De la recherche d’un papetier à l’introduction du cylindre hollandais : circulation des savoirs et transfert de technique entre les Provinces-Unies et le Brandebourg-Prusse au début du xviiie siècle

DOI : 10.57086/rrs.266

p. 79-98

Résumés

En 1709, Frédéric Ier roi en Prusse critique la qualité du papier qui est produit dans le territoire qu’il domine. Selon lui, ce papier est loin d’égaler la production néerlandaise dont on admire la résistance et la blancheur. Le roi donne l’ordre à son envoyé en poste à La Haye de recruter un papetier hollandais qui soit prêt à faire connaître en Brandebourg-Prusse le secret de la fabrication du papier selon la manière de son pays. Or, le diplomate se rend compte assez vite que le seul recrutement d’un papetier ne suffirait pas pour réaliser le projet de son roi. Cette contribution analyse le processus de la circulation des savoirs techniques ainsi que les défis et les obstacles auxquels s’est vu confronté le personnel diplomatique peu compétent dans ce domaine technique. L’article montre le rôle que les attentes de retombées économiques ont joué dans la politique mercantiliste et caméraliste.

Im Jahr 1709 beanstandet König Friedrich I. in Preußen die Qualität des in seinem Herrschaftsgebiet hergestellten Papiers, weil es dem als besonders fest und weiß geltenden niederländischen Vergleichsprodukt nicht ansatzweise nahekommt. Sein Gesandter in Den Haag erhält daraufhin den Auftrag, einen niederländischen Papiermacher anzuwerben, der bereit ist, das Geheimnis der Papierherstellung auf niederländische Art in Brandenburg-Preußen einzuführen. Der Diplomat muss aber bald feststellen, dass die Verpflichtung eines Papiermachers alleine nicht ausreichen wird, um das Anliegen seines Königs zu erfüllen. Der Beitrag analysiert den Prozess der Zirkulation technischen Wissens, die Herausforderungen und Hürden, denen sich technisch wenig versiertes diplomatisches Personal dabei gegenübersah, und zeigt dabei auf, welche Rolle ökonomische Erwartungen in der politischen Praxis des Merkantilismus und Kameralismus spielten.

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En février 1709, le baron Wolfgang von Schmettau, envoyé du Brandebourg-Prusse à La Haye, relate qu’un architecte du nom de Leendert van der Willigh doit bientôt conduire à Berlin trois ouvriers et un maître papetier compétent — ce dernier reste toutefois encore à engager à Zaandam1. Des sources conservées aux Archives secrètes d’État à Berlin (Geheimes Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz) l’on peut déduire qu’à cette époque, cela fait déjà plus d’un an que Schmettau s’emploie à installer dans la Marche-Électorale un moulin à papier sur le modèle hollandais. En effet, à l’instar de nombreux autres pays et territoires européens du xviiie siècle, les papetiers du Brandebourg-Prusse n’étaient alors pas encore parvenus à fabriquer un papier qui approchât seulement, en qualité et en pureté, le papier hollandais2. En accélérant le transfert des savoirs et de la technique, on caressait l’espoir, à la cour royale de Prusse, de ne plus dépendre d’importations coûteuses mais d’approvisionner en papier de qualité convenable la chancellerie royale, toute jeune qu’elle fût — et ce, en quantité suffisante pour un État en cours d’élaboration comme l’était le Brandebourg-Prusse3.

De façon générale, Schmettau est un envoyé permanent du roi en Prusse, Frédéric Ier, chargé des intérêts du Brandebourg-Prusse pendant la guerre de Succession d’Espagne. Comme diplomate, il dispose d’un réseau solide à La Haye, laquelle constitue une place centrale pour ce qui touche à la guerre et à la reconnaissance de la dignité royale prussienne par les membres de la Grande Alliance de 17014. Ses efforts constants et acharnés pour installer ce moulin à papier révèlent aussi son dynamisme dans un autre domaine où exerçaient les diplomates de l’époque moderne, quoiqu’il ait souvent été négligé par l’historiographie : le recrutement de spécialistes en matière technique et économique, compétence que l’on peut définir au sens large comme une forme prémoderne d’espionnage économique5. Les démarches de Schmettau illustrent de façon typique le rôle moteur de l’économie dans les comportements, les décisions des acteurs et les défis qu’ils doivent relever, comme l’ont montré dernièrement des travaux historiques pour les xviie et xviiie siècles6. Dans une perspective d’histoire des savoirs, la présente étude se propose de mettre en lumière l’importance des savoirs techniques et économiques, ainsi que le rôle des acteurs dans la circulation des connaissances et le transfert de technique.

Bien que la plupart des ouvrages sur le mercantilisme et le caméralisme aux xviie et xviiie siècles aient préconisé de telles mesures en matière de politique économique, leur mise en œuvre, si elle fut effective, n’a que rarement suscité l’intérêt des chercheurs. Cela tient notamment au fait que les travaux récents sur le mercantilisme et le caméralisme, en particulier ceux des chercheurs anglo-saxons et germanophones, considèrent ces notions comme des concepts théoriques et les analysent d’un point de vue discursif. Des travaux plus anciens ont souligné l’importance des pratiques mercantilistes dans la politique économique des États (ou des états territoriaux) en cours de formation (ou de consolidation), mais ils semblent aujourd’hui passés de mode7. La mission de Wolfgang von Schmettau constitue le départ de l’analyse présentée ici. De premières questions surgissent : dans une perspective praxéologique, comment les mesures mercantilistes et caméralistes furent-elles mises en œuvre et, en lien direct avec cette interrogation, quels furent les comportements et les décisions des acteurs concernés ? Comment et pourquoi les savoirs dans des secteurs spécifiques étaient-ils identifiés comme des ressources utiles ? Comment ces connaissances étaient-elles dénichées en d’autres lieux qu’à l’échelle locale ou territoriale ? Comment étaient-elles évaluées, comment leur bénéfice supposé ou leur valeur économique présumée étaient-ils appréciés ? Comment ces savoirs circulaient-ils localement, sous quelles formes, via quels supports étaient-ils transférés ou rendus transférables ? Ces phénomènes doivent aussi être analysés dans leur dimension économique, en prenant en compte les coûts générés par la circulation des savoirs et le transfert de technique. Les mesures prises par le gouvernement du Brandebourg-Prusse sont ainsi appréhendées comme des traces d’une knowledge economy qui remonte loin dans les temps modernes et peut être définie, au sens originel de l’expression economy of knowledge, par une production systématique de connaissances8. Ces mesures constituent un exemple de l’entrecroisement des savoirs, de l’économie et de la politique au xviie siècle et au-delà9. Elles éclairent également les liens étroits qui existent entre histoire culturelle et histoire économique.

En même temps que les acteurs, sont aussi mis en évidence les espaces de production et d’accumulation des connaissances, ainsi que les marchés où circulent les savoirs spécialisés. Il importe à cet égard de souligner d’une part le caractère social et culturel des savoirs, et de l’autre, le lien entre savoirs et pratiques de la communication10. Dans le domaine des sciences et techniques en particulier, caractérisé par des réseaux denses, la complexité des circulations et la diversité des lieux où sont produits les savoirs ont aussi été soulignées. Ce faisant, le quotidien des acteurs et leurs multiples interactions apparaissent comme les véritables moments où s’élabore un savoir spécialisé11.

