« L’art de faire l’indienne », savoir théorique ou savoir‑faire dans l’Europe des Lumières

DOI : 10.57086/rrs.264

p. 63-78

Résumé

À la fin des années de prohibition (1686-1759), la question des toiles peintes a fait l’objet d’un débat passionné entre économistes, mais loin de ces positionnements idéologiques, de nombreux acteurs ont cherché à comprendre le phénomène de l’indiennage. Si aujourd’hui on connaît les principales sources d’informations (frères jésuites, commerçants des Compagnies des Indes), on ne s’est pas intéressé à la circulation de ces écrits et à leur incidence ou pas sur l’appropriation des techniques indiennes en France. À partir de sources variées, nous avons tenté de retracer une chronologie de la circulation des écrits, en montrant comment la question des drogues a été le principal enjeu de l’adaptation en Europe des techniques pratiquées aux Indes depuis l’Antiquité.

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En Europe, le siècle des Lumières a été un moment d’intenses échanges intellectuels et scientifiques dont L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert est l’exemple le plus connu. Dans ce contexte, l’intérêt pour les procédés de l’indiennage s’inscrit dans un mouvement plus général de circulations des techniques depuis l’Orient vers l’Europe qui s’est fait par les hommes et l’adaptation des drogues employées1. Les publications témoignent d’une démarche intellectuelle qui tient à la fascination pour ces étoffes décorées de motifs colorés et étranges qui se lavent facilement. L’attrait pour ces textiles venus de loin a été renforcé en France par leur interdiction lorsque le pouvoir royal décrète en 1686 une prohibition totale (importations, fabrications nationales et usages), destinée à protéger les productions textiles nationales (draps et soieries). Alors que cette prohibition paraissait de moins en moins tenable, en raison des importations des compagnies de commerce et du développement de cette industrie dans des pays proches en Europe (Hollande, Angleterre, Suisse), la question des toiles peintes est devenue un débat passionné entre économistes et intellectuels. Dès l’instauration du régime de prohibition, des voix se sont élevées pour défendre les intérêts des Compagnies des Indes orientales et du Levant. À partir des années 1740, les publications d’écrits s’intéressant aux techniques pratiquées aux Indes contribuent d’une certaine manière aux discussions et aux débats qui animent le Conseil de commerce, entre 1749 et 17592. Les partisans de la prohibition et d’un protectionnisme acharné s’opposent à ceux qui défendent une politique économique libérale en promouvant une industrie alors en plein essor dans les pays voisins3. Les promoteurs de la liberté de fabriquer des toiles peintes mettent en avant les avantages de ces étoffes qui s’introduisent en contrebande dans le royaume :

Le goût des toiles peintes n’est pas bizarrerie, elles fournissent des meubles d’été agréables, pas chers et qui se lavent. Le peuple l’aime, il y trouve bon marché, durée et propreté […]. Il faut convenir que nos manufactures ne fournissent pas de quoi remplacer ces sortes de meubles ; les couleurs des siamoises et toiles flambées et brochées s’éteignent en moins de rien, et le meuble est perdu sans avoir presque servi […]. On est donc facilement engagé à se servir des toiles peintes pour l’ameublement4.

Ces débats opposent d’un côté, Jean-Baptiste Machault d’Arnouville, contrôleur général des finances, Henri-François d’Aguesseau au parlement de Paris, fidèles à la politique de Louvois, partisans d’un renforcement des défenses et de l’autre côté, la haute administration royale, incarnée par l’intendant du commerce Jean-Jacques de Montaran, l’intendant des finances Daniel-Charles Trudaine et l’économiste Vincent de Gournay, tous favorables à la levée de la prohibition5. Ces derniers l’emportent, grâce à l’influence de l’entourage du Roi et au constat de l’échec de la prohibition face à l’essor de la contrebande6. Il faut attendre encore dix ans de débats au Conseil de Commerce pour que la prohibition sur les indiennes soit supprimée, assortie de taxes sur les importations pour favoriser une nouvelle industrie textile7. Durant cette période, les procédés indiens sont étudiés, des lettres et des traités sont publiés, leur circulation, comme les nombreux plagiats dont ils font l’objet, témoignent de l’intérêt des contemporains pour les techniques d’impression et la circulation des connaissances en Europe. Comment les procédés indiens ont-ils été connus en France ? Ces récits ont-ils permis l’adaptation de ces techniques ou bien ne sont-ils que le reflet d’un savoir théorique ? L’étude des principaux textes connus offre un aperçu d’une littérature qui entend faire connaître « l’art de faire l’indienne ».

Les sources pour connaître le savoir‑faire des Indes

Lorsque les premières indiennes sont arrivées en France, elles ont provoqué l’étonnement et l’admiration des contemporains qui se demandaient comment ces tissus pouvaient conserver leurs couleurs après chaque lavage. Malgré l’introduction de l’indiennage à Marseille avec l’arrivée d’indienneurs arméniens et sa diffusion en Europe8, « l’art de faire l’indienne » est longtemps demeuré une énigme qui a fasciné les contemporains. Dès le xviie siècle, des rapports et des écrits techniques révèlent les recherches entreprises pour colorer une toile blanche à certains endroits après l’application, à l’aide de pinceaux métalliques ou de planches de bois gravé, du mordant (un composé chimique) qui fixe la couleur dans les fibres de la toile, après le passage dans un bain de teinture. Suivant leur teneur en métal, les mordants donnent une teinte plus ou moins foncée, avec la cuve de garance on obtient des teintes qui vont du rose clair aux marrons très foncés. Dans l’état actuel des connaissances, le plus ancien récit décrivant les techniques indiennes est un manuscrit, La Manière de négocier aux Indes dédiée à mes chers amis et confrères, les engagés de la royale Compagnie de France, rédigé par Georges Roques, envoyé aux Indes par François Baron, directeur général de la Compagnie des Indes, pour visiter les manufactures du Gujarat et relancer le commerce après le traité de paix avec la Hollande9. Il est le premier Français à faire du commerce dans la région, arrivé le 16 octobre 1676 à Surat, il quitte les Indes le 1er février 1693 mais il meurt pendant la traversée. Daté de 1676-1691, son texte est adressé au directeur général de la Compagnie des Indes françaises, c’est à la fois un récit de voyage et un guide du négoce aux Indes. Il traite principalement du commerce des toiles, accordant peu d’importance à la fabrication des indiennes, quatre chapitres sur trente-sept en font état. Ce manuscrit est resté dans un cercle très restreint des commerçants de la Compagnie des Indes10. Il témoigne de l’intérêt pour les procédés indiens alors que la prohibition vient d’être instaurée en France.

