Partant du constat que des faits culturels sont véhiculés par la langue, l’enseignement d’une nouvelle langue doit également avoir pour but d’aider l’apprenant à interpréter ces éléments socioculturels et à développer une conscience culturelle. Apprendre une nouvelle langue implique alors une ouverture vers ses locuteurs et leurs pratiques culturelles, et un plurilinguisme/pluriculturalisme1.
Les multiples et complexes éléments cités dans la présentation de cette journée, repris dans la citation ci-dessus, tels que l’articulation langue/culture, l’ouverture, l’interprétation, la prise de conscience culturelle, etc. seront traités en termes de circularité, mouvement récurrent dans ce que je vais présenter dans cette contribution. L’idée de circularité, qui semble bien illustrer les deux termes du titre, éducation et transmission, est intéressante dans la mesure où elle permet d’observer la manière dont, dans les classes, les (futurs) enseignants de/en langues se préparent à accueillir l’autre et à gérer la rencontre entre le soi pluriel et l(es)’autre(s) pluriel(s) et comment se fait cette prise de conscience de l’altérité (linguistique et culturelle). Cette articulation/interaction entre le moi et l’(es) autre(s) doit être appréhendée comme une forme de médiation à la fois linguistique, relationnelle, cognitive2 et un passage obligé de ce grand projet qu’est l’éducation plurilingue et interculturelle, formulation qui, rappelons-le, « n’est pas celle d’un concept, mais celle d’un programme » (Beacco, 2022).
Dans ce mouvement circulaire, apprenant et enseignant ont des rôles différents, mais complémentaires. Si, d’une part, l’apprenant — sujet social — parallèlement à l’apprentissage de la nouvelle langue, va devoir gérer la multiplicité linguistique et culturelle (vécue et/ou environnante) afin de trouver un « entre deux/entre plusieurs » qui lui permet de vivre dans une nouvelle réalité sociale, d’autre part, l’enseignant — sujet social aussi — va également devoir gérer cette diversité mais différemment. Dans son rôle d’accueillant-médiateur-passeur, ce dernier doit en effet en amont comprendre, accepter et assumer la diversité qui l’habite et qui n’est pas toujours conscientisée. Il doit ensuite comprendre, accepter et assumer la diversité de l’autre qu’il doit accompagner dans le processus d’intégration sociale via l’apprentissage de la langue qu’il enseigne. La classe devient le lieu où enseignant et apprenant construisent et composent, autour de la diversité, un terrain commun.
Plus généralement, il s’agit, ainsi que le souligne Patrick Dahlet, d’inscrire le plurilinguisme « comme projet de société […] dans le sens même de l’histoire de chacun et de la complexité des passages et des émancipations que lui signifie son devenir plurilingue, contre les discours convenus » (2008, p. 24). Cela implique la gestion dynamique des langues et des cultures en contact/en présence dans l’espace formel qu’est la classe, quel que soit le dispositif d’enseignement/apprentissage et quel que soit le contexte géographique (en France ou à l’étranger) dans lequel l’enseignement/apprentissage de la langue se déroule. L’on comprend alors pourquoi la démarche se veut — nécessairement — circulaire et demande de prendre en compte les différents sujets engagés : l’interaction complexe qui s’établit entre le moi et l’(les) autre(s) doit être analysée en termes de réciprocité. Dans ce mouvement de va-et-vient, les langues assument un rôle essentiel. Dans le domaine dans lequel je m’inscris, c’est-à-dire la formation initiale des enseignants de/en langues, la prise en compte de la pluralité des langues et des cultures, qui sous-tend la construction d’identités plurielles, renvoie à ce que Cambra nomme un « socle de base de compétences » (2017, p. 241) pour tous les enseignants en tant qu’acteurs et générateurs d’une éducation plurilingue et interculturelle. Ce socle renvoie prioritairement à l’acquisition d’un habitus de « triple décentration3 » qui peut être défini comme une prise de conscience de la part des sujets impliqués dans ce mouvement de la « multiplicité des perspectives », de la « gestion du hors norme », c’est-à-dire « une prise de distance par rapport à leurs propres représentations. » (Cambra, 2017, p. 241).
