Éducation, inégalités et politique

p. 143-164

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Pour celles et ceux qui s’intéressent à l’éducation, aux inégalités et aux questions politiques, la rentrée éditoriale en septembre 2021 a été des plus riches avec deux ouvrages très stimulants : École publique et émancipation sociale de Laurence De Cock (2021) et Éducation démocratique de Christian Laval et Francis Vergne (2021). Ces deux productions ont en commun de répondre en réalité à une même question : que faire dans le monde éducatif aujourd’hui ? C’est pour cette raison que nous proposons une recension croisée de ces deux publications.

Plaidoyer pour une école publique au service de l’émancipation

Autrice bien connue des personnes s’intéressant aux questions éducatives, Laurence De Cock livre ici un livre-intervention à partir de la double casquette qui la caractérise : enseignante et chercheure. Elle est en effet « du bâtiment » (pour reprendre une formulation de l’historien Maurice Dommanget) tout en pouvant se targuer d’une visibilité scientifique. Il ne s’agit donc pas d’un essai mais davantage d’un texte délimitant une prise de position argumentée sur l’actualité éducative au prisme de différentes séries de travaux et de publications.

L’introduction revient tout d’abord sur le contexte de critique éducative dans les années 1970 pour évoquer les problèmes de l’actualité éducative en 2021. À cette occasion, elle fait remarquer que les réactionnaires d’aujourd’hui font référence aux « alternatives soixante-huitardes » pour insister sur leurs échecs. Dans ce contexte où l’école publique est embourbée dans ses limites et ses contradictions, ne pouvant faire face à ses adversaires, le terme d’« émancipation » est aujourd’hui un « mot galvaudé » dorénavant récupéré par certains néolibéraux (p. 10)1. Derrière la captation, la récupération et la neutralisation de ce terme le définissant comme « la libre entreprise de soi » en laissant sur le bas-côté la question du changement social, De Cock rappelle la portée réellement critique qui le caractérise :

Une véritable émancipation ne s’en tient pas à cette définition réductrice. Elle suppose une conscientisation des rapports de domination responsables de l’aliénation, suivie d’un travail collectif pour en abolir les fondements. L’émancipation sociale, comme individuelle, fait le pari de l’utilité du collectif, non comme cadre d’émulation par la concurrence, mais pour construire une coopération guidée par l’impératif de justice sociale et donc au service de celles et ceux qui en ont le plus besoin. De ceci naîtra une société plus juste, où l’idéal ne sera plus de s’élever au-dessus de la mêlée mais de privilégier le commun en supprimant les dominations.
(p. 11).

Pour l’autrice, il s’agit d’une « transformation sociale radicale » qui n’est pas étrangère à l’école. En tout cas, en théorie, puisqu’une grande partie du livre insiste sur l’éloignement de plus en plus grand entre l’École et les synergies portant sur les questions d’émancipation.

Le premier chapitre aborde le contexte de la COVID 19 qui apparaît comme un « analyseur » dévoilant l’état du système scolaire français et plus globalement celui de la société française. Durant les premières semaines de confinement, c’est un « basculement brutal vers l’inconnu » et plus globalement un « révélateur » de défaillances préexistant à la pandémie qui ont marqué la communauté éducative. De Cock évoque notamment « la fable du distanciel » (dont personne, sur le terrain en tout cas, n’était dupe) et les nombreuses formules magiques qui circulèrent alors. Il importait peu, finalement, que ce qui se présentait sous le trait d’une solution miraculeuse fut en réalité un problème supplémentaire. Quoi qu’il en soit, la communication était tenue et contrôlée. Un deuxième aspect a rapidement posé problème selon De Cock : la négation des réflexions issues du terrain, des communautés professionnelles et des syndicats (p. 21) alors que les difficultés et les décrochages se multipliaient. Quelques dispositifs furent envisagés, à l’image de l’idée de « nation apprenante ». Ce qui, théoriquement, pouvait parfois reposer sur des arguments intéressants, venait néanmoins compléter une séquence discursive (« startup nation », « nation apprenante », etc.) que l’on n’a pas fini d’étudier. Pendant ce temps, la situation des universités se détériorait avec des images choquantes, comme celles des files d’attente interminables des étudiants pour se nourrir (p. 28). Assurément, l’hospitalité des institutions éducatives est à cette occasion devenue une chimère2.

