Femmes incarcérées. Les liens affectifs dans le milieu carcéral comme formes de résistance

DOI : 10.57086/radar.959

p. 60-81

Abstracts

Dans cet article, je m’intéresse aux relations affectives dans les prisons féminines en interrogeant leur potentiel subversif. Les femmes en détention sont constamment occultées des études carcérales. Myriam Joël-Lauf étudie les différents mécanismes de cette marginalisation en envisageant la prison comme le « miroir grossissant » de notre société. L’affection entre les détenu·es n’est jamais réellement prise en compte dans ces recherches androcentriques. À l’inverse, elle devient un objet de fantasme sexiste et homophobe dans l’imaginaire collectif : en l’absence des hommes, les détenu·es entretiendraient des rapports lesbiens perçus comme déviants et pathologiques. Par ailleurs, l’institution les incite à se conformer au modèle de la mère et de l’épouse parfaite afin de les préparer, voire de les conditionner, à jouer le rôle attendu à leur sortie vers l’ordre social normatif. Toute autre situation est jugée illégitime. Face à cette domination et ce contrôle, des formes de résistance et d’autodétermination émergent. J’étudie, par le biais d’œuvres photographiques, comment les détenu·es s’émancipent et réaffirment leurs subjectivités à travers des gestes d’amour propre et des liens solidaires.

In this article, I focus on affective relationships in women’s prisons, questioning their subversive potential. Incarcerated women are mainly absent from carceral studies. Myriam Joël-Lauf analyzes the mechanisms of marginalization and considers prison as a “magnifying mirror” of our society. Affective ties between inmates are rarely taken into consideration in androcentric research. In reverse, they often become objects of sexist and homophobic fantasy in the collective imagination: in the absence of men, women are supposed to engage in lesbian relationships perceived to deviant or pathological. Moreover, the institution induces inmates to conform to the roles of ideal mothers and wives in order to prepare—or to condition—them to reintegrate into normative social order. Any other situation is considered illegitimate. In response to this domination, forms of resistance and determination emerge. Through the analysis of photographic works, I explore how incarcerated people emancipate themselves and reclaim their subjectivities thanks to acts of self-love and collective connection.

Outline

Text

Dans cet article, je traite des relations affectives comme manière de résister en prison, de s’affranchir du contrôle et de la domination patriarcale. Par le biais de photographies d’artistes contemporaines – celles de Bettina Rheims, Jane Evelyn Atwood, Agnès Geoffray et Nil Yalte – j’étudie la détermination dont font preuve les détenu·es dans les prisons de femmes en France. Entre archives et mises en scène, les œuvres témoignent d’une volonté de rendre visible le quotidien derrière les murs et d’humaniser les personnes prisonnières. Consciente de la surreprésentation péjorative des détenu·es queer dans les médias, je souhaite proposer une réflexion autour de la (re)découverte affective, émancipatrice et solidaire détachée de la dimension sexuelle stéréotypée1.

L’univers carcéral pousse les détenu·es à se conformer à des modèles prédéfinis et à accepter des mesures de redressement lors de leur incarcération. Dès le xviiie siècle2, l’enfermement et l’isolement sont vus comme des méthodes optimales, voire irrécusables, pour limiter le taux de récidive chez les « corps condamnés ». En 1975, Michel Foucault analyse la prison comme une institution disciplinaire où l’isolement est normalisé et intégré dans l’imaginaire collectif3. Cependant, la théorie foucaldienne néglige les expériences minoritaires liées au genre, à la classe sociale et à l’origine ethnique. L’abolitionniste Angela Davis cherche plus loin et décrit la réalité de la prison comme un lieu dédié aux « êtres indésirables » de notre société4. Imaginer un monde sans incarcération reste une idée utopiste et irrationnelle à l’heure où la justice punitive est utilisée comme « une stratégie de contournement de problèmes sociaux plus profonds tels que le racisme, la pauvreté, le chômage, le manque d’instruction »5. Mise sous silence, l’expérience de la détention révèle pourtant des failles dans l’organisation pénitentiaire.

En dehors de la société, les détenu·es dans les prisons de femmes sont ignoré·es du débat public et constamment occulté·es des études androcentriques. En France, la prison est, en théorie6, un espace en non-mixité de genre : les hommes et les femmes sont séparé·es. Cette condition fondamentale produit inévitablement des différences mais peu d’études se concentrent sur la réalité des prisons de femmes. Corinne Rostaing souligne le manque de connaissance des conditions des détenues dans la sociologie carcérale qui tend à uniformiser les « détenus » sans distinction de genre en niant ainsi les inégalités de traitement et en s’appuyant sur les conditions de la globalité effective masculine comme la référence universelle7. Le cas des femmes est souvent isolé car celles-ci ne représentaient que 3,4 % de la population française en 20248.

