Une enquête ethnographique entre 1968 et 1975
Paru pour la première fois en 1979 chez Gallimard, l’ouvrage Façons de dire, façons de faire. La laveuse, la couturière, la cuisinière (2024) a été réédité dans la collection « Essais », chez Folio. Il a été écrit par Yvonne Verdier, ethnologue prématurément disparue peu après la première parution du livre. De 1968 à 1975, elle avait participé à une enquête ethnographique conduite par le CNRS, en lien avec le séminaire de Claude Lévi-Strauss au Collège de France1, avec Tina Jolas, Françoise Zonabend, Marie-Claude Pingot (Zonabend, 2011), au village de Minot, en Côte d’Or (Bourgogne). Minot2 est un village qui compte actuellement un peu moins de 200 habitants et se trouve à une cinquantaine de kilomètres au nord de Dijon.
Toutes les quatre, elles ont régulièrement séjourné dans ce village et avaient pour objectif de montrer qu’on peut « étudier en ethnologue sa propre société » (Zonabend, 2011, p. 5). Il ne s’agissait pas de décrire « l’histoire d’un village », mais bien plutôt « ce que les gens de Minot avaient gardé en mémoire de leur propre histoire, de leurs façons de faire ou de leurs manières d’être ensemble » (Zonabend, 2011, p. 5). L’enquête s’est écrite sur la base d’un travail d’étude de photographies, de plans, de listes de végétaux du village, d’archives (photographies, archives locales, écrits en lien avec la région…) et entretiens portant sur les récits de vie des habitants pendant près d’un siècle (de 1880 à 1975).
Cette recherche a donné lieu à des publications figurant, entre autres, dans la bibliographie de l’article de Françoise Zonabend, qui raconte « comment Minot s’est écrit » (2011)3. Nous produisons donc ici une recension de l’ouvrage d’Yvonne Verdier uniquement, mais qui est à contextualiser au sein de cet ensemble de publications.
Contenu général de l’ouvrage
Dans l’avant-propos de l’ouvrage, Verdier indique que son objectif était de « saisir les caractères originaux de la position des femmes dans la société paysanne actuelle » (p. 16).
Le corps du livre de 393 pages est construit en six chapitres, aux intitulés évocateurs quant à l’orientation prise pour écrire l’enquête : « Physiologie », « Destins et coutumes », « La femme-qui-aide », « La couturière », « La cuisinière », « Tout faire ». Dans la partie centrale du livre figurent des photographies, des peintures (en particulier celles de Jean-François Millet4), des gravures, quelques schémas et dessins, (d’instruments de couture, par exemple), ainsi que des extraits de recensements, qui parcourent les chapitres. Dans les appendices sont présentées des listes de menus de noces, de 1921 à 1962. En toute fin de livre se trouvent des notes de bas de page, particulièrement développées et intéressantes par les références à des sources extérieures (archives diverses, écrits littéraires, régionaux, etc.) qui complètent les analyses. Ce sont 489 pages en tout qui constituent l’ensemble de l’ouvrage. Des auteurs comme Honoré de Balzac, George Eliot, Thomas Hardy, Émile Zola, sont régulièrement cités au fil de l’étude, avec une explicitation dans les notes. Ces auteurs sont contemporains des récits évoqués par les gens de Minot, et Verdier y fait référence lorsque certaines paroles, certains gestes, trouvent un écho dans la littérature qui décrit ces pratiques villageoises. Par exemple, lorsque la vie du lavoir s’exprime dans les récits qu’en font les femmes du village, dans les histoires qu’elles se transmettent au sein d’un langage propre à cette pratique :
Le linge sur lequel s’impriment toutes les souillures du corps tient un langage discret touchant à l’intimité, ceci à toutes les étapes de son entretien, du tri au séchage, et les laveuses ont cet œil de contrôleur des mœurs à quoi renvoie le commérage […] « Je me souviens des cancans de pays, elles [les laveuses] récupéraient une femme enceinte comme ça, c’était une spécialité. Les mois qu’elles ne voyaient pas le linge, elles disaient : « Oh ça y est, elle y a droit ! » Tous les pays c’était comme ça. Enfin moi, je mettais mes torchons dessus, je m’arrangeais pour que ça ne se voie pas.
