Mésologie et démocratie

Vers une paysance nouvelle

DOI : 10.57086/lpa.329

p. 20-34

Abstract

Le paradigme occidental moderne, dont le foyer politique est la démocratie, est remis en cause à des titres multiples, jusque dans ses fondements logiques et ontologiques. Cela concerne en particulier l’écologie et la territorialité humaine, ce paradigme ayant conduit à la sixième extinction massive de la vie sur Terre et à « la fin de l’homme habitant » (Le Lannou). L’article propose une perspective mésologique qui permettrait, en « repaysant » l’humain, d’assurer démocratiquement la transition écologique qui s’impose à nous de toute façon.

Text

I. Dans l’aphorisme célèbre « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » (La Crise de l’esprit, 1919), Paul Valéry aurait-il pu écrire « démocraties » à la place de « civilisations » ? S’il ne l’a pas fait, c’est que la question ne se posait pas encore en 1919. Au sortir de la Première Guerre mondiale, on avait désormais la preuve que la civilisation peut se détruire elle-même ; et au sortir de la seconde, qui s’est terminée avec Hiroshima et Nagasaki, cette preuve était plus évidente encore. Depuis, nous avons pris conscience que la civilisation peut même détruire l’Humanité, et bien d’autres formes de vie avec elle. Tout cela physiquement, matériellement, biologiquement. Ce dont nous n’avions pas encore conscience, en revanche, c’est que nos idées elles-mêmes, et avec elles nos idéaux, peuvent aussi périr. Or c’est bien là une question que l’on peut aujourd’hui se poser à propos de la démocratie, notre idéal politique depuis les Grecs – sans oublier qu’il a connu bien des éclipses, des détournements et des accaparements ; du moins n’était-il pas rejeté comme tel. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est autre chose. Le pays qui, sauf cataclysme, va sans doute dominer le monde dans moins d’une génération, la Chine, ne conteste-t-il pas ouvertement et jusque dans ses fondements le système de valeurs occidental, dont le foyer politique n’est autre que la démocratie ?

II. Il ne s’agit pas seulement d’une question d’hégémonie. Après tout, qu’une hégémonie de la Chine se substitue à celle des États-Unis, cela changerait-t-il vraiment la situation des autres pays ? Ce qui est en cause, c’est tout le paradigme occidental moderne, axé sur la démocratie ; et cela justement parce qu’il s’était érigé en paradigme, donc en s’arrogeant l’universalité. Aujourd’hui, c’est cet universalisme même, taxé d’impérialisme, qui est contesté dans le monde entier, y compris à l’intérieur de l’Occident lui-même. Les arguments de cette remise en cause sont d’ordres divers, mais le plus général, c’est bien que ledit paradigme est responsable d’une crise écologique d’ampleur planétaire. Il a déclenché la sixième extinction massive de la vie sur Terre, ce qui met en danger la survie même de l’Humanité.

III. Nous rejoignons donc ici la question centrale de cette suite de conférences : « Face à la crise écologique, quelle démocratie ? »1. Dans la mesure où la démocratie aura été le principe politique du paradigme occidental moderne, devons-nous la remettre en cause ? La démocratie, d’elle-même, pourra-t-elle instaurer un autre paradigme, apte à assurer la transition écologique, ou bien cette transition, dont la nécessité s’impose à nous de toute façon, nous impose-t-elle aussi de concevoir notre rapport au politique en d’autres termes que la démocratie, à tout le moins sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui ?

IV. Ces questions ne sont pas simples. L’histoire nous enseigne en effet que le rapport entre écologie et démocratie ne va nullement de soi. En tant que science, l’écologie n’a certes dans son principe rien à voir avec la politique ; mais en tant qu’idéologie, l’écologie, ou plus proprement dit l’écologisme, peut faire très bon ménage avec d’autres systèmes politiques, y compris, pour n’en donner qu’un exemple, le national-socialisme. Tel fut le cas de l’idéologie du kommende Garten (le « jardin à venir ») dans l’Allemagne hitlérienne2. Il s’agissait de diffuser un certain type de jardins, libéré de l’influence néfaste des peuples du sud, et qui fût authentiquement allemand. Comment ? En traduisant la véritable nature de la terre allemande ; notamment par l’expulsion des plantes exotiques. Cette idéologie avait des racines anciennes (dans Herder, par exemple). Elle s’est plus particulièrement constituée vers le tournant du siècle dans l’œuvre écrite et jardinière de l’architecte-paysagiste Willy Lange. Celui-ci, notamment dans son traité Gartenpläne (Plans de jardins, 1927), liait ouvertement l’esthétique jardinière à la race. L’introduction du livre interprète ainsi la diffusion du jardin à la française comme un engloutissement de l’humanité nordique dans le marais des races du sud. Le kommende Garten était donc ressenti comme l’expression nécessaire d’une authenticité biologique, à la fois raciale et écologique. Blut und Boden, le Sang et la Terre… Cet idéal relève-t-il seulement du passé ? On en doutera en appréciant la conviction avec laquelle certains Verts allemands d’aujourd’hui relisent Lange, recommandent d’expulser les (plantes) allogènes, rendent le judéo-christianisme responsable des malheurs de l’environnement, etc. « Reisst die Rhododendren raus ! » (Arrachez-les ! Dehors les rhododendrons !)3 : point n’est besoin d’être botaniste pour déchiffrer la motivation profonde de l’auteur…