Or, dans les prisons de femmes, le programme de réinsertion est essentiellement tourné vers la formation et la valorisation de « la femme idéale ». Les détenues doivent correspondre à un modèle féminin traditionnellement au service du foyer ainsi que se soumettre au rôle d’épouse et/ou de mère. Répondre à ces attentes s’apparente à une garantie d’être accepté·e dans le monde libre. Cet encadrement sexiste et sélectif démontre que la prison de femmes est un lieu de redressement pour celles qui y sont envoyées. Dans l’imaginaire collectif, les femmes incriminées sont jugées déviantes et dangereuses tandis que les actes commis par des hommes sont davantage considérés comme évidents : « Si les criminels masculins étaient perçus comme des individus ayant simplement enfreint le contrat social, on considérait en revanche que les femmes criminelles avaient transgressé les principes moraux fondamentaux de la féminité »9, rappelle ainsi Angela Davis. L’effort autoritaire est d’autant plus accentué dans les prisons féminines où les comportements, comme les rapprochements entre les détenu·es, sont jugés et scrutés à la loupe.

De plus, un regard stigmatisant et sexiste pèse sur les personnes en centre de détention. La sociologue Myriam Joël-Lauf tente de déconstruire l’idée préconçue qui établit que l’enfermement en non-mixité conduit les personnes incarcérées à entretenir des rapports homosexuels. Elle envisage la prison comme le « miroir grossissant » de la société moderne qui inculque les normes hétérosexuelles et conjugales10. Selon les stéréotypes observés, les détenu·es entretiendraient des relations lesbiennes comme substituts temporaires pour pallier l’absence masculine et pour satisfaire une supposée pulsion. Derrière les murs, les conduites homosexuelles assumées et « exhibées » sont désapprouvées : « Elles occasionnent de plus un certain coût interactionnel en suscitant la désapprobation des pairs et en compliquant les relations avec les agents, en particulier les surveillantes »11. Ces liens conduisent à marginaliser davantage les détenu·es car iels ne se soumettent pas aux injonctions des modèles conjugaux. Myriam Joël-Lauf rappelle que la prison, comme les autres institutions, est saturée par des mécanismes de jugements homophobes12. Mais, en se montrant, les couples lesbiens permettent-ils de déconstruire les normes relationnelles ? Retournent-ils leur position inférieure et dépendante envers le pouvoir institutionnel ?

Bien que les minorités incarcérées soient peu représentées dans les études judiciaires et aucunement protégées par le système en place, leurs représentations statistiques et médiatiques sont abondantes. Les relations entre détenu·es sont des thématiques récurrentes dans les films et les séries. Sont-elles pour autant tolérées ? La plupart du temps, les images sur la population carcérale sont saturées de clichés fantasmés. Gwenola Ricordeau dresse un profil du groupe des femmes judiciarisées13. On y trouve une surreprésentation des personnes racisées, toxicomanes queers et travailleur·euses du sexe. Ces existences – jugées non conformes – fonctionnent quasiment comme des critères annonciateurs d’une incarcération difficile14. Plus précisément, dans le cas des personnes lesbiennes, le stéréotype de « la lesbienne agressive » constitue un facteur supplémentaire à la décision pénale. Estelle Freedman s’intéresse au lesbianisme en prison et, plus particulièrement, aux images construites autour des détenu·es lesbien·nes : « Dans la culture populaire, explique-t-elle, les prisons pour femmes sont devenues synonymes de lesbianisme. L’émergence de la lesbienne en prison en tant que prédatrice sexuelle dangereuse et l’évolution des contours de cette catégorie au fil du temps constituent une source historique unique sur la construction sociale de l’identité homosexuelle15 ».

Parallèlement aux réflexions portées sur la condition des femmes en prison, les féministes partagent des points de vue différents sur le système carcéral. D’après Françoise Vergès, le féminisme en faveur du punitivisme « milite pour que les tribunaux jugent plus sévèrement et décident de plus longues peines de prison, ou pour un accroissement des mesures de surveillance et de contrôle »16 vis-à-vis des crimes et des délits commis par les hommes. Faut-il tout de même remettre en question le système pénal lorsque des féministes réclament des peines plus lourdes ? Est-il la meilleure solution face aux crimes et aux délits ? Pour répondre à ces questions, il est important de considérer la prison comme un lieu tangible et concret, traversé par des rapports de domination. En réduisant ce système comme un « anti-monde »17 abstrait, nous renforçons en effet l’effacement des conditions subies par les détenu·es dans les convictions féministes majoritaires et orientées sur les questions des femmes blanches et bourgeoises18. En octobre 1970, les militantes du MLF l’avaient bien compris et s’étaient rendues devant la Petite Roquette, à Paris, pour affirmer que les femmes enfermées sont prisonnières du pouvoir patriarcal19. Cet événement a marqué la convergence des luttes féministes et abolitionnistes. En analysant ces connexions, Angela Davis a démontré combien la prison rejoue les dominations racistes et sexistes de la société. Elle propose des alternatives non pas à la forme punitive mais à des manières d’améliorer les institutions éducatives, économiques et médicales, des « solutions qui éludent la question du racisme, du machisme, de l’homophobie, des préjugés liés à la classe sociale et d’autres structures de domination »20.