Dans le domaine du recrutement de spécialistes en matière technique et économique, l’état des connaissances disponibles (ou émergentes) au cœur des processus de circulation constituait un véritable défi. En effet, du point de vue des gouvernements et de leurs mandataires, ce savoir demeurait provisoire, « précaire », tant que son application concrète — et par conséquent, sa véritable valeur technique et économique — n’était pas déterminée12. Les avantages économiques et la création de valeur envisagés imposaient de vérifier si l’offre valait bien son prix et était à la mesure de l’effort nécessaire à son transfert. Ce savoir, que je dirais — tout en soulignant son caractère provisoire — susceptible d’une valorisation économique ou d’une exploitation technique, circulait sur des marchés où les échanges étaient soumis à des règles spécifiques. Le contrôle de la valeur des connaissances — comme marchandise disponible — était crucial et mobilisait des ressources considérables ; et dans ces démarches, les conceptions largement répandues sur la propriété intellectuelle et la notion de secret jouaient souvent un grand rôle13. Les informations qui circulaient sur telle ou telle innovation technique étaient souvent d’ordre général, sans spécification particulière de la part des observateurs ou des détenteurs du savoir, lesquels se gardaient bien de dévoiler les particularités de leur invention dont les non-spécialistes ne pouvaient percevoir la spécificité. Dans les sources du xviie siècle, les savoirs spécialisés sont souvent désignés sous le terme de « moyen(s) » (« Mittel »), sans plus de précisions. C’était là une façon de combler les attentes en matière d’utilité pratique, mieux que ne pouvaient le faire les notions de « secretum » ou « arcanum » qui ressortissaient du domaine du secret. Pour reprendre les travaux de Daniel Jütte sur le secret à l’époque moderne, de tels « moyens » — précisément dans le cas de savoirs techniques — offraient « une latitude d’action et des zones de contact véritables » et, ce faisant, en quelque sorte « un champ social propre et — en l’occurrence à l’époque moderne — un marché dynamique ». Sur ce marché, les praticiens et les techniciens spécialisés (comme vendeurs), à côté des princes, des gouvernements et de leurs agents (comme acheteurs potentiels), faisaient figures d’acteurs centraux, engagés comme ils l’étaient dans des relations d’échange diverses et complexes14. Dans ce contexte, plusieurs acteurs du marché se trouvaient eux-mêmes dans une situation précaire. Quiconque offrait des connaissances tentait de faire figure d’expert, sans toutefois être reconnu comme tel tant que la valeur de son savoir n’était pas confirmée15. Quant aux agents chargés des recrutements, ils étaient eux-mêmes rarement des spécialistes et devaient, autant que faire se peut, compenser leur manque de connaissances. Ainsi confiance et méfiance créaient-elles sur ces marchés un antagonisme fécond dont la culture des savoirs sous-jacente s’est retrouvée profondément imprégnée16.

Dans le Brandebourg-Prusse aussi, au plus tard à partir de la fin du xviie siècle, des mesures renforcées furent prises pour promouvoir des techniques et des métiers jusqu’alors étrangers au territoire. Ces dispositions n’étaient probablement pas sans rapport avec les structures de ce territoire moyen, en plein essor depuis l’époque du Grand Électeur Frédéric-Guillaume Ier. Les répercussions de la guerre de Trente Ans avaient rendu nécessaires des mesures de reconstruction économique, au-delà de l’installation de communautés étrangères et des mesures incitatives de peuplement qui ont été bien étudiées17. Les échanges et les liens étroits développés avec les Provinces-Unies — espace de premier plan dans les domaines technique et économique — jouèrent là un rôle important. Ils se manifestèrent aussi en matière de transfert culturel, au plus tard à partir de l’alliance matrimoniale du Grand Électeur avec la maison d’Orange. Cette évolution fut notamment renforcée par des réseaux personnels et le voisinage direct des Provinces-Unies avec les régions rhénanes18. Elle fut également favorisée par la proximité confessionnelle entre l’électeur et la république néerlandaise. À l’instar de nombreux autres territoires moyens du Saint-Empire, l’influence des discours mercantilistes sur la pratique administrative était réelle à la cour des Hohenzollern. Une première chambre de commerce (Kommerzienkollegium) sur le modèle français fut fondée dès les années 1680. Même si son importance reste anecdotique en raison de la concurrence des autres instances de la cour, elle est exemplaire d’une certaine évolution — en l’occurrence, une valorisation économique croissante de l’action et de la décision politiques. La concurrence ne faisait pas non plus défaut dans les complexes relations économiques et politiques qu’entretenait le Brandebourg-Prusse par exemple avec la Saxe puis, au xviiie siècle, avec la cour impériale. Dans ces conditions, les mesures prises pour encourager la production locale, à l’intérieur du territoire, telles qu’elles sont révélées par la mission de Schmettau, sont essentielles pour appréhender l’économie et la politique du Brandebourg-Prusse aux xviie et xviiie siècles.

Papetiers et moulins à papier, ou l’intrication de la technique et de l’artisanat

Le 3 février 1708, soit près d’un an jour pour jour avant le compte rendu de Schmettau sur l’arrivée imminente de Leendert van der Willigh et des ouvriers, l’ordre de mission à l’origine de tous ces efforts était expédié : Schmettau devait s’employer à dénicher aux Provinces-Unies un maître papetier compétent et disposé à s’établir dans la marche de Brandebourg pour y produire du papier sur le modèle hollandais19. Bien qu’occupé, selon toute probabilité, à d’autres missions, diplomatiques pour l’essentiel, Schmettau écrivit dès le début du mois de mars à Berlin pour signaler qu’il avait trouvé un marchand-papetier qui promettait de le mettre en relation avec un fabricant qui convînt pour ce projet.

En réalité, l’affaire recelait de plus grands enjeux. Bientôt en effet, Schmettau révélait que le marchand-papetier en question n’avait pas tenu parole et que lui-même n’avait pas encore réussi à trouver de bon candidat20. Comme il dut ensuite s’absenter de La Haye, voire des Provinces-Unies pour une autre affaire, le dossier resta finalement en sommeil jusqu’à l’été 1708. En juin, Schmettau écrit être parvenu, par l’entremise d’un mennonite frison, à entrer en contact avec un fabricant de papier nommé Albert Claes Blicher, lequel détiendrait à Zaandam, centre de l’industrie papetière néerlandaise près d’Amsterdam, deux moulins à papier d’un modèle inédit, puisqu’il s’agirait de moulins à vent21. Ni Schmettau ni son interlocuteur ne sont alors en mesure de nommer correctement ce type de moulin. De fait, dans son compte rendu adressé à Berlin, l’envoyé parle d’une construction dont la particularité est d’utiliser des « platines métalliques » (« metallene Scheiben »)22. Concrètement, il s’agissait là sans doute d’une forme primitive de ce que l’on appelle le cylindre (ou la pile) hollandais(e), déjà décrit par Johann Joachim Becher dans les années 169023. Grâce à un système de cannelures et de lames métalliques, apte à déchiqueter les chiffons très finement et donc plus efficace que la pile à maillets couramment utilisée dans le Saint-Empire, il était possible dans ces moulins de produire un papier particulièrement fin, blanc et solide24. Dès le xviiie siècle, en dehors des Provinces-Unies, on essaya d’obtenir une qualité de produit comparable. Le cylindre hollandais, comme on l’appelait, fit très souvent l’objet d’espionnage industriel25.

L’interlocuteur de Schmettau parvint bientôt à organiser à Amsterdam une rencontre avec Blicher en personne. Ce dernier s’était dit prêt, en échange d’une rémunération, à apporter son concours à la recherche d’un fabricant de papier compétent, tout en rappelant que la main d’œuvre qualifiée n’était pas facile à trouver. Schmettau comprit probablement dès cette rencontre que le fait de se concentrer uniquement sur la recherche d’un papetier ne lui permettrait pas de remplir sa mission sous toutes ses facettes. En effet, Blicher n’avait laissé planer aucun doute sur l’importance de cette nouvelle technique — la construction du moulin —, sans laquelle même le meilleur des artistes échouerait à obtenir la qualité de papier souhaitée. Il invita Schmettau à venir à Zaandam pour lui présenter et lui expliquer sur place les caractéristiques de son moulin à papier. En cela, Blicher ne faisait que s’inscrire dans la tradition familiale, puisque son père avant lui avait accueilli le tsar de Russie Pierre le Grand pendant ses séjours aux Provinces-Unies, lui faisant visiter par deux fois ses moulins26.

