Cet article exprime l’intérêt double que nous portons au blogue, en tant qu’espace « collaboratif », mais également à la dimension numérique de l’apprentissage. Notre cadre théorique doit permettre de cerner différents problèmes : le blogue comme espace numérique facilitant la socialisation et l’apprentissage, le blogue comme communauté sociale facilitant la collaboration, le blogue comme artefact numérique. Nous nous situons ainsi dans le cadre des travaux sur la théorie de l’activité, de la théorie socioculturelle, de l’ergonomie cognitive et des communautés de pratiques virtuelles. Notre question principale de recherche est de savoir dans quelle mesure la dynamique communautaire des blogueurs peut être favorable à l’apprentissage des langues et plus particulièrement pour la production de messages écrits. Il ne saurait être question ici de présenter la palette complète des problématiques qui concernent la systématisation de nos recherches. Le « noyau dur » de l’article constitue notre typologie des blogues éducatifs dans la perspective de collaboration qui permet :
- de comprendre dans quelle mesure un blogue éducatif communautaire peut s’approcher de ce que nous avons l’habitude d’appeler environnement numérique d’apprentissage collaboratif,
- de quels outils technologiques et de quels paramétrages on devrait doter le blogue pour favoriser la constitution d’une communauté et l’apprentissage communautaire virtuel.
1. Espaces numériques informels et environnements numériques
La Toile peut être considérée comme un ensemble d’espaces à géométrie variable, à configuration mouvante. Il nous semble nécessaire de distinguer les espaces numériques informels et les environnements numériques pédagogiques formels.
Les espaces numériques informels du web 2.0 ont, avant tout, une finalité sociale qui permet les échanges, la co-construction de réflexions et l’apprentissage d’une façon non intentionnelle. Des communautés sociales naissent et se mettent en réseau à l’échelle globale à partir de la volonté d’acteurs sociaux et grâce aux différents artefacts numériques mis à leur disposition. On assiste ainsi au développement d’un « monde » numérique, d’espaces sociaux, avec une dynamique propre, qui s’approprie des fonctions jusqu’ici réservées à l’institution et aux experts.
Les environnements numériques d’apprentissage formels occupent une place spécifique qui mérite notre attention. Ces espaces, que l’on nomme généralement environnements, ont une finalité particulière qui est de la responsabilité de ses concepteurs. Ce sont des espaces sociaux, mais ils diffèrent par leur intentionnalité pédagogique. Cependant, il serait inexact de considérer que l’apprentissage soit exclu des espaces numériques informels.
Nous proposons par conséquent d’observer cette richesse de pratiques en focalisant notre analyse sur les espaces numériques informels afin de voir comment et si ces communautés informelles peuvent influencer les nouveaux environnements numériques pédagogiques.
À la suite de Springer et Aimard (2004), nous définirons les ENAC (environnement d’apprentissage collaboratif) de la manière suivante :
Un environnement d’apprentissage numérique peut-être décrit comme un dispositif technique intégrant divers outils de travail et /ou d’apprentissage sous formes d’applications informatiques qui ont pour caractéristique de pouvoir fonctionner en réseau (Intranet, Extranet, Internet). Ces applications offrent ainsi un terrain privilégié à un mode de travail ou d’apprentissage collaboratif : les acteurs qui ont accès à l’environnement peuvent en effet être mis en relation, éditer et faire circuler les informations entre eux, coordonner leurs activités, élaborer collectivement des objets (un document, un site Internet, un journal). Cette dimension collaborative repose sur une logique de communication où chaque participant peut interagir avec les autres, et /ou avec le contenu, en opposition à d’autres applications informatiques fonctionnant selon un schéma unidirectionnel du type émission-réception comme peuvent l’être des sites Internet « classiques » statiques. (Springer, C., Aimard, V., 2004 : 160)
Cette définition caractérise un système informatique spécifiquement conçu pour le travail et/ou l’apprentissage collaboratif. Elle permet d’opposer, de manière globale, plate-forme de contenus et /ou d’apprentissage, que l’on appelle système de gestion de contenus (content management system ou CMS, et learning management system ou LMS), aux environnements sociaux collaboratifs, par exemple Friendster, MySpace ou Multiply, ainsi que les blogues et les wikis.
Dans une plate-forme de gestion de contenus classique, l’information est descendante et hiérarchisée, les enseignants postent les documents qu’ils ont créés pour le cours, les apprenants n’ont pas les mêmes droits et ne peuvent, la plupart du temps, que télécharger. Ils sont donc dans une relation de dépendance et de consommation des briques de savoirs qui ont été préfabriquées pour eux.
On observe aujourd’hui une évolution de ces systèmes que l’on nomme C3MS (Community, Content and Collaboration Management System), terme proposé par Schneider (2003 :10) par extension au simple CMS (Content Management System). Si on adopte cette terminologie nous y ajouterions encore un quatrième « C », comprenant : l’ergonomie, les fonctionnalités, les extensions, les instruments, l’aspect visuel, bref la conception de l’outil. L’idée est de permettre aux utilisateurs de modifier et/ou personnaliser ces outils quasiment sans limite et par conséquent de rendre les utilisateurs le plus autonomes possible.