Pour parler d’éducation plurilingue et interculturelle, je me situerai alors dans cette perspective formative et transformative en choisissant, dans la continuité de mes travaux, l’entrée par la formation initiale universitaire des enseignants de FLE et, plus largement des enseignants de/en langues en tant que lieu privilégié pour développer cette attention à l’autre, aux langues et aux cultures, favorisant de la sorte cette circularité. Le point nodal de mes réflexions est ce que Nathalie Auger a appelé, lors de sa conférence aux dernières journées COMPALANGUES (octobre 2021)4, le « discours formatif », ce qui implique forcément une modélisation des discours autour de la pluralité des langues et des cultures dans la formation des enseignants (donc dans la transmission du métier et des valeurs qui lui sont associées)5. Je reprendrai à mon compte cette notion pour désigner la mise en place d’une conscientisation et d’une posture assumée de l’enseignant-être pluriel.
La production des discours formatifs peut être visualisée de la manière suivante :
Cette figure tente d’expliciter les différentes étapes qui mènent progressivement au discours formatif et à sa modélisation. En combinant les principes, la diffusion et les nécessaires expérimentations, ce schéma renvoie à ce que Cambra dit au sujet de la professionnalisation des (futurs) enseignants :
Le professionnel en formation doit apprendre la réflexivité, se pencher sur ses objectifs et ses pratiques, les comparer aux résultats empiriques obtenus par la recherche et aux commentaires émis par les observateurs, formateurs et tuteurs. Ceci développe une capacité à problématiser les situations et à chercher des solutions, et aussi à prendre sérieusement des risques pour devenir créatif. (Cambra, 2017, p. 251)
Après avoir explicité les présupposés de départ, je déclinerai et approfondirai dans les pages qui suivent la modélisation du discours formatif à partir du contexte dans lequel je m’inscris.
En amont : quelques constats
Concernant le changement de regard sur la pluralité des sujets, des langues et des cultures, depuis plus d’une quinzaine d’années désormais, l’on constate dans notre domaine un certain nombre d’avancées et quelques tensions. Parmi les avancées, l’on remarque particulièrement :
- une ouverture assumée à la diversité linguistique et culturelle ainsi qu’un réinvestissement (inégal, certes) de la mise en œuvre de ce qu’on appelle couramment « les approches plurielles » dans les classes ;
- une prise en compte de la diversité linguistique et culturelle dans les programmes de formation universitaire (ce qui pose cependant le problème de la formation des formateurs de formateurs) ;
- l’élaboration d’un certain nombre de ressources pour la classe (tous les degrés de la maternelle à suivre) et pour les enseignants (les albums plurilingues, les sacs d’histoire, le PEL, les ateliers d’écriture, BILEM, le projet Livre ensemble, etc.) et pour la formation des futurs enseignants (CARAP, Combat, Marille, Maledive, DODILI, etc.). Ces ressources, dont l’utilisation est très variable, peuvent avoir une diffusion locale et/ou nationale, voire internationale ;
- une (re)connaissance et une valorisation graduelle des langues en contact et des répertoires diversifiés des apprenants de la part des enseignants et des différents acteurs institutionnels.
Ces constats m’amènent à dire que, concernant l’ensemble de la communauté éducative, un certain nombre de principes relevant d’une approche plurielle et interculturelle sont de fait réinvestis. Il s’ensuit que les différents acteurs sont désormais partie prenante dans ce programme (co)éducatif, y compris — dans certains projets et de plus en plus — les familles.
Cependant — et on en vient aux tensions — chez les (futurs) enseignants, malgré le grand nombre de ressources et d’outils, force est de constater une énorme difficulté à la didactisation des principes portés par les approches plurielles, ce qui renvoie à une forme d’insécurité méthodologique évidente. Vlad (2014, p. 379) pointe cette difficulté dans la didactisation et la transposition sur le terrain de ces pratiques et relève un point important : les principes de cette didactique « mettent à mal la didactique de la langue ou la didactique des langues prises à part » et c’est à cette didactique des langues prise à part que la plupart de nos étudiants futurs enseignants ont été exposés dans leur vécu scolaire et universitaire.