Et Schmettau de faire peu après le compte rendu de sa visite, décrivant une installation de 800 pieds de long avec un moulin à papier maçonné et un bâtiment annexe en bois, ainsi que toutes les caractéristiques techniques de l’ensemble. Il est frappant de noter que le diplomate emploie alors le terme néerlandais de kuip pour désigner une cuve, ce qui soulève la question suivante : connaissait-il vraiment quelque chose à la production papetière et aux moulins à papier allemands, voire était-il en mesure de reconnaître des innovations, d’identifier les possibilités et les limites d’un transfert27 ? Sur le rendement du moulin, il put en revanche rapporter que dans un intervalle de cinq heures, on pouvait y défiler plus de chiffons qu’en vingt-quatre heures avec un moulin traditionnel, la force du vent étant dans ce processus un élément déterminant. Toujours selon Schmettau, Blicher avait évalué les coûts de construction à 20 000 florins hollandais, auxquels viendraient s’ajouter les coûts de l’entretien confié à un charpentier dédié28.

Blicher avait commencé par émettre des réserves, concluait Schmettau, puis s’était dit prêt à l’aider à trouver un charpentier capable de bâtir un tel moulin, ainsi qu’un fabricant de papier. Il avait toutefois objecté dans le même temps que de tels spécialistes étaient difficiles à trouver et que l’on devrait les chercher dans tout le pays. Il attira enfin l’attention de Schmettau sur le fait que cela ne suffirait pas pour autant : il faudrait trouver aussi un ouvreur et un salleran29. Somme toute, l’impression se dégage que Schmettau, en dépit de connaissances peut-être limitées sur le sujet, voulait fournir aux agents impliqués dans le processus décisionnel en cours les informations les plus complètes possible.

À cet égard, une question se révéla très tôt décisive : le cylindre hollandais, qui constituait le cœur même de la technique du nouveau modèle de moulin, était-il de façon générale transférable dans la Marche-Électorale ? En effet, Blicher avait affirmé que cette nouvelle technique ne pouvait fonctionner qu’à la force du vent et en aucun cas à l’énergie hydraulique30. S’il semblait possible d’utiliser l’eau comme force motrice, en la puisant dans les nombreux canaux et cours d’eau autour de Berlin, la question du vent disponible dans la Marche-Électorale était tout aussi cruciale, qu’il s’agît de l’intensité ou de la régularité des vents nécessaires au fonctionnement rentable du moulin. En revanche, aucune réflexion ne fut menée plus avant sur les spécificités architecturales du moulin à vent de Zaandam, pas plus que sur les moulins à vent en général. Ces questions ne furent abordées ni par Schmettau, ni par les constructeurs qu’il devait engager par la suite31.

De retour de Zaandam, Schmettau prit d’abord contact avec Reinhard Hymmen, conseiller dans le duché de Clèves, afin d’approfondir cette question. Ce dernier s’apprêtait à partir pour le duché de Gueldre et se vit confier la mission de collecter à Venlo des informations sur les moulins à papier hydrauliques. Concrètement, il devait chercher à savoir si ces moulins utilisaient eux aussi des platines métalliques comme dans la région de Zaandam et, le cas échéant, combien de ces sortes de platines ils comportaient. En revanche, s’il tombait sur des moulins à papier du même modèle que ceux qui étaient répandus dans le Saint-Empire, c’est-à-dire avec des piles à maillets en bois, il devait s’informer de leurs coûts de construction et poursuivre son enquête : pouvait-on trouver sur place quelqu’un qui fût disposé, contre rémunération, à bâtir un tel type de moulin dans la marche de Brandebourg ? À ce moment-là, Schmettau avait perçu l’articulation entre technique et savoir artisanal incorporé dans le processus de production. En conséquence de quoi, Hymmen était aussi prié de s’enquérir d’un ouvreur et d’un salleran prêts à venir s’établir dans le Brandebourg, et de se renseigner sur leur rémunération annuelle respective32.

Schmettau avait alors également pris conscience que construire un moulin, assimiler une nouvelle technique, tout cela nécessitait de recourir à un expert. C’est pourquoi il engagea l’architecte de la cour royale de Prusse, Jacob Roman, qui s’était déjà fait un nom comme tel au service du prince d’Orange Guillaume III devenu roi d’Angleterre33. Il semble que cet engagement ait été envisagé plus tôt, mais en raison de son absence, Roman avait alors été dans l’incapacité de prendre part au voyage à Zaandam34. Sur le conseil de cet expert, que ses services rendus à la cour royale rendaient dignes de confiance, Schmettau engagea l’architecte néerlandais Leendert van der Willigh. Ce dernier avait participé, sous la houlette de Roman, à la construction de la faisanderie de Clèves comme conducteur de travaux et passait pour une personne expérimentée sur le plan technique, en particulier dans la construction de moulins et d’écluses.

Un compte rendu daté du 19 juillet, rédigé par van der Willigh, le montre quelque temps plus tard en mission à Zaandam pour y examiner les moulins et leurs caractéristiques techniques. En quatorze points, qui témoignent de son expérience dans la construction et l’exploitation des moulins, il résume les principaux résultats de son voyage. Outre les coûts de construction attendus, évalués à 17 000 florins hollandais, il se penche sur les différents postes de travail, les coûts d’exploitation et le personnel à prévoir. À titre d’exemple, lit-on, on pouvait espérer que le traitement de l’eau dans le Brandebourg coûterait moins cher qu’à Zaandam, où l’on travaillait avec une eau saumâtre qui nécessitait d’être filtrée au préalable. Toujours selon ses dires, pour un moulin à quatre cuves, il fallait compter 46 ouvriers qui pourraient fabriquer 30 à 36 rames de papier par jour35. Dans les Provinces-Unies, selon la nature du papier (pour l’imprimerie ou pour l’écriture), on comptait entre 480 et 500 feuilles par unité de mesure, de sorte que l’on pouvait envisager un rendement quotidien de 14 400 à 17 280 feuilles36. Même si la construction d’un tel moulin à Berlin requérait moins de main d’œuvre qu’en Hollande, van der Willigh évaluait ces besoins à six ouvriers plus huit charpentiers ; il en avait d’ailleurs déjà trouvé un à Zaandam qui se disait également prêt à prendre la direction du moulin à Berlin. Quant aux autres, assurait van der Willigh, ils restaient encore à recruter. Pour chacune des étapes de travail successives, il recensait le personnel nécessaire, de l’ouvreur au leveur en passant par le salleran, plus dix garçons (« Jungen ») chargés de diverses tâches. Ces données précises, ajoutées aux coûts salariaux à prévoir, suggèrent que les coûts de production et d’exploitation — et par conséquent, la question de l’exploitation économique du moulin — avaient, dès le départ, leur importance dans la mission confiée à van der Willigh. Voici, à titre d’exemples, quelques-unes de ces données : au responsable en chef du moulin, il fallait accorder gratuitement le logement et le bois de chauffe, plus une rémunération de 7 florins hollandais par semaine ; le second responsable devait percevoir la somme de 5 florins hollandais et 10 stuivers. Le montant total des salaires hebdomadaires de l’ensemble des travailleurs intervenant dans le processus de production s’élevait à 127 florins hollandais et 2 stuivers37.