Ce que mettent en évidence ces différents points de vue est que la prison de femmes – loin d’être un simple espace de punition – est à la fois un miroir de notre société mais aussi son angle mort. Les rapports de domination et les normes de genre sont bien ancrés dans l’enceinte carcérale. Malgré les contraintes qui la structurent, elle devient aussi un lieu de résistance et d’émancipation grâce à l’élaboration de liens sorores.

À travers cet article, je me demande comment l’incarcération devient un moyen de se découvrir, de s’affirmer et de s’identifier bien qu’elle se manifeste comme une forme de redressement. Dans un milieu qui reproduit pourtant le modèle social, comment les détenu·es s’affranchissent-iels des normes sexistes dominantes ? Il s’agira d’analyser des représentations photographiques qui participent à une réécriture des archives rigides de l’administration pénitentiaire et des expériences carcérales féminines. En étudiant ces images, je souhaite mettre en évidence les liens affectifs et collectifs au sein de l’espace disciplinaire.

L’expérience carcérale comme accès à l’amour de soi

En entrant en prison, les détenu·es se fondent dans une masse uniforme. Les portraits judiciaires – appelés « photographies anthropométriques » ou « bertillonages »21 – marquent une certaine rupture avec l’originalité propre à chacun·e et tentent d’objectiver les corps, de neutraliser les personnalités dans une logique de dépossession. En effet, l’institution carcérale forge cette identité figée et dépersonnalisée en imposant une universalité et en balayant tout aspect singulier. Réduites à leur crime ou délit et démises de toute particularité, les personnes judiciarisées sont absorbées dans des données numériques.

Pour réaliser sa série des Détenues (2014), la photographe française Bettina Rheims, collabore avec une soixantaine de détenu·es issu·es de différentes prisons ou quartiers de femmes en France. Robert Badinter, ministre de la Justice et commanditaire du projet, souhaitait que « par la force de son talent, Bettina Rheims restitue à chacune sa personnalité que l’incarcération tend à effacer22 ». Dans un studio hors de la prison, la photographe demande à ses modèles de choisir comment se présenter sur le fond blanc et devant l’objectif. Des vêtements et du maquillage sont mis à leur disposition afin qu’elles puissent choisir une apparence qui les définit en tant qu’être « féminin ». Selon Badinter et grâce à l’artiste, « les détenues sont redevenues des femmes23 ». Ces photographies, présentées comme une « promesse du désir24 », suivent une démarche qui rompt avec la méthode du bertillonnage, le protocole photographique qui identifie les détenu·es de façon neutre.

Dans une partie du livre Détenues (2018) qui restitue la série d’images, Bettina Rheims inscrit des bribes de récits, des « fragments », qui exposent les raisons des peines. Celles-ci sont souvent associées à un membre familial masculin. Il me semble important de relever que, en dépit de l’attention portée aux vécus, les détenu·es restent condamnées au regard masculin intéressé. Sur les photographies, certaines pleurent, baissent les yeux, cachent leurs visages et d’autres posent assurément, parées de maquillage et de bijoux. Entre fierté et méfiance, les corps photographiés sont assignés au désir ou au jugement des hommes : ces clichés s’adressent prétendument aux visiteurs qui seraient fascinés par la pudeur, la faiblesse ou l’apprêt des femmes. Cependant, plutôt que de les libérer du stigmate carcéral, la série Détenues conditionne une réception limitée qui inscrit les modèles comme des objets genrés et contraints d’incarner la norme de la féminité dite « naturelle ». Bien souvent, la prison donne l’occasion aux minorités de genre d’échapper à l’emprise masculine mais elles restent soumises aux injonctions patriarcales. L’initiative de Robert Badinter et la réalisation de Bettina Rheims démontrent que la reprise des codes relatifs à une forme de féminité est attendue. Si l’artiste répond à la commande ministérielle, elle ne s’engage ni dans une véritable immersion ni dans une recherche poussée de l’expérience carcérale, ni dans une relation de confiance avec les personnes portraiturées. De ce fait, ce manque de liens se traduit par une mise en image objective et superficielle. La restitution de cette féminité par l’image « artistique » – cadrée et uniformisée – n’affranchit donc pas pour autant les détenu·es des normes de genre déjà ancrées dans la prison. La règle de la féminité ne permet pas forcément aux détenues de se retrouver et de s’épanouir puisque, comme l’affirme la chercheuse et militante bell hooks :

L’apprentissage de la féminité en tant que règne des apparences éloigne les femmes de la vérité qu’elles sentent en leur âme et conscience. Bien souvent, cette comédie qu’on leur enseigne à jouer les empêche de connaître leur moi profond. Au lieu de chercher en elles-mêmes, elles s’efforcent de plaire et de devenir ce que les autres veulent qu’elles soient25.