Le deuxième texte connu, le manuscrit d’Antoine de Beaulieu, Manière de fabriquer les toiles peintes dans l’Inde, telle que Monsieur de Beaulieu, capitaine de vaisseau, l’a fait exécuter devant luy à Pondichéry, est en revanche entièrement consacré à la fabrication des indiennes11. Antoine de Beaulieu (1699-1764), capitaine de vaisseau séjourne aux Indes entre 1728 et 1733 où il aurait rédigé ce traité pour Du Fay (1698-1739), inspecteur général des teintureries du royaume, nommé intendant du Jardin du Roi en 1723. Mais des archives ont montré que le capitaine Beaulieu a recueilli ces informations pour le compte de Benoit-Dumas, gouverneur de l’île de Bourbon qui, voyant le développement des importations d’indiennes, avait le projet d’y installer une manufacture de toile peinte12. Il s’était déjà rendu à Pondichéry en 1728 où il a pu rencontrer Antoine de Beaulieu. Avant ces découvertes récentes, Du Fay était considéré comme le commanditaire car en 1760, ce manuscrit a fait l’objet d’une publication à Amsterdam qui dans la préface donne cette indication comme origine du traité13. Cette commande pouvait se justifier dans le contexte de ses travaux sur les teintures, Du Fay avait été chargé en 1729 de réviser le règlement de Colbert sur la teinture, établissant une hiérarchie des grands et petits teints suivant les phénomènes d’altération des couleurs par l’effet de l’air et de la lumière14. Mais en pleine prohibition, un haut fonctionnaire pouvait difficilement commander un rapport sur une fabrication interdite dans le royaume dans le but de connaître les techniques des Indiens et de les imiter. Le manuscrit destiné au gouverneur de l’Île de Bourbon arrive rapidement en métropole par l’intermédiaire de Réaumur, mathématicien membre de l’Académie, le milieu scientifique de l’Académie royale des sciences et du jardin du Roi s’intéressant à toutes les découvertes en lien avec des matières premières issues de la nature. Malgré l’interdiction d’imprimer sur toiles, les scientifiques se passionnent pour l’étude des procédés de teintures spécifiques à l’indiennage.

Enfin, le troisième écrit est une série de lettres du Père jésuite Gaston Laurent Cœurdoux publiées dans Lettres édifiantes et curieuses des pères de la mission, les recueils régulièrement édités par la Compagnie des frères de Jésus15. La première datée du 18 janvier 1742, à l’attention du père Halde, présente une synthèse d’explications données par des ouvriers indiens de Pondichéry16. La deuxième, datée du 22 décembre 1747, ajoute des informations complémentaires demandées par le père jésuite Pierre Le Poivre qui a envoyé à Cœurdoux un mémoire sur la peinture des toiles par les Indiens17. La troisième date du 13 octobre 1748, elle est destinée au père Le Poivre, elle contient un mémoire de Louis Paradis de la Roche, ingénieur de la Compagnie des Indes à Pondichéry, sur les différentes façons de teindre en rouge, complété par quelques remarques de Cœurdoux18. La lettre de 1742 est le texte le plus détaillé sur les techniques indiennes. À la demande du père Halde, il répond à la tradition des Jésuites « d’acquérir des connaissances, qui étant communiquées à l’Europe, contribueraient peut-être au progrès des Sciences, ou à la perfection des Arts »19. La motivation de cette lettre est encore précisée dans celle de 1747 : « Je ne sais si la lettre que j’écrivis en 1742 sur les Toiles peintes ne pourrait contribuer en Europe à la perfection de l’art des Teinturiers : c’est du moins le but que je m’étais proposé20. » La publication de ces deux lettres, en 1743 et en 1749 dans les Lettres édifiantes et curieuses des pères de la Compagnie de Jésus, dans une période où la prohibition commence à être remise en cause au plus haut sommet de l’État, révèle un intérêt pour les techniques d’impression qui dépasse la simple curiosité. Cœurdoux fait allusion à d’autres écrits :

Je ne sais si j’aurais été plus heureux dans mes découvertes, que ceux qui ont tenté avant moi d’en faire en ce genre. Comme ils n’avaient ni l’usage de la langue absolument nécessaire pour s’entretenir avec les peintres, ni l’habitude de traiter avec eux ; que d’ailleurs leur état même devait naturellement inspirer de la défiance aux timides Indiens, je doute qu’ils aient pu bien exécuter les ordres dont ils ont été chargés à ce sujet21.

Il apporte quelques précisions sur le nom des drogues utilisées aux Indes dans la deuxième lettre en réponse à celle que le père Le Poivre lui a adressée. Ce dernier ne semble pas avoir eu connaissance d’autres rapports auxquels Cœurdoux fait allusion car il remarque à propos de ses considérations : « Elles pourront contribuer au dessein que vous avez de faire passer en Europe le secret des Indes. Il est surprenant que jusqu’ici il ne se soit trouvé dans ce pays aucun Européen curieux, qui ait tâché d’enrichir sa patrie d’un art dont on peut tirer tant davantage. Il serait à souhaiter que nos voyageurs en quittant leurs pays l’oubliassent moins »22. Cette réflexion précise le but des recherches : d’après Le Poivre, il s’agit bien de faire connaître en France « le secret des Indes », la fabrication des toiles peintes tandis que Cœurdoux parle uniquement de donner aux teinturiers des informations sur les drogues utilisées aux Indes. La première lettre est publiée en 1743, après la période la plus sévère de la prohibition, mais avant que la question des toiles peintes soit débattue au Bureau de Commerce et personne n’ose encore s’élever officiellement contre leur interdiction. En 1749, la troisième lettre est publiée dans un contexte différent, l’auteur peut affirmer que ses recherches ne sont plus seulement destinées à la documentation scientifique des Jésuites ou à renseigner les teinturiers, mais bien à encourager l’industrie des toiles peintes en France, même si à cette date, l’indiennage est déjà bien implanté en Suisse, en Hollande et à Marseille et démarre à Mulhouse.