Van der Willigh expose en long et en large les différentes étapes de la production et ce faisant, se positionne lui-même en tant qu’expert. Le fait que Schmettau, comme on l’a déjà souligné, ne connût auparavant pas grand-chose à la papeterie ne l’empêcha pas pour autant, de son côté, de commenter et d’amender le compte rendu de van der Willigh, dans une note adressée à la cour du Brandebourg-Prusse. À l’en croire, les coûts de construction dans la Marche-Électorale devaient être réévalués à la baisse car le roi ne payait rien pour le bois et la brique, et les salaires de Berlin étaient inférieurs à ceux des Provinces-Unies. À l’exception des spécialistes, comme le charpentier et les deux responsables du moulin, le reste du personnel pouvait être trouvé à Berlin. Il était en outre suffisant, pour chacun des différents postes de travail, de faire venir une seule personne à Berlin qui pourrait ensuite former d’autres ouvriers sur place38.

En dépit de toutes les informations désormais disponibles, la possibilité d’exploiter dans la Marche-Électorale un moulin sur le modèle de Zaandam n’avait encore rien d’une évidence. À La Haye, Schmettau poursuivait d’intenses réflexions sur le sujet avec l’architecte Roman, au centre desquelles figuraient toujours deux questions : la disponibilité du vent dans le Brandebourg et la possibilité d’utiliser la force hydraulique — et si oui, dans quelles conditions — pour faire fonctionner les « platines métalliques ». On discutait de différents facteurs, comme le débit des eaux et l’emplacement idéal pour un moulin de ce type. C’est la raison pour laquelle Roman et van der Willigh entreprirent dans les semaines suivantes un voyage dans le duché de Clèves, en passant par Venlo. Les renseignements demandés au conseiller Hymmen sur les moulins du lieu n’avaient manifestement pas donné entière satisfaction. Il revenait dès lors aux techniciens de poursuivre les investigations39. À cet instant, du point de vue de Schmettau et des personnes qu’il avait engagées à La Haye, aucune décision n’était encore prise quant à la possibilité et aux moyens d’installer un tel moulin dans la Marche-Électorale, sans parler de l’exploiter de façon rentable. Schmettau était, pour ainsi dire, encore accaparé par la production de savoirs. En d’autres termes, les échanges avec les experts et les interactions complexes à l’œuvre à La Haye s’étaient mués en lieu même d’élaboration des savoirs.

Dans ce contexte, il est surprenant que les décideurs de la cour du Brandebourg-Prusse aient formulé une recommandation si rapidement. Dès la première semaine du mois d’août — le dernier état des lieux dressé par Schmettau et expédié depuis Amsterdam est daté du 27 juillet —, aussi bien la Chambre aulique (Hofkammer) que la chambre de Cölln an der Spree (Amtskammer) valident l’installation, dans l’électorat, d’un moulin tel que décrit40. Ces deux chambres avaient la main sur l’administration de l’économie : la première avait été fondée en 1669 comme une autorité collégiale en matière économique ; la seconde s’occupait de l’administration des domaines et des régales41. Elles constituaient ainsi les instances auxquelles il revenait d’expertiser toutes les mesures mercantilistes, en particulier la promotion des métiers qualifiés. Le rapport de Schmettau, qui se gardait bien de trancher quant à la décision à prendre, fut-il jugé suffisant par les deux chambres pour recommander la construction du moulin ? L’argument avancé par les conseillers de l’Amtskammer impliqués dans cette affaire pour justifier leur position apparaît typique du temps : sont mis en balance d’un côté l’argent qui sort du pays en raison de l’importation de papier étranger et, de l’autre, le profit attendu de l’exploitation du moulin. Les conseillers prirent tout de même en considération le rendement du moulin de Zaandam dans leur décision et recommandèrent ainsi au roi de commencer par faire construire une installation modeste puis d’en faire évaluer les résultats42. Un autre détail indique que ces conseillers connaissaient les problèmes inhérents à l’industrie papetière : ils se prononcent sur les besoins en chiffons — la pénurie de matière première était en effet un véritable frein à la production de papier dans le Saint-Empire à l’époque moderne. Toujours selon eux, les autres moulins du Brandebourg devraient continuer de contribuer pour leur part à la fabrication de papier, jusqu’à ce que le nouveau moulin pût assurer son plein rendement43. Si la recommandation formulée par les conseillers concernant l’installation du moulin peut apparaître prématurée, les autorités n’en demeuraient manifestement pas moins conscientes des obstacles encore à lever. La décision se fondait donc uniquement sur les attentes suscitées par le profit potentiel engendré par la nouvelle technique. Ces espoirs justifiaient des investissements supplémentaires qui devaient se révéler très élevés. En revanche, le volet technique et son corollaire, la complexité du recrutement, étaient occultés. Mais quelle eût été l’alternative ? On peut voir dans cette décision une étape importante, puisqu’elle laissait entrevoir à Schmettau la possibilité de bénéficier des moyens financiers de la cour et signait la reconnaissance des progrès déjà accomplis. À La Haye et à la cour, les savoirs pertinents et utiles à la prise de décision, tout précaires qu’ils étaient, étaient mobilisés à des stades très variables de leur élaboration. Ainsi les connaissances susceptibles d’être valorisées économiquement convergeaient-elles progressivement vers l’objectif initialement fixé, mais pas toutes en même temps. Le diplomate Schmettau finit quant à lui par être reconnu comme un expert du sujet, alors qu’au départ, il était loin d’en être spécialiste. Le projet d’installation du moulin venait là de franchir une étape importante.

Du modèle au transfert, ou comment valoriser le savoir

Une fois connue la décision des deux chambres, l’installation du moulin se poursuivit à marche forcée. À la mi-septembre, Schmettau relate le voyage de van der Willigh et Roman à Venlo. Il en ressort que les moulins y étaient équipés de 12 à 15 maillets de bois pour pilonner les chiffons et produisaient environ cinq rames de papier par jour. Les coûts de construction d’un moulin de ce type s’élevaient à 3 000 florins hollandais, soit environ 18 % de ceux du moulin de Zaandam (17 000 florins hollandais), tandis que son rendement représentait en moyenne seulement 15 % de celui du même moulin44. Au départ de cette affaire figurait bel et bien le souhait de produire un papier comparable au modèle hollandais. Mais cet objectif restait hors d’atteinte avec les piles à maillets répandues dans le Saint-Empire. Puis van der Willigh et Roman avaient découvert sur les bords du Rhin, à Doorwerth, un moulin à papier sur le modèle de Zaandam, mais qui utilisait la force hydraulique. Les architectes évaluaient le montant de la construction à 9 000 florins hollandais, le rendement quotidien à 30-32 rames (soit 94 % de celui du moulin de Zaandam). C’était bien là la preuve que le cylindre hollandais pouvait parfaitement fonctionner à l’énergie hydraulique. En outre, les coûts de construction estimés représentaient à peine 52 % de ceux du moulin de Blicher. Dès lors étaient posés les principes de l’introduction du cylindre hollandais dans la Marche-Électorale. Il fallait désormais transformer les savoirs collectés afin de les rendre transportables — et donc disponibles pour les décideurs à la cour du Brandebourg-Prusse —, dans l’optique de la construction du moulin. Aussi, en concertation avec Roman, Schmettau chargea van der Willigh d’élaborer d’abord une maquette qui pût servir de modèle aux charpentiers berlinois et être présentée au roi en personne.