Si l’objectif de la formation initiale (et puis continue) est de fournir aux futurs enseignants un seuil de « sécurité méthodologique » — en plus d’un seuil de sécurité linguistique dans ce cas précis —, encore faut-il les amener à comprendre le pourquoi (les tenants et les aboutissants) des actions et postures pédagogiques prenant en compte la pluralité et les contacts des langues et des cultures dans la transmission de la langue objet d’apprentissage. Le « savoir pourquoi » et, pour reprendre les propos de Schön, « une réflexion en action sur le problème » (1983, p. 102) restent les éléments fondamentaux de ce processus. La question à se poser est alors : comment « le professionnel dans des situations complexes, inédites, nouvelles, devient capable de “reframe”, de “reconceptualiser”, la situation, d’élaborer d’autres façons de poser ou voir le problème et de développer à partir de là des hypothèses d’actions nouvelles — et non pas de le résoudre par application des savoirs. » (Schneuwly, 2015, p. 31). Habitués à considérer l’enseignement des langues avec un regard monolingue (Gajo, 2000) et, de ce fait, de manière cloisonnée (les « discours convenus » précédemment évoqués), le problème à résoudre, les pratiques à reconceptualiser concernent la prise de conscience, la problématisation, puis la gestion de cette pluralité inhérente aux classes multilingues. L’on revient alors à l’idée que la « formation est (doit être) transformatrice » (Cambra, 2003, 2007, 2014 ; Trimaille, 20216) en ce sens qu’elle doit progressivement amener le formé à modifier/déconstruire/reconstruire de manière dynamique et consciente ses propres représentations afin de penser et expérimenter d’autres pratiques d’enseignement. À cet égard, je citerai encore Vlad (2014, p. 380) lorsqu’elle dit que « la confrontation des enseignants en formation avec les approches plurielles permet le développement de la réflexivité enseignante, car le peu de stabilisation qui existe sur le terrain des pratiques plurielles engendre des choix qui obligent à la réflexion et à l’argumentation. ». Ainsi, comprendre et donner du sens à ces pratiques — en formation, puis en classe — permet de rendre clairs les objectifs visés et les enjeux des démarches plurielles et, en retour, de les légitimer, encore un exemple de circularité et réciprocité.
Vers une modélisation théorique du discours formatif
Comme je l’ai évoqué, le discours formatif demande à un moment donné une modélisation théorique. Dans le cadre d’une éducation plurilingue et interculturelle, Nathalie Auger a présenté une modélisation très détaillée en sept temps qui englobe les différents processus et les liens avec les différents niveaux et étapes, ce qu’elle appelle un « modèle holistique maximaliste » (2020, 2021) dont le but est de problématiser les outils et les démarches didactiques. Ce modèle est maximaliste car il prend en compte les différents degrés d’enseignement/apprentissage (de la maternelle à l’université) et les actions de l’ensemble de la communauté éducative7.
Dans mes recherches, et à un niveau plus micro, j’ai élaboré un modèle qui se veut une tentative pour passer des questionnements autour de la mise en place de pratiques innovantes à une véritable recherche-action-formation (Causa, Galligani & Vlad, 2014). Tout en s’adressant essentiellement à la formation initiale des enseignants de/en langue(s), il me semble que certaines convergences et complémentarités peuvent être dégagées avec le modèle holistique maximaliste mentionné ci-dessus. Le modèle formatif que j’ai élaboré (figure 2), et qui peut entrer dans l’idée de « socle de base de compétences » cité plus haut, se positionne comme une réflexion sur les actions à mener en formation initiale afin de sensibiliser et former les futurs enseignants (de FLE et de/en langues plus largement) à une vision plus globale de l’action pédagogique pour une éducation contextualisée plus ouverte à la pluralité. Comme tout modèle, il demande une contextualisation en fonction des terrains, des dispositifs, des publics, des langues enseignées et leurs statuts dans et en dehors des espaces d’enseignement/apprentissage (Causa, 2012a, 2012b, 2013 ; Causa, Galligani & Vlad, 2014).
C’est sur le carré médian, qui se focalise sur la formation à la pluralité et qui mise sur une adaptabilité professionnelle, que j’ai concentré mes recherches depuis une dizaine d’années (Causa, 2012a, 2012b, 2013, 2021). Les trois niveaux qui apparaissent dans le carré central sont repris brièvement8 ci-après :
- Le premier niveau est celui de la prise de conscience et de la compréhension de la notion générale de plurilinguisme et d’interculturel. Il doit mener les futurs enseignants, via une compréhension fine de ces concepts, à reconnaitre comme autant de valeurs positives la pluralité des langues et des cultures, les répertoires plurilingues, la complexité de ces répertoires et leur caractère évolutif.