« L’art de faire l’indienne »

La comparaison de ces sources donne un aperçu détaillé de la connaissance des techniques indiennes. Les recettes décrites dans ces trois récits ne sont pas toujours compréhensibles et parfois se contredisent, mais elles donnent une idée de la connaissance des techniques indiennes. Roques évoque dans son manuscrit la fabrication des indiennes à Ahmedabad où les indienneurs utilisent des moules d’impression tandis que Beaulieu et Cœurdoux décrivent les techniques employées sur la côte de Coromandel où les toiles sont imprimées au pinceau. Cœurdoux en donne une description très précise :

Il faut dire un mot des pinceaux indiens, ce ne sont autre chose qu’un petit morceau de bois de Bambou, aiguisé & fendu par le bout… On y attache un petit morceau d’étoffe imbibée dans la couleur qu’on veut peindre… Celui dont on se sert pour peindre la cire, est de fer de la longueur de trois travers de doigt, ou un peu plus, il est mince sur le haut, & par cet endroit il s’insère dans un petit bâton qui lui sert de manche ; il est fendu par le bout, & forme un cercle de cheveux de la grosseur d’une muscade : ces cheveux s’imbibent de la cire chaude, qui coule peu à peu par l’extrémité de cette espèce de pinceau23.

D’après Roques, l’utilisation des planches de bois gravé en creux se déroule en trois étapes : la première pour le contour du dessin, la deuxième pour le fond et la troisième pour les rentrures24. Auparavant la toile doit être nettoyée à l’eau pour enlever les impuretés et l’apprêt, à base d’eau de riz dont elle est enduite. La toile subit ensuite une série d’opérations qui préparent l’application des couleurs : trempée et lavée à plusieurs reprises dans un bain composé de mirabolans en poudre mélangé à de l’huile de sésame chez Roques et à du lait de buffle chez Cœurdoux et Beaulieu. Les mirabolans ou myrobolans sont des fruits ressemblant à des prunes que Cœurdoux nomme cadous et cadoucaïes, très riches en tanin, ils sont utilisés à la fois pour la teinture en noir et comme mordant dans la teinture de garance25. La pulpe des fruits séchés donne une consistance épaisse accentuée par le lait, le mordant épaissi s’imprime sur la toile sans s’étaler, « le myrobolan, qui renferme une abondance de sucs astringents, est préféré par les teinturiers indiens à la noix de galle »26. Ces bains répétés préparent le mordançage des parties destinées à devenir rouge tandis que les opérations de battage de la toile, décrites par Beaulieu et Cœurdoux, sont destinées à former une couche d’apprêt imperméable, comblant les interstices du tissu pour réaliser des contours très précis.

La première opération de teinture est l’application des traits noirs formant les contours du dessin. Roques évoque un mélange de poudre de mirabolans, de farine de blé aigri dans de l’eau et de rouille de fer, appliqué au moule. Chez Beaulieu et Cœurdoux, le dessin est rapporté au charbon pilé, Cœurdoux indique l’utilisation d’un papier perforé pour tracer les contours. Puis, les traits des fleurs et les tiges sont peints en noir avec des morceaux de fer macérés dans de l’eau de riz aigri, puis du vin de palmier ou de cocotier. Beaulieu parle d’un mordant noir formé de pierres vitrioliques, passées au feu et fermentées plusieurs jours avec de la sève de cocotier. La teinture noire est obtenue par l’acétate de fer — produit par la macération de pièces métalliques — au contact du tanin des myrobolans. Cette couleur est solide, mais elle a tendance avec le temps à ronger les fibres textiles.

La deuxième opération concerne le garançage : le mordant du rouge est appliqué avant que la pièce ne soit passée dans le bain de teinture. Roques décrit la seconde application du moule comme une coloration définitive, en réalité il s’agit du mordant que les imprimeurs rendent visible en le colorant avec du bois de sappan ou du Japon. Cette couleur est fugace car la toile doit être immergée dans la cuve de garance pour que le mordant fixe ses propriétés colorantes dans les fibres du coton. Roques montre bien que les fonds rouges des indiennes sont obtenus par la teinture en garance, mais il a une vision incomplète du procédé et il ne semble pas avoir vu la mise en teinture. Dans la recette de Beaulieu, le mordant rouge — bois du Japon bouilli avec de l’alun — est appliqué au pinceau. Puis, la toile est passée dans un bain de teinture au chay, une sorte de racine appartenant à la famille des rubiacées. Cœurdoux est le seul à placer les opérations de teinture rouge après l’application du bleu. Pour le garançage, il indique des réserves à la cire pour les parties devant rester blanches, cette opération est inutile car comme le montre bien Beaulieu, le rouge ne se fixe sur la toile qu’aux endroits où le mordant a été appliqué. La recette du mordant est la même que chez Beaulieu, il donne plus de précisions sur les différentes préparations utilisées pour obtenir une couleur rouge, lie de vin ou violet. Beaulieu indique une deuxième opération de garançage pour le violet, après la cuve d’indigo. En réalité, cette opération, signalée par Cœurdoux, a lieu au moment de la teinture en rouge, c’est la concentration d’alun et de sels métalliques du mordant qui donne la coloration, des rouges très clairs jusqu’au violet foncé.

Lorsque la toile sort du bain de garance, elle est entièrement rouge mais la teinture n’a pénétré dans les fibres de la toile qu’aux endroits où le mordant a été appliqué. Pour que les motifs apparaissent, la toile doit être blanchie dans un bain de bouse de cabri ou de mouton dont l’action chimique renforce la fixation de la teinture. La toile est ensuite lavée et mise à sécher sur le pré. Cette étape est importante pour le blanchiment, les toiles sont régulièrement arrosées, de l’oxygène se forme au contact de l’herbe et de l’eau pendant le séchage, favorisant le blanchiment de la toile aux endroits où elle n’a pas reçu de mordant.

