Langues faciles à comprendre (FALC) : assises linguistiques et promesses sociales

DOI : 10.57086/cpe.1509

La réflexion proposée se décline en trois mouvements : après un rapide historique de l’installation de la thématique dans le discours public européen, la deuxième partie donne des exemples de divers domaines d’utilisation comme la muséographie et les renseignements administratifs. Ces textes concrets montrent comment la langue facile à comprendre est, du point de vue linguistique, une variété influencée irrégulièrement par des interdits morphosyntaxiques et lexico-sémantiques dans un esprit inclusif. La troisième partie s’interroge sur les potentialités sociales des langues faciles à comprendre : permettent-elles aux destinataires de participer vraiment à la vie sociale ? Permettent-elles aux individus de progresser, développent-elles leur accès au discours public ? Les documents pris pour exemple concernent les espaces francophones, germanophones et anglophones. L’étude envisage quelques-unes des questions qui se posent aux langues faciles à comprendre, du point de vue de leur fabrication linguistique comme du point de vue de leur réussite sociale (ou non), sujet qui touche à la capacité des variétés langagières à inclure ou discriminer les personnes dans les pratiques sociales.

Nach einer kurzen Einführung des Themas im öffentlichen europäischen Diskurs bietet der Beitrag verschiedene Anwendungsbeispiele wie Museografie und Verwaltungsinformationen. Diese konkreten Texte zeigen, wie die sogenannte Leichte Sprache aus sprachwissenschaftlicher Sicht eine Spielart der Sprache im inklusiven Geist ist. Der dritte Teil hinterfragt das soziale Potenzial Leichter Sprachen: Erlauben sie es den Rezipienten, am gesellschaftlichen Leben teilzuhaben? Ermöglichen sie individuelle Fortschritte und den tatsächlichen Zugang zu allen Öffentlichkeitsbereichen? Einige dieser Fragen, die sich für leicht verständliche Sprachen im französisch-, englisch-, und deutschsprachigen Raum sowohl im Hinblick auf ihre sprachliche Konstruktion als auch im Hinblick auf ihren sozialen Erfolg stellen, berühren die Fähigkeit von Sprachvarietäten, Menschen in soziale Praktiken einzubeziehen oder zu diskriminieren.

The proposed reflection is divided into three movements: after a quick history of the installation of the theme in European public discourse, the second part gives examples of various fields of use (museography, administrative information). These concrete texts show how easy speaking is, from the linguistic point of view, a variety irregularly influenced by morphosyntactic and lexico-semantic prohibitions in an inclusive spirit. The third part questions the social potential of easy-to-understand languages: do they allow recipients to really participate in social life? Do they allow individuals to progress, do they develop their access to public discourse? The documents taken as examples are in French, German and English. The study considers some of the questions that arise for easy-to-understand languages, from the point of view of their linguistic construction as well as from the point of view of their social success (or not), a subject which touches on the ability of language varieties to include or discriminate against people in social practices.

Plan

Texte

Introduction

Ce qui porte le nom de « langues faciles à comprendre » dans le discours public est un ensemble de variétés linguistiques simplifiées aménagées depuis quelques décennies pour combler un déficit communicatif grandissant : la technocratisation administrative croissante rend de plus en plus complexe la littéralité, textualité et médialité intrinsèques aux usages sociaux, appelant une remédiation pour conserver ou permettre à nouveau la participation du plus grand nombre à tous les usages publics. Dans la mesure où la didactisation et la vulgarisation ne suffisent plus à tenir cet objectif (Bredel et Mass, 2016 : 13) se sont développées, à l’impulsion de divers acteurs, des stratégies de simplification langagière, dont cette contribution expose les motivations, caractéristiques et résultats.

Après un rapide historique du développement de ces variétés dans l’espace européen1, sont donnés divers exemples d’utilisation, en muséographie, contacts administratifs et littérature. Ces documents concrets réaménagent la langue facile à comprendre en une variété hybride sur les plans morphosyntaxique, textuel et lexico-sémantique. La troisième partie s’interroge sur ses potentialités sociales, c’est-à-dire sur ses capacités à permettre au public pour qui elle est élaborée de participer à la vie sociale (composante collective) et aux personnes concernées de s’informer, d’acquérir des compétences et de progresser (composante individuelle). L’évaluation de ces variétés diffère en effet fortement suivant que l’on se place dans une perspective d’inclusion sociale ou que l’on s’interroge en psycholinguiste sur leur efficacité pratique. En éclairant la fabrication sociale et linguistique de ces variétés, la présente réflexion cherche à répondre à la question de savoir si cet ensemble flou désigné en français par l’étiquette de « langues faciles à lire et à comprendre », abrégée en FALC, atteint bien l’objectif que lui assigne, par exemple, la page Wikipédia : « Facile à lire et à comprendre (FALC) désigne un ensemble de règles ayant pour finalité de rendre l’information facile à lire et à comprendre, notamment pour les personnes en situation de handicap mental »2.

1. Historique et demandes sociales

1.1. Origine du mouvement et développement des variétés langagières

Les langues dites « faciles à comprendre » trouvent leur origine dans la discussion sur le plain English des années 1970, mouvement qui souhaitait permettre la compréhension et la participation de tous à l’ensemble des actes administratifs et sociaux par l’intermédiaire de textes compréhensibles. Des inspirations aussi diverses que le Basic English inventé par Odgen en 1930, la critique orwellienne de la novlangue et des mouvements en faveur des droits sociaux aux États-Unis, qui s’élevaient contre les unfair terms – termes jugés déloyaux dans la mesure où ils n’étaient pas compris par les usagers de services juridiques ou médicaux3 – ont conduit à la naissance du Plain English Movement. Ce mouvement a été relayé dans les pays scandinaves par la revendication d’une klarspråk (langue claire) pour tous les citoyens, dans la conviction que le gouvernement d’un État ne pouvait être démocratique si les lois comme les règlements administratifs n’étaient pas formulés de façon à être compris par tou·te·s (Ridell, 2015). Une étape d’européanisation fut franchie avec le développement en 1997 d’un recueil de règles de langue intitulé Pathways to inclusion (« pistes vers/pour l’inclusion ») par une association intitulée Inclusion Europe, fondée en 1988. Cette « Association européenne des personnes handicapées intellectuelles et leurs familles »4 a élaboré cette stylistique de l’inclusion pour la langue anglaise, l’a adaptée à l’allemand sous le titre Informationen für alle! (informations pour tous) et en français sous l’étiquette « le facile à lire et à comprendre ». Les dénominations variables de ces guides langagiers fondamentalement apparentés manifestent un flou concernant le public-cible, dont on ne sait s’il est constitué de personnes à déficits cognitifs ou bien de personnes sans déficit diagnostiqué, mais mal à l’aise en littératie.