(Verdier, 2024, p. 152)
Ce propos d’une femme de Minot est mis en lien avec un extrait de L’Assommoir, dans lequel une laveuse, qui travaille dans la blanchisserie de Gervaise, commente « les misères, les aventures des alcôves » : « Dans la boutique, à chaque triage, on déshabillait ainsi tout le quartier de la Goutte d’Or… » (Zola, 1974, p. 161). L’étude ethnographique présentée par Verdier peut donc aussi se lire comme une étude de pratiques (essentiellement assurées par des femmes) qui ont eu cours bien au-delà de Minot, et qui trouvent des points d’attache dans des représentations littéraires, picturales, de la vie villageoise de l’époque.
Parler le faire du quotidien
Ce qui traverse l’ensemble du livre, c’est un attachement à décrire des façons de parler le faire du quotidien, de parler les étapes de la vie, de parler comment on lave, comment on coud, comment on cuisine, et comment ces façons de vivre se transmettent entre générations de femmes. C’est « au cœur de la culture féminine » que Verdier s’emploie donc, pour reprendre ses propres mots, à « saisir le lien entre ce discours, ces gestes, ces techniques et les rôles qu’exercent les femmes » (p. 14). Dans la construction même du langage qui exprime leurs pratiques se trouve leur façon propre de parler le faire, de parler leur culture :
La langue insiste sur l’importance opératoire des gestes de ces femmes : « la femme-qui-aide, la mère Michel, autrefois elle faisait les bébés, elle faisait les morts » ; « au mois de mai, la cuisinière fait les communions », c’est elle qui « fait les noces » ; la couturière, elle, « fait la mariée ». En l’occurrence, en exerçant leurs fonctions et savoirs, elles « font » les passages, elles les accomplissent ; et il s’agit bien, on le verra, d’une fonction rituelle, d’une intervention nécessaire et opératoire. Tous ces gestes cérémoniels ainsi indéfinis – faire – s’appuient en effet sur un ordre normatif, celui de la coutume : ce qui se fait.
(Verdier, 2024, p. 89)
Comme y insiste Verdier, il s’agit d’abord d’agir, avant de parler : « la coutume n’est jamais expliquée, mais agie » (p. 90). Dans le travail des femmes ici décrit, il s’agit donc de faire la coutume, de faire la culture, pourrait-on dire.
Au cœur du livre se trouvent trois figures centrales : la femme-qui-aide, la couturière, la cuisinière. C’est à travers ces trois formes de travail féminin que se dessine en creux l’histoire du village, des femmes et des hommes qui l’habitent depuis un siècle. Lors de l’enquête menée par le CNRS, seule la cuisinière était encore en activité. La femme-qui-aide et la couturière ont raconté l’histoire de leur pratique, la manière dont elles l’ont apprise, lors des entretiens conduits pour la recherche, mais elles en étaient les dernières représentantes au village.
Trois figures centrales
L’ensemble du propos de Verdier se structure autour des trois portraits dont nous donnons quelques détails ci-après.
Tout d’abord, la femme-qui-aide. C’est une « matrone de village » (p. 98), dont la mère faisait la même chose en son temps : « c’est un peu de famille d’aller aider les autres », dit-elle pendant un entretien (p. 93). La transmission, ici, est générationnelle. La femme-qui-aide est toujours là pour aider à mettre au monde les bébés dans le village, en l’absence de sage-femme sur place. Elle aide à la mise en place des linges et des oreillers pour l’accouchement, à la toilette des bébés à leur naissance, au nettoyage des draps. Elle aide aussi à la toilette des morts : c’est elle qu’on appelle pour raser, habiller, mettre un drap blanc, le mettre au lit, cacher le visage, lui croiser les mains sur le ventre, lui mettre un chapelet, arrêter les horloges, poser un christ et une bougie allumée (p. 112). Au début du siècle, la femme-qui-aide est également laveuse de grande lessive de printemps et d’automne (la bui) dans les maisons où on l’appelle, et où « c’était toute une cérémonie » (p. 120), pendant trois journées d’affilée, en plusieurs phases : coulage dans un cuvier avec de la cendre, dans la chambre à four des maisons, puis frottage et rinçage au lavoir. De manière générale, celle qui aide les autres au village est une laveuse de linge associée à la physiologie, aux grandes étapes du calendrier de la vie (le changement de saison, les cycles féminins, la naissance, la mort) et à l’usage de l’eau.