La troisième opération est la teinture en bleu d’indigo, décrite très partiellement chez Roques, rapidement par Beaulieu, longuement par Cœurdoux. Il ne semble pas avoir suivi la succession des opérations contrairement à Beaulieu mais sa curiosité et ses connaissances lui permettent d’apporter d’autres détails. Il décrit comment l’indigo est cueilli sous forme de feuilles qui sont séchées et réduites en poudre, avant leur fermentation. Dans la cuve, l’indigo en poudre est mélangé à de la chaux, le mélange doit fermenter pendant plusieurs jours. Avant son passage dans la cuve, la toile de coton est entièrement enduite de cire, sur l’endroit comme sur l’envers, sauf aux endroits qui doivent recevoir la teinture bleue. Après cette opération, les toiles sont lavées dans de l’eau très chaude pour enlever la cire et elles subissent de nouveau un blanchiment sur le pré. La quatrième application de couleur concerne le jaune, appliqué en dernier car peu solide au lavage et à la lumière. Les recettes de Beaulieu et Cœurdoux sont à peu près identiques : une décoction de fleur de cadou qui désigne, d’après Cœurdoux, la galle de myrobolan, d’écorce de grenade (Beaulieu) ou de chay (Cœurdoux), une sorte de rubiacée, et d’alun27.

Beaulieu et Cœurdoux visaient sans doute avec leurs descriptions une expérimentation des techniques d’impression vues aux Indes, mais l’approximation de certaines étapes et l’usage de drogues locales, introuvables en Europe, rendaient impossible leur mise en application.

Toiles peintes ou imprimées ?

Georges Roques accorde une attention particulière à la gravure des moules qui doivent être en adéquation avec le tissage des toiles de coton : « Un moule fin et délié ne peut servir à une grosse toile […] il faut que les moules soient forts, à proportion du corps de la toile »28. À l’époque les toiles peintes importées sont considérées comme peintes, par opposition aux productions européennes dont les motifs sont obtenus par l’impression du mordant à l’aide de planche de bois gravé. Pourtant, l’usage de l’impression à la planche aux Indes et en Perse est évoqué dans plusieurs publications. Dès 1664, Thévenot dans son récit de voyage aux Indes, atteste l’utilisation d’impression sur toile avec « un moule barbouillé de couleurs »29. Un article paru dans le Journal Œconomique de juillet 1752, intitulé « les méthodes pour peindre les toiles, usitées dans les Indes », indique aussi l’utilisation de planche de bois pour graver les contours des motifs, mais le procédé n’est pas décrit avec précision30. Le Dictionnaire de Savary fait la distinction entre les deux techniques : « Des toiles peintes il y en a d’imprimées avec des moules et des peintes au pinceau. Celles au pinceau sont infiniment plus belles que les autres. On en apporte moins de celles-ci en Europe, que des imprimées »31. Le Chevalier de Quérelles dans son Traité sur les Toiles peintes remarque que celles qui sont réalisées sur « la Côte de Coromandel, sont toujours dessinées & peintes à la main : j’en ai cependant vu quelques-unes fabriquées dans d’autres endroits de l’Inde, & en Perse, qui sont imprimées »32. Mais quelques pages plus loin il affirme : lorsque l’on trouve des toiles imprimées, « on peut être assuré qu’elles sont fabriquées en Europe ; car cette pratique est absolument inconnue aux Indes »33. L’emploi des planches de bois aux Indes est décrit dans le Traité historique et pratique de la gravure en bois de Papillon en 1766. Dans le premier tome, il consacre un chapitre à la « Grande antiquité de l’impression des Toiles & Étoffes de soie & de coton, des Indes, de la Chine, du Japon, de la Perse & autres Peuples de l’Orient, etc. Faite avec des Planches de Bois gravées » :

Dans la Perse & chez plusieurs autres Peuples Orientaux, de temps immémorial l’on y imprime & l’on y frappe le trait des dessins sur les étoffes, toiles peintes ou indiennes, avec des planches de bois gravées par bouquets détachés & par rentrées […] l’on verrait facilement que le trait de chacun n’est point dessiné à la main, qu’il est imprimé, & qu’à tous il a été fait avec la même Planche. La manière de frapper ce trait, est de taper à plusieurs fois la Planche du côté qu’elle est gravée, sur un morceau de drap imbibé de la couleur qu’on désire employer, & de poser ensuite cette Planche du même côté sur l’étoffe que l’on veut marquer ; sitôt qu’elle est dessus, on appuie sur la Planche un peu ferme avec la main, ou, s’il est nécessaire, pour la faire bien marquer, on frappe dessus avec le poing, avec le manche d’un marteau ou autres choses semblables34.

Il évoque deux passages de planches pour les contours et les « rentrées des bouquets & des fleurs ».

À l’égard des toiles peintes, il faut observer que la plupart des ornements ou des fleurs sont gravés mates, afin que les planches marquent d’un même coup le plein d’une fleur ou d’autre chose, comme s’il était rempli à la main avec le pinceau. Les Indiens & les Persans pratiquent une manière très avantageuse, pour imprimer les couleurs sur leurs toiles, quand les parties qui doivent venir toutes d’une couleur, sont un peu grandes ; ils les gravent en creux sur leurs planches de bois, ils incrustent là-dedans à force des morceaux de castor ou de feutre, lesquels étant imbibés de couleur, la font happer & marquer sur la toile très-facilement35.

Ce procédé d’incrustation de feutre est attesté en Europe, le manufacturier bâlois Jean Ryhiner (1728-1790) l’évoque dans son traité lorsqu’il parle des morceaux de vieux chapeaux utilisés pour combler des parties ne devant pas recevoir le composé à imprimer36. Néanmoins, au xviiie siècle, l’idée perdure que les véritables indiennes sont des toiles peintes et que la technique de l’impression à la planche de bois a été inventée en Europe pour permettre une production plus rapide et moins onéreuse, tandis que les Indiens, ayant une main d’œuvre nombreuse et peu chère, pouvaient se permettre de peindre leurs toiles37. Cette vision erronée, conditionnée par la volonté de faire de l’Europe un lieu d’innovation affirmant sa suprématie technique sur l’Orient, perdure pendant tout le xixe siècle.

