Introduction
La plupart du temps, l’historienne ou historien est animé par une poussée d’ailleurs, dans le temps. Il y a celles et ceux qui privilégieront la quête d’altérité radicale, assumant même une rupture totale avec le présent, s’insurgeant parfois contre ce « péché des péchés entre tous irrémissibles : l’anachronisme ! » (Febvre, 1942) ou même celui de la comparaison ; d’autres assumeront l’existence de linéaments entre leur présent et un passé qu’ils diront non révolu, en quête plus ou moins assumée de réponses dans un ailleurs qui livrerait ses mystères certes mais aussi ses questions à poser au présent. C’est sans doute le sens de cette formule rabâchée jusque dans les classes « le passé éclaire le présent », une formule un peu creuse mais de laquelle se dégage une évidence : faire de l’histoire, ça sert à quelque-chose. Et même presque une loi : on ne peut pas creuser le passé sans faire bouger quelque-chose du présent.
Il a beaucoup été écrit déjà à ce sujet. De toute la littérature en circulation, on retiendra un éternel malentendu autour de la célèbre formule là encore de Febvre, prononcée lors de sa conférence inaugurale à l’université de Strasbourg en 1919 : « L’histoire qui sert, c’est une histoire serve », qui nous est justement resservie dès qu’il s’agit de fustiger une intervention historienne jugée trop « engagée ». Pourtant la formule est sans équivoque, ce n’est pas d’utilité sociale dont il est question mais de servitude. Autrement dit, l’histoire serve est celle qui est entièrement soumise à une cause (souvent politique), au point même que cette cause en soit la commanditaire et même la rétributrice. Ce que critique l’historien fondateur des Annales n’est certainement pas la mobilisation de la recherche historique au service de justes causes, mais le fait que son absence d’autonomie nuise à son caractère scientifique de recherche du vrai.
Ce texte ne sera pas une énième contribution théorique sur le sujet. Il est plutôt un parti pris personnel, subjectif, partant de ma propre trajectoire, où je fais l’hypothèse de faire émerger des questionnements dépassant très largement ma petite personne et pourquoi pas de faire avancer de quelques pousses la réflexion collective que nous devons poursuivre sur les finalités intellectuelles et sociales de notre métier.
Il s’agit donc d’utiliser le « je » en toute conscience, et de m’inscrire modestement dans ce que, dans un essai récent, Enzo Traverso (2020) appelle les « passés singulier », même s’il en conclut plutôt à l’usage de la subjectivité chez les historiens comme prétexte à se soustraire du monde alors que j’y vois la garantie de m’y engager.
Éléments d’auto-analyse
J’appartiens aux classes bourgeoises. Je me sens bourgeois et j’ai été élevé dans les attitudes et les idéaux et de celle classe. Néanmoins, la vocation de notre science, c’est de dire ce que les gens n’aiment pas entendre — à ceux qui s’y trouvent plus haut dans la hiérarchie sociale, à ceux qui s’y trouvent plus bas, mais aussi à sa propre classe.
(cité par Kalinowski dans Weber, 2005, p.191).
Je ne connaissais pas encore cette citation de Max Weber lorsque j’ai entrepris la rédaction de ma thèse, laquelle je commençais par quelques « éléments d’auto-analyse ». Je savais mon parcours atypique dans le monde de la recherche : une thèse tardive, une implication totale dans l’enseignement secondaire, et une scolarité en amont assez banale, jamais enthousiaste, davantage dévouée aux facéties adolescentes et très éloignée des cursus honorum traditionnels menant à la plupart des carrières académiques. Chose encore plus rare, j’avais, en commençant ma thèse, une petite notoriété due certes à quelques premiers travaux éditoriaux sur l’enseignement de l’histoire1, mais surtout à mes activités au sein du Comité de vigilance face aux usages de l’histoire (CVUH) rejoint en 2005 aux côtés de Gérard Noiriel, Nicolas Offenstadt et Michèle Riot-Sarcey. Empêcheurs de tourner en rond, nous intervenions alors régulièrement dans les médias pour critiquer les instrumentalisations de l’histoire par le pouvoir, ce qui nous avait valu quelques inimitiés fortes de ce côté-là d’abord, mais aussi dans les cercles historiens soucieux de rappeler leur autonomie et nous accusant de confondre militantisme et histoire en acceptant de jouer le jeu des médias. Par ailleurs, en fondant le collectif Aggiornamento histoire-géographie avec mes amies Suzanne Citron et Patricia Legris, j’avais pris également l’habitude d’intervenir publiquement sur les programmes d’histoire.