Quant à la couturière du village, elle est chargée d’accueillir le temps d’un hiver les jeunes filles du village, chaque après-midi, pour les « éduquer ». Préalablement, au cours de leur enfance, les filles apprennent à tricoter lorsqu’elles gardent les animaux dans les champs, et à coudre lorsqu’elles sont à l’école. L’institutrice leur apprend à « ourler, surjeter, repriser, festonner, border une boutonnière, faire une bride, crocheter un châle ou une dentelle pour une garniture » (p. 201). L’enseignement de la couture figure dans les manuels d’instruction scolaire destinés aux filles (p. 199) et la marquette (un carré de point de croix avec l’alphabet et les chiffres, pour apprendre plus tard à « chiffrer » le linge et le marquer de ses initiales) est considéré comme le « chef-d’œuvre » de toute écolière (p. 202). Des images de ces marquettes sont présentées dans la partie centrale du livre. Vers l’âge de quinze ans a donc lieu l’éducation aux « usages du monde », aux « règles de civilité », lors de l’hiver passé à assister la couturière du village (p. 227), dans sa préparation des robes et des chapeaux pour les cérémonies. La couturière en question, Émilienne, ne travaille pas « à la journée » (p. 232) en se déplaçant dans des maisons pour rapiécer. Contrairement à celles qui raccommodent les chemises de toile dans les fermes dites « d’écart » (à l’écart du village), la figure décrite ici, connue de tout le monde, est une couturière « installée », qui fait la jeune fille, la mariée, la femme (p. 89). Lors de cette initiation « d’hiver » à l’usage d’aiguilles, d’épingles, qu’on ramasse au sol pour aider, et qu’on observe être posées sur les tissus par la couturière, initiation servant surtout de prétexte à apprendre à se comporter de manière à « entrer dans le monde » (p. 234), et après avoir appris à marquer leur linge, à tricoter, à « se conduire », les filles franchissent une étape vers un autre statut. Elles apprennent à devenir une jeune fille, qui va entrer prochainement dans une vie amoureuse (p. 274).
Enfin, la cuisinière, appelée la Delarche dans le livre, est celle qui fait les noces, les communions, les repas de famille (p. 89). Elle déclare avoir appris son art en observant. C’est un « art non écrit qui ne se décrit pas » (p. 318), et elle explique au cours des entretiens avec les chercheuses comment il s’apprend au village : « ça, la mère Michel, c’était une bonne cuisinière, elle n’a jamais appris mais elle se débrouillait » (p. 318), « ce que je vois faire une fois, je le fais ». À une question posée concernant ses secrets de cuisine, elle dit ceci :
On m’a écrit pour savoir comment je faisais ma galantine et mes carrés de porc sauce ivoire. Alors j’ai répondu : « c’est pas que je veux pas vous donner mes recettes, mais c’est trop compliqué, c’est vraiment trop long à expliquer sur une lettre. S’il fallait que j’explique comment on fait une galantine, tuer la poule, la dépiauter, arranger la viande, la mettre à mariner, reconstituer la poule, recoudre, faire le court-bouillon, il y en aurait une page comme ça !
(Verdier, 2024, p. 318)
L’observation de l’activité de la cuisinière pendant un repas de noces au village amène à lui demander de décrire deux faits ayant frappé les ethnologues : la manière dont elle ajuste sa pratique aux demandes actuelles des clients, en changeant le nom de certains plats, par exemple, pour répondre à l’envie de « sortir de l’ordinaire » (p. 306-307), en renommant un plat de poisson « Colin à la Marie Stuart » (p. 324) pour lui donner un goût d’ailleurs. Et la coutume de la « course aux mariés avec le pot de chambre », qui consiste en une soupe extravagante (p. 332) chargée de la symbolique de l’acte sexuel de la nuit de noces. La cuisine, ici, est décrite par Verdier comme associée à une autre étape de la vie, celle de la fécondité.