Nous proposons de compléter la première définition par l’idée de modularité de Hoogstoel (2007) :
[…] il s’agit d’environnements informatiques modulaires permettant d’agréger des logiciels (vus comme des services ou des modules) au sein d’une même interface numérique. La malléabilité de ces systèmes intervient dans plusieurs aspects et contribue aux différents enjeux du soutien informatique de coopération. Elle permet de personnaliser l’apparence de l’interface, en choisissant des thèmes graphiques définissant l’aspect et l’organisation générale à l’écran des composants graphiques […], il est possible d’offrir à chaque utilisateur les fonctions utiles en fonction de son rôle, de ses tâches […]. Les rôles et les droits d’accès aux fonctions des outils utilisés et aux éléments de l’interface homme-machine peuvent être adaptés dynamiquement. […] Les utilisateurs peuvent activer dynamiquement les outils médiateurs des activités de la communauté parmi les nombreux outils de communication de groupe synchrones (babillard, boîte à crier) et asynchrones (forums), de production collective (wiki), d’expression et de réflexion individuelles (blogue, journal de bord, portfolio), de coordination (agenda partagé, gestionnaire de projet, outils de vote ou de sondage, workflow), de partage de documents (dépôt de documents, gestionnaire de versions). (Hoogstoel, F., 2007 : 3)
Les plates-formes d’apprentissage, comme Moodle et Dokeos, se développent selon ce principe de modularité. Précisons avec Springer & Aimard : « … ce qui détermine un EAN (environnement d’apprentissage numérique) collaboratif, […], réside dans le fait que cet environnement permet d’inscrire les actions d’utilisateurs dans un véritable processus de socialisation. » (Springer, C., Aimard, V., 2004 : 161).
Le blogue, cité dans la définition de Hoogstel (2007) en tant qu’outil auxiliaire, périphérique, « d’expression et de réflexion individuelles », peut être situé, selon nous, au cœur même de la configuration modulaire, de telle sorte qu’il devienne plate-forme intégrant d’autres outils collaboratifs. Les moteurs de blogues, tels que Wordpress ou Dotclear, offrent toute une gamme d’extensions (outils collaboratifs) qui peuvent l’enrichir selon les besoins.
Ainsi le blogue illustre parfaitement le concept du web 2.0, terme inventé par Dougherty et précisé par O'Reilly et Battelle en 2004. D’après ces auteurs on peut retenir plusieurs principes clés de cette notion : le fait qu’internet fonctionne comme une architecture, qu’il favorise la participation des utilisateurs, que les actions des utilisateurs sont créatrices de connaissances et qu’elles ajoutent de la valeur, qu’il est constitué de systèmes qui s’améliorent au fur et à mesure de leur utilisation, que le moteur de l’innovation est constitué de systèmes légers, open source, indépendants, qui proposent des contenus et des services grâce à la syndication.
Le blogue, dispositif technique activant une « architecture de participation », primordiale pour l’existence de la communauté, est un ENAC par excellence. Il favorise néanmoins un certain type de collaboration. Il s’agit avant tout d’échange écrit et asynchrone d’idées brouillonnes, de discussions plus ou moins informelles, animées à chaud. Il s’agit de co-construction écrite et co-clarification de problèmes de nature diverse. C’est une interaction sociale ouverte qui se situe au centre du blogue. Le blogue offre ainsi des possibilités multiples d’usages, aussi bien informels que formels.
2. Cadre théorique des recherches sur l’apprentissage collaboratif
Nos recherches s’inscrivent dans le cadre des théories de construction de savoirs et d’interaction sociale classiques, actuellement très exploitées dans notre domaine mais indispensables pour une analyse approfondie de l’exploitation des blogues en tant qu’environnements numériques d’apprentissage collaboratif. Dans la suite de cette partie, nous allons évoquer brièvement, sans pouvoir la développer, ce qui constitue notre base théorique : le constructivisme piagétien, l’approche socioculturelle vygotskienne, la vision de la communauté de Dillenbourg, le schéma de distribution du savoir de de Rosnay, le modèle de l’action humaine de Leontiev et de Engeström et la genèse instrumentale de Rabardel. Ces différents éclairages devraient nous permettre de rendre compte que le type de collaboration suscitée par le blogue mène à un apprentissage spécifique, aussi bien social que linguistique.
2.1. Le constructivisme : conflit socio-cognitif et zone proximale de développement
Il est important pour nous de mentionner l’apport du constructivisme piagétien qui attribue un rôle essentiel au sujet même et à l’influence du milieu. Cette théorie met l’accent sur les interactions entre les acteurs provoquant un « conflit sociocognitif » nécessaire à l’apprentissage. Ils transforment ensuite leurs représentations individuelles (ou schémas mentaux) de départ et les mènent vers de nouvelles représentations grâce à une co-construction des savoirs. Le blogue, à la fois espace et outil cognitif technologique, privilégie cette confrontation de points de vue, la facilite par l’intermédiaire de nombreuses solutions et services, tels que les billets et les commentaires, les canaux RSS, les hyperliens et les rétroliens. Cet environnement technologique se prête parfaitement à l’apprentissage collaboratif des langues.