L’importance de ces maquettes dans les transferts de technique a été mise en évidence à de nombreuses reprises par les spécialistes d’histoire des techniques45. De même l’on sait qu’elles ont rarement été conservées car elles étaient le plus souvent fabriquées en bois. Dans le cas qui nous occupe, les archives berlinoises offrent un aperçu rare en tant que tel. Dès la fin du mois de novembre, van der Willigh, dont l’atelier était manifestement situé à Delft, apporta la maquette à La Haye. D’après Schmettau, celle-ci était démontable, de sorte qu’elle pouvait être transportée en caisses jusqu’à Berlin pour y être ensuite remontée. Toujours selon ses dires, l’installation fut testée avec succès à La Haye, dans le bassin des jardins du palais royal (het Oude Hof). Une facture de van der Willigh suggère également que la construction de la maquette lui prit deux mois, y compris la fabrication des platines métalliques qu’il avait commandées à La Haye. Elles devaient servir de modèles pour façonner ultérieurement des répliques à Berlin. À cela s’ajoutaient les frais d’un voyage supplémentaire jusqu’au moulin de Zaandam, pour un montant total estimé par van der Willigh à 396 florins hollandais46, plus 129 florins de salaire pour sa mission, depuis sa première visite à La Haye en juillet47 : le montant de ses seuls services s’élevait ainsi à environ 525 florins hollandais. En comparaison, sa future nomination lui rapporterait un salaire annuel de 600 thalers d’Empire (soit environ 1 500 florins hollandais), plus de quoi payer le logement et la nourriture48. Schmettau restait vigilant sur les coûts, en concertation avec Roman qui les avait examinés, et jugé ces dépenses expédientes. Il semble que van der Willigh ait, dès lors, joui d’un grand crédit auprès de ses interlocuteurs : sur ordre du roi, Schmettau le chargea en novembre de concevoir également la maquette d’un moulin à poudre qui devait être, elle aussi, présentée à Berlin49. Ce modèle réduit reproduisait l’original au huitième. On en ignore les dimensions, mais la facture établie par van der Willigh récapitule avec un soin méticuleux l’ensemble des matériaux utilisés. D’après ces calculs, la pièce de construction la plus longue, une poutre, mesurait sept pieds néerlandais, soit environ deux mètres. Même sous la forme de pièces détachées, la circulation des savoirs et le transfert de technique représentaient un défi logistique.

Ce n’est qu’une fois la maquette testée que Schmettau proposa au roi la nomination de van der Willigh comme architecte spécialisé dans les moulins, les écluses, les ouvrages militaires et civils. Elle entra en vigueur au début du mois de février 1709 à La Haye et était pourvue de la somme de 600 thalers d’Empire annuels évoquée plus haut50. Désormais, il incombait aussi à van der Willigh de s’occuper du recrutement d’un responsable de moulin compétent. Pour le reste du personnel, il expliqua que jusqu’à l’installation définitive du moulin, il se limiterait à trois personnes pour faire des économies. Tous les autres travailleurs seraient recrutés plus tard à Venlo. Peu de temps après, Schmettau adressa à Berlin une liste des matériaux de construction nécessaires. Les préparatifs montrent ensuite l’avancement rapide du projet. Un point se révéla problématique : pour les roues du moulin, van der Willigh réclamait du néflier. Or à Berlin, après enquête, il s’avéra que l’on ne connaissait la nèfle que comme fruit comestible et l’on considérait le bois de néflier comme impropre à la construction de moulins. Schmettau fut alors chargé d’acheter ce bois spécifique aux Provinces-Unies — on supposait qu’il s’agissait d’une essence inconnue dans le Brandebourg — et de l’expédier à Berlin en même temps que van der Willigh et la maquette du moulin51. Certains malentendus pouvaient ainsi faire échouer le transfert de savoirs techniques.

Entre-temps, van der Willigh avait recruté les trois charpentiers à Zaandam et à Delft. Leurs exigences en matière de salaire laissent de nouveau entrevoir quelles dépenses l’on était disposé à accepter à la cour du Brandebourg-Prusse : un certain Jan Martens exigeait 48 florins hollandais par mois, Reynier van der Willig (probablement le fils de l’architecte) devait en recevoir 40 par mois et Gerrit van der Linde, pour sa part, tout de même 36. Sachant qu’un fabricant de papier qui devait percevoir une rémunération annuelle de 350 thalers d’Empire (soit environ 875 florins hollandais) reçut sa lettre de nomination le 26 janvier 1710 et que l’exploitation du moulin ne put commencer qu’en novembre 1711, cela représentait une dépense de presque 4 000 florins hollandais (soit environ 1 760 thalers d’Empire) rien que pour les quatre Hollandais52. À cela venaient s’ajouter la rémunération des autres travailleurs, le coût des matériaux, les dépenses et salaires calculés par van der Willigh, ainsi que les différents postes de dépenses prévus par Schmettau. Toutes ces sommes furent acceptées sur la base de simples prévisions et ce, malgré l’incertitude qui pesait sur les chances de succès de l’entreprise.

Un brouillon, rédigé par le conseiller secret Heinrich Rüdiger von Ilgen et daté du 22 février 1709, montre que la mission de Schmettau est alors considérée comme remplie53. Le roi Frédéric Ier s’était fait exposer l’affaire dans son ensemble et avait décrété que van der Willigh et ses hommes devaient venir à Berlin « je eher, je lieber » — le plus tôt serait le mieux. Une lettre de change de 1 000 thalers d’Empire pour le paiement des dépenses déjà engagées et le financement du voyage fut expédiée, et la lettre de nomination de van der Willigh fut adressée à La Haye. En somme, rien n’était plus laissé au hasard. Deux ouvreurs devaient aussi être recrutés immédiatement, même s’il leur faudrait attendre que la construction du moulin fût terminée pour pouvoir se mettre à la tâche. Il était aussi fait état des négociations encore en cours avec un responsable de moulin néerlandais susceptible de se charger de l’exploitation. La construction et l’exploitation du moulin étaient en effet deux choses différentes, comme Schmettau en avait fait l’expérience dès le commencement de sa mission. Il fallait un homme capable de diriger la production. Depuis le mois de décembre 1708, des négociations étaient en cours à Zaandam avec le fabricant de papier mentionné plus haut54 — peut-être Jan Willem van Appeldoren, dont l’acte de nomination fut expédié le 26 janvier 1710. Lorsque l’exploitation du « moulin du Werbellin » démarra dans le Brandebourg en novembre 1711, près de quatre années s’étaient écoulées depuis que Schmettau avait entamé sa mission. La construction du moulin coûta finalement 18 000 thalers d’Empire55.

Conclusion

Les démarches entreprises pour l’installation dans le Brandebourg-Prusse d’un moulin à papier sur le modèle hollandais mettent en lumière toutes les étapes préparatoires nécessaires à l’établissement d’une technique jusqu’alors étrangère. Elles ont rarement été prises en considération dans l’historiographie du Saint-Empire. Des mesures qualifiées de mercantilistes ou de caméralistes visant à promouvoir tel ou tel métier ont déjà fait l’objet d’analyses minutieuses. Mais, le plus souvent, ces études prennent pour point de départ une nomination ou l’octroi d’un privilège ; autrement dit, elles commencent au moment où sont réunies les conditions de lancement de la production — ce qui, dans le cas présenté ici, constitue précisément le terme de l’histoire, en l’occurrence l’engagement du papetier Jan Willem van Appeldoren et le voyage de van der Willigh à Berlin.

En se concentrant sur les modalités de la circulation des savoirs, l’analyse proposée ici a permis d’explorer des modes d’action guidés par l’économie, dans le cadre d’une politique économique mercantiliste et caméraliste. Elle a ainsi mis en évidence l’importance des savoirs techniques jusque dans la pratique politique et la prise de décisions. Elle a aussi montré combien le caractère précaire des savoirs liés aux attentes économiques a marqué d’une empreinte décisive les stratégies, plans d’action et décisions des acteurs engagés dans les processus de circulation étudiés. L’éventualité d’une utilisation à la fois pratique et économiquement performante des savoirs convoités dans le territoire-cible fut soigneusement étudiée et fit l’objet d’une évaluation préalable sur place. L’acquisition de savoirs techniques visait par conséquent directement une application et une utilisation pratiques. En cela, elle se différenciait nettement de la collecte — bien plus ample — d’informations politiques à l’époque moderne, où la quête de données en quantité prévalait sur celle d’informations utiles pour atteindre un objectif précis.

