Direction du numéro
Stéphanie Paul (CASNAV Strasbourg) et Nathalie Gettliffe (Université de Strasbourg, de Lorraine et de Haute-Alsace)
La date limite de soumission est le 15 septembre 2023
pour une publication en décembre 2023
Les propositions sont à envoyer à stephanie.paul@ac-strasbourg.fr et à ngettliffe@unistra.fr ainsi qu’à asso.rhenane.enseignants.fle@gmail.com.
La feuille de style se trouve sur le site de la revue à
https://ouvroir.fr/dfles/index.php?id=72.
La notion de français langue de scolarisation est apparue avec la réflexion menée sur le français langue seconde (FLS) et les travaux de Gérard Vigner qui, dans les années 80, relèvent que le FLS est « d’abord la langue de l’école » (1987, p. 45) et « une langue pour l’école » (1989, p. 41). En outre, l’article qu’il consacre à la place et aux conditions d’usage du français dans les pays francophones d’Afrique est intitulé Le français, langue de scolarisation (Vigner, 1989, p. 41-45), car « le caractère commun à toutes les situations où le français est en position de langue seconde, est de conférer au français un statut de langue de scolarisation » (Vigner, 1992, p. 40).
Dans les années 2000, Jean-Pierre Cuq & Fatima Davin-Chnane (2007, p. 13) observent que le français de scolarisation est devenu un des paramètres les plus importants du FLS, « au point de devenir un concept quasi autonome ». Les travaux de Michèle Verdelhan-Bourgade (2002 ; 2004 ; 2005) y ont fortement contribué. Dans son ouvrage, intitulé Le français de scolarisation. Pour une didactique réaliste (2002), elle note que le français de scolarisation « issu de la réflexion sur le FLS, lui-même issu de la réflexion sur le FLE, nous ramène au FLM qui partage avec le FLS la fonction d’apprentissage du et en français » (Verdelhan-Bourgade, 2002, p. 39). Michèle Verdelhan-Bourgade précise les contours de la notion et met en garde contre certaines confusions possibles entre français de scolarisation et français langue seconde puisqu’« un apprenant peut être en langue seconde et en langue de scolarisation : c’est le cas des élèves nouvellement arrivés à l’école française […]. Mais l’apprenant peut aussi être en langue de scolarisation sans être en langue seconde, cas des enfants scolarisés dont le français est langue maternelle. Enfin, tous les enfants, adolescents ou adultes non scolarisés, plongés en situation de langue seconde, ne relèvent pas dans leur langage de l’appellation français de scolarisation » (Verdelhan-Bourgade, 2004, p. 139).
En France, l’institution scolaire a tardé à adopter la notion de langue de scolarisation qui n’est apparue en France que dans les années 2000 avec l’édition d’un document d’accompagnement des programmes de français de niveau collège, intitulé Le français langue seconde (Viala, Bertrand & Vigner, 2000). Puis, les circulaires relatives à l’organisation de la scolarité des élèves allophones nouvellement arrivés (MEN, 2002 ; 2012) ont confirmé le statut du français comme langue de scolarisation et l’importance d’impliquer l’ensemble de l’équipe enseignante dans son enseignement. L’absence de sigle, puis les multiples hésitations quant à sa forme (FLSCo/FLScol/FLSCO/FLsco) montrent que la notion de français de scolarisation (désormais fixée en FLSco) a mis du temps à s’imposer dans le paysage universitaire comme auprès des enseignants (spécialisés ou non dans l’enseignement du FLS) pour qui les spécificités du français de scolarisation ne sont pas toujours appréhendées de manière exhaustive (Paul, 2022).
De son côté, les travaux du Conseil de l’Europe rappellent « l’importance des compétences en langue(s) de scolarisation pour l’équité et la qualité en éducation et pour la réussite scolaire » (Conseil de l’Europe, 2014). Cette recommandation CM/Rec(2014)5 du Comité des ministres aux États membres précise que les compétences en langue(s) de scolarisation sont à travailler plus particulièrement avec les apprenants qualifiés de vulnérables, i.e. « issus de milieux socio-économiques défavorisés » ou « ceux qui utilisent une autre langue pour la communication ordinaire ». Sur la plateforme de ressources et de références pour l’éducation plurilingue et interculturelle où un onglet est consacré aux langues de scolarisation, le Conseil de l’Europe diffuse un schéma, intitulé Les langues dans l’éducation et langues pour l’éducation (Conseil de l’Europe, 2009) qui attribue une place centrale aux langues de scolarisation tout en les liant, d’une part aux langues régionales, minoritaires et de la migration, et d’autre part aux langues étrangères vivantes et classiques. Ce schéma matérialise également les deux dimensions des langues de scolarisation, à la fois, « langues comme matière » enseignée (alphabétisation, lecture, écriture, littérature, réflexion sur la langue, etc.) et « langue(s) des autres matières », i.e. la/les langue(s) utilisée(s) pour enseigner d’autres disciplines, telles que les mathématiques, l’histoire, la géographie, etc. Ces deux dimensions rejoignent par ailleurs les objectifs visés dans le document d’accompagnement des programmes de français, intitulé Le français langue seconde (Viala, Bertrand & Vigner, 2000).