La théorie suivante, tout aussi fondamentale, est issue de l’approche socioculturelle définie par les travaux de Vygotsky et interprétée ensuite par d’autres chercheurs, comme par exemple Levis (1998). La question de la « zone proximale de développement », qui est le potentiel cognitif d’un individu, mais que celui-ci ne peut développer tout seul, c’est-à-dire sans l’assistance d’une personne expérimentée, est pour nous un concept clé. Les progrès dans les limites de cette zone sont tout à fait possibles. Ainsi, Levis (1998) remarque que, dans une situation d’apprentissage collaboratif, les « zones proximales de développement » des apprenants se côtoient et se superposent et constituent ainsi une zone beaucoup plus étendue. Il en conclut que le groupe peut avancer plus loin qu’un individu isolé. De même, l’individu dans ce groupe, grâce à l’étayage des autres, peut progresser plus que s’il avait été seul, à condition que sa « zone proximale de développement » soit détectée et reconnue par le groupe. Dans le cas des blogueurs, nous observons souvent les manifestations explicites des sollicitations d’aide auprès des autres blogueurs, lorsqu’ils ne possèdent pas de compétences ou de connaissances pour réaliser une tâche. Le plus souvent ils sont très motivés par l’amélioration esthétique ou technique de leur blogue — recherche des ressources, installation des extensions adéquates etc. — donc par l’adaptation de leur terrain / outil. Ils s’adressent directement aux autres blogueurs, experts, qui disposent des connaissances et des compétences recherchées, et, si leur zone de développement le permet, vont progresser grâce aux échafaudages assurés. Nous espérons pouvoir montrer la manifestation de ce type de collaboration.
Dans le cadre théorique de notre recherche, nous ne pouvons pas omettre non plus l’élément clé pour les interactions humaines, la langue. Selon Vygotsky, c’est un outil par excellence qui permet l’extériorisation des procès cognitifs. Cette extériorisation entraîne une certaine « matérialisation » des procès implicites du cerveau. Dans cette forme plus matérielle, les idées et les procès peuvent être revus, retravaillés collectivement et ensuite intériorisés dans leur nouvelle forme. Ainsi, le langage est un instrument de développement de l’intelligence. Pour Vygotsky, l’intériorisation des activités pratiques en activités mentales est assurée surtout à travers les mots écrits. Nous sommes en droit de nous demander si nous n’assistons pas à un nouveau genre : l’écriture collective, que l’on appelle aussi écriture à plusieurs mains (Springer, C., Koenig-Wiśniewska, A., 2007). Nous partons de l’hypothèse que l’apprentissage partagé se met en marche lors de cette écriture collective. Cette hypothèse est encore peu explorée dans le cadre des blogues pédagogiques. Il nous semble également qu’il s’agira de s’intéresser aux notions d’intelligence collective et partagée et de cognition distribuée, nécessaires pour comprendre les enjeux de l’écriture collective dans le cadre des projets de blogues pédagogiques.
2.2. L’importance de la communauté dans ces nouveaux espaces numériques
Dillenbourg, et al. (2003) définissent la communauté en tant que groupe social se situant entre groupe formel et groupe d’amis. Dillenbourg avance l’hypothèse qu’à la base de la constitution de la communauté se trouve l’implication de chaque membre et l’intensité des interactions entre eux. « C’est par leur participation à une communauté que les individus en deviennent membres ». Il est alors dans l’intérêt de chaque concepteur d’ENAC de le configurer de telle façon que les outils intégrés rendent la participation et ces interactions les plus naturelles et performantes possibles. Le blogue est par sa nature un outil d’interaction écrite et permet une clarification d’idées partagées, une élaboration des représentations des tâches communes avec une entraide contextualisée. Certes, les stratégies d’explication, de clarification, de mise en commun des idées diffèrent de celles qui sont prévues dans les parcours formels. Elles privilégient « l’apprentissage contextualisé qui prend une forme plus narrative » (Dillenbourg, 2003). Il s’agira pour nous de vérifier ces hypothèses et la réalité de cette participation.
L’aspect informel des blogues et, pour des utilisateurs avertis, leur flexibilité (malléabilité) technologique devant faciliter la genèse instrumentale sont des qualités qui devraient décider, selon nous, de son utilisabilité par des communautés virtuelles d’apprentissage. Cela implique la possibilité d’influencer l’aspect graphique de l’interface du blogue par les utilisateurs d’un blogue donné, ce qui correspondrait à l’aménagement du terrain dans la réalité. Ce point est important pour qu’une communauté se sente chez elle, qu’elle s’identifie à l’endroit où elle vit et agit. L’interface pourrait dans ce cas aider à créer et /ou refléter la propre culture du groupe des utilisateurs. C’est à cette condition qu’il sera possible de dire que cette culture est directement influencée par la configuration des outils implémentés (services, applications, extensions). Dillenbourg et al. (2003 : 13) insistent sur l’importance pour le concepteur d’environnement numérique d’apprentissage de ne pas réduire la liberté des utilisateurs, c’est l’environnement qui doit faciliter l’autorégulation afin d’éviter les exclusions éventuelles.