De plus, le patriarcat les pousse à adopter des rapports de compétition. Ce système sexiste les conduit notamment à se diviser, à se surveiller mutuellement et à être aveuglément misogynes, même lorsqu’elles pointent du doigt le comportement masculin à leur égard. « Comme si, conscientes du fait que les femmes n’ont aucune valeur au sein du patriarcat, nous tentions de nous racheter en nous faisant concurrence pour être reconnues et acceptées »26. Comment les détenues peuvent-elles s’affranchir du redressement carcéral et du contrôle patriarcal ? Il faut d’abord que les femmes apprennent à s’aimer individuellement. Justement, bell hooks appelle les femmes à se (re)définir, à développer leurs qualités afin de « bâtir » un amour propre27. Si le patriarcat fait de l’amour de soi une affaire impensée et risquée, voire un crime, alors est-il possible de le développer pendant une peine carcérale ?

Fig. 1 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

Fig. 1 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

Photographies argentiques, noir & blanc, 23,8 × 17,8 cm

© Jane Evelyn Atwood.

Fig. 2 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

Fig. 2 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

Photographies argentiques, noir & blanc, 23,8 × 17,8 cm

© Jane Evelyn Atwood.

Fig. 3 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

Fig. 3 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

Photographies argentiques, noir & blanc, 23,8 × 17,8 cm

© Jane Evelyn Atwood.

Fig. 4 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

Fig. 4 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

Photographies argentiques, noir & blanc, 23,8 × 17,8 cm

© Jane Evelyn Atwood.

Pendant une dizaine d’années, la photographe Jane Evelyn Atwood s’est immiscée dans le monde carcéral féminin en France, en Russie et en Inde, jusqu’au « couloir de la mort » des États-Unis. Après de nombreux refus administratifs, elle finit par obtenir une autorisation en 1989 pour photographier les prisons françaises afin de dévoiler cet univers clos et barricadé. Par opposition au travail de Bettina Rheims, la série Too Much Time: Women in Prison (1989-1998) offre une proximité bienveillante et propose une démarche engagée avec les personnes photographiées dans l’enceinte même de la prison. Ici, l’artiste rencontre les détenu·es et découvre leurs conditions quotidiennes désastreuses. Elle déclare :

Dès le début, j’ai été frappée par l’immense manque affectif des prisonnières. Elles étaient handicapées, et de plusieurs façons. Elles avaient été écrasées non seulement par l’ignorance, la pauvreté et une vie de famille éclatée, qui sont le lot commun de presque tous les détenus […]. Des femmes qui ont été brisées dehors continuent, en prison, à être traitées comme des citoyennes de seconde zone28.

Cette série tire le portrait d’une communauté et renverse les clichés auxquels elle est rattachée. Avec son travail artistique, Jane Evelyn Atwood traduit les moments passés en prison avec chacun·es des détenu·es et tente de montrer les moindres recoins des cellules, des réfectoires et des cours. Cette étude de terrain a favorisé une proximité avec les détenues et a permis de révéler une certaine intimité derrière l’objectif. Too Much Time: Women in Prison montre les visages au sein des prisons françaises sans intention d’uniformiser les détenues dans une masse invisible. Bien que la cohésion de groupe soit présente, les personnes sont aussi montrées dans leurs subjectivités propres. La photographe n’impose ni une posture ni un regard devant l’objectif afin de laisser ses modèles disposer de leur propre corps29 et agir de manière habituelle et quotidienne. Les images nous immergent dans la pièce et nous confèrent une position quasiment voyeuriste ; à travers des scènes de détente (voir fig. 1), de discussion (voir fig. 2) ou encore d’activités extérieures (voir fig. 3, 4), les détenu·es se consacrent des moments de soin dans l’espace contraint. De plus, le traitement en noir et blanc fige le temps et renforce la solitude papable en détention. Contrairement aux idées reçues, les détenu·es investissent leur peine :

Au lieu de s’enfermer dans une identité incarcérée, uniquement axée autour de la vie à l’intérieur des murs, [les détenus] valorisent au contraire tous les liens avec l’extérieur ou avec leur vie antérieure. Ils insistent sur les efforts réalisés pour s’en sortir malgré les difficultés, sur ce qu’ils ont appris ou combien ils ont changé positivement30.

L’artiste ne se contente pas de documenter les vies emprisonnées, elle fait ressortir l’individualité de ses modèles qui échappent ainsi aux abondantes images réductrices. Jane Evelyn Atwood montre des détenu·es qui s’affirment, en saisissant des gestes spontanés et des moments naturels. Cette manière sensible de représenter les corps révèle la possibilité d’exister pleinement, même dans un contexte de privation et de contrôle. Paradoxalement, l’expérience carcérale mène les personnes judiciarisées vers une assurance qui permet de faire face à l’effacement que leur inflige la société sexiste. Pour bell hooks, faire le choix de s’accepter revient donc à rompre avec un passé douloureux et à s’épanouir. Bien qu’imposé, l’isolement ne s’envisage plus autour du sentiment d’insécurité mais plutôt sur la découverte d’un droit à l’amour personnel par l’occupation autocentrée et libérée, temporairement, du devoir familial et conjugal. Too Much Time: Women in Prison reflète non pas un retrait social des personnes incarcérées mais une tentative de reconnexion exemptée de la présence masculine.