V. Revenons à la démocratie. Si elle a ses racines dans la polis grecque, on conviendra volontiers que, telle que nous la concevons aujourd’hui, l’un de ses piliers aura été la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, tout particulièrement dans la première phrase de son article premier : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Or cette notion de droits humains, nombre d’écologistes ne se sont pas privés de la contester, soit indirectement en la confondant avec l’anthropocentrisme, que l’écologisme est unanime à condamner, soit même directement et explicitement. Ainsi Robert Hainard (1906-1999), l’artiste et naturaliste suisse, a pu écrire ceci : « Il n’y a de droit naturel que celui d’être mangé ou de servir de fumier. La vie se conquiert, se défend4 ». Certes, Hainard emploie le terme « droit naturel » au lieu de celui de « droits humains », mais c’est justement parce que son propos est de subsumer les droits humains dans un holisme écologique, la loi universelle des chaînes trophiques de la biosphère devant selon lui l’emporter sur la singularité des règles morales et politiques de l’humanité. Ce biocentrisme remet radicalement l’Humanité dans sa niche écologique originelle : « Il faut revenir à la situation paléolithique qui a duré si longtemps : une espèce humaine pas trop nombreuse, vivant des surplus d’une nature riche, variée, libre, qu’elle ne modifie que très localement5 ». La liberté, donc, est retirée aux humains, et attribuée aux écosystèmes.

VI. Pas question ici de démocratie, évidemment. Ce « Il faut » sent plutôt le totalitarisme, et même le génocide. En effet, la niche de nos ancêtres paléolithiques était étroite ; tout le monde, loin de là, ne pourrait pas y tenir. C’est pourquoi certains écologistes ont poussé la logique de ce holisme biocentrique jusqu’à envisager la nécessité de réduire drastiquement les effectifs de l’Humanité ; tel William Aiken : « Une mortalité humaine massive serait une bonne chose. Il est de notre devoir de la provoquer. C’est le devoir de notre espèce, vis-à-vis du tout (the whole), d’éliminer 90 % de nos effectifs6 ». Acceptons-en l’augure, mais admettons du même coup qu’il faudrait pour cela rejeter dans les ténèbres extérieures tout principe démocratique ; car si les humains sont libres et égaux en droits, il est par définition impossible que 10 % d’entre eux s’arrogent le droit de supprimer tous les autres.

VII. Des positions telles que celles exprimées ci-dessus sont évidemment d’ordre rhétorique. Hainard ou Aiken ne plaident pas pour une solution finale mille fois pire que la Shoah, mais entendent plutôt souligner la généralité et l’acuité du problème, afin de justifier les impératifs d’une éthique de l’environnement. Il n’empêche que, ni au plan logique, ni au plan ontologique, leur holisme biocentrique ne tient debout. Logiquement, il est absurde, tout en réduisant l’humain au vivant, de lui imputer des devoirs écologiques que nul n’imputerait au reste du vivant. En d’autres termes, droit et devoir n’ayant de sens qu’en réciproque, il est absurde de parler de droits de la nature alors que nul ne saurait parler de devoirs de la nature. Ce que nous appelons « droits de la nature », ce sont nos devoirs à l’égard de la nature7. Quant au plan ontologique, c’est ce que nous allons maintenant voir à propos de l’écologie profonde.

VIII. Comme on le sait, la notion d’écologie profonde est indéfectiblement liée au nom du philosophe norvégien Arne Næss (1912-2009), qui l’a lancée dans une conférence faite en 1973, et l’a argumentée notamment dans deux livres qui ont été traduits en français8. L’idée générale distingue deux sortes d’écologie, l’une « superficielle », qui s’occuperait de trouver à la crise de l’environnement des solutions ponctuelles et principalement techniques, tandis que l’écologie « profonde » creuserait jusqu’aux racines ontologiques de ces problèmes et impliquerait une restructuration de toute notre culture, de nos manières de penser à notre mode de vie. Or il y a un vice dans le parti de cette écologie profonde ; c’est que Næss ne la fonde que dans le fonctionnement de la biosphère. Dans la mesure même où elle vise à inspirer des comportements nouveaux de la part des sujets humains (plutôt que de la part des wombats, des coraux ou des cactus), elle aurait besoin d’une ontologie de l’humain, plutôt que d’un décalque de l’écosystème. Ce n’est pas l’en-soi des trophismes de la biosphère qui peut pousser les humains à respecter la vie, les paysages, autrui en général (y compris les autres espèces), voire à se fondre dans le Tout, comme le préconise l’écosophie prônée par Næss ; ce sont des motivations humaines. Certes, nous sommes d’abord des êtres vivants ; mais si nous sommes capables d’empathie envers la nature, ce n’est pas seulement pour cette raison : c’est parce que l’être humain est spécifiquement celui dont l’être ne se limite pas à sa physiologie, mais s’étend structurellement à des systèmes techniques et symboliques dont le reste du monde vivant ne présente, au mieux, qu’une ébauche rudimentaire. C’est en vertu de ces systèmes, c’est-à-dire de cet « être-au-dehors-de-soi » (außer sich sein), comme dirait Heidegger, que l’humain est capable de réflexivité, donc, à partir de là, de conduites éthiquement plus élaborées – en bien comme en mal – que celle des anthropoïdes, pour ne rien dire des bactéries… L’ontologie de l’écologie profonde, en somme, est bien superficielle.