- Le deuxième niveau est celui de la prise de conscience individuelle et de la réflexion sur la notion (savoir-être) et marque le passage du social à l’individuel. Il doit permettre aux futurs enseignants de s’identifier en tant que sujets plurilingues, d’accepter le plurilinguisme en tant que phénomène courant, présent dans l’histoire de chacun (cf. supra) et considérer la compétence plurilingue non pas comme une compétence de natif et de maitrise parfaite des langues constituant le répertoire linguistique. L’idée de compétence plurielle et partielle portée par le CECRL ne doit donc pas être envisagée en termes de « manque », mais de complémentarité (Grosjean, 2015) : chaque langue a un rôle et une fonction. Le changement de regard repose une fois de plus sur la modification des représentations et sur une prise de conscience « de la dimension socio-éducative de la fonction enseignante » (Cambra, 2017, p. 248).
- Le troisième niveau est le niveau de l’autonomie pédagogique qui marque chez l’enseignant le passage de la dimension individuelle à la dimension socio-éducative ; c’est à ce niveau-là que la circularité que j’ai mentionnée au début de cet article prend tout son sens. En d’autres termes, comprendre la notion de plurilinguisme, de compétence plurilingue et culturelle (niveau 1), se reconnaitre en tant que locuteur plurilingue et pluriculturel (niveau 2) favorise, en retour, la prise en compte de la variété et de la pluralité des répertoires linguistiques des apprenants9. De même, l’ouverture à la pluralité chez les (futurs) enseignants devrait permettre l’élaboration d’outils et de démarches pédagogiques dont l’objectif serait, entre autres, la modification d’habitudes d’enseignement/apprentissage monolingues. Ce troisième niveau, qui s’organise sur le long terme, est déclenché par un travail régulier, progressif et collaboratif qui « ne doit pas alourdir les contenus, mais redistribuer les expertises » (Cambra, 2017, p. 242).
Pour revenir aux dispositifs formatifs…
Je terminerai cette contribution en relatant une recherche que je mène actuellement avec ma collègue Stéphanie Galligani (Université Grenoble Alpes) auprès des étudiants inscrits en Master FLE à l’Université Bordeaux Montaigne. Cette recherche, dans laquelle les formés sont partie prenante, se propose d’expérimenter et de vérifier la validité du modèle via les actions et les outils formatifs que nous élaborons et utilisons dans un cours commun sur les approches plurielles des langues et des cultures en deuxième année de Master. Les résultats devraient à la fois alimenter/réajuster le modèle proposé et amener à la construction d’un discours formatif accessible et cohérent.
Notre analyse, qui n’est qu’à ses débuts, poursuit un triple objectif :
- Confronter la modélisation du processus formatif à la réalité de la formation ainsi qu’à la validité des principes formatifs qu’il sous-tend et aux outils formatifs utilisés ;
- Permettre d’avancer quelques conclusions sur les difficultés / tensions / représentations / perceptions ressenties par les étudiants-futurs enseignants lors de la confrontation à des publics diversifiés et à une didactique qui leur demande de s’ouvrir à la pluralité, notamment à des modèles qui n’ont pas été vécus/expérimentés auparavant et aux enjeux que ces rencontres avec d’autres réalités engagent ;
- Répondre à un certain nombre de questions laissées pour l’heure en suspens : le modèle proposé, respecte-t-il les étapes de formation, de conscientisation et de développement professionnel d’une approche relevant d’une didactique du plurilinguisme et d’une vision décloisonnée des langues ? Ce modèle participe-t-il à rendre visible l’idée de circularité et de réciprocité sur laquelle il se fonde ? Comment articuler ce principe avec les autres compétences développées en formation ?
Les premiers résultats confirment les constats avancés plus haut. Si l’élaboration de leur biographie langagière10 (tâche 1) est un vrai outil de réflexion et de conscientisation de leur « être plurilingue et pluriculturel », lorsque les étudiants sont confrontés à l’élaboration d’activités relevant des approches plurielles (tâche 2), ils ont dans la plupart des cas beaucoup de difficultés à en expliciter les objectifs, ils ne voient pas encore en quoi et pourquoi ces activités sont porteuses dans l’apprentissage de la langue qui est en train d’être apprise. Il est extrêmement compliqué pour eux de fixer un objectif général et de s’appuyer sur les langues en présence et en contact pour mieux avancer dans la langue objet d’apprentissage dans une perspective décloisonnée de cet enseignement.