La collectivité en non-mixité : entre contraintes et opportunités

Michel Foucault a analysé comment le contrôle institutionnel façonne, discipline et redresse les corps31. D’une part, l’espace pénal impose une posture et un comportement auxquels il faut répondre, d’autre part, il isole et sépare les détenu·es pour mieux les soumettre aux règles. Dans son ouvrage De la prison à la révolte (1973), l’ex-prisonnier et écrivain militant Serge Livrozet parle de son expérience d’incarcération. Dans la préface, Michel Foucault écrit :

Les condamnés n’existent au pluriel que par l’effet et la grâce d’un discours « scientifique » tenu par un préposé. Ils forment un ensemble parce qu’on les a regroupés sous des catégories générales […]. Ainsi peut-on être sûr qu’ils ne formeront rien d’autre qu’une collection ; jamais un mouvement collectif porteur lui-même de sa propre réflexion32.

La prison prive les détenu·es de tout espace social. Tourné vers le dedans, le contrôle carcéral les divise pour mieux s’établir mais les rassemble en un ensemble de corps rigides. On peut dès lors se demander dans quelle mesure cette domination est conscientisée chez celleux qui la subissent et comment la collectivité permet d’y résister.

À propos de la discipline corporelle et mentale, la plasticienne française Agnès Geoffray explore la tension entre l’exigence disciplinaire et la réflexion intérieure persévérante. L’œuvre Fragments (2021) présente des images couplées avec des citations extraites de textes (romans, poésies, documents administratifs, etc.). Dans cette série, l’artiste met en scène un groupe de femmes vêtues de robes noires. Comme une chorégraphie, les corps sont synchronisés, coordonnés et clonés (voir fig. 5, 6). Dans ses images, l’artiste interroge une posture figée dans le silence et le rythme de l’enfermement. Les citations associent aux images un discours de résistance et une conscience d’impuissance (voir fig. 7, 8). Une autre œuvre dénonce le (re)dressement qui contraint les détenu·es : Les évadées (2021), un ensemble de pièces d’archives, comme des rapports d’agent·es ou des témoignages de détenues, imprimées sur de la soie et reliées par des épingles par groupe de trois (voir fig. 9). La soie et les épingles évoquent le travail de linge que les prisonnières sont forcées d’exercer. Agnès Geoffray confère une forme de noblesse aux documents de réprimandes dégradantes qui révèlent la rébellion des pupilles. L’artiste désigne comme « évadées » celles qui ont contourné le règlement pour être transférées vers d’autres établissements, tels que des hôpitaux psychiatriques ou des foyers familiaux, dans l’espoir de s’échapper pendant le trajet et de rejoindre le « monde libre ».

Fig. 5 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

Fig. 5 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

Diapositives, mises en scène, photographies.

FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

Fig. 6 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

Fig. 6 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

Diapositives, mises en scène, photographies.

FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

Fig. 7 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

Fig. 7 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

Diapositives, extraits de textes.

FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

Fig. 8 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

Fig. 8 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

Diapositives, extraits de textes.

FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

Fig. 9 : Agnès Geoffray, Les évadées, 2021

Fig. 9 : Agnès Geoffray, Les évadées, 2021

Documents d’archives imprimées sur de la soie

FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

Exposés au Château ducal de Cadillac-sur-Garonne, ces deux projets commémorent les femmes résistantes réduites au silence et emmurées dans ce lieu, autrefois prison entre 1818 et 195233. À la fois espace d’oppression et de lutte, la prison a formé, malgré elle, des formes de solidarité et de résistance. La conscience des corps se heurte en permanence au règlement carcéral pour préserver leur intégrité. De ce fait, il me semble essentiel d’aborder les affinités entre passé et présent : Comment les mémoires des femmes prisonnières pendant le xix et xxe siècles résonnent-elles avec les stratégies d’affirmation et de survie développées par les détenu·es dans les prisons contemporaines ? Comment parviennent-iels à se servir de l’incarcération comme un espace de révolte collective ?

Maintenu·es isolé·es, les détenu·es se confrontent certes à l’ordre patriarcal mais sans la présence physique des hommes. La prison devient paradoxalement un espace de sororité, moteur de la survie face à la violence carcérale. La coopération entre détenu·es adoucit l’enfermement et contribue également à créer une forme de résistance discrète mais puissante. Affranchie de la misogynie intériorisée, les détenu·es choisissent de s’allier en créant des liens affectifs indispensables34. Si cette conscience est intégrée, alors l’incarcération peut devenir une période de communion plutôt qu’une période de renfermement.