Le blogue, par opposition aux plates-formes d’apprentissage formel, rend possible l’ouverture à la richesse cognitive potentielle. En le configurant convenablement, le concepteur rend possible, favorise même, la co-création, c’est-à-dire la collaboration. L’importance de l’union de la technologie et de l’esprit collaboratif a été cernée et expliquée par de Rosnay (2006). Dans le contexte des médias et des nouveaux pouvoirs qui naissent sur la toile, il présente un schéma de distribution du savoir qui n’est plus un schéma pyramidal. Le savoir n’est plus uniquement produit et détenu par des autorités et publié uniquement au moment où elles le décident. L’information a un caractère informel, contextuel, personnel. Les nouveaux usagers, la génération de blogueurs, élabore, complète et décide elle-même du temps de publication de l’information qui est la plus rapide et la plus abordable pour les lecteurs. Les internautes peuvent non seulement attendre l’information, mais s’y abonner gratuitement grâce aux canaux RSS. Ils ont également la possibilité de participer à son développement et son extension. De Rosnay définit le pronétariat comme une « nouvelle classe d’usagers […] capables de produire, diffuser, vendre des contenus non propriétaires en s’appuyant sur les principes de la nouvelle économie ». Ce changement de distribution de l’information nous force à revoir la représentation du savoir et par conséquent les ENAC comme nouveau mode de construction d’informations et de connaissances. Il sera intéressant de pouvoir montrer l’influence de cet esprit communautaire sur les interactions et la construction des contenus, modalité de fonctionnement que l’école a plus de mal à mettre en œuvre.
2.3. Le blogue en tant qu’artefact social et didactique
Le blogue serait pour nous un véritable artefact social que la didactique des langues pourrait s’approprier. Cet ENAC favorise une certaine activité humaine et s’inscrit clairement dans le cadre des théories de l’activité. Selon les spécialistes de ces théories, le rapport entre l’agent et les objets humains de l’environnement est médié par des moyens culturels, des outils et des signes. L’action humaine a une structure tripartite. Le langage permet cette mise en relation dans le cadre des interactions sociales. L’un des facteurs importants est le passage de l’individuel au collectif. C’est à Leontiev que l’on doit la distinction entre trois niveaux : activité, action et opération. Le niveau supérieur est le niveau de l’activité collective qui est motivé par la réalisation d’un objet ; le niveau intermédiaire est celui de l’action individuelle (ou du groupe), qui est motivé par un but conscient ; et le niveau inférieur est celui des opérations automatiques dans une situation donnée avec les outils disponibles. On doit à Engeström une représentation graphique de cette nouvelle façon de concevoir l’activité humaine.
Dans ce schéma, plusieurs relations et nœuds interviennent. Nous nous limiterons ici aux nœuds dont l’analyse nous paraît nécessaire pour observer l’influence réciproque des éléments suivants : communauté ↔ outil, c’est-à-dire le blogue en tant qu’artefact de la communauté apprenante. Mais d’abord, tentons une rapide explicitation de la notion d’« artefact ». Cette notion peut désigner un outil très concret et matériel ou au contraire un outil psychologique, mental, cognitif. Dans les deux cas, il s’agit d’un moyen, d’un instrument, résultat d’une transformation de l’environnement social ou culturel par un être humain, en vue de comprendre et gérer cet environnement. Cet instrument peut être aussi orienté vers l’homme lui-même et peut être utilisé pour contrôler, maîtriser, développer ses propres capacités (Ivic, 2000). Rabardel (1995) souligne que l’artefact n’est pas un simple synonyme d’outil ou d’instrument. Il est plutôt une partie qui peut subir des modifications lorsque l’individu se l’approprie en vue de la réalisation d’une tâche concrète. Il nomme ce processus « genèse instrumentale » et le définit de la manière suivante :
Les processus d’instrumentalisation concernent l’émergence et l’évolution des composants artefacts de l’instrument : sélection, regroupement, production et institution de fonctions, détournements et catachrèses, attribution de propriétés, transformation de l’artefact (structure, fonctionnement etc.) qui prolongent les créations et réalisations d’artefacts dont les limites sont de ce fait difficiles à déterminer.
Les processus d’instrumentation sont relatifs à l’émergence et à l’évolution des schèmes d’utilisation et d’action instrumentée : leur constitution, leur fonctionnement, leur évolution par accommodation, coordination combinaison, inclusion et assimilation réciproque, l’assimilation d’artefacts nouveaux à des schèmes déjà constitués, etc. (Rabardel, P., 1995 : 111)
Les propositions de Rabardel sur la genèse instrumentale fournissent ainsi un outil complémentaire pour atteindre l’objectif de notre recherche. Il est en effet intéressant pour nous d’observer les blogueurs s’approprier le blogue en tant qu’instrument de réalisation des actions cognitives et collaboratives, de décrire comment la communauté le reconnaît et le modélise en le rendant utile et malléable (l’instrumentalisation). Il est également intéressant de voir comment le blogue en tant qu’artefact social, technologique et didactique, modifie les schèmes d’actions et de pensées de la communauté apprenante (instrumentation). Il s’agit d’observer de près non seulement les schèmes orientés vers l’efficacité de la communauté dans la réalisation des tâches collectives mais aussi ceux qui peuvent être décisifs pour la constitution spontanée et informelle de la communauté. Nous proposons le schéma suivant adapté de Rabardel pour exprimer cette complémentarité :
Il serait cependant limitatif de se focaliser sur le blogue comme système singulier alors qu’il n’est qu’un élément interagissant avec d’autres systèmes. La génération actuelle des théoriciens de l’activité tente de prendre en compte cette nouvelle dynamique qui se développe à travers les réseaux sociaux, comme forme ouverte et / ou partagée. Voici un schéma illustrant ce phénomène :
Il sera important de ne pas négliger ce point important qui caractérise le web 2.0 même si nos recherches ne pourront pas prendre toute la mesure de cette hypothèse. Nous avons prévu d’y faire figurer des objets partagés comme l’objet photo de Flickr ou celui de Del.icio.us, le glossaire communautaire.