Une hésitation analogue concerne la dénomination du type langagier recommandé par ces guides pour l’obtention d’une einfache Sprache/klarspråk (« langue aisée à comprendre »)/« style clair et simple » (en français canadien). Doit-il s’agir d’une variété délibérément réduite du point de vue psycholinguistique, qui ne s’adresserait qu’à des personnes exclues de la participation sociale habituelle, un « langage simplifié », comme les portails plurilingues de certaines institutions allemandes traduisent le concept « Leichte Sprache »5, dans laquelle l’adjectif « leicht » peut signifier « léger » du point de vue informationnel, conduisant métaphoriquement à « facile » ? Les portails et publications oscillent entre les divers étiquetages :

  • le français connaît les termes FALC, abréviation de « (langage) facile à lire et à comprendre », « style clair et simple » en français canadien, qui utilise donc la notion de « style », et non de « langue » ou « langage », ou encore « textes simplifiés » (Canut et al., 2020) ;
  • en allemand se rencontrent une bürgernahe Sprache ou langue proche des citoyens, une einfache Sprache, langue simple conseillée pour l’alphabétisation et la lecture d’apprenant·e·s et une Leichte Sprache s’adressant à des personnes ayant des restrictions perceptuelles (sourds socialisés en langue des signes) ou cognitives : trisomie 21, démence, retards, Alzheimer, aphasies (Bredel et Mass, 2016 ; Schubert, 2016) ;
  • pour l’anglais, les dénominations plain English, simple English, easy speaking recouvrent de façon analogue des variétés différenciées par leur supposé degré de difficulté (Cutts, 1999).

1.2. Quelques structures européennes promouvant les langues dites « faciles »

En Allemagne par exemple6, le réseau Netzwerk leichte Sprache7, créé en 2006, réunit acteurs, individus, bureaux de traduction et organisations caritatives, afin d’harmoniser les pratiques de réécriture de documents et de proposer les mêmes standards de qualité. Le réseau teste les règles et documents auprès de personnes à déficit cognitif, afin qu’il s’agisse d’une co-construction avec les concerné·e·s et non d’un octroi du haut vers le bas. Actuellement, le Netzwerk leichte Sprache indique compter plus de 150 membres, dont des institutions sociales aussi importantes que l’AWO (Arbeiterwohlfahrt, organisation caritative pour les travailleurs, fondée en 1919) ou la Bundesvereinigung Lebenshilfe-Selbsthilfeverband für Menschen mit geistiger Behinderung (Association fédérale d’aide à l’existence - Organisme d’autonomisation pour les personnes à déficiences intellectuelles). Le réseau justifie son utilité nationale par l’impossibilité pour chaque commune de développer un département rédigeant les documents administratifs en langage simplifié, service qu’il leur offre contre rémunération. Il propose également une formation professionnelle de traducteur·trice·s en langage simplifié. Leur premier manuel de règles, publié en 2009, a été adopté en 2013 par le Ministère du Travail et des affaires sociales (Bundesamt für Arbeit und Soziales). L’engagement socio-politique du réseau a conduit à des évolutions législatives, comme la directive de 2011 Barriere-freie-Informationstechnik-Verordnung 2.0 (Directive pour une technique de communication sans barrière) ou l’introduction d’une disposition langagière dans le Behindertengleichstellungsgesetz (loi sur l’égalité des personnes handicapées) de 2016.

La Suisse, qui a ratifié en 2014 la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, connaît depuis cette date un mouvement d’institutionnalisation accéléré (Gangloff, 2015 : 46). Le Bureau fédéral de l’égalité des personnes handicapées du Département fédéral de l’Intérieur met depuis 2015 à disposition numérique diverses informations sur l’accessibilité à la vie publique, physique comme intellectuelle, ou des conseils sanitaires en « langue facile à lire » aux périodes d’épidémie de coronavirus. Des associations comme l’association ASA-Handicap mental élaborent, par groupes composés pour partie de travailleurs sociaux et pour partie de personnes ayant un handicap mental, des recommandations à destination des autorités : ces groupes de travail ont produit par exemple une boîte à outils d’accessibilité numérique permettant à des entreprises helvétiques mettant des informations en ligne de vérifier de façon systématique si la future page en ligne sera bien accessible sans barrière à des personnes avec handicap mental (DFI 2016).

En France, le FALC est pareillement issu du milieu associatif, et ce sont les organismes qui choisissent, en concertation avec les associations de patients ou d’utilisateurs, de diffuser des versions simplifiées de textes sous forme de brochures papier ou de pages digitales. On citera Pôle emploi, certains hôpitaux qui rédigent les fiches santé à destination des patients en situation de handicap mental ou d’autisme et de leur famille, ou le site de Santé Publique France pour des fiches d’information sur le Coronavirus : la fiche « Coronavirus. Pour comprendre » se trouve ainsi répertoriée dans une rubrique intitulée « info accessible à tous »8. Même si l’institutionnalisation semble moins avancée que dans d’autres pays européens, le gouvernement français s’est engagé, dans la procédure dite du « choc de simplification », démarrée en juillet 2013 et confirmée en février 2016, afin de « simplifier et améliorer les relations avec les administrés »9, à co-rédiger en FALC les avis et décisions rendues par les caisses d’allocations familiales (CAF) et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), notamment les acceptations et refus de prise en charge.