Diffusion et plagiat des descriptions des techniques pratiquées aux Indes

Au xviiie siècle, les multiples reprises du manuscrit de Beaulieu dans les textes consacrés aux techniques de fabrication des indiennes confirment sa circulation parmi un cercle d’amateurs. En 1756, le Journal Œconomique publie une série d’articles sur les teintures des Indes qui présentent de nombreuses similitudes avec ce texte38, avant que le texte soit entièrement édité en 1760, à Amsterdam, sous le nom d’auteur Chevalier de Quérelles. À la fin de toutes les opérations, une dernière étape est ajoutée : le lustrage de la toile imprimée avec un apprêt d’eau de riz dont la description est reprise à l’article du Journal Œconomique, de septembre 1757. La toile qui a reçu toutes ses couleurs est trempée dans de l’eau de riz, puis mise à sécher, elle est ensuite lustrée avec un morceau de bois poli ou un coquillage39.

Quant aux recettes données par Cœurdoux dans sa lettre du 18 janvier 1742, elles sont intégralement reproduites dans l’Encyclopédie à l’article : « Toile peinte des Indes »40. Les articles du Journal Œconomique, parus entre juin et septembre 1756, sont anonymes, mais le journal indique qu’« un sage citoyen de la ville d’Amiens a mis au jour les Mémoires d’un de ses amis contenant tout ce qu’il avait vu et même fait exécuter sous ses yeux »41. Paul-Raymond Schwartz a confronté le texte des articles avec le manuscrit du muséum : certaines parties présentent de grandes similitudes, en particulier dans les recettes. Il en conclut que l’auteur, qui est manifestement allé aux Indes, a utilisé la même source que Beaulieu ou bien que l’un des deux a profité du mémoire de l’autre42.

Le manuscrit de Beaulieu a connu, grâce au Journal Œconomique, une large diffusion dans les milieux intellectuels qui se passionnent pour la question des indiennes. Chez les fabricants, les écrits de Cœurdoux semblent avoir eu plus d’échos, c’est du moins ce que laisse supposer le manuscrit de Jean Ryhiner qui présente une partie historique où l’auteur s’interroge sur l’origine des techniques et consacre un article à « la méthode des Indiens pour peindre leurs toiles de coton »43. Il revendique l’origine de ses informations : « Je donnerai ici deux extraits à ce sujet dont le premier est tiré du tome 26 des Lettres édifiantes des Pères de la mission page 173 et les suivantes »44. Il reprend la préparation de la toile, les compositions des mordants, le bleu de cuve, le garançage et fait plusieurs remarques sur les différentes drogues employées aux Indes et en Europe. L’originalité de son analyse est celle d’un indienneur, mais son récit, resté à l’état de manuscrit, n’a pu contribuer à la connaissance des techniques d’impression, en revanche il témoigne de la diffusion des savoirs au siècle des Lumières dans le milieu des fabricants.

Cette circulation des descriptions est révélatrice de l’intérêt que suscite la connaissance de l’indiennage et plus largement du goût pour l’innovation technique. Dans l’état actuel des connaissances, parmi les publications qui suivent la levée de la prohibition en 1760, le premier traité décrivant précisément les procédés employés dans les manufactures du royaume est celui de Delormois, édité à Paris en 177045. L’ouvrage détaille les techniques d’impression en 67 chapitres où toutes les opérations nécessaires à la fabrication d’une indienne sont décrites. Contrairement au traité publié sous le nom du « Chevalier de Quérelles » en 1760, Delormois livre de nombreuses recettes, une même opération pouvant être réalisée avec des variantes dans les matières premières, les nuances d’une couleur dépendant du dosage de tel ou tel ingrédient. Sa visée relève d’une démarche pédagogique, l’auteur montre la difficulté de cet art où l’expérience est primordiale. Cette démarche explique sans doute que les recettes décrites par Delormois ont été reprises de façon beaucoup plus simple et compréhensible dans un manuscrit intitulé « L’art d’imprimer sur les toiles en Alsace », rédigé en 1786 par un dénommé Rupied « élève-inspecteur des manufactures » dont il existe plusieurs exemplaires46. Rupied n’a pas repris le livre de Delormois mot à mot, mais certaines phrases sont identiques, suggérant l’utilisation de ses descriptions. L’ordre des opérations est le même mais la fabrication d’une toile peinte exige toujours le même déroulement, des étapes qui se retrouvent à quelques détails près dans tous les écrits. Ce manuscrit n’a pas vocation à servir de traité technique ou à diffuser des procédés, mais à faire connaître le niveau technique atteint par les manufactures alsaciennes dans le contexte de l’application de nouvelles conditions douanières pour l’industrie des toiles peintes47. Rédigé pour être adressé au Conseil de commerce et obtenir l’abrogation des taxes imposées aux impressions mulhousiennes, les descriptions techniques sont claires et valorisent les performances des manufactures alsaciennes. L’indiennage est alors devenu une nouvelle branche de l’industrie textile, elle continue de susciter l’intérêt d’un public intéressé par les questions techniques, mais désormais ce sont les fabricants, puis les coloristes qui publieront au xixe siècle des traités théoriques.

 

L’attrait et la fascination pour les indiennes ont contribué à susciter en France ces écrits et ces publications sur les techniques utilisées aux Indes, mais en aucun cas ces descriptions n’ont pu contribuer à l’introduction et au développement de l’indiennage. Le plus difficile était de comprendre le résultat chimique de chaque opération pour trouver des drogues ayant les mêmes caractéristiques et cette adaptation a été faite dès la fin du xviie siècle à Marseille avec l’arrivée d’indienneurs venus de l’Empire Ottoman. L’art de l’indienne ne pouvait s’apprendre dans les livres car les procédés relevaient d’une pratique empirique reposant sur l’expérience et la transmission au sein des ateliers et des manufactures. Ces écrits ont sans doute beaucoup plus passionné des érudits, férus d’expériences chimiques, que les indienneurs pour qui seuls comptaient l’apprentissage et l’expérience acquise avec les années. La fascination pour ces pratiques perdure encore au début du xixe siècle lorsqu’un livre intitulé L’Art de peindre et imprimer les toiles en grand et en petit teint est édité sous le nom de Beaulieu. Dans l’introduction, on explique comment les procédés indiens « ont été décrits en 1736, par Beaulieu, capitaine de vaisseau. Il avait été chargé par Dufay de s’informer de tout ce qui était relatif à la manière de peindre les toiles48. L’auteur reprend le Traité sur les toiles peintes de Quérelles pour décrire brièvement les techniques utilisées aux Indes pour les toiles peintes qui sont à nouveau distinguées de celles fabriquées en Europe par la peinture et non l’impression des motifs49. Désormais l’enjeu n’est plus de faire connaître les procédés indiens mais de montrer comment l’industrie des toiles peintes a acquis un degré technique bien supérieur aux productions indiennes par la mécanisation de l’impression. Au xixe siècle, les traités sont désormais consacrés à la chimie, bénéficiant en partie aux fabricants d’indiennes, mais ces publications étaient surtout destinées à l’enseignement supérieur50. Tout au long du siècle, la culture scientifique se développe avec de nombreuses publications traitant des teintures et du blanchiment, des aspects qui dépassent la fabrication des indiennes, il est désormais question d’étoffes imprimées ou de l’impression des tissus. L’impression sur coton ne forme plus qu’un secteur limité dans une industrie textile qui englobe d’autres procédés pour imprimer des tissus.