IX. Entendons-nous bien. La critique qui précède ne signifie nullement que l’écologie, qu’elle soit « profonde » ou « superficielle », scientifique ou activiste, ne nous soit pas nécessaire. Nécessaire, plus : indispensable et urgente, elle l’est tant au plan pratique que théorique, et donc forcément politique ; mais elle n’est pas suffisante. Elle n’est pas suffisante, parce que ce qu’il nous faut aujourd’hui changer, ce ne sont pas seulement nos manières d’agir, mais aussi nos manières de penser (notre logique) et notre conception de l’être (notre ontologie) ; cela parce que les fondements du paradigme moderne, que nous devons absolument dépasser puisqu’il nous mène au désastre, sont à la fois logiques et ontologiques. Ils sont onto/logiques. Et cela, l’écologie, comme telle, ne saurait le prendre en compte.

X. En tant que géographe, j’ai été dès ma jeunesse familiarisé avec la question du rapport entre géographie humaine et géographie physique, cette dernière, par exemple en biogéographie, ayant du reste un rapport étroit avec l’écologie. De tout cela ressortait une question très générale, celle du déterminisme, souvent qualifié de « déterminisme géographique » ; c’est-à-dire de savoir dans quelle mesure l’environnement naturel détermine les cultures humaines. Une idée toujours fort répandue, mais qui remonte à l’Antiquité, veut par exemple que les climats méridionaux débilitent les humains, les rendant paresseux, tandis que les climats septentrionaux, plus vifs, les stimulent, les rendant actifs et entreprenants ; ce qui expliquerait entre autres pourquoi ce sont les Blancs, plutôt que les Noirs, qui sont allés coloniser l’Amérique. Toutes sortes de théories ont été avancées dans cet esprit, à commencer par le célèbre traité d’Hippocrate, Des airs, des eaux, des lieux ; et la géographie en particulier a été marquée par le déterminisme, notamment dans les écoles allemande et anglo-saxonne, ce qui n’est pas rien ; mais le déterminisme peut en fait concerner toutes les sciences, et cela dans la mesure même où elles se veulent scientifiques. Il a donc un rapport étroit avec le scientisme, et entre autres avec l’utilitarisme.

XI. J’ai été formé pour ma part dans la lignée de l’école française de géographie, dont le fondateur fut Paul Vidal de la Blache (1845-1918). Cette école s’est distinguée par son désaccord avec les thèses déterministes. Vidal, comme en témoignent notamment ses Principes de géographie humaine9, soulignait au contraire la contingence et l’historicité du rapport entre nature et culture. Il n’y a nulle causalité mécanique entre le premier et le second terme. L’environnement naturel serait-il comparable, des sociétés différentes développeront des « genres de vie » différents. Aussi l’école vidalienne a-t-elle mis l’accent sur la géographie régionale, plus idiographique que nomothétique. L’historien Lucien Febvre (1878-1956), qui fut l’élève de Vidal, devait qualifier de possibilisme cette orientation épistémique dans La Terre et l’évolution humaine, l’ouvrage qui ouvrit en 1922 aux éditions Albin Michel la célèbre collection « L’évolution de l’Humanité ». Ce terme de « possibilisme » ne signifie nullement que les humains peuvent se permettre de faire n’importe quoi sur la Terre, mais qu’il y a en somme, dans leur relation avec la nature, une certaine part de liberté. C’est en ce sens que le possibilisme vidalien concerne les questions que nous nous posons aujourd’hui sur le rapport entre démocratie et transition écologique. Pour sa part, Vidal plaidait pour une réforme du centralisme français et une plus grande autonomie régionale, ce que l’on peut considérer comme une expression politique de son possibilisme au plan scientifique.

XII. L’anti-déterminisme de la géographie vidalienne s’opposait entre autres au déterminisme d’une discipline qui avait alors pignon sur rue, la mésologie10. La première édition du Petit Larousse (1906), où le terme d’écologie ne figure pas encore, la définit comme « Partie de la biologie qui traite des rapports des milieux et des organismes ». Un quasi-hapax, mesology, a été employé par le philosophe George Field (1777-1854) dans un livre publié en 1839, Outlines of analogical philosophy, mais ce terme est resté presque inconnu en anglais. En français en revanche, le mot mésologie a fait une belle carrière au xixe siècle. Il a été créé par un disciple d’Auguste Comte, le médecin Charles Robin (1821-1885), qui en proposa le champ comme « étude des milieux » lors de la séance inaugurale de la Société de biologie, le 7 juin 1848 à Paris ; mais si, comme on vient de le voir, il était dûment recensé dans la première édition du Petit Larousse, ce terme a fini par disparaître des dictionnaires dans le courant du xxe siècle, évincé par l’écologie en plein essor. En effet, Ökologie – terme créé en 1866 par le biologiste Ernst Haeckel (1834-1919) – ayant été rendu en français par écologie (en 1874) et en anglais par ecology, ces progrès (accomplis notamment aux États-Unis) furent connus en France en tant qu’écologie et non en tant que mésologie, bien que la définition donnée d’Ökologie par Haeckel, « la science générale des rapports entre l’organisme et le monde extérieur environnant » fût, en substance, exactement la même que celle donnée de « mésologie » par Robin en 1848. Le terme de mésologie, devenu en quelque sorte superfétatoire, finit donc par disparaître, ou quasi.