1.3. Les différents acteurs et leurs préconisations

L’origine associative et citoyenne du mouvement pour les langages simplifiés ou FALC explique que leurs premiers acteurs puissent être qualifiés de profanes informés10 : les principes ayant conduit aux premiers manuels ne découlent pas d’acquis de linguistique textuelle ou psycholinguistique, mais de l’expérience de ceux et celles qui travaillent avec les personnes souffrant de handicaps psycho-cognitifs. Lorsqu’une séquence langagière semblait majoritairement non comprise des lecteurs-cibles, elle se voyait remplacée par une autre jugée plus compréhensible jusqu’à satisfaction des destinataires. C’est ainsi que se sont constituées des listes de mots, structures grammaticales ou dispositions typographiques à préférer ou à éviter, dans des inventaires constituant des préconisations de type « stylistiques de l’écriture ». Ni la psycholinguistique, ni la linguistique textuelle, ni même la médecine ou psychiatrie n’ont inspiré les règles langagières initiales. C’est postérieurement à la publication des premiers guides que la recherche universitaire en psycholinguistique et littératie s’y est agrégée. Même la linguistique textuelle peine encore à faire reconnaître sa légitimité sur le sujet, alors qu’elle est une discipline fondamentale pour analyser la fabrication langagière des textes. Un de ses préceptes premiers rappelle qu’il ne suffit pas de disposer les unes sous les autres des phrases en langue simplifiée pour créer un document cohérent simple à comprendre (Bredel et Mass, 2016). L’addition des règles d’écriture lexico-stylistiques ne produit en effet pas la consistance sémantique que l’on serait en droit d’attendre de ces textes simplifiés :

  • utiliser des mots faciles à comprendre / bien connus des personnes,
  • utiliser toujours le même mot pour parler de la même chose,
  • ne pas utiliser d’abréviations ou acronymes,
  • ne pas utiliser de métaphores : ne pas écrire « il pleut des cordes »,
  • ne pas utiliser de nombres : dire « peu » ou « beaucoup » (Inclusion Europe, 2009 : 10-11).

ou de la bonne combinaison entre principes morphosyntaxiques et pragmatiques pour le domaine énonciatif :

  • Les phrases doivent être courtes : pas plus de huit mots.
  • Elles doivent être adressées directement : utiliser des mots comme « vous ».
  • Elles doivent être positives plutôt que négatives : « Vous restez jusqu’à la fin de la réunion » au lieu de « Vous ne devriez pas partir avant la fin de la réunion. ».
  • Elles doivent être actives plutôt que passives : « Le médecin vous enverra une lettre » plutôt que « vous recevrez une lettre envoyée par le médecin » (Inclusion Europe, 2009 : 11-12).

La légitimité à statuer sur ces « règles » fait l’objet d’une lutte d’influence entre les associations pour personnes handicapées, qui souhaitent commercialiser leurs services de consultants, et les linguistes universitaires, qui y trouvent un sens pour leurs projets de recherche : les marchés de l’écriture et de la certification de documents faciles à comprendre sont vus, à tort ou à raison, comme potentiellement rémunérateurs. En Allemagne par exemple, la traduction des documents électoraux en « langage simplifié » pour les élections de mai 2015 au Parlement de Brême, une ville qui est aussi un petit État fédéral, est réputée avoir coûté 50 000 euros11. Par ailleurs, les organismes publics subventionnent la recherche psycholinguistique ou didactique sur ce sujet, comme le projet LeiSA de l’Université de Leipzig (LeiSA signifiant Leichte Sprache am Arbeitsplatz, langue simple et facile à comprendre sur le lieu de travail), pour lequel une équipe d’universitaires et chercheurs, subventionnée par le Ministère du Travail et des affaires sociales, a travaillé pendant trois ans. Le projet de mise au point d’une formation qualifiante pour les entreprises doit permettre à celles-ci d’envoyer des collaborateurs à l’université suivre une formation afin d’être aptes à réécrire des documents quand le besoin se ferait sentir d’une communication efficace en direction de personnes en situation de handicap, délocalisant ainsi la fabrication des documents en langage simplifié dans les entreprises elles-mêmes (Bock, 2018).

2. Documents en langues FALC et critères de mise au point

2.1. FALC pour muséographie en France

Les musées en Europe proposent de plus en plus souvent un affichage ou des informations en langue facile pour les personnes se renseignant en ligne, ou des dossiers en langue facile distribués aux visiteurs réels. Une visite m’a procuré le dossier réalisé en 2019 par deux associations lilloises, lille3000 et les Papillons blancs, pour présenter une exposition sur le thème de l’Eldorado mexicain dans divers lieux de la communauté urbaine de Lille. Ce dossier de 56 pages en papier cartonné et illustré en couleurs se présente à sa page 3 de la façon suivante : (police et disposition graphique sont reproduites)

Introduction
Le facile à lire et à comprendre ?
C’est partir d’un texte difficile et le rendre plus facile à comprendre.
L’association lille3000 a travaillé avec les Papillons Blancs de Lille pour faire ce parcours de visite.
Ce document a été réalisé par des personnes en situation de handicap.
Elles ont travaillé ces textes pour les rendre
« Facile À Lire et à Comprendre »

La disposition typographique en segments placés les uns sous les autres est une consigne pour faciliter la perception visuelle, de même que le choix de la police Arial, qui passe pour être perçue plus distinctement par les personnes moins bien voyantes. Il s’agit en fait de l’explicitation du bandeau apparaissant en bas de la page de couverture en majuscules et indiquant que le visiteur a en mains un : DOSSIER FACILE À LIRE ET À COMPRENDRE. L’introduction à l’Eldorado se réalise au cours des cinq pages suivantes, sans d’ailleurs justifier la concentration de l’exposition sur le Mexique ou la frontière américano-mexicaine, éléments dont l’association à l’Eldorado ne va pas de soi.

La disposition en ligne, qui disjoncte les propositions-noyaux d’après les règles habituelles du FALC, connaît ici une réalisation ad hoc : la présence de « pour » à la fin de la ligne 4 paraîtrait plus utile en début de ligne 5, pour englober la réalisation du dossier sous une courbe de finalité. Les deux dernières lignes mettent à part, logiquement, l’explicitation de l’acronyme FALC, à des fins d’information sur et de promotion du FALC. Cependant, à la ligne 5, le groupe nominal « parcours de visite », anaphorique du mot « dossier » de la page de couverture, et cataphorique du mot « document » de la ligne suivante, est un terme spécialisé de muséographie suggérant des salles à voir en fonction du temps disponible et de l’intérêt individuel pour un thème particulier : sa co-référentialité n’en est pas évidente pour des visiteurs en situation de handicap cognitif. Pour prendre un exemple portant sur le sujet de l’exposition lui-même, ci-dessous le passage en FALC décrivant l’exposition précise au musée du Tripostal, intitulée Eldorado (le gras est celui du dossier) :

L’Eldorado, c’est :
le rêve d’une vie meilleure
– le rêve d’être riche
– le rêve d’être zen
 
Ce rêve pousse les gens à agir.
Les gens partent dans un autre pays seuls ou très nombreux.
 