La présente étude a aussi mis en lumière les stratégies et mécanismes qui ont facilité l’échange, sur le marché, de savoirs pouvant faire l’objet d’une valorisation économique — l’utilisation de réseaux, la construction de maquettes, les voyages, l’espionnage économique, les échanges intensifs entre experts sur la possibilité de déployer une nouvelle technique. Elle a aussi montré que les échanges entre techniciens spécialisés (comme les artisans et les architectes), d’une part, et non-spécialistes, de l’autre, constituaient les véritables moments et finalement les lieux mêmes de production des savoirs, caractérisés par l’intrication de la pratique et de la théorie. Certes, ces procédés ne sont pas une invention du Brandebourg-Prusse. Néanmoins, ils apparaissent ici particulièrement développés et laissent entrevoir, sur ce sujet, la nécessité d’intégrer le Brandebourg-Prusse dans une étude comparative à l’échelle européenne — un thème qui mériterait de plus amples recherches.

Quant au Saint-Empire, les efforts consentis pour installer dans le Brandebourg-Prusse un moulin à papier sur le modèle hollandais révèlent, en marge des discours mercantilistes et caméralistes, une conscience aiguë de la complexité et du potentiel économique des savoirs techniques au début du xviiie siècle. Et l’on disposait des outils nécessaires pour les acquérir. Pour faire une « histoire culturelle du politique » (Barbara Stollberg-Rilinger), l’on gagnerait à s’emparer de façon plus résolue de l’histoire des techniques et de l’économie.

1 Berlin, Geheimes Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz [GStAPK], I. Hauptabteilung [HA], Geheimer Rat [GR], Rep. 9, Allgemeine Verwaltung [AV] AA 15

2 Cf. Daniel Bellingradt, Vernetzte Papiermärkte. Einblicke in den Amsterdamer Handel mit Papier im 18. Jahrhundert, Köln, Herbert von Halem, 2020, p.

3 Différents travaux ont souligné le lien entre étaticité et culture de l’écrit, ainsi que les défis bureaucratiques qui en découlent, dans le cadre

4 Sur la politique prussienne pendant la guerre de Succession d’Espagne et le projet de couronnement, voir Frank Göse, Friedrich I. : Ein König in

5 Sebastian Becker, « Economic Espionage in the Early Modern Period », in Guido Braun, Susanne Lachenicht (dir.), Spies, Espionage and Secret

6 Sandra Richter, Guillaume Garner (dir.), “Eigennutz und gute Ordnung. Ökonomisierungen der Welt im 17. Jahrhundert, Wiesbaden, Harrassowitz, 2016

7 Voir les différentes contributions dans Moritz Isenmann (dir.), Merkantilismus. Wiederaufnahme einer Debatte, Stuttgart, Franz Steiner, 2014, en

8 Voir Martin Mulsow, « Einleitung zur Sektion 3. Ökonomie des Wissens, Wissen der Ökonomie und Wissensökonomie », in S. Richter, G. Garner, “

9 Voir Hartmut Berghoff, Jakob Vogel, Wirtschaftsgeschichte als Kulturgeschichte. Dimensionen eines Perspektivenwechsels,Frankfurt am Main, Campus

10 Sur ce sujet, voir Jakob Vogel, « Von der Wissenschafts- zur Wissensgeschichte. Für eine Historisierung der “Wissensgesellschaft” », Geschichte und

11 Lissa Roberts, « Situating Science in Global History. Local Exchanges and Networks of Circulation », ISIS : Journal of the History of Science in

12 L’expression est de Martin Mulsow, Prekäres Wissen. Eine andere Ideengeschichte der Frühen Neuzeit,Berlin, Suhrkamp, 2012, p. 11-36.

13 Sebastian Becker, « Ein Markt für ökonomisierbares Wissen ? Zu den Schwierigkeiten bei der Anwerbung technisch-ökonomischer Spezialisten im 17. 

14 Daniel Jütte, Das Zeitalter des Geheimnisses : Juden, Christen und die Ökonomie des Geheimen (1400-1800), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 20

15 Sur la figure de l’expert, voir Frank Rexroth, « Systemvertrauen und Expertenskepsis. Die Utopie vom maßgeschneiderten Wissen in den Kulturen des

16 Georg Simmel, Soziologie. Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung,Berlin, Duncker & Humblot, 2013, p. 274-275 ; S. Becker, « Ein Mar

17 Matthias Asche, Neusiedler im verheerten Land. Kriegsfolgenbewältigung, Migrationssteuerung und Konfessionspolitik im Zeichen des

18 Contrairement aux relations entre le Brandebourg-Prusse et les Provinces-Unies généralement subsumées sous le concept de transfert culturel, les

19 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 1.

20 Ibid., fol. 3.

21 Ibid., fol. 3-4. Concernant Blicher, il s’agit très probablement du Hollandais Albert Claes Bleeker qui dirigeait à Zaandam le moulin à papier « de

22 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 3-4.

23 Johann J. Becher, Joh. Joachim Bechers närrische Weißheit und weise Narrheit. Oder ein hundert so politische alß physicalische mechanische und

24 Sur le fonctionnement des nouveaux moulins à papier et la papeterie en général, voir Günter Bayerl, Die Papiermühle. Vorindustrielle Papiermacherei

25 D. Bellingradt, Vernetzte Papiermärkte… op. cit., p. 28, avec des renvois à Arianne Baggerman, Publishing Policies and Family Strategies. The

26 H. Voorn, De papiermolens in de provincie Noord-Holland… op. cit., p. 297-298. Cette franche disposition à faire connaître les techniques du pays

27 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 5.

28 Ibid., fol. 6.

29 Ibid.

30 Ibid.

31 Sur les moulins à vent et la réflexion théorique sur la technique des moulins pour une utilisation industrielle, voir Philippe Bruyerre, La

32 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 9.

33 Abraham Bredius, Künstlerinventare. Urkunden zur Geschichte der holländischen Kunst des XVIten, XVIIten und XVIIIten Jahrhunderts,Haag, Martinus

34 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 6.

35 Ibid., fol. 12-13.

36 D. Bellingradt, Vernetzte Papiermärkte… op. cit., p. 23.Ibid., note 38 (notamment le fait qu’un tel rendement n’avait rien d’exceptionnel).

37 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 15.

38 Ibid., fol. 14.

39 Ibid., fol. 18.

40 Ibid., fol. 16.

41 Kurt Breysig, Die Centralstellen der Kammerverwaltung, die Amtskammer, das Kassenwesen und die Domänen der Kurmark, Leipzig, Duncker & Humblot, 18

42 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 17.

43 Sylvia Hahn, « “Papiermacherei” und Papierarbeiter/innen in Österreich (16. bis 19. Jahrhundert) », in Torsten Meyer, Marcus Popplow (dir.)

44 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 18.

45 Karel Davids, The Rise and Decline of Dutch Technological Leadership. Technology, Economy and Culture in the Netherlands, 1350-1800, Leiden, Brill

46 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 35-36.

47 Ibid., fol. 37-38.

48 Ibid., fol. 39-42 (brouillon).

49 Ibid., fol. 30.

50 Ibid., fol. 39-42.

51 Ibid., fol. 26.

52 Sur l’achèvement du moulin en 1711, voir Klaus B. Bartels, Papierherstellung in Deutschland. Von der Gründung der ersten Papierfabriken in Berlin

53 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 46-47.

54 Ibid., fol. 45.

55 K. B. Bartels, Papierherstellung… op. cit., p. 91-92.

Notes

1 Berlin, Geheimes Staatsarchiv Preußischer Kulturbesitz [GStAPK], I. Hauptabteilung [HA], Geheimer Rat [GR], Rep. 9, Allgemeine Verwaltung [AV] AA 15, Fasz. 5, fol. 43.