1 Daniel Roche, « Mobilités et expériences : transmission et transformations des savoirs des hommes à l’époque moderne (xvie-xviiie siècle) », in

2 Voir Serge Chassagne, La manufacture de toiles imprimées de Tournemine-les-Angers (1752-1820), étude d’une entreprise et d’une industrie au xviiie

3 Véron de Forbonnais, Examen des avantages et des désavantages de la prohibition des toiles peintes, Marseille, Chez Carapatria Libraire, 1755.

4 Archives nationales (= A.N.) F12 565, rapport de l’inspecteur Pradier et de l’intendant du commerce Montaran, cité par S. Chassagne, La manufacture

5 S. Chassagne, La manufacture de toiles imprimées…, op. cit., p. 68-69 ; S. Chassagne, Le coton et ses patrons : France 1760-1840, Paris, EHESS, 1991

6 Madame de Pompadour, dont le goût pour les indiennes est connu, a sûrement joué un rôle dans la décision du Roi, même s’il n’est pas attesté par des

7 A.N., F/12/96, fol. 307-430, délibérations de juin 1749.

8 Olivier Raveux, « “À la façon du Levant et de Perse” : Marseille et la naissance de l’indiennage européen », Les textiles en Méditerranée (xve-xixe

9 Manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale, FR. 14614. Georges Roques, La Manière de négocier dans les Indes orientales, dédiée à mes chers amis

10 Ce manuscrit a été redécouvert dans les années 1960 par P.-R. Schwartz, « L’impression sur coton à Ahmedabad en 1678, d’après la relation de Roques

11 La bibliothèque centrale du Muséum national d’histoire naturelle en conserve trois exemplaires, deux exemplaires sont identiques mais un présente

12 Valérie Bérinstain, Dominique Cardon, Thierry-Nicolas Tchakaloff, Indiennes et Palampores à l’île Bourbon au xviiie siècle, Maison française du

13 Chevalier de Querelles, Traité sur les toiles peintes, dans lequel on voit la manière dont on fabrique aux Indes et en Europe…, Amsterdam, Chez

14 Charles François de Cisternay du Fay, « Observations physiques sur le mélange de quelques couleurs dans la teinture », Mémoires de l’Académie

15 Paul-Raymond Schwartz, « La fabrication des toiles peintes aux Indes au xviiie siècle », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, no 4 (

16 Gaston Laurent Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux missionnaire de la Compagnie de Jésus au Père Halde de la même Compagnie aux Indes Orientales

17 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux au Père Le Poivre, intitulée quelques recherches & de nouvelles réflexions, le 22 décembre 1747 », Le

18 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux au Père Le Poivre, intitulée mémoire sur les différentes façons de teindre en rouge, le 13 octobre 1748 »

19 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux missionnaire de la Compagnie de Jésus au Père Halde de la même Compagnie aux Indes Orientales, ce 18 

20 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux au Père Le Poivre intitulée quelques recherches & de nouvelles réflexions, le 22 décembre 1747 », Le

21 Cœurdoux parlait le Tamoul et le Telougou, P.-R. Schwartz, « La fabrication des toiles peintes aux Indes au xviiie siècle », Bulletin de la Société

22 P. Le Poivre, « Lettre du Père Le Poivre au Père Cœurdoux, intitulée mon premier essai de peinture à la façon indienne », Lettres édifiantes et

23 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux missionnaire de la Compagnie de Jésus au Père Halde de la même Compagnie aux Indes Orientales, ce 18

24 G. Roques, op. cit., p. 162.

25 Dominique Cardon, Guide des teintures naturelles, Paris-Lausanne, 1990, p. 278-279, p. 293-294.

26 Alexandre Legoux de Flaix, Essai historique, géographique et politique sur Indoustan : avec le tableau de son commerce : ce dernier pris dans une

27 G. L. Cœurdoux, op. cit., p. 80.

28 G. Roques, op. cit., p. 102.

29 Jean de Thevenot, Voyage de M. de Thevenot en Europe, Asie et Afrique, contient voyage du Levant, 3 tomes, Paris, 1re édition 1664, 1689, p. 42.

30 Journal Œconomique, « Méthodes pour peindre les toiles, usitées dans les Indes », juillet 1752, p. 80-84, cité par P.-R. Schwartz, « La fabrication

31 Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, Copenhague, 3e édition, 1759-1756, T. V, p. 1022.

32 C. de Querelles, op. cit., p. 40.

33 Ibid., p. 42.

34 Jean-Michel Papillon, Traité historique et pratique de la gravure en bois, Paris, 1766, réimpression fac-similé, Paris, 1985, T. I, chapitre VI, p.

35 Ibid., p. 70.

36 Jean Ryhiner, « Traité sur la fabrication et le commerce des toiles peintes, commencé en 1766 et fini l’année… », manuscrit conservé au musée de l’

37 Denis Diderot et Jean d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, Paris, 1751-1780, fac-similé New

38 Journal Œconomique, « Sur les teintures des Indes & la manière de teindre à Pondichéri », juin 1756, p. 44-62 ; « Mémoire concernant les Tei

39 Journal Œconomique, « Suite du Mémoire concernant les teintures des Indes », septembre 1756, p. 74.

40 D. Diderot et J. d’Alembert, op. cit., T. XIV, p. 370-374.

41 Journal Œconomique, « Sur les teintures des Indes & la manière de teindre à Pondichéri », juin 1756, p. 44.

42 P.-R. Schwartz, « La fabrication des toiles peintes aux Indes au xviiie siècle », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, no 4 (1958), p. 