Il y a très, très longtemps, des gens rêvaient de trouver :
– les trésors de villes perdues
– les trésors de pays disparus
 
Plus tard, des gens sont partis pour voler :
– les trésors du Mexique
– les trésors du Pérou
 
Encore plus tard, des gens sont partis :
– pour trouver de l’or
– pour trouver du pétrole
– pour vivre dans des endroits sans pollution
– pour ne pas payer d’impôts

Le classement de la recherche pétrolifère et de l’émigration fiscale dans la rubrique « Eldorado », relation qui peut sembler inadéquate aux visiteurs, introduit aux artefacts de l’exposition de 2019, dont certains étaient une déclinaison moderne de la quête de richesse. Si la présentation procède ainsi par association d’idées et non par champ sémantique, c’est que le FALC est d’abord fonctionnel, devant être utile à des destinataires qui ne disposent pas exhaustivement des traits sémantiques des lexèmes (re-)connus, qui ont donc ce que la psycholinguistique appelle des « connaissances lexicales peu profondes ». L’importance de la profondeur lexicale, c’est-à-dire de la connaissance du maximum de traits sémantico-pragmatiques pour des lexèmes donnés, influe aussi bien sur la compréhension que sur l’emploi des lexèmes par les locuteurs ; elle se constitue au cours de la socialisation langagière des enfants, et se poursuit tout au long de l’existence (Strasser et del Rio, 2013). Chercher à activer des associations d’idées pour suppléer à une faible profondeur lexicale est un effort légitime pour déclencher une représentation mentale (Tess, 2013 : 6197). Le même type d’association d’idées met « le rêve d’être zen » en relation (superficielle) avec l’Eldorado par l’intermédiaire d’une quête de bonheur.

À ces approximations sémantiques, nous ajouterons deux réserves, appuyées sur l’expérience personnelle de la visiteuse d’exposition et lectrice conjointe du dossier : d’une part, une partie des œuvres exposées, montages modernes à partir de matériaux différents, étaient d’une esthétique peu usuelle, relativement difficiles à comprendre. Cela amène à douter de la possibilité que les segments reportés supra, cohérents entre eux, mais infiniment réducteurs, aident à entrer intellectuellement ou affectivement dans ces œuvres d’art contemporaines. D’autre part, ces dossiers n’ont pas trouvé leur public. Les hôtesses d’entrée ont indiqué n’avoir pas perçu que des personnes en besoin de FALC les prennent. En revanche, des parents avec enfants, attirés par la didacticité illustrée et colorée du dossier et le croyant fait pour des visites scolaires, le reposaient immédiatement en apprenant le public destinataire.

2.2. L’accès aux services sociaux en Australie

Une recherche aléatoire sur la toile par l’intermédiaire des expressions plain English ou easy speaking fait accéder à des documents en ligne des services sociaux australiens, qui dispensent des informations sur les droits des personnes handicapées en variété dite easy English. Dans l’exemple ci-dessous, il convient de se représenter des photos (non reproduites ici) de situation à gauche de la page, et l’explication des droits des citoyens face aux services sociaux à droite en anglais simple, comme le présenta la typographie d’origine :

What are my rights about Standard 1: Rights?
When you use a disability service, you have the right to:
– receive good services
– make your own choices and have control over your life and the supports
– that you use
– be safe − no one is allowed to hurt you
– try new things and take risks sometimes
– speak up for what’s right for you
– get help if you need it
– know that your information is kept private (Australian Government, 2015 : 12-13)

La disposition typographique ne répond certes pas aux règles habituelles promues par Inclusion Europe pour une meilleure intelligibilité, qui réclame une seule proposition-noyau par ligne, mais on peut considérer que la compréhension est guidée par l’image-photo sur la gauche. Ce texte administratif peut donner une autonomie d’information aux personnes concernées par un accès aux services ou la participation à la société, même s’il semblera au lecteur que, pragmatiquement parlant, la possibilité de faire de nouvelles expériences (« try new things and take risks sometimes »), relevant d’un souhait sympathique d’« encapacitation » (empowerment), n’est pas forcément du domaine des relations avec une administration.

Cependant, le doute sur l’intelligibilité reste permis dans la mesure où l’évaluation psychologique ou psycholinguistique bute régulièrement sur l’échec de documents FALC à remplir l’objectif qu’ils sont censés remplir. Des groupes de contrôle, composés de personnes à déficits cognitifs et de leurs tuteur·trice·s, ne s’accordent par exemple pas sur une meilleure intelligibilité des textes présentés sur la réforme des retraites en Allemagne : l’amélioration de la compréhension des documents chez les personnes testées n’est pas attestée par des valeurs statistiquement significatives. En revanche, les personnes testantes sont intéressées et engagées, et pleinement satisfaites que leur avis soit recueilli (Hallik, 2018 : 56). Le bénéfice psychologique ou affectif12 apparaît comme plus important que la progression des savoirs.

2.3. Critères linguistiques de mise au point de ces variétés dans des expériences allemandes

Les linguistes eux-mêmes ne sont pas à l’abri de jugements erratiques sur l’intelligibilité des segments langagiers et leur cause. Dans le projet LeiSa de l’Université de Leipzig, certains tests d’intelligibilité grammaticale – quelle structure grammaticale est plus dure à comprendre que telle autre ? – se font à partir de phrases que l’on jugera partiellement contre-intuitives :

Der Junge sieht, dass die Frau sich sieht. Phrase 1
(Le garçon voit que la femme se voit.)
 
Der Junge sieht, dass die Frau sie sieht. Phrase 2
(Le garçon voit que la femme la voit.)
 
Der Schuh ist auf dem Stift und ist blau. Phrase 3
(La chaussure est sur le crayon et est bleue.)
 
Das Buch, auf dem der Stift ist, ist rot. Phrase 4
(Le livre sur lequel est le crayon est rouge.)
 