Malgré le nombre important de publications récentes (Klein, 2012, 2013 ; Jallerat, 2013 ; Cherqui et Peutot, 2015 ; Goï, 2015 ; Vigner, 2015 ; Corny, 2016 ; Beaugrand et Lecocq, 2018 ; Lecocq, 2018 ; Mendonça Dias, Azaoui & Chnane-Davin, 2020 ; Wauters, 2020) et l’injonction par certains auteurs de développer des compétences en métacommunication et en communication spécialisée dans les domaines disciplinaires, propres à l’école (qui se distinguent de la communication hors école) (Viala, Bertrand & Vigner, 2000, p. 8-9 ; Mendonça Dias & Million-Fauré, 2023), de nombreuses questions restent en suspens, notamment en ce qui concerne la manière dont les élèves doivent être familiarisés aux spécificités linguistiques et discursives du français de scolarisation. Comment les publics les plus vulnérables, qu’ils soient allophones ou non, sont entraînés aux savoirs, savoir-faire et savoir-être spécifiquement scolaires ? Comment, par exemple, faciliter la compréhension de la langue de scolarisation ou des codes scolaires (qui peuvent grandement différer de ceux d’un contexte extrascolaire ou d’une scolarisation dans un autre pays) ?
Ce numéro thématique vise à réunir des travaux de recherche menés sur le français de scolarisation. Des retours d’expériences, conduites auprès d’élèves allophones ou francophones confrontés aux difficultés de la langue de scolarisation, peuvent alimenter la revue. Des pratiques de classes en contexte ordinaire ou en dispositifs spécifiques, tels que les UPE2A ou des points de vue peuvent nourrir ce numéro. Les contributions attendues pourront s’inscrire dans les 5 axes suivants :
AXE 1 : le français de scolarisation dans différents contextes (France métropolitaine et d’outre-mer, Suisse, Belgique, Canada, etc.)
Quelles sont les pratiques d’enseignement et d’apprentissage, mises en œuvre dans différents pays francophones comme, par exemple, les leviers d’action proposés, en Belgique, par Nicole Wauters (2020) ?
AXE 2 : langue de scolarisation et éducation plurilingue et interculturelle
Les contributions attendues peuvent traiter, à l’instar des travaux de Christiane Perregaux (2004), de la nécessité de prendre appui sur la diversité linguistique et culturelle des élèves pour développer la langue commune de scolarisation.
AXE 3 : la communication spécialisée dans les enseignements disciplinaires
Lorsque le français est vecteur des enseignements disciplinaires, le français de scolarisation est constitué d’un lexique, de structures syntaxiques et de discours spécifiques (Duverger, 2009 et 2011 ; Demarty-Warzée, 2011 ; Vigner, 2015 ; Mendonça Dias & Million-Fauré, 2023). Comment la communication au service des apprentissages disciplinaires est-elle explicitement travaillée ?
AXE 4 : la communication à l’école
Guy Cherqui et Fabrice Peutot (2015, p. 116) qualifie le discours pédagogique « d’une interaction orale complexe ». La communication maître-élève revêt des formes spécifiques, distinctives des formes conversationnelles ordinaires. Comment les particularités de la communication scolaire sont-elles abordées et enseignées de manière explicite ?
AXE 5 : la métacommunication
Lorsque le français est objet d’apprentissage en cours de français, la communication diffère des pratiques langagières ordinaires. Selon Bernard Lahire (2000, p. 190) le langage est considéré à l’école comme « un objet étudiable en lui-même et pour lui-même » de sorte que le rapport à la langue se trouve modifié. Comment « la capacité de parler de la langue et la maîtrise des instruments métalinguistiques » (Viala, Bertrand & Vigner, 2000, p. 9) est-elle développée en classe ?