Dans l’installation intitulée La Roquette, prison de femmes (1974-1975), Nil Yalter, artiste française et turque, reconstitue des anecdotes quotidiennes des détenues de la Roquette, une prison parisienne inaugurée en 1826, puis fermée en 1973. Depuis 1932, les femmes et les enfants sont enfermé·es dans une partie annexe appelée « La Petite Roquette » et encadrée par des religieuses. Rangés dans une mallette, des documents en noirs et blancs – images, dessins et vidéo – fonctionnent comme une archive fictive afin d’illustrer le témoignage de Mimi, l’ex-détenue rencontrée pour le projet, et de se souvenir du bâtiment détruit en 1974. Son récit est enregistré et sert de bande sonore à la vidéo qui accompagne les images encadrées. Ici, je m’intéresse au livre-objet dans lequel une citation de Michel Foucault – tirée de Surveiller et punir (1975) – introduit l’ensemble des photographies et rappelle que la prison est « stricte » mais pas si différente d’autres institutions non-carcérales35 (armée, école, etc.). Cette fois, la série de photographies ne montre pas de visages : Nil Yalter se concentre sur les gestes. Le récit de Mimi nous oriente dans la lecture des mises en scène et des dessins : les détenu·es s’échangent des oranges contre des cigarettes, s’invitent à manger les un·es chez les autres, se passent des mots par les fenêtres des cellules, se prennent dans les bras, se coiffent les cheveux mutuellement… De plus, l’utilisation du noir et blanc et du document spiralé donne une valeur à l’objet. Entre la preuve et le devoir de mémoire, La Roquette, prison de femmes permet de donner une matérialité à l’expérience carcérale, à ce que l’institution cherche à dissimuler.

Nous avions vu que la prison accentue la surveillance et la punition pour corriger les corps déviants et les soumettre à une attitude soumise et à l’isolement. Elle exige et normalise un contrôle constant. Cependant, le discours de la détenue indique que les surveillantes ferment les yeux sur la sexualité « anormale » et la proximité entre détenu·es. En général, les prisonnier·ères se comprennent et se rapprochent pour « tenir le coup », « se faire à la prison », dans ce lieu austère et privatif. Grâce à l’entraide et la complicité, iels tentent de s’approprier l’espace de façon souterraine. Les compositions de Nil Yalter illustrent avec attention le besoin de solidarité et d’affection entre les détenu·es. Comme une ressource vitale, les relations entre elleux s’opposent au (re)dressement exigé par l’institution pénitentiaire. En effet, la création d’une communauté bienveillante et empathique, qui prône l’acceptation de soi et l’amour des autres, est un acte de résistance à l’encontre du régime patriarcal et carcéral. Le « droit à l’amour » et l’épanouissement concerne aussi celleux contraint·es par l’enfermement.

Conclusion

Jane Evelyn Atwood, Agnès Geoffray et Nil Yalter ne produisent pas seulement des images esthétiques, leurs œuvres sont profondément politiques. Afin de lutter contre l’effacement des détenu·es, ces trois artistes tentent de montrer la vie derrière les murs au-delà de la lassitude de l’enfermement. Les représentations des prisons de femmes font ainsi ressortir le besoin d’attaches affectives et collectives, des formes de résistance face aux normes sexistes et aux restrictions carcérales. Dans Joie militante (2017), carla bergman et Nick Montgomery soutiennent l’idée que les affinités durables « sont des moyens de défaire l’emprise de l’Empire »36. L’Empire signifie ici le système patriarcapitaliste37 dans lequel nous vivons, qui travaille à isoler et à « monopoliser l’ensemble du vivant, écrasant toute autonomie et entraînant la dépendance »38. Plus que des échappatoires, les liens solidaires ont un pouvoir de transformation et forment ainsi un réseau autonome de résistance face à l’Empire.

En somme, les représentations étudiées montrent la vie en collectivité en non-mixité et constituent une nouvelle approche du sujet de l’incarcération dans les centres féminins. En effet, les artistes sont allées dans les prisons, se sont plongées dans les archives ou sont allées à la rencontre d’ex-détenues pour découvrir et traduire les interconnexions intimes et solidaires. Leur travail de terrain et de mémoire figure la prison comme un dispositif punitif et oppressif et aussi comme un lieu d’émergence résistante pour les personnes détenu·es. Cette ambivalence amène les corps brisés à retrouver une force agissante : iels déploient des moyens pour préserver leurs identités et pour développer leur amour propre.