Der Elefant wird vom Jungen geschoben. Phrase 5
(L’éléphant est poussé par le garçon.) (Bock, 2018 : 50)

Les phrases décrivent des procès que l’on jugera irréalistes (phrase 5), inhabituels (phrase 3) ou spécieux (phrases 1 et 2), et rappellent les phrases d’exercices en langue étrangère d’il y a cinquante ans, qui ne faisaient pas sens pour les élèves, maniant mécaniquement des structures grammaticales l’esprit absent. Ces types d’exercices sont largement tombés dans l’oubli depuis, tant la psycholinguistique (Kekenbosch, 1994 : 33-35) enseigne que la mémoire n’est activée que lorsqu’une représentation cognitive (ou « image sémantique ») puisant dans les expériences du monde du sujet se crée pour la séquence, alors que l’entraînement à une structure syntaxique sans représentation mentale fait barrière à sa mémorisation. L’on se demandera alors si les phrases citées supra permettent la naissance de cette représentation : si ce n’est pas le cas, elles ne prouveraient pas intrinsèquement la difficulté du passif (phrase 5) ou celle de la coordination (phrase 3).

La nécessité de variables restreintes pour les expériences limite le nombre d’actants et d’objets, comme ici, et doit utiliser des verbes usuels (la perception par la vue pour « sehen »), mais le recueil des nombreuses erreurs de décodage par les sujets prouve-t-il bien ce que les chercheuses voulaient prouver ? Elles concluent en effet que la structure complétive en « dass » (phrases 1 et 2), la coordination par « und » (phrase 3), les relatives autres qu’à pronom sujet (phrase 4) ou le passif (phrase 5) sont quatre difficultés morpho-syntaxiques à éviter dans la rédaction en allemand facile. Or, tout sujet, y compris sans déficience cognitive, peut être interloqué à la lecture des phrases 1 et 2 par la répétition des lexèmes et les analogies phoniques si la lecture est semi-oralisée – comme souvent chez les personnes qui ont des difficultés de lecture – ou bien dubitatifs devant les situations pragmatiquement anormales des phrases-tests 3 et 5. Même la phrase 4, référant à une situation possible dans le monde usuel, n’est pas la phrase que le locuteur germanophone produirait spontanément pour décrire la situation ou l’image présentée ; beaucoup plus idiomatique et non saillant serait : « Der Stift ist auf dem roten Buch » (Le crayon est sur le livre rouge).

Et quand la compréhension de petits textes en « allemand langue facile » concerne le pliage de linges de toilette en quatre, comme l’exemple suivant issu du même projet LeiSa, accompagné de photos :

Anleitung zum Wäschefalten
Der Text zeigt Ihnen Schritt für Schritt, wie Sie die Handtücher falten müssen.
Ein Foto zeigt einen Schritt.
Es beginnt mit dem ersten Schritt:
Legen Sie das Handtuch
wie auf dem Bild vor sich hin (etc.)

Mode d’emploi pour plier le linge
Le texte vous montre pas à pas la façon de plier le linge.
Une photo montre une étape.
Ça commence avec la première étape.
Posez le linge devant vous comme sur l’image (etc.) (Bock, 2018 : 67)

il paraît en décalage avec le louable objectif d’égaliser la participation à la vie sociale des patients et des citoyens non souffrants : indépendamment du fait qu’il est plus efficace de montrer directement la tâche à faire à la personne (plier un linge de toilette en quatre), on se demandera si les personnes concernées n’identifient pas un type de texte infantilisant, absent du monde des autres acteurs sociaux, produisant un sentiment de marginalisation.

3. Promesses et réalités des variétés FALC

3.1. Facilité juridique et administrative

Parmi les cibles privilégiées de la simplification se trouvent les textes juridiques, qui avaient été à l’origine du mouvement de la langue « claire comme le cristal »13. La propension de l’administration contemporaine à produire ces textes opaques aussi bien que rebutants pour les citoyens semble universelle, entraînant délais, erreurs et la célèbre « phobie administrative ». Bon sens et empathie conduisent à imaginer que la confrontation avec ces monstres textuels doit être encore bien pire pour les personnes souffrant de troubles cognitifs : personnes présentant certaines déficiences biologiques (par ex. auditives, visuelles) ou psycho-organiques (par ex. trisomie 21, démence sénile). Cependant, en Allemagne comme en France ou en Italie, si ces personnes ne sont pas jugées capables de pourvoir de façon autonome à leur vie quotidienne, elles sont sous tutelle14 et accompagnées par des aides humaines. La démarche de participation par la langue facile représente une contradiction inhérente qui se révèle à ce que des textes écrits en langue facile ne peuvent pas faire foi pour réclamer un droit par exemple. Les informations en Langue facile que donnent les sites allemands de l’administration fédérale, des Länder (États fédéraux) ou des grands organismes comme l’Agence pour l’emploi ou les Caisses de Sécurité sociale sont dites « nicht justiziabel » (que l’on pourrait traduire par « non opposables »), c’est-à-dire que l’on ne peut se fonder sur leur formulation pour en obtenir un droit, une subvention, une garantie : leur absence de valeur juridique est un indice que l’on ne fait pas circuler les mêmes informations en allemand facile et en allemand standard. Aussi bien la quantité que l’exactitude des informations se voient réduites par la réécriture en langue facile, comme le reconnaissent même les juristes favorables à une langue proche des citoyens :

Das Recht ist zu abstrakt und komplex, als dass es mit den begrenzten sprachlichen Mitteln der Leichten Sprache in jeder Hinsicht juristisch korrekt und vollständig abgebildet werden könnte. Folglich könnten juristische Leichte-Sprache-Texte vor Gericht nicht bestehen15. (Nicola Pridik, cité d’après Hallik, 2018 : 53)

La démarche FALC représente potentiellement une meilleure information des concerné·e·s, qui pourront alors communiquer leur sentiment à l’aidant ou au tuteur et se reposer sur lui dans sa bonne transposition en action administrative (gestion des finances ou de sa santé par ex.), mais elle ne constitue pas une augmentation significative de l’activité autonome de la personne sous tutelle.

En Allemagne, les personnes accompagnées d’un aidant à plein temps ont recouvré le droit de vote depuis le 1er juillet 2019, mais c’est l’aidant qui accomplit matériellement le vote en accompagnant la personne en situation de handicap16. La Suisse va également plus loin que la seule volonté de faire comprendre les questions qui sont posées lors de votations, mais seul le canton de Genève présente, depuis novembre 2019, la disposition législative permettant aux personnes en situation de handicap mental de voter. En France, depuis mars 2019, les majeurs sous tutelle ont également le droit de vote, mais l’information électorale en FALC est peu accessible : pour les élections présidentielles d’avril 2022, chaque candidat·e avait eu pour obligation de déposer sa profession de foi en FALC sur le site de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale ou CNCCEEP17, mais cette information n’était pas disponible pour les élections législatives de juin 2022.

