Réformes pédagogiques et principes méthodologiques pour l’enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire marocain : des perspectives d’adaptation

DOI : 10.57086/dfles.393

p. 155-166

Abstracts

Le rôle majeur des universités au Maroc est de contribuer à l’éducation et à la formation des jeunes afin de relever les nombreux défis auxquels ce pays doit faire face du fait de la mondialisation. Cette question fera l’objet de notre étude où nous allons essayer de mettre l’accent sur les différentes mutations qu’a connues l’enseignement supérieur au Maroc en visant en particulier une réflexion sur les usages et les pratiques de la langue française — langue étrangère — au sein de l’université marocaine.

In Morocco, the central role of universities is to contribute to the training and upgrading of young people in order to meet the multiple challenges facing this with globalization. This question will be the subject of our study as we will focus on the different changes that higher education has undergone in Morocco more particularly for the teaching of French - a foreign language - within the Moroccan university.

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Introduction

Depuis quelques années, le Maroc s’est engagé dans un processus d’arabisation du primaire et du secondaire reléguant le français au statut de langue étrangère au même moment où une série de réformes se sont succédé au niveau de l’enseignement du français au supérieur. Ces changements ont été mis en place dans le but de définir une politique linguistique claire au niveau des universités et afin de surmonter le problème des étudiants qui ressentent une baisse conséquente de leur niveau en langue française qui semble être en décalage avec les objectifs universitaires nationaux et internationaux qui restent des priorités de l’université marocaine.

Tout d’abord, la réforme de 1984, en coïncidant avec le Plan d’ajustement structurel1 adopté par le Maroc en 1982, avait pour objectif ultime de garantir une adéquation trilogique Éducation-Formation-Emploi. Ainsi, on a vu naître de nombreux établissements de l’enseignement supérieur à vocation professionnelle/technique, ceci afin de promouvoir l’enseignement professionnel et spécialisé et d’ouvrir l’université marocaine aux besoins réels du marché au moment où la question de la professionnalisation s’est imposée comme une nécessité incontournable.

Dans la perspective d’adhérer à la mondialisation de cet enseignement, l’université marocaine a décidé d’aligner son architecture, ses principes et ses méthodes pédagogiques sur le système européen et a choisi le système LMD (licence-master-doctorat) qui s’inspire du processus de Bologne et est clairement défini dans le décret de 1999 sur l’éducation nationale et la charte de formation. Par ailleurs, en s’appuyant sur le constat des difficultés rencontrées par les étudiants dans leurs apprentissages en français dans le cycle supérieur avec des taux d’abandon ou d’échec importants, une mise à niveau linguistique dans le supérieur était nécessaire. En effet, des programmes de remédiation linguistique, de Techniques d’Expression et de Communication (TEC) ou encore de Langue et communication ont été mis en place dans les années 2000 à travers l’adoption du plan d’urgence 2009-2012.

Notre objectif à travers cette étude est de nous immerger, bien que sommairement, dans l’histoire de la didactique du FLE dans les établissements de l’enseignement supérieur marocain à accès libre ou régulé, ainsi que d’essayer d’appréhender les différents aspects et fonctionnements des modèles qui se sont succédé sur cette scène didactique. Aussi, allons-nous saisir cet aperçu en deux temps : l’avant et l’après plan d’urgence 2009-2012.

1. L’Enseignement du français à l’université marocaine, l’avant « Plan d’urgence (2009-2012) »

1.1. L’enseignement du « français fonctionnel » et du module « TEC » dans les établissements scientifiques et techniques

En vue de donner un nouveau souffle à l’université marocaine qui a été jugée comme étant « génératrice de chômeurs » (Lahlou, 2009) et de compenser le hiatus dégagé dans le système de l’enseignement et de la formation dans son intégralité vers la fin des années 80, il a fallu repenser la structure de ce paysage. C’est ainsi qu’on a assisté à la naissance d’un véritable enseignement supérieur à tendance professionnelle et technique, et ce par la création d’un ensemble d’institutions de l’enseignement professionnel et technique à accès régulé.

En outre, et dans le but de soutenir les étudiants issus du système arabisé à suivre des cursus de spécialités principalement offerts en langue française, les décideurs politiques marocains ainsi que les responsables de l’éducation et de la formation avec le soutien de différents organismes français se sont engagés durant cette période dans des opérations pédagogiques révolutionnaires mais surtout novatrices et de grandes envergures. Ainsi, tel qu’il a été cité par Oudry (2004), des cellules ou sections désignées comme « cellules de français fonctionnel » ont été instaurées avec le soutien du Service Culturel, Scientifique et de Coopération de France.