L’étude du blogue comme ENAC suppose par conséquent de tenir compte d’un ensemble de données théoriques complexes et de méthodes d’analyse spécifiques. Il apparaît clairement qu’il est nécessaire de veiller à ne pas plaquer certains a priori sur ce nouveau type d’environnement d’apprentissage et ce nouveau genre d’écriture.
3. Les blogues éducatifs (edublog) : simples environnements numériques d’apprentissage ou environnements de type collaboratif ?
3.1. Définition générale du blogue
Avant de proposer une typologie personnelle des blogues éducatifs, que l’on voit se développer rapidement, il semble important de reprendre les définitions générales sur ce qu’est un blogue. L’Office Québécois propose la définition suivante du blogue :
Site Web personnel tenu par un ou plusieurs blogueurs qui s’expriment librement et selon une certaine périodicité, sous la forme de billets ou d’articles, informatifs ou intimistes, datés, à la manière d’un journal de bord, signés et classés par ordre antéchronologique, parfois enrichis d’hyperliens, d’images ou de sons, et pouvant faire l’objet de commentaires laissés par les lecteurs.
Depuis que nous avons abordé la problématique des blogues (2006), cette définition a évolué en saisissant l’évolution de la gestion des auteurs et du caractère des contenus. Nous retenons de cette définition le fait que les blogues ne sont plus uniquement un genre intimiste. Les contenus ne sont plus uniquement personnels mais aussi informatifs. Le mot personnel est gardé uniquement pour souligner le caractère informel des blogues. Dans la pratique il existe plusieurs variations de gestion des droits d’auteurs :
- enquête et prise en considération des avis et des besoins spécifiques des lecteurs par l’auteur ;
- acceptation des blogueurs hôtes (blogueurs invités) qui, pendant un temps limité, peuvent publier comme l’auteur même sur le blogue ;
- attribution de pleins droits de publication et de gestion à plusieurs personnes. Nous arrivons ainsi à un blogue multi-auteurs, blogue collaboratif et /ou blogue collectif.
3.2. Typologie du blogue éducatif
Le blogue éducatif s’inscrit dans le cadre de cette définition générale, il possède cependant des caractéristiques qui lui sont propres. Le site Francparler3 propose une classification simple et intéressante à partir des acteurs et des usages. Les usages sont multiples : le blogue peut être utilisé pour les besoins d’un établissement en facilitant la circulation d’informations et la mise en accord entre la direction, les élèves, les professeurs et les parents ; il sert aussi à des enseignants qui veulent partager ou publier leur réflexion, leurs ressources et stratégies de travail ; il permet de prolonger le cours en étant un espace de publication de devoirs, d’évaluation, une chronique de la vie de classe, etc. ; le blogue peut être pour les élèves un catalyseur d’apprentissage et de vie communautaire (c’est ce cas qui nous intéresse le plus) ; le blogue peut aussi servir à l’élève individuel, indépendamment du fait que le professeur y ait un accès pour suivre sa progression ou non. Des variations multiples sont possibles : un blogue tenu par un élève et son professeur en tandem, deux élèves, un professeur et les parents, la direction et les professeurs, deux classes étrangères, etc.
Nous proposons une autre classification qui reprend les éléments théoriques définis jusqu’ici et qui permettra de catégoriser les blogues selon leur caractère collaboratif à partir de quelques critères simples : nombre d’auteurs, gestion de commentaires, taux d’interactivité, co-construction du contenu et co-construction de l’environnement. Nous distinguerons ainsi cinq types de blogues.
Type 1 : l’enseignant publie des billets qui ne sont pas ouverts aux commentaires, il n’y a pas d’interaction souhaitée entre lui et ses lecteurs. Il décide entièrement du contenu et de la forme du blogue. Ce type est rare, on peut exploiter le blogue en tant qu’environnement numérique statique, site informatif sans aucune collaboration.
Type 2 : le blogue de ce type contient des éléments pédagogiques, adressés aux apprenants ou aux enseignants. Par exemple, contenus des cours en ligne, compléments des contenus, emploi du temps, liens pédagogiques, ressources et outils pédagogiques triés selon le public visé. Certains blogues ne sont consacrés qu’à une de ces fonctionnalités, comme celui de Vigilangues4 dédié entièrement au recueil et à la mise en ligne des ressources spécialisées en langue. Les consignes, si elles existent, ne nécessitent pas forcément le dépôt de devoirs sous forme de commentaire. Il n’y a pas de véritable échange entre l’auteur et les lecteurs. On peut estimer qu’il s’agit d’un environnement numérique d’apprentissage globalement statique.