43 J. Ryhiner, op. cit., p. 9.

44 Ibid.

45 Delormois, L’Art de faire l’indienne à l’instar de l’Angleterre, et de composer toutes les couleurs, bon teint, propres à l’indienne, Paris, 1770.

46 Ce manuscrit, signé par Rupied « élève des manufactures » résulte vraisemblablement des pratiques de rapport sur la situation de l’industrie après

47 Isabelle Bernier, Négoce et industrie à Mulhouse au xviiie siècle (1696-1798), Toulouse, éd. CNRS-université de Toulouse-Le Mirail, 2008, p. 

48 Beaulieu, L’Art de peindre et imprimer les toiles en grand et petit teint, Paris, 1800, p. 1.

49 Ibid., p. 5.

50 Amédée-Barthélémy et Claude-Louis Berthollet, Éléments de l’art de la teinture avec une description du blanchiment par l’acide muriatique oxygéné

Notes

1 Daniel Roche, « Mobilités et expériences : transmission et transformations des savoirs des hommes à l’époque moderne (xvie-xviiie siècle) », in Pilar Gonzàlez-Bernaldo, Liliane Hilaire-Pérez, Les savoirs-mondes. Mobilités et circulation des savoirs depuis le Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 7-15.

2 Voir Serge Chassagne, La manufacture de toiles imprimées de Tournemine-les-Angers (1752-1820), étude d’une entreprise et d’une industrie au xviiie siècle, Paris, 1971, p. 65-99.

3 Véron de Forbonnais, Examen des avantages et des désavantages de la prohibition des toiles peintes, Marseille, Chez Carapatria Libraire, 1755.

4 Archives nationales (= A.N.) F12 565, rapport de l’inspecteur Pradier et de l’intendant du commerce Montaran, cité par S. Chassagne, La manufacture de toiles imprimées…, op. cit, p. 64.

5 S. Chassagne, La manufacture de toiles imprimées…, op. cit., p. 68-69 ; S. Chassagne, Le coton et ses patrons : France 1760-1840, Paris, EHESS, 1991, p. 189-191.

6 Madame de Pompadour, dont le goût pour les indiennes est connu, a sûrement joué un rôle dans la décision du Roi, même s’il n’est pas attesté par des sources.

7 A.N., F/12/96, fol. 307-430, délibérations de juin 1749.

8 Olivier Raveux, « “À la façon du Levant et de Perse” : Marseille et la naissance de l’indiennage européen », Les textiles en Méditerranée (xve-xixe siècle) : fabrication, commercialisation et consommation, Rives nord-méditerranéennes, no 29, 2008, p. 37-51.

9 Manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale, FR. 14614. Georges Roques, La Manière de négocier dans les Indes orientales, dédiée à mes chers amis et confrères, les engagés de la royale compagnie de France, 1678, texte présenté et annoté par Valérie Bérinstain, Paris, Maisonneuve & Larose, 1996.

10 Ce manuscrit a été redécouvert dans les années 1960 par P.-R. Schwartz, « L’impression sur coton à Ahmedabad en 1678, d’après la relation de Roques », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, no 726-1 (1967), p. 9-25.

11 La bibliothèque centrale du Muséum national d’histoire naturelle en conserve trois exemplaires, deux exemplaires sont identiques mais un présente des échantillons (cote Ms 193-1 et Ms 193-2), un troisième se trouve relié avec d’autres textes. Un autre manuscrit serait conservé à la bibliothèque municipale de Bâle d’après Bernard Jacqué.

12 Valérie Bérinstain, Dominique Cardon, Thierry-Nicolas Tchakaloff, Indiennes et Palampores à l’île Bourbon au xviiie siècle, Maison française du meuble créole, Musée historique de Villèle, MFMC, 1994, p. 57-68.

13 Chevalier de Querelles, Traité sur les toiles peintes, dans lequel on voit la manière dont on fabrique aux Indes et en Europe…, Amsterdam, Chez Barrois, 1760, p. 10.

14 Charles François de Cisternay du Fay, « Observations physiques sur le mélange de quelques couleurs dans la teinture », Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1737, p. 243-268.

15 Paul-Raymond Schwartz, « La fabrication des toiles peintes aux Indes au xviiie siècle », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, no 4 (1958), note 11 p. 1.

16 Gaston Laurent Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux missionnaire de la Compagnie de Jésus au Père Halde de la même Compagnie aux Indes Orientales, ce 18 janvier 1742 », Lettres édifiantes et curieuses des pères de la mission, XXVIe recueil, Paris, 1743, p. 172 à 217.

17 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux au Père Le Poivre, intitulée quelques recherches & de nouvelles réflexions, le 22 décembre 1747 », Lettres édifiantes et curieuses des pères de la Compagnie de Jésus, XVIIe recueil, Paris, 1749, p. 428-444 ; Pierre Le Poivre, « Lettre du Père Le Poivre au Père Cœurdoux, intitulée mon premier essai de peinture à la façon indienne », Lettres édifiantes et curieuses des pères de la Compagnie de Jésus, XVIIe recueil, Paris, 1749, p. 416-427.

18 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux au Père Le Poivre, intitulée mémoire sur les différentes façons de teindre en rouge, le 13 octobre 1748 », Lettres édifiantes et curieuses des pères de la Compagnie de Jésus, XVIIIe recueil, Paris, 1758, p. 325-334.

19 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux missionnaire de la Compagnie de Jésus au Père Halde de la même Compagnie aux Indes Orientales, ce 18 janvier 1742 », Lettres édifiantes et curieuses des pères de la mission, XXVIe recueil, Paris, 1743, p. 172.

20 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux au Père Le Poivre intitulée quelques recherches & de nouvelles réflexions, le 22 décembre 1747 », Lettres édifiantes et curieuses des pères de la Compagnie de Jésus, XVIIe recueil, Paris, 1749, p. 428.

21 Cœurdoux parlait le Tamoul et le Telougou, P.-R. Schwartz, « La fabrication des toiles peintes aux Indes au xviiie siècle », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, no 4, 1958, p. 1 note 11.