En fait, ces organismes se sont penchés sur des réflexions méthodologiques ainsi que sur de nouveaux dispositifs pédagogiques afin d’adapter l’enseignement du français aux besoins recensés chez les apprenants durant le processus d’évaluation de leurs apprentissages, ou encore aux recommandations avancées par les enseignants de spécialités. C’est dans ce sens que Oudry (2004, p. 30) a souligné que :

L’enseignement ciblé dans les sections « français fonctionnel » s’inscrit dans une politique d’action-recherche, c’est-à-dire que les enseignants doivent toujours réadapter l’outil pédagogique par rapport aux besoins du public apprenant et construire de nouveaux matériaux suivant des objectifs répondant aux besoins recensés durant le cours, après évaluation des productions d’apprenants ou auprès des enseignants de spécialités.

Les objectifs d’apprentissages sont conçus en termes fonctionnels et s’appuient sur les contributions du Conseil de l’Europe, et plus particulièrement l’élaboration d’un Niveau Seuil en 1976. À cet effet, l’enseignement du « français fonctionnel » en milieu universitaire marocain s’inscrit dans une approche « recherche-action » en procurant à l’apprenant, considéré comme « un sujet socioculturel et psychologique », des dispositifs linguistiques et méthodologiques propices lui permettant ainsi de s’approprier les compétences nécessaires.

Oudry (2004) souligne en sus que les procédés d’enseignement-apprentissage sont déterminés en fonction de l’analyse des besoins de formation et reposent sur les méthodes actives, sur les techniques de simulation et de jeux de rôle en classe, en ciblant aussi la créativité langagière chez les apprenants fréquemment amenés à s’impliquer dans les travaux de groupe.

Bien que l’arsenal des démarches visant le développement des compétences linguistiques et langagières de la majorité des bacheliers marocains n’ait pas eu les effets escomptés, puisque ces habilités restent très limitées, cela n’a pas empêché la réflexion sur d’autres méthodes d’enseignement. Ainsi, on a vu émerger un nouveau module appelé à la rescousse de l’enseignement supérieur dans la perspective de renforcer les capacités linguistiques et communicationnelles des étudiants marocains, et ce dans des établissements où le français représente la langue d’enseignement et de communication, à savoir le module de « Techniques d’Expression et de Communication (TEC) ».

En effet, le début des années 1990 qui a connu l’émergence de nouveaux établissements de l’enseignement scientifique et technique coïncidait avec l’arrivée au supérieur des premières vagues d’étudiants arabisés. La tâche est devenue de plus en plus délicate vu le besoin urgent d’un enseignement de soutien linguistique et technique. Bien avant, la période qui a été marquée par l’instauration des Cellules de français fonctionnel dans tous les grands établissements du royaume a synchronisé la prise en charge par la Faculté des Sciences de l’Éducation de Rabat de la formation d’un ensemble d’enseignants en TEC afin de dispenser cet enseignement dans les institutions scientifiques et techniques. L’objectif crucial était de cibler les savoir-faire méthodologiques en rapport avec le monde professionnel et l’entreprise auxquels devrait être confrontés les étudiants.

A posteriori, cet enseignement a débuté officiellement dès 1994 dans les instituts scientifiques et techniques. Étant conçue en terme modulaire, les aspects de la formation en TEC couvrent deux objectifs fondamentaux. L’un considère la maîtrise de la langue comme un paramètre indispensable pour l’acquisition du savoir scientifique et vise une démarche méthodologique estimant comme prioritaire l’amélioration du niveau linguistique de l’apprenant en langue d’enseignement, le français, selon des besoins spécifiques. L’autre cible plutôt l’appropriation des méthodologies indispensables à la structuration de la pensée et la compétence à communiquer d’une manière appropriée au sein d’un établissement supérieur donné.

1.2. La réforme de l’enseignement supérieur marocain (2003)

Suite à la situation précédente, un projet de réforme de l’enseignement supérieur a été lancé sur instruction de feu sa Majesté le Roi Hassan II et a été préparé par la Commission Spéciale d’Éducation et de Formation (COSEF), laquelle réforme constitue une composante à part entière de la Charte nationale d’éducation et de formation (Amzazi, 2006) éditée en 1999 et reflète ainsi une volonté d’amélioration de la qualité des enseignements dispensés au niveau du supérieur en ciblant aussi, selon certains chercheurs didacticiens (Rahmoune et coll., 2007, p. 2) : « […] l’ouverture sur la modernité et le monde extérieur, tout en préservant l’identité et l’authenticité marocaine. »

Dans cette perspective, une nouvelle loi (01.00) organisant l’enseignement supérieur a été traduite juridiquement sur la base des recommandations de la Charte et a été mise officiellement en vigueur à partir de mars 2000.