Type 3 : le blogue de ce type constitue un environnement numérique interactif d’autoréflexion professionnelle (des enseignants, des apprenants…). Il intègre souvent des portfolios ou des CV, s’approche des blogues intimistes dans la mesure où l’auteur ne traite que les sujets professionnels personnels. Il est par contre ouvert aux réflexions des lecteurs et c’est ainsi que le facteur d’interaction apparaît. Nous ne pouvons pas encore parler d’environnement collaboratif. Comme exemple nous proposons le blogue canadien de Mario Asselin, Mario tout de go5. Un autre exemple est celui d’un professeur en Chine6 et aussi un blogue d’élève7.
Type 4 : dans les blogues de ce type nous pouvons observer des contenus pédagogiques adressés aux lecteurs et nécessitant leur réaction active : des exercices en ligne du type QCM, quizz, tests ou webquests, des consignes de rédaction, des ressources, tout pour avoir en échange les réponses, soit directement sur la page, soit sous forme de commentaires. Ces commentaires peuvent être ensuite repris et commentés par l’enseignant et les apprenants. Ce type de blogue est un exemple d’environnement numérique d’apprentissage interactif. Nous proposons en exemple : Carnet FLE8, FLE d’artifice9, FLE Atelier10.
Type 5 : ce type de blogue est véritablement communautaire dans la mesure où il est multi- auteurs. Ces auteurs sont tous impliqués en co-création des contenus et en co-modelage informatique du blogue. Les commentaires sont ouverts au public et leur gestion est collaborative. Les commentaires sont multiples et concernent un grand éventail de sujets : règles internes, environnement numérique, recherche des outils appropriés, gestion du temps et toute sorte de négociations liées avec le projet réalisé en collaboration. Il y a aussi les mises en commun au sujet des compétences et des difficultés rédactionnelles. Toutes ces discussions entraînent l’adaptation de l’environnement modulaire, l’ajout des fonctions nécessaires pour un bon avancement de toute la communauté. Nous parlons alors d’environnement numérique d’apprentissage collaboratif. Les impromptus littéraires11 constitue un exemple de blogue qui s’approche de ce modèle.
Nous avons eu beaucoup de difficulté pour illustrer les types extrêmes, c’est-à-dire le type 1 (aucune collaboration) et 5 (collaboration intégrale). Les blogues collaboratifs communautaires (type 5) présentent les traits distinctifs suivants : interactivité et interconnexion, fort engagement social, cognitif et métacognitif. Les blogues pédagogiques, le plus souvent, s’ouvrent à l’interactivité mais se contentent avant tout de profiter de la simplicité technique et de la simplicité de publication, de la gratuité et de l’accessibilité, sans intégrer de démarche collaborative, ni pour la création de contenus, ni pour la création de l’environnement numérique (type 2 et 3). Le blogue éducatif a tendance à brider l’interactivité et la liberté inhérente au blogue.
3.3. Vers la conception d’un blogue éducatif communautaire (type 5)
Il s’agit ainsi pour notre projet de recherche de créer un environnement aussi favorable et ouvert que possible. Il est important de bien comprendre la différence entre les deux types 4 et 5. Prenons l’exemple du blogue de Marie-Hélène Estéoule-Exel12, Français Langue Etrangère – Atelier, du Centre Universitaire d’Études Françaises, Université Stendhal Grenoble. Elle propose à ses apprenants un blogue intégré dans le processus du perfectionnement en expression écrite. Dans son blogue, nous voyons des consignes sous forme de billets, publiées systématiquement (grande qualité de ce blogue), concernant la rédaction d’un texte et précisant sa forme requise, des ressources stimulantes ou un rappel du genre. Les apprenants à leur tour publient leurs textes finis en tant que commentaires liés à la consigne. Nous l’avons situé en type 4. En effet, les commentaires sont à vrai dire des réponses à une consigne pédagogique. Les feed-back de l’enseignant ne sont pas visibles dans le blogue. Les apprenants n’ont pas pu participer à la création de leur blogue en tant qu’outil de rédaction. Le blogue sert d’espace de publication collective. Nous n’observons pas de liens sociaux entre eux en vue de résoudre un problème commun d’écriture. Nous nous trouvons dans une interaction scolaire classique. Le schéma d’interaction observable sur ce blogue est le suivant :
Nous n’avons pas trouvé jusqu’ici d’exemple de blogue éducatif qui répondrait aux critères du type 5. Notre projet de recherche va justement consister à proposer ce type de blogue communautaire. Voici comment nous nous représentons idéalement le mode d’interaction communautaire, en opposition au mode d’interaction scolaire précédent.
Comme nous l’avons vu, les blogues éducatifs exploitent encore peu les outils collaboratifs. On pourrait affirmer qu’ils s’opposent même à l’idée de la réalisation de tels brouillons d’écrits. Ainsi, le plus souvent, les blogues éducatifs servent de vitrine élégante de publication rapide et facile des travaux finis, bien élaborés et corrigés car publics.