XIII. L’une des raisons de cette désuétude11 est que, en tant que science positive, la mésologie s’était donné un champ trop large – couvrant les champs actuels de la biologie et de la sociologie –, qu’elle n’avait pu intégrer que par un déterminisme trop manifestement grossier. Entaché par ce déterminisme, son concept central, le milieu, a donc été rejeté par le naturaliste germano-balte Jakob von Uexküll (1864-1944), lequel devait paradoxalement la faire renaître au xxe siècle, mais en allemand, sous un autre nom et d’un autre point de vue, influencé par la phénoménologie. C’est de ce point de vue-là qu’Uexküll a introduit une distinction révolutionnaire entre, d’une part, ce qu’il appelait Umgebung (le donné environnemental brut), et d’autre part ce qu’il appelait Umwelt, le monde ambiant propre à une espèce donnée. L’Umwelt est l’interprétation singulière que telle ou telle espèce fait du donné universel qu’est l’Umgebung. Corrélativement, Uexküll considère l’animal comme un sujet, non comme un objet. C’est un machiniste, pas une machine. L’interprétation qu’il fait de l’Umgebung, et qui génère son Umwelt, fait que les objets n’y existent que sous une certaine « tonalité » (Ton), propre à l’espèce concernée. Ainsi, une même touffe d’herbe existera pour une vache sous un Esston (en tant qu’aliment), pour une fourmi sous un Hinderniston (en tant qu’obstacle), pour un scarabée sous un Schutzton (en tant qu’abri), etc.

XIV. Vers la fin de sa vie, en 1934, Uexküll résuma ses vues dans un petit livre d’accès facile, subtilement illustré par son collègue Georg Kriszat, et préfacé par Adolf Portmann : Streifzüge durch die Umwelten von Tieren und Menschen. Bedeutungslehre (Incursions en milieux animaux et humains. Théorie de la signification)12. La « science des milieux » (Umweltlehre) uexküllienne y apparaît comme une écophénoménologie ou une bioherméneutique, à distinguer de l’écologie comme science positive de l’environnement, ce qu’était au départ la mésologie. Si je traduis Umwelt par milieu, c’est en tant que géographe et parce que ce terme a pris dans la géographie vidalienne un sens possibiliste fort différent du sens déterministe que lui avait donné la mésologie du premier âge. Autre raison d’utiliser « milieu » pour traduire Umwelt, et corrélativement « mésologie » pour traduire Umweltlehre, c’est qu’à peu près au même moment où paraissait en Allemagne le livre séminal d’Uexküll, paraissait au Japon un livre du philosophe Watsuji Tetsurô13 (1889-1960), Fûdo (Milieux, 1935)14, qui portait sur les milieux humains d’un point de vue homologue : subjectité (shutaisei) de l’humain dans sa relation à l’environnement naturel (shizen kankyô), relation dont résulte un milieu proprement humain, le fûdo. Or, dans la seconde édition de l’ouvrage, en 1948, Watsuji se réfère explicitement en postface à Vidal de la Blache et à Lucien Febvre, dont les deux livres (les Principes et La Terre et l’évolution humaine, qui n’étaient pas encore traduits en japonais en 1935), écrit-il, ont « montré la juste direction que devrait suivre la géographie humaine15 », au lieu de celle du déterminisme d’un Ratzel16.

XV. Certes, la géographie vidalienne reste positiviste, alors que Watsuji invoque explicitement la phénoménologie herméneutique. Quand Vidal parle de « faits géographiques » et de « milieux », il leur donne un sens objectif. Il écrit néanmoins que « les faits géographiques n’agissent sur l’homme que par l’intermédiaire des faits sociaux »17, et ce dans un chapitre VI intitulé « Résultats et contingences ». L’essentiel est dans cette contingence, intimement associée à l’historicité sur laquelle insiste Vidal, qui à l’origine était historien. C’est cette contingence, opposée au déterminisme, qui fait le lien entre la géographie vidalienne, la mésologie uexküllienne (Umweltlehre) et la mésologie watsujienne (fûdogaku) ; et c’est dans leur sillage que se situe ma propre mésologie.

XVI. La géographie m’avait mené d’abord à l’idée que les faits géographiques n’ont d’existence que sous un certain jour, lequel dépend de la société concernée. Ces modes d’existence peuvent se classer en quatre grandes catégories : ressources, contraintes, risques et agréments. Par exemple, soit dit très schématiquement, le pétrole n’est une ressource que si vous avez inventé le moteur à explosion. En ce cas-là, et en ce cas-là seulement, il existe en tant que ressource ; autrement, il est là pour rien. Il reste sous terre, « gisant dessous » (hupokeimenon, subjectum), et n’en ek-siste pas en tant que quelque chose.

