Espaces scolaires et plurilinguismes

DOI : 10.57086/cpe.513

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De plus en plus fréquemment, les questions de langues dans le champ éducatif sont au cœur de questionnements sociétaux, que le contexte global des États concernés soit réputé « monolingue » ou « plurilingue », notamment lorsqu’il s’agit d’États industrialisés de la « vieille » Europe. Le titre générique « Espaces éducatifs et plurilinguismes » retenu pour ce numéro des Cahiers du GEPE laisse entendre que « plurilinguisme » est compris comme polysémique ou, du moins, que « plurilinguisme » renvoie à des référents différents et, partant, à des contextes différents.

Les travaux d’Yves Bleichner, de Rita Carol et de Gérald Schlemminger s’inscrivent, peu ou prou, dans l’espace scolaire du Rhin supérieur. En effet, du côté français, depuis 1991, ont été mis en place des « sites » bilingues (français / allemand) à parité horaire, dont l’une des caractéristiques réside dans le fait qu’un certain nombre de disciplines sont enseignées en langue allemande. Ce choix politique sollicite la réflexion des chercheurs pour qu’ils fournissent des indicateurs sur la pertinence de ce choix, à la fois d’un point de vue de l’apprentissage linguistique et de l’apprentissage disciplinaire. Cette demande s’est également exprimée du côté allemand lorsque ce fonctionnement « bilingue » a commencé à être expérimenté dans certaines écoles du Bade-Wurtemberg. Si G. Schlemminger montre, en 2007, au moment où il rend compte de ses observations, qu’il y a une vraie nécessité d’une étude longitudinale pour tenter d’évaluer les apports de ce type d’enseignement du côté allemand de la « Rheinschiene », le travail de Rita Carol interroge le lecteur sur l’acquisition linguistique que fait l’apprenant durant des séances de mathématiques et, d’une certaine manière, sur l’enjeu linguistique de ce type de choix d’enseignement, du côté français.

S’intéressant à une autre forme des réalités éducatives, Dominique Portante, Béatrice Arend et Sylvie Elcheroth proposent une réflexion sur la construction narrative à partir du plurilinguisme des apprenants et de l’enseignant en focalisant leur attention sur la co-construction langagière et linguistique qui est, de fait, mobilisée.

Eva Lemaire se penche sur une forme d’apprentissage linguistique quasiment vital pour des jeunes étrangers isolés, encore mineurs, qui sont en France notamment pour des questions de sécurité, et qui doivent « relever le défi d’une intégration linguistique et scolaire rapide […] alors qu’ils tendent par ailleurs à être tenus en marge du système éducatif français. » Leur propre langue n’a plus aucune importance, le plurilinguisme est perçu, notamment par des enseignants, comme une forme d’entrave dans la mesure où s’engage une sorte de course contre la montre pour l’acquisition du français, sésame pour rester France. Or, cet apprentissage se déroule dans des conditions humaines et scolaires difficiles.

Les contributions de Claude Springer et d’Anna Koenig-Wiśniewska proposent un regard sur le numérique dans l’espace éducatif, d’une part par un salutaire tour d’horizon théorique sur l’évaluation des apprentissages dans les environnements numériques et, d’autre part, par une réflexion sur le blogue comme espace d’apprentissage collaboratif.

Enfin, le « récit de recherche » de Marisa Cavalli, qui ouvre ce volume, constitue une contribution précieuse interrogeant le sens et la portée du rôle du chercheur dans la société, plus particulièrement l’intérêt des travaux du sociolinguiste pour l’espace éducatif. De manière exemplaire, elle retrace l’histoire d’une recherche et revient sur la manière dont elle a été élaborée, en rappelant la construction polyphonique qui a été retenue de manière à fournir une large description de la situation sociolinguistique éducative et de fournir des pistes solidement étayées pour permettre aux acteurs des politiques linguistiques éducatives de s’appuyer sur des éléments leur permettant de faire des choix en toute connaissance de cause. Mais force est de constater que cette recherche n’a pas atteint les publics concernés : « Pensée comme moyen de connaissance utile aussi en vue de la mise en œuvre des politiques linguistiques éducatives, cette recherche a raté son ambition et nous avec elle. Son impact local est nul. » Cette réflexion courageuse interpelle tous les chercheurs en sciences humaines qui, d’une manière ou d’une autre, font des propositions qui restent sans lendemain, parce qu’elles ne sont pas diffusées au sein du corps social ou, du moins, auprès de ceux qui pourraient être intéressés, au premier chef, par leurs travaux.

Le GEPE formule le vœu que les travaux des chercheurs puissent être diffusés à tous ceux qui peuvent en tirer profit. Et, à leur modeste échelle, les Cahiers du GEPE tentent d’apporter une contribution à la diffusion des recherches.

Citer cet article

Référence électronique

Dominique Huck, « Espaces scolaires et plurilinguismes », Cahiers du plurilinguisme européen [En ligne], 5 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2013, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/cpe/index.php?id=513

Auteur

Dominique Huck

Responsable du GEPE, équipe interne de l’EA 1339 Linguistique, langue, parole. Ses travaux de ces dernières années portent s’ancrent dans le champ de la dialectologie, de la sociolinguistique et des politiques linguistiques, en particulier dans le domaine éducatif.

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