Le deuxième chapitre est l’occasion de décrire, dans un premier temps, la convergence de plusieurs réformes (bac et entrée dans l’enseignement supérieur) qui ont été déployées avant la crise sanitaire et ont survécu à ladite crise, comme si rien ne s’était passé entre-temps. La thèse défendue par l’autrice est que « les réformes menées depuis l’arrivée de Jean-Michel Blanquer ont été mises au service d’un projet qui doit être qualifié de “contre-démocratisation scolaire” » (p. 34). L’argumentation porte sur la mise en place de la réforme des lycées censée en finir avec le cloisonnement des anciennes filières ES, L et S mais qui obscurcit encore davantage le choix des options et leurs enjeux, d’autant que le choix réel de ces options n’est pas pleinement effectif sur tous les territoires. Dans un second temps, ce chapitre aborde la stratégie déployée en parallèle de ces réformes autour de partenariats et de liens avec des think thank (qui, au passage, en ont profité pour supplanter les réseaux de recherche scientifique et pédagogique) et certains courants de recherche (et plus particulièrement les sciences cognitives et les neurosciences). Ce que reproche ici De Cock, c’est non seulement la manière dont les réseaux pédagogiques, de nombreux courants de recherche en éducation, ainsi que les syndicats se sont retrouvés mis en marge des réflexions et des concertations, mais également la répression et la dissuasion qui ont pu être observées, d’après l’autrice, à divers niveaux du système éducatif. De Cock qualifie le processus global en jeu de « contre-démocratisation » car non seulement il ne peut pas, selon elle, permettre la démocratisation, mais par ailleurs, il limite la possibilité de faire émerger d’autres voix sur les questions scolaires et, enfin, car il rend possible le développement de l’école privée et des structures que l’on pourrait qualifier de structurellement sélectives (comme l’exemple des établissements publics locaux d’enseignement international/EPLEI).

Rompant ainsi avec la vision très idéalisée de l’histoire scolaire telle qu’elle est évoquée dans de nombreux discours et débats médiatiques au quotidien, Laurence De Cock consacre le troisième chapitre de son livre à une généalogie des contradictions en jeu au sein de l’école publique en France. À cette occasion elle parcourt l’histoire de l’éducation en France et l’évolution complexe du système éducatif en commençant par la période révolutionnaire puis en évoquant les lois scolaires de la IIIe République, Jean Zay et le plan Langevin-Wallon avant de décrire le nouveau « paradigme » émergeant dans les années 1960 : l’économie de l’école et l’industrie de l’enseignement (p. 85). Les dernières pages de ce chapitre reviennent sur l’importante littérature traitant de la reproduction des inégalités scolaires montrant par-delà l’évolution des structures du système éducatif et de la pédagogie, comment les inégalités devant l’école, à l’école et par l’école n’ont pas disparu, bien au contraire. En cela, De Cock répond indirectement à celles et ceux qui estiment qu’une certaine sociologie répand fatalisme et découragement en montrant, avec précisions, que ces travaux permettent au contraire de visualiser ce qu’il reste à faire au-delà de la bonne conscience et du déclaratif.

Dans le quatrième chapitre où notre collègue dénonce la « porosité entre écolo-libéralisme rural ou urbain et contournement scolaire par la bourgeoisie de gauche » (p. 152), l’autrice fait une focale sur l’Éducation Nouvelle et les écoles alternatives pour mettre en exergue certaines tensions et controverses. Le grand intérêt de ce passage est de délimiter une position faisant office d’alternative à deux formes de pensée que l’on pourrait simplifier en les formulant de la manière suivante : i) penser que toute « pédagogie alternative » peut sauver l’éducation (et le système éducatif) ; ii) estimer au contraire qu’il faut fuir le système éducatif pour se réfugier dans n’importe quel milieu estampillé « pédagogie alternative ». Cette partie s’ouvre sur le questionnement suivant : « Un pédagogue peut-il ignorer le monde dans lequel il vit et se désintéresser de celui qu’il souhaite voir émerger ? » (p. 99). Dans les pages qui suivent, Laurence De Cock insiste sur les débats, les différences de point de vue et la diversité des processus de réception en jeu dans l’histoire de l’Éducation Nouvelle. Au sein de cette « nébuleuse » et de cette polyphonie, elle s’attarde sur la radicalité et la force de certaines propositions d’Élise et Célestin Freinet (qui entendaient penser la pédagogie, ses enjeux sociaux et tout en participant à l’évolution de la société) pour insister sur le contraste entre cette position et notre actualité dans laquelle le discours pédagogique et certaines formules sont fréquemment détournées et vidées de leur substance. C’est bien la capacité de « digestion » et de « captation » du système qui est ici abordée, notamment lorsque les pensées et œuvres pédagogiques sont transformées en « outils » et en « innovations », sachant que ce phénomène est d’autant plus important qu’il s’ancre dans une conjoncture dans laquelle le changement est devenue une injonction. Alors qu’innover prend la forme d’un impératif catégorique (auquel il ne serait pas moral de déroger), on observe une dilution de la pédagogie dans un monde de plus en plus en marqué par le numérique et l’entrepreneuriat. L’intérêt de la lecture proposée est d’insister sur la superposition de deux processus : constat d’une dépolitisation de certaines réflexions, références et pratiques pédagogiques ; objectivation d’une repolitisation en profondeur des normes éducatives par l’idéologie néolibérale. Le dilemme pour les pédagogiques alternatives dites critiques serait alors le suivant : « rester à la porte » ou « se conformer au monde néolibéral » (p. 117). Ce n’est là qu’un des nombreux dilemmes qui se jouent actuellement autour des liens entre pédagogies dites « alternatives » et système éducatif public. Une autre question particulièrement vive est celle du croisement entre pensée critique en pédagogie et volonté de sortir de l’École. Ce type de réflexion n’a rien de nouveau et on pensera, à juste titre, à l’effervescence autour d’Illich dans les années 1970. Cependant, depuis plusieurs années, on assiste à la dissémination de plusieurs expériences éducatives se situant en dehors du système éducatif géré par l’État et faisant référence à cette notion d’alternative. Pour l’autrice, le double problème en jeu dans ces « espaces communautaires » très différents serait, d’une part, « la disparition de la centralité des savoirs comme garants de toute émancipation » (p. 124), et d’autre part, le fait que cela ne permet pas de questionner les inégalités et d’organiser l’action de l’École sur ces questions. L’autrice reconnait qu’il est certes légitime, pour les parents, de trouver d’autres espaces d’éducation lorsque sa progéniture est en souffrance dans l’institution scolaire. Seulement, le fait que certains milieux sociaux favorisés et certaines élites se détournent de l’École publique tout en continuant de se revendiquer des questions d’émancipation sociale est un phénomène qui interpelle nécessairement.