XVII. Ce mode d’existence – d’ek-sistance – « en tant que quelque chose » (als etwas, comme dit Heidegger) est ce que j’ai appelé l’en-tant-que écouménal, à partir de la vieille notion géographique d’écoumène, laquelle signifie classiquement « la partie habitée de la Terre », mais que je réinterprète dans le sens, mésologique désormais, de « relation de l’Humanité avec la Terre », relation qui en fait une Terre humainement habitée. Dans ce sens-là, l’écoumène, c’est l’ensemble des milieux humains, dont chacun est l’interprétation qu’une certaine société fait du donné environnemental. C’est là retrouver, par la voie géographique, des problèmes classiques de l’ontologie ; notamment le rapport entre essence et existence, puissance et acte, matière et forme, conduisant ainsi à l’hylémorphisme aristotélicien, mais aussi à ce que Heidegger, dans les Concepts fondamentaux de la métaphysique (Grundbegriffe der Metaphysik), appelle la « structure d’en tant que » (als-Struktur). Or ce livre, de publication posthume (1983)18, reprend le séminaire que Heidegger donna en 1929-1930, dans lequel il s’est notablement appuyé sur la mésologie uexküllienne. L’actualisation d’une structure d’en tant que correspond en effet à ce qu’Uexküll a nommé « tonation » (Tonation), c’est-à-dire le processus par lequel l’animal donne à l’environnement (Umgebung) les divers tons sous lesquels celui-ci existe pour lui, devenant ainsi son milieu (Umwelt). Autour de cette notion de milieu, donc de mésologie, la boucle se boucle dès lors entre géographie et ontologie19.

XVIII. Dans le même ouvrage, Heidegger montre aussi que l’ontologie suppose la logique. Je ne partage pas ce logocentrisme, et tendrais plutôt à penser que l’une et l’autre se co-suscitent, mais peu importe ici. Contentons-nous de parler de correspondance, comme le suggère The Concise Oxford Dictionary of Current English (5e édition) à l’entrée substance : » accidents in metaphysics correspond to subject & predicate in logic ». Le sujet logique, S, c’est ce dont il s’agit (on remarquera, by the way, que le sujet du logicien, c’est l’objet du physicien), et le prédicat P, c’est ce que l’on en dit. En mésologie, la correspondance susdite fait que S représentera aussi la substance (ce que l’objet est en soi), et P aussi les accidents, c’est-à-dire la manière contingente dont, pour un certain être (l’interprète I), les objets S de l’environnement se manifestent par les sens et par l’action (cela concerne tout le vivant), par la pensée (cela concerne les animaux supérieurs) et par la parole (cela concerne les seuls humains, en vertu de la double articulation dont parlent les linguistes20), faisant ainsi advenir (ereignen, dirait Heidegger) la réalité concrète des choses propres au milieu de cet être-là, soit S/P (S en tant que P). C’est ce que j’appelle la cosmophanie : l’apparaître d’un certain monde.

XIX. Cette advenance ou « événement appropriant » (Ereignis) n’est donc autre que le passage du donné environnemental brut (S, l’Umgebung) à la réalité concrète d’un certain milieu (S/P). Ce processus est ternaire, puisque, entre S et P, il suppose l’existence de l’interprète I. Nous sommes donc là littéralement au-delà du dualisme. S n’est pas P en soi (S = P), S est P pour I (S-I-P). Il est donc qualifié par I. Il le serait autrement par un autre être, comme nous l’avons vu plus haut (XIII) à propos d’une touffe d’herbe. Suivant l’animal concerné, cette même touffe d’herbe (S) existera comme S/P, S/P’, S/P’’, etc. Uexküll parle à cet égard de Tönung (tonation), mais on rejoint là aussi le possibilisme vidalien, et la question métaphysique du rapport entre essence et existence. Comment l’essence (S) devient-elle existence (S/P) ? Comment le pouvoir-être de S (sa puissance, dunamis) devient-il une réalité concrète (S/P) ? Par une certaine mise en œuvre (energeia)21 qui ne peut qu’être historique. En étudiant, dans le cas du Japon22, ce passage de l’Umgebung à une certaine Umwelt, en somme de la Terre à l’écoumène, c’est ce que j’ai qualifié de trajection.

XX. Cette mise en œuvre de l’essence en existence n’est pas seulement historique ; à une autre échelle de temps, elle est évolutionnaire. Il y a en effet corrélation entre la cosmophanie et l’évolution des organismes concernés. La trajection est donc un processus de cosmosomatisation. Comme le professa Imanishi Kinji, il y a dans l’évolution « subjectivation de l’environnement, environnementalisation du sujet » (kankyô no shutaika, shutai no kankyôka)23. Dans Le Geste et la parole24, Leroi-Gourhan a ainsi montré l’interrelation entre l’anthropisation de l’environnement par la technique, son humanisation par le symbole, et, par effet en retour, l’émergence de notre espèce, c’est-à-dire l’hominisation. La même trajectivité vaut pour tout le vivant. Cette advenance de la réalité concrète est ainsi une concrescence, un croître-ensemble (cum-crescere, participe passé concretus) entre les êtres et leur milieu. L’être se crée en créant son milieu : telle est l’energeia qui, depuis près de quatre milliards d’années, œuvre au cœur de la biosphère, à partir de l’en-puissance de ce donné brut qu’est la Terre (S)25. Ainsi se sont actualisés les millions de milieux des millions d’espèces qui ont vécu ou vivent encore sur notre planète, ce sujet-substance originel.

XXI. Quelle morale, quelle politique tirer de cette histoire naturelle ? Autrement dit, en quoi cela peut-il concerner la démocratie ? Revenons à Vidal de la Blache. L’accent que lui-même et ses disciples avaient mis sur la géographie régionale a pu être qualifié d’idiographique, c’est-à-dire soucieux de mettre en valeur des singularités, démarche en soi non scientifique puisque l’idéal de la science est au contraire nomothétique, c’est-à-dire le souci d’établir des lois universelles. Traduction politique de ce parti intellectuel, Vidal de la Blache ayant été chargé par le président du Conseil Aristide Briand d’une mission en vue de réorganiser le territoire français, il remit un rapport d’esprit girondin plutôt que jacobin, critiquant le centralisme et proposant un découpage en régions. Comme on le sait, ce n’est qu’en 1963 que seront créées 21 régions administratives, en 1986 qu’auront lieu les premières élections régionales au suffrage universel direct, en 2002 que sera reconnue l’autonomie pour l’assemblée de Corse, et en 2004 que la région sera enfin reconnue dans la Constitution.