Le démarrage effectif de la réforme en question a vu le jour avec la rentrée universitaire 2003-2004 en fixant de nombreux objectifs dont l’aspect majeur était de consolider les traits de l’identité marocaine par la promotion des valeurs éthiques et socioculturelles propres à ce pays. Ceci ne pourrait se réaliser sans la mise en place d’une panoplie de dispositions à caractères didactique, méthodologique, socioculturel et économique. C’est dans ce sens que Lahlou (2009, p. 7) souligne que :

La réforme vise les principaux objectifs suivants : développement des capacités méthodologiques, linguistiques et communicationnelles de l’étudiant, instauration d’un système d’orientation progressive, préparation à l’insertion dans l’environnement socio-économique, transmission des valeurs culturelles fondamentales.

De la sorte, les décideurs en introduisant la réforme universitaire en 2003, ont instauré un nouveau module appelé « Langue et communication » dans les filières scientifiques et techniques. L’objectif est en fait de permettre aux étudiants de surmonter les embarras d’ordre linguistique et méthodologique, ainsi que de mieux suivre les cours de spécialité dont la réussite dépend en grande en partie de la maîtrise du français, leur facilitant de plus l’accès au contexte professionnel et au monde du travail. Amzazi (2006, p. 9) avance à ce propos que :

[…] dans le souci de s’adapter aux exigences du milieu socioprofessionnel, la nouvelle université ne saurait proposer à ses étudiants un cursus dénué d’un apprentissage minimal des outils de travail devenus désormais incontournables : c’est ainsi qu’actuellement environ un quart des enseignements est consacré aux langues et communication et à l’informatique (LC/I), quelle que soit la filière d’études considérée.

Quelques mois plus tard, des remises en cause portant sur un changement inattendu de l’architecture du système universitaire ont ébranlé certaines universités marocaines. Il a été décidé que la réforme des filières et des cursus d’enseignement s’alignerait dorénavant sur le système (LMD) européen tel qu’il a été décrit à travers le processus de Bologne.

Basé sur des contenus d’études organisés en modules, le dispositif marocain LMD a été lancé avec le soutien financier de la France à travers la création de « fonds de solidarité prioritaire » afin de mettre en œuvre le « Projet n° 2003-88 » (ARESM, 2003). Ce système permettrait la personnalisation des matériels pédagogiques pour répondre aux besoins socio-économiques et encouragerait la recherche universitaire en répondant aux critères de modernisation tant au niveau national qu’international.

De ce fait, l’article 3.3 du projet s’articule autour de quatre volets dont le second est la réorganisation de « l’ingénierie pédagogique » qui vise à recentrer le module « langues et communication » à travers la définition des contenus curriculaires, l’organisation et la généralisation de la formation linguistique des formateurs encadrée par des experts français. Pour des considérations d’ordre pédagogiques et organisationnelles, l’enseignement du module « langues et communication » s’effectuera sur quatre semestres au lieu de deux.

Il est à noter que les mesures adoptées pour l’enseignement obligatoire du module « langue et communication » dans le cadre de la réforme universitaire au Maroc avaient déjà fait l’objet de certaines critiques dans la mesure où l’on jugeait que : « […] la charte marocaine pour l’enseignement supérieur, si novatrice soit-elle, n’est pas la solution optimale aux défaillances du système universitaire marocain. » (Lahlou, 2009, p. 7)

De son côté, Amzazi (2006) rappelle l’importance de la mise à la disposition des enseignants chercheurs d’outils et de dispositifs pédagogiques performants ainsi que de ressources budgétaires attribuées à la recherche. Étant un paramètre déterminant pour la réussite de l’instauration de la réforme universitaire, l’attribution de moyens budgétaires conséquents aux universités marocaines devait se faire de façon optimale. Tel n’était pas le cas puisqu’à la veille du lancement des masters (rentrée 2006-2007), la distribution démesurée des budgets attribués à l’enseignement et à la recherche semblait bloquer les changements.