Au cœur du cinquième chapitre se trouve justement cette question de l’émancipation et du basculement d’une partie de la gauche en faveur d’une critique de la pédagogie et de la sociologie. De Cock rappelle en ouverture un des effets indirects et non voulus de la mise en place du Collège Unique avec la responsabilisation des individus en cas d’échec scolaire. Puisque la faute ne peut plus être attribuée aux structures ségrégatives de l’institution scolaire, elle ne peut être que le fait d’une moindre capacité ou d’un moindre travail. Le problème ne se pose réellement de cette manière, mais il est pensé et médiatisé par certain‑es de cette manière. Cette crise de l’enseignement secondaire dans le contexte de massification à l’œuvre depuis les années 1980 est l’objet de nombreuses publications, dont une des plus médiatisées fut l’ouvrage De l’école de Jean-Claude Milner qui, bien que faisant l’objet d’innombrables critiques lors de sa sortie, est devenue sur la durée l’arrière-plan de multiples déclarations sur la crise de l’école. Reprenant une formule de Grégory Chambat, De Cock évoque le phénomène de « conversion réacpublicaine de la gauche citoyenne » (p. 137) et, plus globalement, d’une démobilisation d’une partie de la gauche dans la lutte en faveur de l’émancipation sociale. Tout en reposant sur beaucoup d’approximations, l’ouvrage de Milner et les autres publications de ce type auraient, d’une certaine manière, gagné la bataille des idées, avant que la démobilisation des parents issus des classes sociales favorisées (en sortant leurs enfants du public) ne vienne aggraver la situation. De Cock pointe ici une des raisons qui expliquent, en partie, l’engouement pour les pédagogies alternatives depuis quelques années et le développement sans précédent d’un autre monde éducatif très organisé autour de maisons d’édition, de grandes figures et de réseaux structurés croisant développement personnel, écologie, éducation. Néanmoins, un problème majeur demeure : l’évincement de la question de l’école commune (p. 150).

C’est une véritable carte de champ de bataille qui est esquissée dans le 6e chapitre. De Cock prend explicitement position en faveur d’un « service public de la maternelle à l’université » (p. 154). Pour cela, une délimitation claire est exposée entre les dérives qu’il faut dorénavant éviter et les horizons pour lesquelles les mobilisations doivent continuer. Ainsi, il faudrait renoncer à vouloir utiliser l’école pour accroître le profit, être également attentif au langage et au détournement idéologique de certaines références et pratiques, protéger l’école des grands groupes financiers et commerciaux, et en finir avec les logiques de concurrence, de compétition et de classement. Elle énonce également des chantiers à assumer : architecture scolaire ; agencement de l’École comme un lieu de vie et un espace de travail ; articulation entre activités, savoirs et émancipation ; rétablissement d’une « juste place » de la laïcité, réflexion sur les programmes et leur élaboration pour les envisager comme « les supports de la démocratisation scolaire » (p. 180). Cette partie se clôt sur l’évocation de quelques pédagogues ayant tenté de penser l’éducation en lien avec l’émancipation sociale et sur lesquels il ne serait pas inutile de (re)travailler avec sérieux.