2 Cf. Daniel Bellingradt, Vernetzte Papiermärkte. Einblicke in den Amsterdamer Handel mit Papier im 18. Jahrhundert, Köln, Herbert von Halem, 2020, p. 27-28.

3 Différents travaux ont souligné le lien entre étaticité et culture de l’écrit, ainsi que les défis bureaucratiques qui en découlent, dans le cadre de la formation de l’État prémoderne. Voir Arndt Brendecke, « Papierfluten. Anwachsende Schriftlichkeit als Pluralisierungsfaktor in der Frühen Neuzeit », Mitteilungen des Sonderforschungsbereichs, 573-1 (2006), p. 21-30 ; Arndt Brendecke, Susanne Friedrich, Markus Friedrich (dir.), Information in der Frühen Neuzeit : Status, Bestände, Strategien, Münster, Lit, 2008.

4 Sur la politique prussienne pendant la guerre de Succession d’Espagne et le projet de couronnement, voir Frank Göse, Friedrich I. : Ein König in Preußen, Regensburg, Pustet, 2012, p. 202-282 ; Ilja Mieck, « Preußen und Westeuropa », in Wolfgang Neugebauer (dir.), Handbuch der Preußischen Geschichte : das 17. und 18. Jahrhundert und große Themen der Geschichte Preußens, Berlin-New York, De Gruyter, 2009, p. 411-851, ici p. 447-554.

5 Sebastian Becker, « Economic Espionage in the Early Modern Period », in Guido Braun, Susanne Lachenicht (dir.), Spies, Espionage and Secret Diplomacy in the Early Modern Period, Stuttgart, Kohlhammer, 2021, p. 37-57, ici p. 52.

6 Sandra Richter, Guillaume Garner (dir.), “Eigennutz und gute Ordnung. Ökonomisierungen der Welt im 17. Jahrhundert, Wiesbaden, Harrassowitz, 2016.

7 Voir les différentes contributions dans Moritz Isenmann (dir.), Merkantilismus. Wiederaufnahme einer Debatte, Stuttgart, Franz Steiner, 2014, en particulier Lars Magnusson, « Is Mercantilism a Useful Concept Still ? », p. 19-38, et Thomas Simon, « Merkantilismus und Kameralismus. Zur Tragfähigkeit des Merkantilismusbegriffs und seiner Abgrenzung zum deutschen “Kameralismus” », p. 65-82. L’importance du mercantilisme dans les pratiques économiques a été soulignée par Pierre Deyon, Le Mercantilisme, Paris, Flammarion, 1969, p. 13 ; Hermann Kellenbenz, Der Merkantilismus und die soziale Mobilität in Europa, Wiesbaden, Steiner, 1965, p. 4-5 ; Ernst Hinrichs, « Merkantilismus in Europa. Konzepte, Ziele, Praxis », in Ernst Hinrichs, Absolutismus, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1986, p. 344-360, ici p. 345.

8 Voir Martin Mulsow, « Einleitung zur Sektion 3. Ökonomie des Wissens, Wissen der Ökonomie und Wissensökonomie », in S. Richter, G. Garner, “Eigennutz und gute Ordnung op. cit., p. 296.

9 Voir Hartmut Berghoff, Jakob Vogel, Wirtschaftsgeschichte als Kulturgeschichte. Dimensionen eines Perspektivenwechsels, Frankfurt am Main, Campus, 2004 ; Guillaume Calafat, Éric Monnet, « Le retour de l’histoire économique ? », https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20160105-histoireeconomique.pdf.

10 Sur ce sujet, voir Jakob Vogel, « Von der Wissenschafts- zur Wissensgeschichte. Für eine Historisierung der “Wissensgesellschaft” », Geschichte und Gesellschaft, 30 (2004), p. 639-660 ; Philipp Sarasin, « Was ist Wissensgeschichte ? », Internationales Archiv für Sozialgeschichte der deutschen Literatur, 36-1 (2011), p. 159-172.

11 Lissa Roberts, « Situating Science in Global History. Local Exchanges and Networks of Circulation », ISIS : Journal of the History of Science in Society, 33-1 (2009), p. 9-30 ; Kapil Raj, « Beyond Postcolonialism… and Postpositivism : Circulation and the Global History of Science », ISIS : Journal of the History of Science in Society, 104-2 (2013), p. 337-347 ; Liliane Hilaire-Pérez, Catherine Verna, « Dissemination of Technical Knowledge in the Middle Ages and the Early Modern Era : New Approaches and Methodological Issues », Technology & Culture, 47-3 (2006), p. 536-565 ; Lissa Roberts, Peter Dear, Simon Schaffer, The Mindful Hand. Inquiry and Invention from the Late Renaissance to Early Industrialisation, Amsterdam, Koninklijke Nederlandse Akad. van Wetenschappen, 2007.

12 L’expression est de Martin Mulsow, Prekäres Wissen. Eine andere Ideengeschichte der Frühen Neuzeit, Berlin, Suhrkamp, 2012, p. 11-36.

13 Sebastian Becker, « Ein Markt für ökonomisierbares Wissen ? Zu den Schwierigkeiten bei der Anwerbung technisch-ökonomischer Spezialisten im 17. Jahrhundert », Zeitschrift für Historische Forschung, 47-4 (2020), p. 629-662. Sur la question de la propriété intellectuelle, voir Pamela O. Long, Openness, Secrecy, Authorship. Technical Arts and the Culture of Knowledge from Antiquity to the Renaissance, Baltimore (Md.), Johns Hopkins Univ. Press, 2001.

14 Daniel Jütte, Das Zeitalter des Geheimnisses : Juden, Christen und die Ökonomie des Geheimen (1400-1800), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2011, p. 24. Il ne s’agissait là nullement d’une pratique commerciale inhabituelle, comme le montre la comparaison avec la protection prémoderne des inventions et le transfert de savoirs techniques par des ingénieurs et des techniciens spécialisés : il était en effet tout aussi courant de vanter les mérites de ses innovations sans en dévoiler la fonction ou la technique. Dans les deux cas, susciter l’intérêt de la partie adverse était déterminant, d’où le rôle crucial de l’offreur comme promoteur de ses propres inventions. Voir Marcus Popplow, « Erfindungsschutz und Maschinenbücher : Etappen der Institutionalisierung technischen Wandels in der Frühen Neuzeit », Technikgeschichte, 63 (1996), p. 21-46.

15 Sur la figure de l’expert, voir Frank Rexroth, « Systemvertrauen und Expertenskepsis. Die Utopie vom maßgeschneiderten Wissen in den Kulturen des 12. bis 16. Jahrhunderts », in Björn Reich, Frank Rexroth, Matthias Roick (dir.), Wissen, maßgeschneidert. Experten und Expertenkulturen im Europa der Vormoderne, München, Oldenbourg, 2012, p. 12-44, ici p. 22.

16 Georg Simmel, Soziologie. Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung, Berlin, Duncker & Humblot, 2013, p. 274-275 ; S. Becker, « Ein Markt für ökonomisierbares Wissen… », art. cit., p. 631.

17 Matthias Asche, Neusiedler im verheerten Land. Kriegsfolgenbewältigung, Migrationssteuerung und Konfessionspolitik im Zeichen des Landeswiederaufbaus. Die Mark Brandenburg nach den Kriegen des 17. Jahrhunderts, Münster, Aschendorff, 2006. L’importance des migrations de type « small-scale », mise en évidence depuis longtemps par l’histoire des savoirs et des techniques, n’est toutefois pas prise en considération dans cet ouvrage. Sur ce sujet, cf. Carlo M. Belfanti, « Between Mercantilism and Market. Privileges for Invention in Early Modern Europe », Journal of Institutional Economics, 2 (2006), p. 1-20 ; Karel Davids, « The Transfer of Technology between Britain and the Netherlands, 1700-1850 », in Jaap R. Bruijn, Willem F. J. Mörzer Bruyns (dir.), Anglo-Dutch Mercantile Marine Relations, 1700-1850, Amsterdam, Nederlands Scheepvaartmuseum Amsterdam, 1991, p. 7-23.