Par ailleurs, Lahlou (2009) n’a pas manqué de rappeler que la défaillance du système éducatif en général et, donc, de l’université a été soulevée à travers plusieurs rapports internationaux : UNESCO (2006), Banque mondiale (2007), PNUD (2007). De nombreux enseignants et administrateurs de l’enseignement supérieur au Maroc sont arrivés à la conclusion2 qu’une nouvelle approche est nécessaire, basée sur les recommandations faites lors de diverses conférences et réunions nationales et internationales. En fait, à l’ambiguïté des méthodes et stratégies d’enseignement s’ajoute les données remarquables sur le taux d’échec dans une université marocaine.

Des mesures importantes ont été prises, telles que la création des commissions pédagogiques au sein de chaque département qui pourraient juger de la pertinence des méthodes appropriées ; le remaniement des méthodes d’évaluation pour assurer une meilleure fiabilité dans ce processus en faisant face aux contraintes administratives et surtout de subjectivité ; enfin, la suggestion de quelques procédés pédagogiques utilisés en Europe et en Amérique, le monitorat et le tutorat entre autres.

À la lumière des évolutions socio-économiques et politiques, les acteurs de l’éducation et de la formation ainsi que les décideurs politiques vont reconsidérer le système d’enseignement universitaire dans sa globalité, l’enseignement du français ne sera pas exempt des discussions et des enquêtes tenues puisqu’il paraît selon Defays et Jaafar (2011, p. 3) que :

[…] l’évolution des méthodes et des approches est inévitable puisque de nouveaux besoins linguistiques, sociaux et institutionnels font leur apparition en entraînant de nouvelles réflexions didactiques liées à l’enseignement du français : le fonctionnel, le communicatif et l’interculturel semblent actuellement l’emporter […].

Le diagnostic continue d’être inquiétant concernant la qualité du système de l’enseignement supérieur au Maroc et conduit à la création du Conseil Supérieur de l’Enseignement (CSE) le 14 septembre 2006 sous l’égide de sa Majesté le Roi Mohammed VI. Sitôt, un rapport annuel sur la situation et les recommandations sera commandité à ce Conseil et mis à la disposition des organismes concernés. Un an plus tard, Le Roi s’adresse au gouvernement et l’incite à installer un projet de réforme afin de porter appui au secteur d’éducation et de formation. Il est question de parachever l’opérationnalisation des recommandations de la Charte nationale d’éducation et de formation par l’application d’un Programme d’Urgence (2009-2012).

2. Le Plan d’urgence (2009-2012), un nouveau souffle à la réforme universitaire

Les universités marocaines étaient invitées à apporter leur contribution par l’exécution des instructions du Plan d’Urgence conçu sur la base de 12 projets. En fait, 17 contrats (Royaume du Maroc, 2009) ont été signés en visant la pérennité et la modernisation de l’université marocaine ainsi que le perfectionnement des productivités internes et externes, d’où la nécessité de mettre l’étudiant au centre des préoccupations des acteurs de l’enseignement supérieur par la mise en place, entre autres, des modules d’enseignement de langues et communication ainsi que l’initiation des apprenants aux méthodologies du travail universitaire.

Dans la perspective d’adapter les principes du CECRL comme étant, selon El Bekraoui et Bahmad (2009), une source d’inspiration au contexte universitaire marocain, la Commission nationale des langues3 a mis en place un nouveau dispositif d’enseignement de la langue française. Ce programme a pour visée la consolidation de l’enseignement de cette langue à l’université marocaine avec un volume horaire passant de deux heures hebdomadaires à quatre heures par semaine. De plus, cet enseignement se réalise au moyen d’un manuel4 conçu par la Commission et utilisé à l’échelle nationale de façon à répondre aux besoins effectifs des étudiants marocains.

L’élaboration de ce document constitue un défi énorme en attestant de la volonté d’une réforme réaliste et certaine. D’abord, des concepteurs marocains ont déployé des efforts louables afin d’évoquer les aspects socio-économiques, éducatifs et culturels liés à la réalité marocaine, et ce à travers un support didactique très varié (textes, images, graphique…) adressé à une cible marocaine (les étudiants) et dont les contenus sont organisés et confectionnés de façon cumulative suivant une démarche thématique. Skouri (2012) affirme à ce propos que :

[…] ce manuel incarne les qualités requises dans la conception didactique ingéniérique, aussi bien au niveau du contenu qu’au niveau de l’architecture et de la présentation matérielle. Il remplit également les deux fonctions fondamentales de l’opération enseignement-apprentissage : transmettre un contenu étudié et finalisé et rendre possible la pratique didactique.