Ma thèse portant sur l’enseignement du fait colonial, il me fallait sonder mon rapport à la neutralité et offrir les garanties du caractère scientifique de ma recherche doctorale, ceci en mobilisant les très nombreux travaux qui s’étaient attachés à interroger l’articulation entre science et engagement. C’est dans cette définition de l’engagement que je me suis le plus reconnue : « Ensemble des liens politiques, institutionnels, professionnels, contractuels mais aussi biographiques, familiaux, intimes et parfois même charnels » (Naudier et Simonet, 2011), à savoir une combinaison de sphères d’appartenance, intimes et publiques, qu’il me semblait vraiment illusoire de prétendre nier pour garantir la fiabilité de mes recherches. Je préférai donc vendre la mèche sur leur existence et leurs éventuelles interférences avec mes questionnements et tâtonnements ; une manière de les mettre à distance sans les nier et même d’en tirer scientifiquement profit : tout savoir est produit dans des « configurations historiques » par « les imbrications tout à la fois politiques, scientifiques et biographiques » rappelle Bernard Pudal (2011, p.28).
L’objectivation des engagements est donc une première étape de leur mise à distance et j’ai ainsi considéré que mes quelques participations aux débats sur l’histoire scolaire, y compris plus spécifiquement sur l’enseignement du fait colonial relevaient d’une sorte de « participation observante » selon l’expression de Xavier Dunezat (2011, p.80) plus que d’une observation participante.
Dans de nombreux travaux, Gérard Noiriel, un historien que l’on peut qualifier de très engagé sur les questions sociales, rappelle aussi régulièrement que sa condition d’enfant ayant grandi dans un milieu populaire l’a aidé dans ses recherches sur le monde ouvrier, mais il plaide parallèlement pour l’autonomie de la science comme ce qui la prémunit de devenir serve (Noiriel, 2003).
Quel est donc cet interstice mystérieux qui permettrait tout à la fois d’assumer un engagement et de maintenir et garantir l’objectivité et la fiabilité scientifique de nos travaux ?
La meilleure réponse est sans doute chez Max Weber et dans la confusion voire le contre-sens attribué au concept de « neutralité axiologique ».
Dans sa traduction de « La science, profession et vocation », Isabelle Kalinowski insiste sur le contexte d’élaboration de cette formule désormais devenue lieu commun. Elle rappelle qu’elle émane d’une traduction antérieure, devenue quasi officielle, de Julien Freund en 1965, à la suite d’une discussion avec Raymond Aron. Contestant cette interprétation, Isabelle Kalinowski en revient au texte allemand et au concept de Wertfreiheit. À « neutralité axiologique », elle oppose la traduction suivante : la Wertfreiheit serait, dans le domaine des sciences, la « non imposition des valeurs », en opposition au domaine des croyances, donc de la propagande. Cela n’a donc rien à voir avec une quête utopiste de neutralité du savoir, mais relève d’une réflexion sur ses possibles usages, notamment dans le cadre transmissif, nous y reviendrons.
La nuance est de taille car elle rappelle la différence entre la science comme production et méthode et ce qu’il advient ensuite de ses résultats. Que nos questionnements soient animés par des préoccupations du présent ou même des causes à défendre n’invalide donc pas la qualité de la démarche scientifique si cette dernière se plie aux règles de la méthode.