3.2. Facilité didactique des variétés FALC

La presse ou les publications éducatives avancent que ces types de variétés, élaborés intrinsèquement pour personnes souffrant de pathologies cérébrales, pourraient connaître une utilisation didactique induite auprès de personnes illettrées ou de langue étrangère, comme l’écrit une didacticienne suisse :

Dans un pays comme la Suisse qui a quatre langues nationales, le langage facile à lire et à comprendre pourrait également bénéficier à toutes les personnes qui ne maîtrisent pas parfaitement une des autres langues nationales. Ainsi, lire un texte en langue allemande rédigé en utilisant les règles faciles à lire et à comprendre serait par essence plus compréhensible pour un francophone. (Gangloff, 2015 : 67)

Ce vœu n’est pas isolé, ni spécifique à la Suisse, comme l’illustre le constat suivant, indiquant le positionnement de sociolinguistes français :

Destiné dans un premier temps aux personnes en situation de déficience intellectuelle, le FALC s’est étendu à d’autres publics en potentielle difficulté langagière comme les personnes exilées en situation d’illettrisme, en vertu du fait que l’accès à la signification d’un texte dépend du degré de maîtrise des locuteurs·rices/scripteurs·rices dans la langue considérée. (Canut et al., 2018 : 172)

Les psycholinguistes et linguistes du texte ne partagent pas cet optimisme, dans la mesure où font virtuellement défaut l’une ou l’autre des composantes de la compréhension : la connaissance du monde (c’est-à-dire des objets dont on parle), la capacité d’inférence entre les mots et les choses (créer des images mentales à partir des séquences de signifiants), et la construction, par association de représentations mentales, d’un script ou scenario qui fasse tenir ensemble les phrases et séquences séparées du document (Schneider-Mizony, 2017 : 148-149). Ces lacunes différeront suivant les groupes concernés.

Si l’on envisage en public-cible de documents administratifs mis en FALC des migrants peu lettrés, ces derniers n’auront pas forcément la connaissance des rouages sociaux et des modèles de textes français, là où les allophones lettrés et/ou cosmopolites n’auraient de problème qu’avec la langue. Il n’est pas possible de mettre sur le même plan la compréhension de personnes connaissant des déficiences intellectuelles et ayant du mal à inférer et à combiner progressivement les informations constitutives d’un scenario avec celle de personnes non lettrées ou « simples » allophones. Le groupe d’auteurs mentionné plus haut, qui travaille sur l’aide linguistique aux MNA (migrants nouvellement arrivés), pointe d’ailleurs les défaillances dans les textes simplifiés à leur intention. Leurs tentatives de s’appuyer sur les caractéristiques du français parlé, au motif que c’est la première variété de français que ces MNA fréquenteront (Canut et al., 2018 : 188-189), n’emportent cependant pas la conviction, les auteurs constatant que « pour les personnes de faible niveau en français, le gain entre les originaux et les textes simplifiés est nul » (Canut et al., 2018 : 192), et que l’on ne voit apparaître une différenciation18 qu’à mesure que le niveau de langue devient plus élevé. Cela reviendrait à constater que la simplification FALC ne se réalise que pour les personnes qui seraient également en mesure de profiter de textes didactisés de façon conventionnelle.

3.3. Possibilités formatives et accès à la littérature par les langues faciles

À l’occasion du sauvetage financier de la maison d’édition Gail Rebuck en 2018 par une riche auteure de bestsellers britannique, Jojo Moyes, l’écho dans la presse et le monde du livre faisait prendre conscience que se publiaient depuis les années 2000 des livres en langue simplifiée19. À un prix modique, avec un nombre de pages ne devant pas dépasser 120, la Quick Reads Initiative met à disposition d’adultes analphabètes fonctionnels20, estimés à plus de cinq millions en Grande-Bretagne, des romans de la littérature mondiale réaménagés et réécrits en écriture simplifiée pour entretenir ou redévelopper chez eux la faculté de lecture. L’Allemagne de son côté, dans la suite des importants mouvements migratoires de l’année 2015, travaille à produire des documents faisant accéder à la littérature aussi bien les 7,5 millions d’analphabètes fonctionnels que les élèves à arrière-plan migratoire (« mit Migrationshintergrund ») fréquentant le système scolaire : de nombreuses publications didactiques (Köster, 2018) réfléchissent sur les possibles écueils didactiques de ces textes réécrits pour une utilisation scolaire. L’exemple suivant, disponible sur le site du Norddeutscher Rundfunk, une station de radio du nord de l’Allemagne connue pour la bonne qualité de ses productions, propose la version d’un conte de Grimm en langue facile allemande, dont est reproduit et traduit ici le début :

Es war einmal: So fangen Märchen an.
Ein Märchen ist eine sehr alte Geschichte.
Dieses Märchen heißt: Hänsel und Gretel.
Das Märchen geht so:
 
Auf dem Bild21 sind Hänsel und Gretel.
Die Familie von Hänsel und Gretel ist sehr arm.
Eine Familie lebt an einem großen Wald.
Der Vater hat 2 Kinder:
Der Junge heißt Hänsel.
Und das Mädchen heißt Gretel.
Die Mutter von Hänsel und Gretel ist gestorben.
Jetzt hat der Vater eine neue Frau.
Diese Frau ist die Stief·mutter von Hänsel und Gretel.
Die Familie ist arm.
Und die Familie hat nur wenig zu essen.
Deshalb macht sich der Vater große Sorgen.
Der Vater fragt seine neue Frau:
    Was soll aus uns werden?
    Wir haben nichts zu essen für meine armen Kinder.
Seine Frau antwortet:
    Morgen bringen wir Hänsel und Gretel in den Wald.

Il était une fois : ainsi commencent les contes.
Un conte est une très vieille histoire.
Ce conte s’appelle : Hänsel et Gretel.
Le conte commence :
L’image montre Hänsel et Gretel.
La famille de Hänsel et Gretel est très pauvre.
Une famille vit dans une grande forêt.
Le père a 2 enfants :
Le garçon s’appelle Hänsel.
Et la fille s’appelle Gretel.
La mère de Hänsel et Gretel est morte.
Le père a maintenant une nouvelle femme.
Cette femme est la belle·mère de Hänsel et Gretel.
La famille est pauvre.
Et la famille n’a que peu à manger.
Donc le père se fait beaucoup de soucis.
Le père demande à sa nouvelle femme :
    Qu’allons-nous devenir ?
    Nous n’avons rien à manger pour mes pauvres enfants.
Sa femme répond :
    Demain, nous emmenons Hänsel et Gretel dans la forêt.