Visant le développement des quatre compétences chez l’apprenant (compréhension de l’oral/production de l’oral, compréhension de l’écrit/production de l’écrit), le manuel adopte en sus des supports audio profitables aux apprenants avides d’apprentissages par les nouveaux moyens d’information et de communication, mais aussi aux enseignants en permettant de les soutenir dans leurs pratiques de classe. Lesdites compétences sont transcrites en termes de tâches à réaliser par les apprenants à travers des situations d’intégration d’apprentissages et qui feront l’objet d’une évaluation formative puis sommative.

Une nouvelle ingénierie pédagogique a été donc mise en place en s’appuyant sur un « dispositif triptyque ». Il s’agit ainsi d’enseignements axés sur les compétences à développer chez les étudiants en dispensant les cours soit en mode présentiel, soit dans le centre de ressources en langues, soit à distance.

Cette ingénierie pédagogique s’effectue par étapes habilement enchaînées. D’abord, une analyse de besoins grâce à un test de positionnement permet d’identifier le niveau de compétences de l’apprenant et de circonscrire les difficultés sur lesquelles il bute en lui apportant ainsi l’appui nécessaire pour suivre les matières disciplinaires en économie, en droit, en sciences humaines, etc.

Ce procédé permet de la même façon à l’institution d’identifier les profils de ses étudiants dans le but d’élaborer des référentiels de compétences et des programmes axés sur les besoins réels de ces publics.

Ensuite, l’opérationnalisation dudit test de positionnement s’étale sur deux étapes. Pendant la première étape, le test est réalisé en ligne sous forme de QCM sur la base de l’Échelle des niveaux du CECRL (Conseil de l’Europe, 2001). Il est en fait informatisé grâce à la base de données Apogée et est concrétisé par la création d’une plate-forme conçue par l’équipe Apogée de l’Université Ibn Tofail-Kénitra. La deuxième étape est consacrée à un test, programmée en mode présentiel sous forme d’entretien dirigé et de monologue suivi en vue d’évaluer les compétences discursives et communicatives « difficilement évaluables en ligne ».

Enfin, le manuel français intitulé « Cap université » a vu le jour afin de satisfaire aux besoins les plus importants des étudiants. Les enseignements dispensés en présentiel sont parachevés par des cours en ligne prodigués à leur tour dans un centre de ressources en langues5 ciblant l’individualisation des apprentissages en fonction des niveaux et des disciplines des apprenants.

À l’instar du programme d’urgence instauré à l’université marocaine, un autre défi a été soulevé pour l’enseignement du module « langue et communication ». Il est lié en fait au choix de support innovant stimulant la motivation chez les étudiants et favorisant le développement des apprentissages liés à ce module. C’est ainsi que Chafiq et coll., (2012) formulent leur problématique en se demandant :

Comment faire pour que, dans le module « langue et communication », les activités qui devraient développer les compétences linguistiques, communicatives et méthodologiques, chez les étudiants, soient plus motivantes, innovantes et formatrices. (p. 114)

Ainsi, la mise en place d’un dispositif d’accompagnement linguistique en ligne s’est déployée grâce à la création de deux plates-formes. D’abord, la plate-forme ACOLAD en 2008-2010 ; ensuite, l’installation de la plate-forme FOSEL en 2010-2011. Il s’agit de dispositifs informatiques en ligne engageant les étudiants scientifiques car l’expérience a vu le jour au sein de la faculté des sciences Ben M’Sik, Casablanca avec la réalisation de tâches ciblant le développement de compétences langagières selon les niveaux du CECRL.

Par conséquent, la formation hybride parait plus flexible, plus motivante et plus pratique dans le cursus d’enseignement du module « langue et communication » en favorisant ainsi la correction langagière et en engageant les étudiants dans le travail collaboratif et le développement personnel.

Conclusion

Somme toute, à la suite des recommandations de la COSEF (1999/2004), le dispositif de suivi et d’évaluation des rendements des universités marocaines a vu le jour en 2003 et a été accentué ensuite par la contribution du plan d’urgence (2009-2012) en engageant ainsi ces universités dans un ensemble de procédures et d’indicateurs de contrôle pris en charge par des équipes de gestion et de suivi spécialisés.

Certes, les premiers rapports portant sur l’état d’avancement des mesures prises pour l’amélioration de la qualité et du fonctionnement des universités marocaines ont témoigné du renforcement de l’effectif des lauréats couvrant le besoin du marché à travers la multiplication de filières professionnelles, scientifiques et techniques. Il semble toutefois qu’en termes de qualité, des réflexions et des engagements supplémentaires sont à prendre en compte pour assurer la pérennité des universités ainsi que pour une meilleure conciliation des enseignements dispensés et des besoins du marché du travail.