Se plier à la méthode relève ainsi d’une éthique : accepter que les résultats auxquels aboutit la recherche ne se moulent pas exactement dans une hypothèse de départ, laisser tous les possibles ouverts, y compris et surtout celui de se tromper. Ainsi lorsque j’ai commencé mes travaux sur l’enseignement de l’histoire coloniale, mes engagements sur le sujet m’avaient convaincue non seulement d’un certain tabou maintenu volontairement sur certains pans de cette histoire — des occultations en quelque sorte — mais aussi que l’institution scolaire, sous la pression d’entrepreneurs mémoriels, acceptait de revisiter ces pans de l’histoire coloniale dans le sens de la vérité. Or mes recherches ont considérablement reformulé ces hypothèses de départ : non seulement on enseignait davantage les « tabous » (comme la torture en Algérie) avant que cette question ne devienne un problème public, mais surtout, seule une sociologie fine de l’administration et du circuit d’écriture des programmes pouvait permettre de saisir les raisons de l’apparition ou disparition d’un contenu d’enseignement, lequel était rarement conditionné uniquement à l’idéologie dominante. C’est cette suspension de ses convictions durant le processus de la recherche qui prémunit contre l’absence d’objectivité ou de fiabilité des résultats.
L’engagement comme stigmate
Pourtant, plusieurs historiennes et historiens ont subi et subissent encore les foudres de la corporation pour cause d’engagement trop prononcé qui invaliderait l’objectivité de leurs travaux. Ce sont généralement des critiques faites aux historiens revendiquant une appartenance politique à gauche. Là encore, la lecture d’Isabelle Kalinowski nous éclaire sur cet aspect. C’est en effet en contexte d’ascension de carrière des universitaires situés à gauche que l’expression « neutralité axiologique » a été labellisée et brandie comme outil de disqualification. Ironie du sort en revanche, lorsque Max Weber, lui, évoque la Wertfreiheit, le contexte est davantage à la primauté des savants très réactionnaires dans les universités allemandes.
Quoi qu’il en soit, il suffit de lire les quelques textes autobiographiques d’un Howard Zinn (2013) ou d’un Eric Hobsbawn (2000) pour saisir le stigmate que constitue l’engagement dans la profession.
Sans qu’il soit évidemment question de nous comparer à ces deux immenses historiens, nous sommes quelques-unes et quelques-uns à subir régulièrement ces procès en partialité du fait de nos trop ostensibles engagements. Dans L’histoire comme émancipation, avec Guillaume Mazeau et Mathilde Larrère, nous avons tenté une nouvelle fois d’objectiver notre position. Il est vrai que l’ouvrage est né de notre soutien au mouvement universitaire du printemps 2018 contre la sélection à l’université (loi ORE). À cette occasion, nous étions intervenus tous les trois dans le cadre de cours alternatifs pour réfléchir aux vertus émancipatrices de l’histoire. Dans l’ouvrage qui en est issu, nous revenons sur ces critiques permanentes que nous devons affronter, parfois d’une très grande violence, désormais que les réseaux sociaux dictent une bonne partie des registres de dialogue public. Nous plaidons également à notre tour pour une « histoire engagée » en rappelant également les grandes causes qu’elle a permis de faire avancer. C’est bien grâce à des historiennes comme Joan Landes, Joan Scott, Michelle Perrot, Natalie Zemon-Davis, Pauline Schmitt ou Arlette Farge que l’histoire des femmes puis les études de genre se sont développées. Or ces femmes n’ont jamais caché leur engagement dans la cause féministe.
« Personne ne peut remettre en cause les acquis de cette histoire sous prétexte qu’elle est marquée par cet engagement, qui, lui seul, a permis de briser le silence des historiens et d’impulser de nombreuses recherches historiques », écrivons-nous dans notre essai (De Cock, Larrère et Mazeau, 2019, p.111). Elles ne sont pas les seules, que dire par exemple de l’Histoire socialiste de la Révolution française (1901-1903) de Jean Jaurès qui a permis à l’époque d’internationaliser la question révolutionnaire et de la désengoncer du roman national ?