Bibliography

Ouvrages

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Articles

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Notes

1 Je tiens à souligner que ma démarche s’appuie sur des représentations esthétiques qui n’offrent qu’une vision de surface de la réalité carcérale et qui ne permettent pas de visibiliser la violence systémique. Dans L’université de Rebibbia (1983), l’écrivaine italienne Goliarda Sapienza a elle-même souligné la complexité de traduire l’expérience carcérale. Voir Goliarda Sapienza, L’université de Rebibbia, Paris, Le Tripode, 2019 [1983]. Return to text

2 Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance des prisons, Paris, Gallimard, 1975, p. 178. Return to text

3 Idem. Return to text

4 Angela Davis, La prison est-elle obsolète ?, Vauvert, Au diable vauvert, 2014, p. 12. Return to text

5 Angela Davis, Une lutte sans trêve, Paris, La Fabrique, 2016, p. 15. Return to text

6 La prison est une structure binaire et transphobe. L’affectation des détenu·es est régie en fonction de l’anatomie révélée lors de la fouille corporelle sans attention particulière à l’identité de genre ressentie par la personne judiciarisée. Voir Morgan Pénitot, « Les personnes détenues transgenres : quelle prise en compte ? », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, no 22, 2024, p. 44-52. Depuis octobre 2024, Louna, militante écologiste, est maintenue à l’isolement dans une prison d’hommes à Tarbes. Voir également : https://www.revolutionpermanente.fr/Louna-le-scandale-de-la-transphobie-carcerale. Return to text

7 Voir Corinne Rostaing, « L’invisibilisation des femmes dans les recherches sur la prison », Les Cahiers de Frampesa, no 5, 2017. https://doi.org/10.4000/framespa.4480. Return to text

8 Chiffre publié sur le site de l’Observatoire international des prisons : « Trois pour cent de la population carcérale oubliée », 8 mars 2024, https://oip.org/analyse/trois-pour-cent-de-la-population-carcerale-oubliee. Return to text

9 Angela Davis, op.cit., 2014, p. 68. Return to text

10 Myriam Joël-Lauf, La Sexualité en prison de femmes, Paris, Presses de Sciences Po, 2017, p. 268. Return to text

11 Ibid., p. 158. Return to text

12 Ibid., p. 164. Return to text

13 Gwenola Ricordeau, Pour elles toutes : Femmes contre la prison !, Montréal, Lux, 2019, p. 65. Return to text

14 Karlene Faith s’intéresse aux peines lourdes des femmes canadiennes, plus particulièrement les femmes autochtones, inculpées pour des délits mineurs. Elle explique que « Si les femmes subissent de longues sentences, ce n’est pas en raison de la sévérité de leur crime, mais parce qu’elles ne peuvent s’adapter aux prisons de leurs colonisateurs ». Voir Faith Karlene, « La résistance à la pénalité : un impératif féministe », Criminologie, vol. 35, no 2, 2002, p. 119. Return to text

15 Estelle Freedman, Feminism, Sexuality, and Politics, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2006, p. 143. Return to text

16 Françoise Vergès, Une théorie féministe de la violence, Paris, La Fabrique, 2020, p. 84. Return to text

17 Il est récurrent de penser la prison comme un « anti-monde » en raison des stratégies adoptées pour invisibiliser les établissements pénitentiaires et pour produire une méconnaissance volontaire. Voir Marie Morelle et Olivier Milhaud, « La prison entre monde et antimonde », Géographie et cultures, no 57, 2006, p. 9-28. https://shs.hal.science/halshs-00402664v1. Return to text

18 En 1851, Sojourner Truth, esclave émancipée et activiste, prononce son célèbre discours pendant la convention pour les droits des femmes de l’Ohio. Publiée en 1863 dans The Independant et The National Anti-Slavery Standard, une version du discours – écrite par Frances Dana Gage – mentionne la fameuse phrase « And ain’t I a woman? » qui questionne ainsi les oublis et les rejets de l’Histoire et du féminisme dominant, blanc et bourgeois. Voir bell hooks, Ne suis-je pas une femme. Femmes noires et féminisme, Paris, Cambourakis, 2015 [1981]. Return to text

19 Cathy Bernheim retrace son expérience au sein du MLF dont l’action à la Petite Roquette où les militant·es se sont enchaîné·es pour dénoncer le lien entre la domination masculine et l’enfermement des femmes. Voir Cathy Bernheim, Perturbation, ma sœur : naissance d’un mouvement de femmes 1970-1972, Paris, Éditions du Félin, 2010. Return to text

20 Angela Davis, op. cit., p. 146. Return to text

21 En 1879 et en France, Alphonse Bertillon met en place une méthode anthropométrique d’identification judiciaire qui consiste à photographier les criminel·les sous un éclairage uniforme et un fond neutre, de face et de profil. Ces portraits standardisés réduisent les personnes incarcérées à de simples données biométriques. Return to text

22 Robert Badinter, « Avant-propos », Détenues, Paris, Gallimard, 2018, p. 7. Return to text

23 Ibid. Return to text

24 Ibid., p. 8. Return to text

25 bell hooks, Communion. Aimer en féministes, Paris, Points, 2025, p. 124. Return to text

