F, 40-59 ans, Gondrexange), il faudrait « garder un contact avec les anciens. Rassembler les anciens et les jeunes pour favoriser la transmission ». Les deux tiers des informateurs sont cependant d’avis qu’il y a peu d’intérêt de la part de la jeune génération, et que c’est dès lors sur « les anciens » que reposent les derniers espoirs de conservation des dialectes avant leur disparition des usages.
Tous les informateurs rencontrés semblent s’accorder sur le besoin de communication au sujet des dialectes présents en Moselle, de les rendre « visibles » et « audibles », avec également des degrés très variables d’optimisme ou de résignation, comme le montrent les extraits suivants :
(11) « Peut-on encore faire autre chose que d’en transmettre la mémoire ? En la rendant visible et audible. » (H, 60 ans +, Lixing-lès-Rouhling)
(12) « Elle doit être parlée et affichée et ne pas seulement survivre dans le théâtre alsacien et les Witzowe [soirées lors desquelles sont racontées des histoires drôles]. C’est une langue aussi sérieuse et digne que toutes les autres, on peut tout exprimer dans cette langue. Mais pour cela, il faut recréer des liens et réapprendre à l’utiliser dans toutes les situations. » (H, 40-59 ans, Weinbourg)
On relèvera encore la proposition d’un informateur (H, 60 ans+, Sarrebourg) d’« insister sur la patrimonialisation » qu’il définit comme le fait d’ « être fier de ses racines » et d’avoir un « sentiment de responsabilité ».
Si la plupart des informateurs formulent des pistes assez vagues pour cette visibilisation souhaitée (la proposition d’« organiser des manifestations culturelles et linguistiques » est formulée par plusieurs informateurs), certains suggèrent des pistes plus concrètes : un informateur (H, 60 ans+, Château-Salins) mentionne ainsi l’existence d’enregistrements de la langue orale diffusés à la Maison des Étangs de Tarquimpol, tandis qu’un autre (H, 60 ans +, Vibersviller) indique qu’il faudrait que de tels enregistrements puissent être diffusés dans les écoles. Le même informateur signale l’existence de nombreux chansonniers en Alsace et le fait que les chansons pour enfants pourraient constituer un vecteur, sinon de transmission, au moins de familiarisation avec les parlers dialectaux.
Conclusion
L’état des lieux présenté dans cette contribution confirme la grande précarité dans laquelle se trouvent les dialectes romans et germaniques historiquement implantés sur le territoire de la Réserve de biosphère de Moselle Sud (RBMS). Les témoins rencontrés semblent résignés à les voir disparaître et chercher des pistes non pas pour les « sauver », ni même relancer leur pratique, mais plutôt pour en conserver des traces afin d’éviter qu’ils tombent dans l’oubli une fois leurs derniers locuteurs disparus.
Toutefois, bien que la tendance soit à peu près la même au sein des autres biosphères françaises, il faut noter un certain regain d’intérêt pour la préservation des langues régionales. En effet, tout ne semble pas perdu car les recherches de cette étude ont permis de rencontrer de nombreux passionnés d’histoire et de culture locales. Ces personnes sont convaincues que le patrimoine linguistique et culturel est riche. De plus, il faut noter la multitude d’actions entreprises dans ce « Pays de l’Entre-Deux » par des personnes, jeunes et moins jeunes, qui s’intéressent à la culture, la langue, au théâtre et au folklore de la région mosellane. Un regain d’intérêt pour la culture locale est à relever également, notamment après la période de crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19, lors de laquelle la population était davantage centrée sur elle-même. La notion de territoire, en lien avec celle de terroir, avait repris du sens avec, entre autres, la réduction, voire l’absence de déplacements, la valorisation des produits régionaux, le redéploiement des marchés de producteurs locaux ou encore la (re)découverte de l’environnement naturel. Il est entendu que l’état de lieux présenté ici ne cherche en aucun cas à se substituer aux travaux d’historiens, de chercheurs ou encore d’écrivains spécialistes de l’espace mosellan, et n’a d’autre but que de fournir des pistes de réflexion aux acteurs du PETR au sein de la RBMS.
Sur la base de cette étude, les acteurs du PETR envisagent ainsi des projets permettant de rendre visibles et audibles les dialectes locaux, tels que l’installation des panneaux de rue bilingues qui afficheront, selon les zones dialectales du département de la Moselle, la traduction dans le dialecte correspondant : dialectes germaniques à Sarrebourg et Phalsbourg et lorrain roman à Dieuze. D’autre part, un projet de stèle ou de type « pierre de Rosette » est à l’étude pour l’inscription et la mise en valeur des trois dialectes du département de la Moselle dans une zone centrale de la biosphère telle que l’étang de Gondrexange. Enfin, une mise à jour du site internet de la Réserve de biosphère de Moselle Sud avec l’intégration d’une partie de cette étude permettrait une valorisation certaine du patrimoine linguistique de la région sud-mosellane. L’étude présentée ici a de plus fait l’objet d’une présentation publique, dont a rendu compte un article dans la presse quotidienne régionale18, contribuant également à la visibilisation de la réflexion en cours au sein de la RBMS.