XXII. Cette évolution de la territorialité française vers plus d’autonomie régionale peut évidemment être entendue comme un progrès de la démocratie. Nous n’en sommes plus au temps – j’ai oublié la date exacte, c’était dans les années soixante – où j’ai pu lire dans Le Monde les propos d’un jeune technocrate – imaginons-le X-Ponts, comme il se doit – qui, à propos de la résistance des habitants concernés par un certain projet d’aménagement, pontifiait « ils n’y comprennent rien » (je résume en substance). Sans entrer dans une analyse proprement politique de cette évolution, j’en dégagerai plutôt les implications onto/logiques et mésologiques.

XXIII. À la première ligne de Fûdo (voir ci-dessus, XIV), Watsuji énonce un concept : fûdosei, néologisme qu’il définit comme « le moment structurel de l’existence humaine » (ningen sonzai no kôzô keiki). Vu cette définition manifestement ontologique, signifiant le couplage dynamique de l’être humain et de son milieu, j’ai traduit fûdosei par « médiance » ; mais dans le contexte de la langue japonaise, ce terme connote fortement la régionalité, la contréité, voire la localité. Fûdobyô, par exemple, cela veut dire « maladie endémique ». En somme, la thèse de Watsuji, c’est que l’être humain, dans sa structure même, est indissociable d’un certain milieu géographique. Du même pas, Watsuji récuse le déterminisme géographique, parce que le foyer de ce moment structurel, c’est bien la subjectité (shutaisei) de l’être humain.

XXIV. On est là aux antipodes du paradigme occidental moderne classique, lequel, à l’inverse, pose dans un « espace absolu » (Newton) un sujet qui n’a « besoin d’aucun lieu pour être » (Descartes), et dont le dualisme toise de haut (mesure quantitativement) une étendue neutre et purement mécanique, alors que les milieux humains engagent notre être et sont indissolublement éco-techno-symboliques. C’est bien ce paradigme désymbolisant, et en fin de compte déterrestrant, dé-paysant, qui a engendré ce que le géographe Maurice Le Lannou (1906-1992) devait qualifier de « déménagement du territoire », titre d’un livre26 où il déplorait « la fin de l’homme habitant ». Comme ce titre l’indique, il s’agissait clairement d’un plaidoyer contre l’aménagement du territoire tel qu’il avait cours, imposé par une technocratie aveugle à toute contréité, à toute médiance, donc fondamentalement anti-démocratique. Dans le cas du Japon, où ce type d’aménagement fut pratiqué avec encore plus de violence, faisant du pays un « cobaye de la pollution » dans les années soixante, c’est ce qui finit par provoquer ce qu’on appela le « mouvement habitant » (jûmin undô)27.

XXV. Or dans une démocratie qui serait authentiquement territoriale, tenant ontologiquement compte de la médiance des habitants, comment concilier la singularité des milieux et l’universalité des lois de la mécanique ? En d’autres termes, comment faire coexister la Terre de Husserl, qui ne se meut pas (die bewegt sich nicht)28 et la Terre de Galilée, qui se meut (che si muove)29 ? Comment reconnaître que ces deux Terres contradictoires sont vraies toutes les deux, la première parce que nous existons et qu’elle fonde notre existence, la seconde parce qu’elle est ce qu’elle est : un corps errant mécaniquement dans l’Univers, comme des milliards d’autres ? Bref, comment reconnaître que la Terre est à la fois universelle et singulière, A et non-A ? Impensable dans la logique logosique, abstraite et mécanique du paradigme moderne, qui est une logique de l’identité du sujet (A est A) et du tiers exclu (une entité ne peut pas être à la fois A et non-A, ou ni A ni non-A). La méso-logique lemmique, concrète et vivante des milieux, en revanche, est une logique du tiers inclus, supposant le tétralemme, donc le syllemme : prendre ensemble (sullabein)30 A et non-A, ce qui est le propre du symbole.

XXVI. Le tétralemme consiste en effet en quatre propositions : 1. A ; 2. non-A ; 3. ni A ni-non-A ; 4. à la fois A et non-A. J’adopte ici l’ordre argumenté par Yamauchi Tokuryû (1890-1982) dans Logos et lemme31, qui se termine sur la biaffirmation (et A et non-A), plutôt que, comme on le fait d’ordinaire, sur la binégation (ni A ni non-A). Celle-ci ne mène littéralement à rien, alors que celle-là ouvre au contraire à tous les possibles. Or c’est bien ce qui se passe dans la méso-logique des milieux vivants (lesquels, du reste, ne concernent pas le propos de Yamauchi). La réalité trajective S/P n’est en effet ni S, ni P (3e lemme, la binégation) ; en revanche, à partir de l’en-puissance de S, coexistent (co-ek-sistent hors de l’identité de S) S/P (A), et S/P’ (non-A), et S/P’’ (non-non-A), et S/P’’’… et ainsi de suite, indéfiniment. Voilà bien ce que montrent, en toute concrescence, et l’évolution, et l’histoire des milieux humains. C’est là de la contingence, pas de la détermination ; c’est de la ternarité concrète (S-I-P), pas de la binarité abstraite (ou bien A, ou bien non-A) ; bref, c’est de la vie, pas de la mécanique. Et en fin de compte, c’est ce qui fonde les libertés démocratiques : d’un même sujet S, on a le droit d’émettre des jugements P, P’, P’’ etc., ad libitum, et d’en débattre en toute fraternité, en tant qu’habitants d’une même terre (un terroir quelconque) / de la même Terre (notre planète), convivialement.