18 Contrairement aux relations entre le Brandebourg-Prusse et les Provinces-Unies généralement subsumées sous le concept de transfert culturel, les interdépendances au niveau technique n’ont jusqu’à présent été problématisées que dans le contexte de la migration confessionnelle. Voir Georg Galland, Hohenzollern und Oranien. Neue Beiträge zur Geschichte der niederländischen Beziehungen im 17. und 18. Jahrhundert, und anderes, Strassburg, Heitz, 1911 ; Gerhard Oestreich, « Die Niederlande und Brandenburg-Preußen », in Horst Lademacher (dir.), “Onder den Oranje Boom”. Niederländische Kunst und Kultur im 17. und 18. Jahrhundert an deutschen Fürstenhöfen, München, Hirmer, 1999, p. 187-202.

19 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 1.

20 Ibid., fol. 3.

21 Ibid., fol. 3-4. Concernant Blicher, il s’agit très probablement du Hollandais Albert Claes Bleeker qui dirigeait à Zaandam le moulin à papier « de Kok ». Hendrikus Voorn, De papiermolens in de provincie Noord-Holland, Haarlem, Vereniging van Nederlandse Papier - en Kartonfabrieken, 1960, p. 297-298.

22 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 3-4.

23 Johann J. Becher, Joh. Joachim Bechers närrische Weißheit und weise Narrheit. Oder ein hundert so politische alß physicalische mechanische und mercantilische Concepten und Propositionen, Franckfurt, J. P. Zubrod, 1682, p. 68-69.

24 Sur le fonctionnement des nouveaux moulins à papier et la papeterie en général, voir Günter Bayerl, Die Papiermühle. Vorindustrielle Papiermacherei auf dem Gebiet des alten deutschen Reiches. Technologie, Arbeitsverhältnisse, Umwelt, Frankfurt am Main, Lang, 1987, et sur le cylindre hollandais en particulier, p. 230-252. Sur la production de papier, voir Sandra Schultz, Papierherstellung im deutschen Südwesten. Ein neues Gewerbe im späten Mittelalter, Berlin-New York, De Gruyter, 2018 ; contemporain des faits et réédité à de nombreuses reprises, Joseph-Jérôme de Lalande, Art de faire le papier, Paris, 1761.

25 D. Bellingradt, Vernetzte Papiermärkte… op. cit., p. 28, avec des renvois à Arianne Baggerman, Publishing Policies and Family Strategies. The Fortunes of a Dutch Publishing House in the 18th and Early 19th Centuries, Leiden-Boston, Brill, 2014, p. 325-327 ; Karel Davids, « The Transfer of Windmill Technology from the Netherlands to North-Eastern Europe from the 16th to the Early 19th Century », in Jacques Ph. S. Lemmink, J. S. A. M. (Hans) van Konigsbrugge, Baltic Affairs. Relations between the Netherlands and North-Eastern Europe, 1500-1800, Nijmegen, INOS, 1990, p. 33-52.

26 H. Voorn, De papiermolens in de provincie Noord-Holland… op. cit., p. 297-298. Cette franche disposition à faire connaître les techniques du pays était très répandue aux Provinces-Unies. Cf. Karel Davids, « Openness or Secrecy ? Industrial Espionage in the Dutch Republic », The Journal of European Economic History, 24 (1995), p. 333-348.

27 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 5.

28 Ibid., fol. 6.

29 Ibid.

30 Ibid.

31 Sur les moulins à vent et la réflexion théorique sur la technique des moulins pour une utilisation industrielle, voir Philippe Bruyerre, La Puissance du vent. Des moulins à vent aux éoliennes modernes, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2020, p. 29-52, ici p. 47-50 et Didier Terrier « Les moulins à vent à huile », in F. Jarrige, A. Vrignon (dir.), Face à la puissance. Une histoire des énergies alternatives et renouvelables, Paris, La Découverte, 2020, p. 57-70.

32 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 9.

33 Abraham Bredius, Künstlerinventare. Urkunden zur Geschichte der holländischen Kunst des XVIten, XVIIten und XVIIIten Jahrhunderts, Haag, Martinus Nijhoff, 1918, t. 5, p. 1719-1720.

34 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 6.

35 Ibid., fol. 12-13.

36 D. Bellingradt, Vernetzte Papiermärkte… op. cit., p. 23. Ibid., note 38 (notamment le fait qu’un tel rendement n’avait rien d’exceptionnel).

37 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 15.

38 Ibid., fol. 14.

39 Ibid., fol. 18.

40 Ibid., fol. 16.

41 Kurt Breysig, Die Centralstellen der Kammerverwaltung, die Amtskammer, das Kassenwesen und die Domänen der Kurmark, Leipzig, Duncker & Humblot, 1895, p. 770-773.

42 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 17.

43 Sylvia Hahn, « “Papiermacherei” und Papierarbeiter/innen in Österreich (16. bis 19. Jahrhundert) », in Torsten Meyer, Marcus Popplow (dir.), Technik, Arbeit und Umwelt in der Geschichte. Günter Bayerl zum 60. Geburtstag, Münster, Waxmann, 2006, p. 53-76, ici p. 60.

44 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 18.

45 Karel Davids, The Rise and Decline of Dutch Technological Leadership. Technology, Economy and Culture in the Netherlands, 1350-1800, Leiden, Brill, 2008, p. 277-278 ; Arthur MacGregor, « The Tsar in England. Peter the Great’s Visit to London in 1698 », Seventeenth Century, 19-1 (2004), p. 116-147, ici p. 126.

46 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 35-36.

47 Ibid., fol. 37-38.

48 Ibid., fol. 39-42 (brouillon).

49 Ibid., fol. 30.

50 Ibid., fol. 39-42.

51 Ibid., fol. 26.

52 Sur l’achèvement du moulin en 1711, voir Klaus B. Bartels, Papierherstellung in Deutschland. Von der Gründung der ersten Papierfabriken in Berlin und Brandenburg bis heute, Berlin, be.bra Wissenschaft Verlag, 2016, p. 91. Il y est aussi fait référence au fils de van der Willigh qui poursuivit l’aménagement du moulin à partir de 1711.

53 GStAPK, I. HA GR, Rep. 9, AV AA 15, Fasz. 5, fol. 46-47.

54 Ibid., fol. 45.

55 K. B. Bartels, Papierherstellung… op. cit., p. 91-92.

Citer cet article

Référence papier

Sebastian Becker, « De la recherche d’un papetier à l’introduction du cylindre hollandais : circulation des savoirs et transfert de technique entre les Provinces-Unies et le Brandebourg-Prusse au début du xviiie siècle », Revue du Rhin supérieur, 4 | 2022, 79-98.

Référence électronique

Sebastian Becker, « De la recherche d’un papetier à l’introduction du cylindre hollandais : circulation des savoirs et transfert de technique entre les Provinces-Unies et le Brandebourg-Prusse au début du xviiie siècle », Revue du Rhin supérieur [En ligne], 4 | 2022, mis en ligne le 01 novembre 2022, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/rrs/index.php?id=266

Auteur

Sebastian Becker

Sebastian Becker est enseignant-chercheur en histoire moderne à l’université de Mayence. Ses projets de recherche en cours portent sur la circulation des savoirs techniques et économiques au sein du Saint-Empire entre xvie et xviiie siècle. Outre l’histoire des savoirs et des techniques ainsi que l’histoire économique des Temps modernes, il s’intéresse aux transferts transalpins, aux dynasties italiennes, à l’histoire de la papauté, de Rome et des États de l’Église.

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