La longueur de l’exposition est due au respect strict de la norme FALC de phrases bornées à huit mots maximum ; la longueur de la lecture orale de cette version de l’œuvre, donnée sur le site, est de 14 minutes, soit un peu plus que le temps de narration habituel du conte de Grimm d’après un livre pour enfant. L’absence des détails contextuels présents dans l’original des frères Grimm22 : « als grosse Teuerung ins Land kam », (lorsqu’une grande cherté s’abattit sur le pays) « Wie er sich nun abends im Bette Gedanken machte und sich vor Sorgen herumwälzte, seufzte er und sprach zu seiner Frau » (alors que le soir dans son lit le père se faisait du souci et n’arrivait pas à s’endormir d’inquiétude, il poussa un soupir et dit à sa femme…), supprime toute expression de sentiments et angoisse du père, faisant de l’abandon d’enfants un acte aléatoire de maltraitance. Enfin, la mise en exergue du fait que la mère est une belle-mère ou marâtre (Stiefmutter), alors que le texte original ne donne le détail qu’incidemment23 et que le terme lui-même ne peut guère être estampillé FALC, relève probablement d’un manichéisme consolateur. La fonction Bruno Bettelheimienne24 des contes s’estompe devant la construction d’un monde dans lequel la méchanceté trouve une explication au fait que la méchante n’est pas la mère biologique.

Les adaptations de textes de grande ou moins grande littérature à des textes en FALC pourraient relever d’une confusion fondamentale sur les objectifs de cette dernière : les langues faciles confèrent un accès à des contenus textuels en réécrivant la langue standard dans une variété dont la fonction est celle d’un accès sémantique à une information, et non d’un accès à une langue élaborée au sens de Ausbausprache (Kloss, 1967). On ne recense d’ailleurs dans ce domaine textuel que de la littérature de jeunesse « traduite » ou des contes, comme supra, dont la réécriture ne remplit pas deux des trois fonctions que l’on peut voir à la littérature. L’acquisition de capital culturel et l’acquisition de compétences textuelles complexes (compétence de lecture) restent en deçà de ce que procurerait la version en langue originelle, tandis que, peut-être, ces textes réécrits remplissent la troisième fonction en permettant la participation par la lecture à des expériences hors de son propre horizon : des versions simplifiées d’un texte ambitieux permettent peut-être de se représenter d’autres mondes mentaux, de s’identifier à des personnages et de se former un jugement personnel sur des situations, personnages et faits du monde réel ou fictif, jugement cependant inexact si le scénario est simplifié, comme le faisait l’exposition en profilant plus grossièrement le couple parental.

De façon très em- et sympathique, un consensus public en Allemagne promeut depuis une quinzaine d’années l’édition de textes littéraires simplifiés à l’extrême pour en faire un tremplin vers de « vrais » livres, la formule consacrée étant « Sprungbrett zum echten Buch », dans une démarche sociétale reposant sur des valeurs éthiques humanistes, profilant un idéal dans lequel la société prend plaisir à se regarder (Hillenweck, 2018). Mais ce faisant, les questions sensibles ne sont pas abordées : en dehors de savoir si la communication littéraire est un besoin primordial des personnes à handicap mental, l’objectif d’induire une progression vers ces vrais livres ne connaît aucune réalisation pratique. L’horizon positif est une projection justifiant per se les efforts de réécriture, sans que la déclinaison éducative ne rapproche les sujets de l’utilisation autonome.

Conclusion

La notoriété des langues faciles s’est fortement accrue depuis une à deux décennies, et l’accord sur les bonnes valeurs qui sont à l’origine de ces variétés masque partiellement un clivage entre les analyses scientifiques et la réception par le grand public. Il existe en effet un fossé entre une attente sociale pour des textes spécialisés faciles à comprendre, attente légitime mais peu différenciée, et le peu de résultats pratiques que livre jusqu’à maintenant la recherche scientifique : d’une part, les travaux conjoints entre médecins et linguistes se heurtent à la difficulté de préconisations efficaces pour des pathologies évolutives comme l’est par exemple la démence (Bittner, 2019) ; d’autre part, il semble hors de proportion de médicaliser un problème communicatif touchant des millions de personnes par communauté linguistique, comme l’avançaient plus haut les chiffres de 5 millions d’analphabètes fonctionnels en Grande-Bretagne ou les 7,5 millions en Allemagne. Ces deux facteurs sont sans doute la raison de l’hétérogénéité des réponses rencontrées, qui vont du pôle d’une langue entièrement construite ou langue planifiée, sorte de sociolecte artificiel (Schubert, 2016) qui trébuche constamment sur des règles difficilement tenables au quotidien, au « bricolage » (Canut et al., 2020 : 182) de documents par les aidants.

Le paradoxe entre la complexité informationnelle et esthétique de documents originaux et une réduction langagière parfois infantilisante mènerait à penser que les langues faciles permettent difficilement le progrès personnel. Les limitations physiques ou mentales, troubles moteurs ou sensoriels, spectre autistique, déficiences cognitives et maladies mentales sont transcendées par une promesse de compréhension et d’inclusion langagière déconnectée des réalités communicatives. Les mêmes vertueux principes qui guidaient il y a soixante ans la remise en cause par Basil Bernstein de la barrière sociale érigée par la langue se retrouvent en difficulté devant les contraintes du réel (Stefanowitsch, 2014). Les prescriptions langagières tiennent peu compte aussi bien des traits intrinsèques des documents « à faciliter » que des pathologies perceptives ou cognitives des personnes précises. Même si un bricolage sympathique vaut mieux qu’un délaissement coupable, le souhait que la compréhension réduite d’une information donne les mêmes pouvoirs qu’une information complète reste une promesse ou, à défaut, une illusion.