La relation entre le développement langagier général et le développement de la langue en train d’être apprise, ce qui revient à l’hypothèse de l’interdépendance des développements linguistiques (Cummins, 1979 ; Dabène, 1994), n’est nullement évidente dans le passage de la théorie à la pratique, des modèles vécus aux nouveaux modèles de formation, de l’application à la problématisation. Ces points méritent toute notre attention : comprendre et décliner clairement les objectifs et les finalités des activités rendant compte de la pluralité linguistique et culturelle devient la clé de voute en formation initiale car ils favorisent le passage des stratégies d’imitation aux stratégies d’appropriation en passant par les stratégies d’expérimentation (de découverte et de traitement) (Causa, 2013). Pour cela, il nous semble essentiel d’introduire dans le travail de conception/conceptualisation des étudiants-futurs enseignants quelques lignes prioritaires :
- Insister sur le fait que les objectifs des approches plurielles sont très diversifiés (réflexion métalinguistique, mise en valeur des langues en contact, comparaison, reconnaissance des langues des élèves, appui sur les connaissances déjà là, etc.) et que ces objectifs varient selon les contextes (de Pietro, 202111).
- S’appuyer sur les référentiels existants afin de décliner les objectifs visés et les compétences à mettre en place de manière réfléchie selon les publics, les besoins et les programmes (surtout dans le contexte scolaire) ;
- Insister sur le fait que passer par des pratiques prenant en compte la pluralité des langues et des cultures ne doit pas faire perdre de vue la définition des « normes d’usage » de la langue enseignée/apprise (surtout le contexte scolaire) (idem). Autrement dit, valoriser les langues et les normes des apprenants ne signifie pas délaisser l’objectif principal de nos actions, c’est-à-dire l’enseignement de la langue cible, pour nous le français en tant que langue étrangère, avec toutes les déclinaisons possibles.
Les données devraient bien évidemment être complétées et prévoir notamment des visites dans les classes pendant les stages afin de voir comment le passage de modèles monolingues à des modèles plus ouverts à la pluralité s’actualise. Pour le moment, seul le mémoire permet de dégager les traces de l’actualisation de ces nouvelles compétences et savoir-être, ce qui reste insuffisant. Nous réfléchissons ainsi actuellement à des procédés et outils formatifs plus appropriés aux différents contextes qui permettront de mieux suivre, évaluer le modèle proposé et en suivre « en direct » l’évolution (Causa, Galligani, Sanchez-Quintana & Villa-Perez, 2022).
Les propositions et réflexions exposées ici visent toutes un même objectif formatif : transmettre en formation initiale l’idée, centrale, de circularité et de réciprocité dans la rencontre entre les individus, les langues et les cultures. Ce mouvement va au-delà des questionnements didactiques et ouvre/insiste sur l’aspect éthique de notre métier d’enseignants, de chercheurs et de formateurs prôné depuis longtemps par le Conseil de l’Europe (2014) et qui est consubstantiel aux langues et à leur enseignement/apprentissage.
Expérimenter de nouveaux dispositifs, problématiser à partir des différents contextes, se questionner sur la complexité de nos sociétés fait partie intégrante de notre engagement en tant que transmetteurs, médiateurs, passeurs, acteurs éducatifs. Le dénominateur commun de ces réflexions est la conviction qu’il n’est plus possible de penser aux langues comme à des ensembles isolés, ni de penser aux langues sans interroger la notion de transversalité/interdisciplinarité, ni aux formations en tant que processus stables et définitifs, mais plutôt comme des processus dynamiques. Cependant, il ne faut pas oublier que la circularité doit être appréhendée dans sa globalité : de l’individuel au collectif et du collectif à l’individuel, c’est ce que j’essaie de développer dans le modèle formatif présenté. Prendre en compte la circularité et la réciprocité n’efface aucunement les apports individuels et identitaires de chacun ; au contraire, cela les valorise dans la prise en compte des spécificités propres à chaque langue, à chaque culture, à chaque parcours, à chaque formation, etc. Par conséquent singulier et pluriel ne se trouvent pas dans une relation d’exclusion, mais de complémentarité (Causa, 2013)12 dans l’objectif commun d’un véritable « vivre ensemble »13.