4. Présentation de notre démarche
Les éléments que nous venons d’exposer auront permis de faire apparaître les deux objectifs complémentaires que nous poursuivons : d’une part, créer un blogue éducatif communautaire (type 5) et, d’autre part, vérifier certaines des hypothèses que nous venons de décrire dans le cadre de la mise en œuvre du blogue. Nous nous situons à un double niveau, celui de la conception technologique d’un environnement numérique d’apprentissage collaboratif et celui plus classique en didactique des langues de la recherche-action.
4.1. La question de la réflexivité dans les blogues
D’après l’état des lieux que nous avons entrepris jusqu’ici, les recherches actuelles en didactique des langues s’intéressent plus à la question du forum et du chat — ainsi qu’à celle des plates-formes d’apprentissage — qu’au blogue en tant qu’environnement numérique d’apprentissage collaboratif. Cependant, quelques recherches concernant les blogues sont centrées sur la profondeur et l’importance de la réflexivité individuelle qui peut être développée grâce à cet outil. Ainsi, Chanier & Cartier (2006), qui étudient l’utilisation du blogue pour le suivi à distance des masters professionnels FLE, s’intéressent au moment du passage, de l’ouverture des formateurs et de leur autoréflexion professionnelle à la réflexion dialogique avec d’autres personnes suivant la formation, un passage du blogue intime au blogue « extime » et les incidences pour la performance du développement professionnel. Chanier & Cartier parlent du « Processus dialogique dans le réflexif ». Ils ont aussi eu l’idée de scénariser cette réflexion. Selon nos observations les blogues communautaires présentent des parties réflexives individuelles qui permettent de cristalliser des démarches individuelles et des parties réflexives communes de dialogue, de création et de publication. Ce qui nous intéresse dans ces travaux, c’est le constat selon lequel le réflexif accélère la transformation du groupe en communauté d’apprentissage et que le processus est plus rapide s’il se fait en dialogue. Cela permet de transformer la communauté d’apprentissage en communauté de pratique où les liens sociaux sont encore plus forts.
En ce qui concerne notre recherche, même si cet aspect réflexif n’est pas exclu, il ne constitue pas, comme dans les blogues de jeunes enseignants, le point central de notre analyse. Le blogue que nous avons créé ne cherche pas à scénariser la réflexivité. Il a pour but de servir d’accélérateur pour la constitution d’une communauté apprenante en français langue étrangère et devrait nous permettre d’observer comment la communauté apprivoise et transforme l’artefact blogue à travers l’expression de voies plurielles francophones.
4.2. Une démarche de recherche-développement
Notre recherche s’inscrit dans un type de recherche-action que Guichon (2006) nomme recherche-développement. Guichon (2006 : 7) décrit ce type de recherche comme une manière de « confronter la théorie à la pratique par l’entremise d’un projet de conception multimédia ». Ce type de recherche engage le chercheur dans une confrontation avec la technologie et, dans ce processus de construction d’un environnement d’apprentissage, il est amené « par un choc en retour » à questionner son épistémologie de l’apprentissage. Il s’agit d’une démarche perductive, c’est-à-dire la construction de savoirs dans l’action, et par conséquent d’« une confrontation permanente et novatrice entre les savoirs théoriques préalables et ceux qui émergent au fur et à mesure dans l’action. » Guichon (op. cit. 8 et 42) propose un schéma de travail qui suit une progression itérative que nous adoptons.
Ces étapes constituent un mode de développement technologique en boucle que nous suivons pour la conception de notre blogue. Nous avons dans un premier temps fait le point sur la question des blogues éducatifs (Springer & Wisniewska, 2007), ce qui nous a permis d’aboutir à une première proposition, un blogue initial qui teste les premiers éléments de notre réflexion théorique et des solutions technologiques disponibles à ce moment. Les questions soulevées par l’analyse du blogue initial nous ont amenés à une extension du cadre théorique et à une prise en compte de nouveaux éléments technologiques développés pour les nouveaux réseaux sociaux.
4.3. Conception et test du blogue initial
Dans le cadre d’un projet avec des étudiants inscrits en master FLE, un premier blogue appelé Actuclic a été réalisé. Ce blogue n’est pas accessible au public, car il n’a été qu’un exercice préalable. Il a été conçu avec le moteur de blogues Dotclear. Il a été muni de canaux RSS ciblés sur les actualités mondiales et francophones, ainsi que de quelques outils linguistiques : dictionnaire, glossaire, conjugueur.
Nous situons ce blogue parmi les blogues de type 4, environnement numérique d’apprentissage interactif. La consigne unique et générale concernant l’exploitation du blogue « Réagissez au contenu des articles » ouvrait la possibilité aux interactions multiples. À travers les expressions libres dans les commentaires, les apprenants interagissaient avec les contenus des articles fournis automatiquement par les canaux RSS et ensuite entre eux.
Les blogueurs d’Actuclic ne possédaient pas de droits d’auteur, ni d’administrateur. En conséquence, ni la création commune, ni le co-modelage modulaire du blogue n’étaient possibles. « Condamnés » à l’environnement préétabli, ils ne pouvaient pas, par exemple, remplacer des canaux RSS fournissant les actualités par d’autres, plus attrayants pour eux, même si la sélection faite par les concepteurs ne les poussait pas aux discussions. Pendant la période de test, les actualités concernaient surtout les thématiques de guerre, d’accidents, de catastrophes, en particulier, la question de la guerre tragique au Liban.