Bibliographie

Corpus

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Notes

1 La question est traitée en prenant des exemples dans le domaine francophone (Confédération Helvétique et France), germanophone (Allemagne et Confédération Helvétique) et anglophone (Grande-Bretagne et Australie). Retour au texte

2 [https://fr.wikipedia.org/wiki/Facile_%C3%A0_lire_et_%C3%A0_comprendre], consulté le 18 novembre 2022. Retour au texte

3 La critique du langage juridique aux États-Unis débute avec Mellinkoff 1963 et donne lieu très tôt à la revendication d’une variété spécifique appelée Plain English, cf. Moukad, 1980. Retour au texte

4 Cette association se retrouve maintenant au sein de la Ligue Internationale des Associations pour les Personnes handicapées mentales, [http://www.siwadam.com/hmm/euif.htm], consulté le 5 novembre 2022. Retour au texte

5 [https://www.muenchen-tourismus-barrierefrei.de/de/], consulté le 5 novembre 2022. Retour au texte

6 Les informations sont pour partie reprises de Schneider-Mizony, 2021. Retour au texte

7 [https://www.leichte-sprache.org/], consulté le 5 novembre 2022. Retour au texte

8 [https://www.santepubliquefrance.fr/l-info-accessible-a-tous/coronavirus#block-275761], consulté le 5 novembre 2022. Retour au texte

9 Sous le titre « Le choc de simplification », le site du gouvernement français récapitule les mesures prises depuis mars 2013 pour simplifier ses relations avec les administrés, [https://www.gouvernement.fr/action/le-choc-de-simplification], consulté le 17 novembre 2022. Retour au texte

10 Si on les différencie des experts que seraient les psycholinguistes des membres de la société civile, qui se sont éventuellement auto-formés sur le sujet. Retour au texte

11 D’après l’article du Weser Kurier du 26.03.2015, intitulé « Neue Wahlzettel in leichter Sprache », [https://www.weser-kurier.de/bremen/neue-wahlzettel-in-leichter-sprache-doc7e3hz7130021ezu8jlxu], consulté le 5 novembre 2022. Retour au texte

12 Ce biais cognitivo-attentionnel, appelé « effet Hawthorne », fait penser au sujet qu’il est plus performant quand/parce qu’on lui accorde plus d’attention : ici, les personnes concernées avaient l’impression de mieux comprendre, ce que démentait la vérification extérieure par test de compréhension. L’expérience qui porte ce nom, mise au point dans l’usine américaine Hawthorne Works, est p. ex. évoquée dans Philippe Bernoux, 1985, La sociologie des organisations, Paris, Seuil (1985 : 73). Cet effet psychologique est considéré comme universel, en tout cas pour des sociétés au même niveau approximatif de développement socio-économique comme le sont l’Allemagne et l’Australie. Retour au texte

13 D’après le site [http://www.plainenglish.co.uk/] consulté le 18 novembre 2022, le mouvement en faveur d’un anglais simplifié plain english a démarré en 1979 par la destruction publique de documents administratifs et juridiques. L’organisation a pris à l’époque pour slogan la formule « fighting for crystal-clear communication » et pour logo un cristal taillé à la façon d’un diamant. Retour au texte

14 La tutelle est plus contraignante que la curatelle et théoriquement mieux contrôlée par les services de l’État. Retour au texte

15 « Le droit est trop abstrait et complexe pour pouvoir être reflété tout à fait fidèlement et exhaustivement par les moyens réduits de la langue simple et facile à comprendre. En conséquence, des textes juridiques en langue facile n’ont pas de valeur devant les tribunaux » (traduction : Odile Schneider-Mizony). Retour au texte

16 Cf. l’article « Menschen mit Betreuung dürfen wählen“ (les personnes avec aidant sont autorisées à voter) de la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 17.05.2019, [https://www.faz.net/aktuell/politik/inland/bundestag-geistig-behinderte-duerfen-waehlen-16191630.html], consulté le 5 novembre 2022. Retour au texte

17 L’auteure a consulté ce site pour la première fois de son existence d’électrice à l’occasion de cette vérification, le 11 juin 2022, [https://www.cnccep.fr/candidats.html], consulté le 5 novembre 2022. Retour au texte

18 Sur de groupes à faible effectif dont les auteurs disent eux-mêmes qu’ils ne permettent pas une signification statistique. Retour au texte

19 “Best-selling author Jojo Moyes rescues adult literacy scheme from collapse”, 18 mai 2018. Jojo Mayes a fait un don de 120 000 livres (pounds), qui remettait la maison d’édition à flots pour 3 ans, [https://readingagency.org.uk/news/media/jojo-moyes-rescues-adult-literacy-scheme.html], consulté le 5 novembre 2022. Retour au texte

20 Les analphabètes fonctionnels savent lire (et écrire) des mots et groupes de mots, mais peinent à reconstituer le sens de textes dits « fonctionnels » : modes d’emploi, consignes, informations, etc. Retour au texte

21 L’image, qui n’a pas été reprise pour respecter le copyright demandé par le site, montre deux enfants se tenant par la main, un petit garçon et une petite fille : le petit garçon tient un gros pain sous le bras, et la petite fille aux grandes tresses blondes fait la même grimace triste que son frère, [https://www.ndr.de/fernsehen/barrierefreie_angebote/leichte_sprache/Haensel-und-Gretel,haenselleichtesprache100.html], consulté le 5 novembre 2022. Retour au texte

22 Segments cités à partir de l’édition suivante : « Hänsel und Gretel », in : Brüder Grimm (1812) Kinder- und Hausmärchen, Band 1, Philipp Reclam Stuttgart, 1980, p. 100. Retour au texte

23 Le terme « Frau » apparaît cinq fois sur la première page du texte original, sans l’épithète « neue » (nouvelle femme), le terme « Stiefmutter » la première et seule fois au bout de ces cinq occurrences, et les huit pages du conte alternent « Frau » et un simple « Mutter » (mère). Retour au texte

24 D’après le psychanalyste Bruno Bettelheim, les éléments effrayants des contes répondent judicieusement aux angoisses et fantasmes de perte des jeunes enfants. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Odile Schneider-Mizony, « Langues faciles à comprendre (FALC) : assises linguistiques et promesses sociales », Cahiers du plurilinguisme européen [En ligne], 14 | 2022, mis en ligne le 15 décembre 2022, consulté le 04 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/cpe/index.php?id=1509

Auteur

Odile Schneider-Mizony

Odile Schneider-Mizony est professeure émérite de linguistique allemande à l’Université de Strasbourg. Ses recherches récentes portent sur les variétés de l’allemand (évolutions historiques, variantes géographiques, innovations contemporaines) ainsi que sur les rapports entre linguistique, discours public et politique.

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