XXVII. Or la ternarité, c’est le principe de la symbolicité : pour que S devienne P, ce qu’en soi il n’est pas, il faut un tiers symbolisant – l’interprète I. De ce fait, c’est le principe de l’échelle des choses concrètes, qui se rapportent nécessairement à l’existence d’un être vivant, contrairement aux proportions des objets abstraits. Certes, en soi, c’est-à-dire en proportion – logosiquement et abstraitement –, « la carte n’est pas le territoire » (Korzybski), de même que A n’est pas non-A ; mais pour l’habitant qui l’utilise, à l’échelle du vécu (S/P) – en syllemme et concrètement –, la carte (P) est bien le territoire (S). Il y a là du sens, pas seulement de la matière.

XXVIII. Cette ternarité ne vaut pas seulement pour les systèmes symboliques, lesquels relèvent de la métaphore (à commencer par le langage, où les choses deviennent des mots, ce que les objets ne sont pas en eux-mêmes) ; elle vaut pour tout le vivant, qui suppose le métabolisme (l’herbe, qui en soi n’est pas la vache, devient métaboliquement la vache). Il s’agit dans les deux cas de la même trajectivité fondamentale, que le paradigme moderne, dans son dualisme mécaniciste, est non moins fondamentalement incapable de prendre en compte, puisqu’il s’en tient au principe d’identité. Il s’en tient à la Terre de Galilée (A), qui relève du quantitatif, alors que la vie, la nôtre en particulier, suppose tout autant la Terre de Husserl (non-A), qui relève du qualitatif. Le paradigme moderne est donc, par essence, incapable de prendre la vie en compte ; et c’est bien pour cela qu’il a fini par déclencher la Sixième Extinction de la vie sur Terre, de même qu’il tend à la fin de l’homme habitant et au déménagement des territoires. L’écoumène, la Terre humainement habitée, un pays humain, cela relève, en syllemme, à la fois du quantitatif (le physico-numérique, donc de la science, qui sépare analytiquement) et du qualitatif (l’en-tant-que phénoménal, donc de la religion, qui relie symboliquement). Pour habiter authentiquement un territoire, pour le payser, en faire un vrai pays, nous avons besoin de cette paysance nouvelle : reconnaître à la fois, trajectivement, la Terre de Husserl et la Terre de Galilée. C’est cette paysance nouvelle qui nous permettra d’assurer démocratiquement la transition qui s’impose à nous32.

Palaiseau, 17 mars 2022.

Notes

1 Ce texte devait initialement faire l’objet d’une conférence prévue le 5 avril 2022 à l’Institut d’études avancées de Nantes, mais qui a été annulée pour cause de covid. Return to text

2 Je reprends ici un passage de mon Médiance, de milieux en paysages (Belin/Reclus, 2000/1990, p. 75-76). Ma source était Gert Groening et Joachim Wolschke-Buhlmann : « Changes in the philosophy of garden architecture in the 20th century and their impact upon the social and spatial environment », Journal of Garden History, 9, 2, p. 53-70. Return to text

3 Titre d’un article du biologiste Reinhard Witt (1986) dans : Kosmos, 5, p. 70-75. Return to text

4 Cité par Jean Jacob (1994) dans : « Du droit de servir de fumier, ou la face cachée de l’écologie », Esprit, p. 36. Return to text

5 Hainard, Robert (1988). La Nature en crise, postface à Philippe Lebreton, Sang de la Terre, p. 330. Return to text

6 Regan, Tom (dir.) (1984). Earthbound : New Introductory Essays in Environmental Ethics, New York : Random House, p. 269. Return to text

7 J’ai développé cet argument (1996) dans Être humains sur la Terre. Principes d’éthique de l’écoumène. Gallimard. Return to text

8 Næss, Arne (2008). Écologie, communauté et style de vie. Mf ; (2009). Vers l’écologie profonde, avec David Rothenberg. Wildproject. Je reprends ici un passage du compte rendu que j’ai fait de ces livres : « Ontologie des écosystèmes, ou des milieux humains ? », EspacesTemps.net, 15 juin 2010 : http://espacestemps.net/document8138.html. Return to text

9 Livre posthume, qui fut édité en 1922 par le gendre de Vidal, Emmanuel de Martonne. (Réédité entre autres aux éditions Utz en 1995). Return to text

10 Pour une introduction à la mésologie au sens actuel, très différent de celui des premiers temps, voir mes livres (en commençant par les plus faciles) Là, sur les bords de l’Yvette. Dialogues mésologiques (Éditions Éoliennes, 2017) ; Entendre la Terre. À l’écoute des milieux humains. Entretiens avec Damien Deville (Le Pommier, 2022) ; La Mésologie, pourquoi et pour quoi faire ? (Presses universitaires de Paris-Ouest, 2014) ; Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains (Belin, 2008/2000). Pour un panorama plus diversifié : Augendre, Marie, Llored, Jean-Pierre et Nussaume, Yann (dir.) (2018). La Mésologie, un autre paradigme pour l’anthropocène ? Actes du colloque de Cerisy. Hermann. Pour un suivi : https://ecoumene.blogspot.com/. Return to text