22 P. Le Poivre, « Lettre du Père Le Poivre au Père Cœurdoux, intitulée mon premier essai de peinture à la façon indienne », Lettres édifiantes et curieuses des pères de la Compagnie de Jésus, XVIIe recueil, Paris, 1749, p. 417.

23 G. L. Cœurdoux, « Lettre du Père Cœurdoux missionnaire de la Compagnie de Jésus au Père Halde de la même Compagnie aux Indes Orientales, ce 18 janvier 1742 », Lettres édifiantes et curieuses des pères de la mission, XXVIe recueil, Paris, 1743, p. 216.

24 G. Roques, op. cit., p. 162.

25 Dominique Cardon, Guide des teintures naturelles, Paris-Lausanne, 1990, p. 278-279, p. 293-294.

26 Alexandre Legoux de Flaix, Essai historique, géographique et politique sur Indoustan : avec le tableau de son commerce : ce dernier pris dans une année moyenne, depuis 1702 jusqu’en 1770, époque de la suppression du privilège de l’ancienne Compagnie des Indes Orientales, Paris, Pougin, 1807, tome 2, p. 47, cité par V. Bérinstain, op. cit., p. 105. La noix de galle, excroissance du chêne provoquée par des insectes, est utilisée par les teinturiers en Europe grâce à sa forte teneur en tanin.

27 G. L. Cœurdoux, op. cit., p. 80.

28 G. Roques, op. cit., p. 102.

29 Jean de Thevenot, Voyage de M. de Thevenot en Europe, Asie et Afrique, contient voyage du Levant, 3 tomes, Paris, 1re édition 1664, 1689, p. 42.

30 Journal Œconomique, « Méthodes pour peindre les toiles, usitées dans les Indes », juillet 1752, p. 80-84, cité par P.-R. Schwartz, « La fabrication des toiles peintes aux Indes au xviiie siècle », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, no 4 (1958), p. 11-15.

31 Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, Copenhague, 3e édition, 1759-1756, T. V, p. 1022.

32 C. de Querelles, op. cit., p. 40.

33 Ibid., p. 42.

34 Jean-Michel Papillon, Traité historique et pratique de la gravure en bois, Paris, 1766, réimpression fac-similé, Paris, 1985, T. I, chapitre VI, p. 58-72, p. 69. Papillon comme d’autres avant lui ne comprend pas que les planches impriment le mordant et non la teinture.

35 Ibid., p. 70.

36 Jean Ryhiner, « Traité sur la fabrication et le commerce des toiles peintes, commencé en 1766 et fini l’année… », manuscrit conservé au musée de l’Impression sur étoffes de Mulhouse, ms. 4992, cote 746.08/RYH, p. 43.

37 Denis Diderot et Jean d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, Paris, 1751-1780, fac-similé New York, 1969, T. XIV, p. 374.

38 Journal Œconomique, « Sur les teintures des Indes & la manière de teindre à Pondichéri », juin 1756, p. 44-62 ; « Mémoire concernant les Teintures des Indes », juillet 1756, p. 53-75 ; août 1756, p. 49-68 ; septembre 1756, p. 74-88.

39 Journal Œconomique, « Suite du Mémoire concernant les teintures des Indes », septembre 1756, p. 74.

40 D. Diderot et J. d’Alembert, op. cit., T. XIV, p. 370-374.

41 Journal Œconomique, « Sur les teintures des Indes & la manière de teindre à Pondichéri », juin 1756, p. 44.

42 P.-R. Schwartz, « La fabrication des toiles peintes aux Indes au xviiie siècle », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, no 4 (1958), p. 6.

43 J. Ryhiner, op. cit., p. 9.

44 Ibid.

45 Delormois, L’Art de faire l’indienne à l’instar de l’Angleterre, et de composer toutes les couleurs, bon teint, propres à l’indienne, Paris, 1770.

46 Ce manuscrit, signé par Rupied « élève des manufactures » résulte vraisemblablement des pratiques de rapport sur la situation de l’industrie après la nouvelle législation qui a vu les manufactures mulhousiennes en décembre 1785 obtenir une exemption des droits d’entrée dans le royaume de France, puis en février 1786, ces manufactures sont assimilées à celles d’Alsace. L’original du manuscrit est conservé aux Archives Nationales F/12 série « commerce et industrie », cote 1404 « Indiennes et toiles peintes : fabrication, prohibition, pièces générales. 1686-1786 ». La bibliothèque du musée de l’Impression sur étoffes de Mulhouse en conserve une copie manuscrite, réalisée sans doute à l’époque.

47 Isabelle Bernier, Négoce et industrie à Mulhouse au xviiie siècle (1696-1798), Toulouse, éd. CNRS-université de Toulouse-Le Mirail, 2008, p. 326-331.

48 Beaulieu, L’Art de peindre et imprimer les toiles en grand et petit teint, Paris, 1800, p. 1.

49 Ibid., p. 5.

50 Amédée-Barthélémy et Claude-Louis Berthollet, Éléments de l’art de la teinture avec une description du blanchiment par l’acide muriatique oxygéné, 2e édition, 2 tomes, Paris, Chez Firmin Didot, 1804 ; Jean-Antoine Chaptal, Chimie appliquée aux arts, 4 tomes, Paris, Imprimerie de Crapelet, 1807.

Citer cet article

Référence papier

Aziza Gril-Mariotte, « « L’art de faire l’indienne », savoir théorique ou savoir‑faire dans l’Europe des Lumières », Revue du Rhin supérieur, 4 | 2022, 63-78.

Référence électronique

Aziza Gril-Mariotte, « « L’art de faire l’indienne », savoir théorique ou savoir‑faire dans l’Europe des Lumières », Revue du Rhin supérieur [En ligne], 4 | 2022, mis en ligne le 01 novembre 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/rrs/index.php?id=264

Auteur

Aziza Gril-Mariotte

Aziza Gril-Mariotte est professeure d’histoire de l’art à l’université d’Aix-Marseille. Elle est spécialiste des musées industriels et de l’histoire de l’art et de l’industrie du textile. De 2012 à 2022, elle a été maîtresse de conférence à l’université de Haute-Alsace et membre du laboratoire CRÉSAT. Avant sa nomination à Aix-en-Provence, elle a aussi été présidente du musée de l’Impression sur étoffes (MISE) de Mulhouse.

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