Enfin, la nouvelle ingénierie de l’enseignement du français à l’université marocaine suscite la réflexion de certains chercheurs didacticiens proposant des certifications en langue française en vue d’une meilleure valorisation des acquis des étudiants à même de favoriser leur mobilité à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Bibliography

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El Bekraoui, N. & Bahmad, M. (2009). Nouvelle ingénierie de l’enseignement du français à l’université marocaine. Dans Acedle (dir.), Actes du colloque Acedle, Recherches en didactique des langues — Les langues tout au long de la vie (p. 83-94). http://acedle.org/colloque-decembre-2009/

Lahlou, L. (2009, mai). La réforme de l’Université marocaine entre idéal organisationnel et réalité pratique. Communication présentée au colloque « Les universités au temps de la mondialisation/globalisation et de la compétition pour l’excellence », Université Paris 8.

Oudry, S. (2004). L’enseignement du français dans le supérieur scientifique et technique : Bilan et perspectives. Revue langues et littératures, 18, 29-36.

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Rahmoune, Kh., Tanane, O., Aboufirass M., Radid M. & Talbi, M. (2007). Pédagogie de l’enseignement des techniques d’expression et de communication aux étudiants scientifiques. Revue africaine de didactique des sciences et des mathématiques, 2.

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Skouri, F. (2012, décembre). Présentation matérielle du manuel Cap Université, filière des Sciences. Communication présentée au colloque « Curricula et réforme de l’enseignement », Université Cadi Ayyad. https://www.academia.edu/8140733/Pr%C3%A9sentation_mat%C3%A9rielle_du_manuel_Cap_Universit%C3%A9_fili%C3%A8re_des_Sciences

UNESCO (2006). Les enseignants et la qualité de l’éducation : suivi des besoins mondiaux d’ici 2015. Institut de statistique de l’UNESCO.

Notes

1 Le Programme d’ajustement structurel (terme dérivé de l'anglais structural adjustment) est un programme de réformes économiques que les Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale mettent en place pour permettre aux pays touchés par de grandes difficultés économiques de sortir de leur crise économique. Return to text

2 Compte Rendu des Premières Journées Pédagogiques organisées dans la perspective d’appliquer la réforme universitaire par l’Université Moulay Ismail-Meknès, l’École Nationale Supérieure d’Art et Métiers, les 21 et 22 février 2003. Document non publié. Return to text

3 Cette commission regroupe les coordonnateurs de l’enseignement des modules Langue et Communication dans les universités marocaines. Elle est soutenue par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement Supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique et la Conférence des présidents des Universités marocaines. Return to text

4 Nous faisons appel au manuel « Cap Université » conçu par une commission nationale composée de chercheurs marocains en s’alignant sur le modèle du Cadre Européen Commun de Référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2001) Return to text

5 À partir de la rentrée universitaire 2010, le centre de ressources en langues a pris en charge des parcours individualisés proposés aux étudiants (dont le nombre ne dépasse pas 20 apprenants) en fonction de leurs niveaux et de leurs disciplines. Il a été en fait activé sous l’égide d’un tuteur en visant la promotion du travail collaboratif. Return to text

References

Bibliographical reference

Najoua Maafi, « Réformes pédagogiques et principes méthodologiques pour l’enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire marocain : des perspectives d’adaptation », Didactique du FLES, 1:1 | 2022, 155-166.

Electronic reference

Najoua Maafi, « Réformes pédagogiques et principes méthodologiques pour l’enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire marocain : des perspectives d’adaptation », Didactique du FLES [Online], 1:1 | 2022, Online since 30 juin 2022, connection on 11 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/dfles/index.php?id=393

Author

Najoua Maafi

Najoua Maafi est professeure de TEC (Techniques d’Expression et de Communication) à l’École nationale de commerce et de gestion, université Hassan 2 de Casablanca et membre permanent du laboratoire de recherche LAMSO dans la même institution. Responsable qualité SMOE (certifiée Canada) et inscrite dans le cycle doctoral du laboratoire langage et Société, CNRST-URAC 56, université Ibn Tofail, Kénitra, l’auteure continue ses recherches dans le domaine de la didactique du FLE, du FOS/FOU et du CECRL. Elle s’intéresse en outre à la didactique de l’écrit en contexte universitaire.

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