26 Ibid., p. 152. Return to text

27 Ibid., p. 154. Return to text

28 Jane Evelyn Atwood, Trop de peine. Prison de femmes, Paris, Albin Michel, 2000, p. 12. Return to text

29 Entre les années 1920 et 1930, une commande du ministère de la Justice est adressée à Henri Manuel, photographe officiel de la IIIe République, pour photographier les centres pénitentiaires français, principalement féminins. Dans sa série, les détenues sont montrées avec le regard fuyant et le corps courbé. Ce projet documentaire renforce le sentiment de honte et utilise les corps comme des instruments au service du contrôle institutionnel de plus en plus puissant. Voir Françoise Denoyelle, « Le studio Henri Manuel et le ministère de la Justice : une commande non élucidée », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », no 4, 2002, 127-143. https://doi.org/10.4000/rhei.56. Return to text

30 Corinne Rostaing, Une institution dégradante, la prison, Paris, Gallimard, 2021, p. 87. Return to text

31 Michel Foucault, op.cit. Return to text

32 Serge Livrozet, De la prison à la révolte, Paris, Mercure de France, 1973, p. 10. Return to text

33 Le Château ducal de Cadillac est chargé de l’histoire des femmes et de leur enfermement. En 1818, il devient une prison de femmes, la première en France. Plus tard, en 1891, il se spécialise en tant que maison pénitentiaire pour filles, puis, en 1905, comme maison de préservation pour filles. Le lieu contient souvent des jeunes femmes sous la décision du père ou du mari, sans forcément qu’une infraction soit commise. Les murs de la prison garantissent la « pureté » des corps mineurs et vierges. Return to text

34 Dans le film REAS (2024) de Lola Arias, des détenu·es rejouent leur incarcération dans une ancienne prison de Buenos Aires. Iels montrent que l’harmonie collective et la solidarité sont importantes pour supporter l’incarcération. La réalisatrice dit que « L’objectif de REAS n’était pas de réaliser un autre drame carcéral, mais de se concentrer sur les liens d’amour et de communauté entre les femmes cis et les personnes trans qui les maintiennent en vie dans un espace de confinement et de violence » (propos publié en janvier 2024, sur le site de Lola Arias : https://lolaarias.com/reas/). Return to text

35 « La prison : une caserne un peu stricte, une école sans indulgence, un sombre atelier, mais, à la limite, rien de qualitativement différent ». Voir Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, op. cit., p. 141. Return to text

36 Carla Bergman, Nick Montgomery, Joie militante. Construire des luttes en prise avec leurs mondes, Rennes, Éditions du commun, 2021 [2017], p. 131. Return to text

37 Pour une définition plus complète, voir « Glossaire », RadaR, no 10, 2025. https://www.ouvroir.fr/radar/index.php?id=1034. Return to text

38 Ibid., p. 29. Return to text

Illustrations

  • Fig. 1 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

    Fig. 1 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

    Photographies argentiques, noir & blanc, 23,8 × 17,8 cm

    © Jane Evelyn Atwood.

  • Fig. 2 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

    Fig. 2 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

    Photographies argentiques, noir & blanc, 23,8 × 17,8 cm

    © Jane Evelyn Atwood.

  • Fig. 3 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

    Fig. 3 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

    Photographies argentiques, noir & blanc, 23,8 × 17,8 cm

    © Jane Evelyn Atwood.

  • Fig. 4 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

    Fig. 4 : Jane Evelyn Atwood, Too Much Time: Women in Prison, 1989-1998

    Photographies argentiques, noir & blanc, 23,8 × 17,8 cm

    © Jane Evelyn Atwood.

  • Fig. 5 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

    Fig. 5 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

    Diapositives, mises en scène, photographies.

    FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

  • Fig. 6 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

    Fig. 6 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

    Diapositives, mises en scène, photographies.

    FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

  • Fig. 7 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

    Fig. 7 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

    Diapositives, extraits de textes.

    FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

  • Fig. 8 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

    Fig. 8 : Agnès Geoffray, Fragments, 2021

    Diapositives, extraits de textes.

    FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

  • Fig. 9 : Agnès Geoffray, Les évadées, 2021

    Fig. 9 : Agnès Geoffray, Les évadées, 2021

    Documents d’archives imprimées sur de la soie

    FRAC Nouvelle-Aquitaine Méca. © Agnès Geoffray

References

Bibliographical reference

Zoë Kemp, « Femmes incarcérées. Les liens affectifs dans le milieu carcéral comme formes de résistance », RadaЯ, 10 | 2025, 60-81.

Electronic reference

Zoë Kemp, « Femmes incarcérées. Les liens affectifs dans le milieu carcéral comme formes de résistance », RadaЯ [Online], 10 | 2025, Online since 05 juin 2025, connection on 20 juillet 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/radar/index.php?id=959

Author

Zoë Kemp

Étudiante en master Écritures critiques et curatoriales de l’art et des cultures visuelles, à l’université de Strasbourg, Zoë Kemp concentre ses recherches sur les études de genre avec un intérêt particulier pour les inscriptions murales et les formes de visibilité lesbiennes dans l’espace public.

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