L’engagement revendiqué permet donc de faire avancer la science historique mais reste pourtant un stigmate. Il ne convaincrait que les convaincus, ne serait que propagande, et de ce point de vue, serait porteur d’un risque d’endoctrinement. C’est là que le bât blesse, car le chercheur ou la chercheuse engagée est aussi dans la majorité des cas enseignant. On le suppose alors plus prompt à jouer de sa position hiérarchique pour manipuler un public avec lequel il entretient un rapport d’autorité.
Pédagogue ou propagandiste ?
La critique doit s’entendre et se discuter à l’aune de ce que l’on appelle la relation pédagogique qui n’est en effet pas de même nature qu’une autre médiatisation de l’histoire par le biais éditorial ou autre (les réseaux sociaux, la presse, les jeux vidéos, le spectacle vivant etc.2). Toute relation pédagogique est par nature déséquilibrée par un rapport d’autorité, ou de domination. Différents courants que l’on peut regrouper sous le vocable de « pédagogie critique » s’attachent à vendre la mèche sur cette dissymétrie afin d’en limiter les effets supposés dommageables sur les apprenants (cf. Pereira et De Cock, 2018). Le problème n’est pas nouveau, l’éducation nouvelle par exemple fonde, dès le xixe siècle, sa défense de la pédagogie active sur une remise en cause du magistère enseignant et du caractère purement transmissif de la relation pédagogique.
De même, l’accusation de manipulation et de propagande n’est pas nouvelle non plus. Dans son beau livre injustement oublié, l’historien Paul Gerbod (1976) raconte la difficile conciliation du métier d’enseignant avec l’engagement politique. Il expose, depuis le xixe siècle, la surveillance et répression quasi systématique qui touche les enseignants, principalement de gauche, soupçonnés d’antimilitarisme, d’anarchisme, de communisme… Certains sont révoqués, beaucoup simplement déplacés. On connaît l’histoire par exemple de Célestin Freinet qui, en 1934, subit une attaque contre ses méthodes de la part des notables de son village, Bar sur Loup, attaque, du fait de sa notoriété, amplement relayée par les médias conservateurs, en particulier par l’Action française. L’affaire apparaît bien comme un prétexte à punir un enseignant empêcheur de tourner en rond depuis longtemps avec ses critiques publiques de l’institution dans sa revue puis à travers sa méthode qui vantait une possible liberté avec les instructions officielles. Défenseur de l’écriture libre des élèves, il avait laissé un enfant publier son rêve dans lequel il était question du meurtre du maire. En réalité, les archives administratives conservées à Nice montrent que plusieurs enseignants du réseau Freinet faisaient l’objet d’enquêtes policières et administratives pour soupçon d’activisme politique en opposition avec la loyauté vis-à-vis de l’institution3. À plusieurs reprises d’ailleurs, Freinet évoque cette question dans ses articles. Il se défend d’exercer la moindre propagande sur ses élèves : « Nous ne formons pas l’enfant : nous mettons à sa disposition, le maximum d’éléments, le maximum d’outils, le maximum de possibilités pour que, partant de ce qu’il est, dans son milieu, il parvienne à tout l’épanouissement individuel et social dont il est susceptible » écrit-il dans son édito de L’éducateur prolétarien en mai 1933, renvoyant le « bourrage de crâne du côté de l’institution.
Si les réflexions de Max Weber sur l’articulation entre science et engagement sont relativement connues, il n’en va pas de même de ses positions concernant la pédagogie. Or, c’est un problème qu’il aborde aussi, rappelant que l’on ne peut pas être chercheur sans enseigner et que cette problématique de la neutralité se poursuit jusqu’aux usages pédagogiques de la science. Selon Isabelle Kalinowski, la Wertfreiheit est même davantage un problème pédagogique. La relation pédagogique repose sur un professeur détenteur du monopole de la parole et des étudiants en situation de passivité et d’obéissance. Les étudiants sont donc en situation de « double dépossession » (Kalinowski dans Weber, 2005, p.199) et la Wertfreiheit serait un outil pour se prémunir, en tant qu’enseignant, de la facilité de sombrer dans la propagande. Un outil de conscientisation du dominant en quelque-sorte.