C’est à partir de ces trois figures que se structure l’ensemble du livre, et que se décrivent les récits de transmissions générationnelles, de moments de la vie du village, rythmés par ces activités dévolues aux femmes, qui, « pratiquées par les femmes elles-mêmes, leur donnent vocation de conduire les étapes de leur propre destin et d’en être les ouvrières » (p. 380). Au fil de l’étude des archives du recensement dans le village, les chercheuses ont observé plusieurs maisonnées sans hommes (en particulier en période de guerre). C’est pourquoi le dernier chapitre du livre s’intitule « Tout faire », parce que les femmes du village assument régulièrement l’ensemble de la gestion d’une maison, de laquelle « l’homme peut disparaître, la marmite bout ; autrement dit, à la limite, elles se suffisent » (p. 385). Le propos général du livre porte donc, au fil de ces récits sur ces façons de faire et ces façons de dire, sur la description d’un collectif de villageoises, description dont l’orientation laisse à penser qu’elles se définissent par elles-mêmes, dans un « univers organisé et régi par ses propres lois, lieu de souveraineté et d’autonomie des femmes » (p. 382).
Enjeux du livre
Au-delà de l’intérêt qu’il y a à lire cette étude pour elle-même, passionnante pour qui s’intéresse à une forme de vie villageoise dont les coutumes sont structurées par rapport au travail des champs, aux cycles des saisons et de la vie, aux pratiques du quotidien et à la manière dont on en parle, cette lecture pourra aussi constituer un exemple fructueux de description ethnographique des liens entre le langage et les « façons de faire ».
Dans l’avant-propos du livre, Verdier écrit, à propos des femmes de Minot, que « leur discours a ses raisons […] En leur parole, elles possèdent et l’intelligence de leur propre réalité et le don de la transmettre » (p. 16).
Faisons ici un lien avec une théorie en éducation, qui s’intéresse (entre autres) à la transmission de la culture, des pratiques. C’est en effet tout un jargon, tout un art de faire qui se trouve décrit dans ce livre, avec sa culture, ses gestes, ses techniques, ses récits de vie, ses modalités de transmission. Ces notions ont été travaillées en théorie de l’action conjointe en didactique, ou TACD (Sensevy, 2011 ; Collectif Didactique pour enseigner [= CDpE], 2019, 2024) pour exprimer l’ingéniosité pratique des personnes qui s’emploient à réussir ce qu’elles font, ce qu’elles ont appris à faire sur le temps long. Ces personnes, avec leur art de faire, sont des connaisseuses pratiques (CDpE, 2019) d’une certaine œuvre, elles ont développé une certaine intelligence de (CDpE, 2024) leur réalité et de la manière d’en parler. Ainsi, l’art de coudre la robe, l’art de laver le nouveau-né, sont des arts de faire issus d’une culture de la couture, d’une culture de la toilette. Les connaisseuses pratiques que sont la couturière et la femme-qui-aide, ont une intelligence de ces œuvres humaines que sont la couture et le soin, et cette intelligence est ancrée dans leur jargon, leurs « façons de dire » dans lesquelles figure en bonne place le verbe « faire » (d’où le titre de l’ouvrage de Verdier) : « faire la mariée », « faire les bébés », « faire la coutume ».