11 J’ai analysé ces raisons (2021) dans Mésologie urbaine. Éditions Terre urbaine (p. 17 et seq.) Return to text

12 Il en existe deux traductions en français : par Philippe Muller (1965). Mondes animaux et monde humain, suivi de La théorie de la signification. Denoël ; et par Charles Martin-Freville (2010). Milieu animal et milieu humain. Rivages. Cette seconde traduction, améliorée à divers égards, ne comporte malheureusement pas la Théorie de la signification, qui est essentielle au propos d’Uexküll. Return to text

13 Je donne ce nom dans l’ordre normal en Asie orientale, patronyme en premier. De même, plus loin, pour Imanishi Kinji et Yamauchi Tokuryû. Return to text

14 J’ai traduit cet ouvrage sous le titre Fûdo, le milieu humain, CNRS, 2011. Return to text

15 Page 319 dans la traduction française. Return to text

16 Le pharmacien, zoologiste et géographe allemand Friedrich Ratzel (1844-1904) est généralement considéré comme le fondateur de la pensée déterministe, avec son ouvrage Anthropogeographie (1882-1891). Return to text

17 Principes de géographie humaine, page 114 dans l’édition Utz. Return to text

18 Heidegger, Martin (1983). Die Grundbegriffe der Metaphysik. Welt–Endlichkeit–Einsamkeit, Frankfurt am Main, Klostermann. (trad. D. Panis, 1992 : Les Concepts fondamentaux de la métaphysique. Monde-finitude-solitude. Gallimard). Return to text

19 J’ai détaillé cette boucle (2017) dans : La cosmophanie des réalités géographiques. Cahiers de géographie du Québec, 60, 171, 517-530. Return to text

20 C’est-à-dire 1. l’articulation au plan des phonèmes, unités dépourvues de sens, 2. l’articulation au plan des monèmes ou morphèmes, unités pourvues de sens, et 3. l’articulation entre ces deux plans. Quelques dizaines de phonèmes permettent ainsi de former quelques milliers de monèmes, agençables en une infinité de messages linguistiques. Return to text

21 Rappelons que le grec ἐνέργειᾰ signifie étymologiquement « mise en (ἐν) œuvre ou travail (ἔργον) ». L’anglais work a la même racine qu’ἔργον : l’indo-européen werg (idée de travail), d’où sont issus en français énergie, énergumène, orgue, organe, chirurgien etc. Return to text

22 Le Sauvage et l’artifice. Les Japonais devant la nature, 1986, Gallimard. Return to text

23 Cette formule traverse toute l’œuvre d’Imanishi (1902-1992), mais voir en particulier l’un de ses derniers livres (1980), Shutaisei no shinkaron (De la subjectité dans l’évolution) que j’ai traduit (2015) sous le titre La liberté dans l’évolution. Le vivant comme sujet. Wildproject. Return to text

24 Leroi-Gourhan, André (1964). Le Geste et la parole. Albin Michel. Return to text

25 C’est du moins ce que j’ai essayé de montrer (2014) dans Poétique de la Terre. Histoire naturelle et histoire humaine, essai de mésologie. Belin – ouvrage épuisé mais consultable dans la traduction (2019) d’Anne-Marie Feenberg, Poetics of the Earth. Natural history and human history, Londres: Routledge. Return to text

26 Le Lannou, Maurice (1967). Le Déménagement du territoire. Rêveries d’un géographe. Seuil. Return to text

27 C’est ce que j’ai analysé (1976) dans Le Japon. Gestion de l’espace et changement social. Flammarion. Return to text

28 Husserl, Edmund (1989). L’Arché-originaire Terre ne se meut pas. (trad. D. Franck, D. Pradelle et J.-F. Lavigne de Die Ur-Arche Erde bewegt sich nicht. Minuit). Return to text

29 Comme on le sait, lors de son procès devant l’Inquisition en 1636, Galilée, forcé d’abjurer, aurait grommelé in petto « Et pourtant, elle tourne » (Eppur, si muove). Return to text

30 De ce sullabein est issu en français syllabe : ce qui « prend ensemble » une consonne et une voyelle. Return to text

31 Yamauchi Tokuryû (1974). Rogosu to renma ; que j’ai traduit (2020) avec le concours de Romaric Jannel, sous le titre Logos et lemme. Pensée orientale, pensée occidentale. CNRS. Voir en particulier, la postface, où je montre le rapport avec la mésologie. Return to text

32 Cette « paysance nouvelle » est argumentée moins cursivement (2022) dans mon Recouvrance. Retour à la terre et cosmicité en Asie orientale. Éditions Éoliennes. Return to text

References

Bibliographical reference

Augustin Berque, « Mésologie et démocratie », La Pensée d’Ailleurs, 5 | 2023, 20-34.

Electronic reference

Augustin Berque, « Mésologie et démocratie », La Pensée d’Ailleurs [Online], 5 | 2023, Online since 20 octobre 2023, connection on 11 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/lpa/index.php?id=329

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Augustin Berque

Géographe et orientaliste, directeur d’études retraité à l’École des hautes études en sciences sociales.

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