Howard Zinn dit les choses autrement lorsqu’il affirme que :
J’ai toujours commencé mes cours en prévenant les étudiants qu’ils allaient entendre mon point de vue personnel mais que j’essaierais néanmoins de traiter équitablement les autres positions. Je les encourageais à me contredire », ajoutant plus loin « Je n’ai jamais cru que j’imposais mes opinions à des esprits vierges et innocents […] Sur un marché si longtemps dominé par la pensée orthodoxe, je souhaitais seulement pousser mon petit étalage pour offrir mes denrées en même temps que les autres et permettre ainsi aux étudiants de faire leur propre choix.
(2013, p 11).
On objectera bien-sûr qu’entre les élèves de Freinet et les étudiants de Weber ou Zinn, il y a un certain gap. Mais la réflexion de fond reste la même et l’on peut la résumer de la manière suivante en trois points :
- Tout apport de savoir est situé, a fortiori lorsqu’il s’agit de savoirs sélectionnés dans le cadre d’un curriculum officiel labellisé par une institution, qu’elle soit scolaire ou universitaire
- Tout savoir rencontre forcément d’autres savoirs préalablement institués par d’autres circuits ; une rencontre potentiellement concurrentielle.
La propagande ou endoctrinement consisterait à décréter, qu’un savoir prévaut sur les autres non pas du fait d’une démonstration scientifique mais du simple fait de l’autorité de celui ou celle qui le professe.
Retourner le stigmate
Cette forme d’équation implique d’en revenir à une formule simple susceptible de retourner le stigmate : il n’existe de savoirs qu’engagés en ce sens que le savoir résulte d’interactions permanentes avec des conjonctures qui le chargent de valeurs et finalités. Réfutable, le savoir, si l’on suit encore Weber devient quasi obsolète dès sa labellisation académique. Et c’est tant mieux. Il se met immédiatement au service des recherches à venir. C’est pourquoi la recherche comme la transmission sont des successions d’inaboutis. Et, dans ce cadre, endoctriner, soumettre à une propagande, ce serait vouloir clore les savoirs sur eux-mêmes en maîtrisant leur devenir.
De tout cela, il résulte qu’il ne peut y avoir d’émancipation sans savoirs assumant leur part d’engagement. Et que cela n’a rien à voir avec la gauche ou la droite, le communisme ou l’anarchisme mais avec l’acceptation des finalités critiques de la recherche et de l’enseignement.
En quoi le raisonnement qui précède permet-il de constituer une ressource pour enseigner ? Un curriculum formel au sens large (c’est-à-dire incluant les textes officiels, les supports pédagogiques, les normes d’évaluation) n’est jamais une somme de savoirs produits par la recherche. Loin s’en faut. Pour certaines disciplines, la distance est même telle avec les savoirs académiques qu’il en résulte des controverses assez régulières4. Pour s’agencer dans un curriculum, les savoirs subissent un certain nombre de transformations qui répondent à des demandes diverses, principalement scientifiques, didactiques, et pédagogiques, politiques, et administratives.
La connaissance des coulisses de la scolarisation d’un savoir est une première condition de sa dénaturalisation et de la possibilité de se l’approprier et de le travailler avec des élèves de manière critique. Ainsi les savoirs n’apparaissent pas comme « déjà là » mais comme le produit d’interventions sociales. On comprend par exemple que, dans cette optique, « enseigner les valeurs de la République » selon la formule consacrée peut se faire autrement que sous la forme d’un catéchisme républicain qui aurait davantage à voir avec l’endoctrinement.
Dans ces conditions, l’engagement du scientifique et du pédagogue est la condition d’une démarche émancipatrice. La « neutralité axiologique », parce qu’elle dévoie la pensée originelle de celui qui en est présenté comme le père, est une injonction qu’il faut remettre à sa juste place : celle du maintien d’un ordre existant ; une place très éloignée de la définition d’une science désintéressée, et publique (Saint-Martin, 2020).