Bien souvent aussi, ce jargon est constitué de noms composés, associés par des traits d’union qui donnent à voir ensemble un lieu, un temps, une action. Par exemple, la façon de dire la surveillance des pâturages, par le jargon « aller-au-champ-les-vaches », qui se décline selon le moment de l’année, du jour, selon le lieu, selon les animaux gardés :
Aller-au-champ-les-vaches, paradigme de l’activité pastorale, car la simple permutation du substantif en finale permet de décliner toute l’économie de la garde. Se trouvent précisés les animaux gardés : « aller-au-champ-les-vaches », « aller-au-champ-les-moutons », ou même « aller-au-champ-les-bœufs » ; les lieux de pâturage : « aller-au-champ-les-bois » (on se souvient avoir mené les bêtes dans les bois lors de la grande sécheresse de 1893), « aller-au-champ-les-sapins »… le système agraire : « après la Toussaint, on ne gardait plus rien, on allait aux-champs-les-autres » ; les relations entre pâtres : « des fois, on se retrouvait à cinq, six, les parcelles étaient petites, et tout le monde avait des bouts, un peu partout, alors on allait aux-champs-l’un-vers-l’autre » ; et enfin le calendrier de la garde : « champs-la-journée ».
(Verdier, 2024, p. 188)
Le livre contient en fait, en germe, de nombreux exemples d’arts de faire du quotidien, d’arts de dire la vie du village de Minot, telle qu’elle s’accomplit au rythme des femmes. Arts documentés sur la base d’un matériau d’enquête ethnographique visant à décrire certains aspects de la position féminine dans la vie paysanne, il pourrait être tentant de s’interroger sur ce qui aurait pu être fait de « plus » ou de « mieux », afin de saisir plus concrètement ou plus précisément certaines choses. Un tel questionnement ne vise aucunement à critiquer des manques dans l’étude menée, mais bien plutôt à réfléchir à la manière dont des recherches actuelles, ou ayant une entrée différente, pourraient s’appuyer sur « Minot » pour travailler à leur propre documentation. Nous pensons par exemple au développement de films d’étude, appelés systèmes hybrides texte-image-son, dans les recherches en didactique précitées, qui visent à étudier, et à améliorer des dispositifs de transmission d’une culture (Sensevy, 2011 ; CDpE, 2019, 2024). Ou encore, au développement de descriptions de preuves de l’efficacité de leurs arts de faire, dans leur culture, par des connaisseurs pratiques (toujours en lien avec les recherches en didactique que nous venons d’évoquer, en TACD).
Il pourra être intéressant, dans le cadre de travaux visant à documenter des arts de faire, de regarder comment a pu s’organiser la description de ces façons de dire et de faire par Verdier, qui raconte ce que font les femmes de Minot, à partir de ce qu’elles en disent elles-mêmes dans une culture particulière, à partir de la généalogie didactique (Sensevy, 2011) de leurs pratiques, c’est-à-dire comment elles les ont apprises, comment elles les transmettent à leur tour. Cette description, qui prend sa source dans les centaines de pages d’entretiens, dans le millier de photographies (Zonabend, 2011), s’est aussi appuyée sur des observations directes (de la cuisinière), sur l’histoire des documents utilisés par les villageoises (par exemple, les manuels de couture), sur la littérature, la peinture, les chants associés à la vie paysanne de cette époque. Comprendre la culture du travail de ces femmes, ici, suppose de comprendre ensemble des façons de faire et des façons de dire, au sein d’une transmission intergénérationnelle, à travers des moments clés de la vie, et dans des lieux décrits avec finesse, comme lorsqu’on entre chez la femme-qui-aide :
Il faut traverser la salle du café, vide et silencieuse, vaste comme une salle de bal, dont l’unique meuble est un gros poêle posé au milieu ; on glisse sur des patins de feutre. La cuisine est au bout, exiguë, la fenêtre donnant sur le jardin. On s’assied autour de la table ronde, le dos à la pendule ; la Marcelline offre toujours le café.
(Verdier, 2024, p. 93)
Propice à la discussion, le moment du café, autour de la table de la cuisine, offre aussi un espace-temps emblématique d’une certaine manière de vivre, qu’on ethnographie avec ses affects, qui se ressentent à la lecture. Souvent l’ethnologue (et donc nous qui la lisons) semble se confondre avec les personnes du village, dans la formulation même de ses phrases, écrites dans un style indéfini, avec le pronom on pour raconter ce qu’on dit et ce qu’on fait au village, un on qui nous fait sentir à la fois presque chez soi, tout en étant ailleurs, un on qui nous rapproche des gens, et qui contribue in fine au plaisir qu’on a à lire les femmes de Minot.