Ce fait a provoqué le découragement chez le public limité qui a testé ce prototype. Il s’agissait d’une dizaine d’étudiants apprenants de FLE de l’université Marc Bloch, Strasbourg. Ils ont été très laconiques dans leurs expressions et les fils des discussions finissaient rapidement. Nous avons constaté que cette démarche ne les amenait pas vers la collaboration et encore moins vers l’émergence de la communauté. Dans ces conditions, il n’a pas été pas possible d’analyser la relation entre les nœuds du modèle d’Engeström : communauté ↔ outil, car cette relation ne pouvait pas s’établir.
Ce premier projet a permis d’entrer dans la démarche perductive, action / théorie, décrite par Guichon (2006). Il nous a fallu repenser la conception du blogue pour mettre plus en avant le facteur de dépendance de collaboration à travers l’emploi de la langue et de la technologie dont les apprenants blogueurs prendraient eux-mêmes les responsabilités.
4.4. Un nouveau prototype : vers un environnement numérique d’apprentissage collaboratif
Nous avons décidé de concevoir un autre prototype qui tiendrait compte de nos progrès technologiques, des avancées du web 2.0 et de notre évolution théorique. Ce deuxième prototype13, selon nous, est plus stimulant pour les apprenants jeunes qui ont besoin d’être positifs et réactifs. L’analyse des blogues des jeunes existant sur Internet et l’analyse du phénomène du web 2.0 nous ont permis de retenir certains concepts que nous avons mis à l’épreuve dans le nouveau blogue. Nous avons retenu :
- folksonomie au lieu de taxonomie – ce concept apparaît sous forme de nuage de tags ;
- modularité – nous permet d’implémenter les modules nécessaires ;
- version beta perpétuelle – nous encourage à rendre possible le modelage du blogue en permanence, tout au long du projet ;
- blogosphère et communauté – nous observerons la communauté virtuelle émergente des apprenants et ses règles ;
- co-construction des contenus – ce concept nous amène à intégrer un wiki ; un glossaire communautaire et un dictionnaire associatif ;
- distribution égalitaire des droits – ce qui entraîne un blogue collaboratif multi-auteurs et même (peut-être) multi-administrateurs ;
- partage et participation – nous amène à intégrer del.icio.us, outil de partage des liens, compte commun de photos Flickr, etc.
Reprenons ici le caractère du nouveau prototype, appelé « Postculture ». Conçu pour la nouvelle expérimentation, il sera multi-auteurs. Notre objectif est de nous approcher du type 5, c’est-à-dire du blogue communautaire, véritablement collaboratif, avec des séquences potentielles d’apprentissages multiples et une entraide transversale des blogueurs. Nous visons un environnement numérique d’apprentissage collaboratif géré par la communauté. Au fur et à mesure de son utilisation, nous admettons que des administrateurs volontaires se manifesteront eux-mêmes ou ils seront élus parmi les auteurs les plus performants.
Le test sera réalisé auprès d’un public vaste et international (groupes d’élèves et d’étudiants apprenant le FLE dans divers pays). Il nous fournira un premier corpus que nous analyserons. Nous allons nous appuyer avant tout sur des étudiants en master professionnel FLE, en stage long à l’étranger et en situation d’enseignants, mais aussi sur des enseignants de FLE hors de France (Allemagne, Angleterre, Espagne, Grèce, Malte, Pologne et d’autres pays). Ils vont s’approprier le blogue et le mettre en œuvre avec leurs élèves. Les classes de FLE étant dispersées dans le monde, le projet est entièrement en ligne. Les contributions de groupes se feront à partir d’un projet linguistique culturel. Il n’est pas exclu qu’il soit divisé en deux étapes dont la première servira à accélérer la constitution de la communauté apprenante dans les conditions de test. Cette étape nécessite un engagement plus intense des enseignants que l’étape suivante pendant laquelle les blogueurs confirmés prendront la gestion du blogue en main, selon leur volonté et leurs capacités. Nous espérons observer l’émergence de la communauté, les stratégies de collaboration pour l’écriture partagée en FLE, les aspects culturels, les jeux d’identités et le remodelage du blogue.
5. En guise de conclusion
La typologie que nous avons établie dans cet article, en nous appuyant sur les éléments théoriques de notre cadre, n’est pas encore suffisamment détaillée. Nous espérons que nos recherches, y compris l’analyse du corpus, nous permettront de l’affiner et de définir quelques axes précis permettant de mieux rendre compte des qualités et caractéristiques des blogues éducatifs, selon le degré de l’apprentissage collaboratif qui s’y manifeste. Nous espérons en retour découvrir quelques éléments technologiques cruciaux que les futurs concepteurs des blogues éducatifs devraient prendre en compte pour faciliter l’apprentissage collaboratif. Nous gardons encore de nombreux doutes sur le scénario pédagogique à mettre en place pour les blogues collaboratifs. Après avoir testé celui que nous sommes en train d’élaborer, nous espérons relever un ensemble d’indications permettant de réaliser un modèle qui servira de point de départ pour des améliorations futures.