Pour et vers une éducation démocratique

Hasard des calendriers éditoriaux ou symptôme d’une conjoncture éducative complexe dont il convient de décrypter les lignes de « front », un autre ouvrage récent s’est distingué en abordant des thématiques très proches de celles mentionnées ci-dessus. Dans le champ de la recherche en éducation, Christian Laval et Francis Vergne sont des auteurs bien connus. En tant que binôme d’écriture, on leur doit notamment La Nouvelle école capitaliste (2011, avec Pierre Clément). En lien avec ses questions, Laval avait signé au préalable un ouvrage presque prémonitoire : L’école n’est pas une entreprise (2003). À l’heure actuelle, il s’agit de deux ouvrages faisant référence au sein de la communauté lorsqu’il s’agit de réfléchir aux liens entre le système éducatif et le néolibéralisme. Si le terme « néolibéral » est employé aujourd’hui dans une multitude de directions, l’usage de ce terme pour qualifier les politiques publiques contemporaines et la conjoncture actuelle est parfaitement contrôlé et argumenté chez Laval et ses collaborateurs. L’année 2021 voit émerger une nouvelle livraison particulièrement stimulante intitulée Éducation démocratique.

Cet ouvrage de 232 pages s’ouvre sur un constat d’urgence : « Nous sommes devant l’obligation de rompre avec l’ancien ordre du monde » (p. 5). L’introduction permet aux deux auteurs de rendre compte de la double crise de l’éducation dans laquelle nous sommes empêtrés : crise « sociale » (car les inégalités se sont creusées) et crise « politique » en lien avec la perte de l’idée de collectif (p. 7). Laval et Vergne estiment que c’est la démocratie radicale, seule, qui pourra nous permettre de surpasser cette double crise largement surdéterminée par le capitalisme qui contribue à la « démoralisation et la déresponsabilisation des individus à l’égard de la vie collective et de ses obligations » (id.). Si, à première vue, la terminologie « éducation démocratique » pouvait sembler évasive, il n’en est rien car, par démocratie, les auteurs entendent bien « la participation de tous et à tous niveaux aux décisions » (id.). Pour résumer la manière dont les problèmes sont délimités par les auteurs, on pourrait dire : i) l’École (dans sa forme « IIIe République »), marquée par l’enjeu de la démocratie dite représentative, n’est plus adaptée aux exigences de notre temps ; ii) la mise en œuvre des politiques néolibérales ont largement nuit à l’idée d’une service public d’enseignement en rendant possible le déploiement sans précédent du modèle de l’entreprise. Pour ces deux raisons, il est nécessaire de « repolitiser la question de l’école » (p. 10) et la démocratie doit être le maître-mot des réflexions et programmes à venir. En effet, le progressisme scolaire a rendu possible un phénomène majeur, la massification scolaire, sans que l’égalité des chances ne devienne réellement effective. Pire, un diagnostic partisan a fait de l’École et de ses savoirs dits « abstraits » la cause de ce ratage dépliant alors le tapis rouge à une autre manière de penser le changement dans l’École et par l’École. Dorénavant, « la conception utilitariste des études et la visée de l’employabilité constitueraient la voie démocratique par excellence » (p. 14). C’est bien parce que l’École ne peut insuffler, seule, le changement de la Société que les auteurs insistent sur deux aspects : éducation et démocratie. Par « démocratie », les auteurs font référence à « la caractéristique d’une société dans laquelle le principe de l’autogouvernement est étendu à toutes les institutions territoriales et productives, à toutes les activités collectives, qu’elles soient économiques, culturelles, éducatives » (p. 16-17). Les auteurs insistent sur ce que ce type de définition de la démocratique implique comme condition de possibilité : « la capacité des citoyens de réfléchir aux institutions désirables, leur pouvoir collectif de les changer si elles ne leur conviennent plus » (p. 17). Percevant dans l’enjeu de la démocratie un plus grand « pouvoir instituant » des citoyens, les auteurs estiment que le champ éducatif est un lieu fondamental à investir et à transformer. Après un bref détour par le philosophe américain John Dewey, les enjeux à ces réflexions sur l’éducation démocratique sont formulés en ces termes :

La tâche de l’éducation démocratique n’est pas donc pas seulement de faire sentir à tout individu qu’il est membre d’un groupe envers lequel il a des obligations, elle est aussi de lui apprendre à devenir un participant actif à la détermination collective des règles de la vie en commun, et plus généralement, un participant actif à la vie sociale et culturelle, à son renouvellement, à sa créativité.
(p. 19).

Dans cette cartographie des enjeux, il ne faudrait pas oublier la question écologique. La toile de fond de ces réflexions est le déploiement d’une véritable démocratie sociale et écologique, entendue ici comme « l’architecture d’une société dans laquelle les citoyens, en définissant eux-mêmes les choix qui conditionnent le bien-être collectif, fixent les limites aux activités et aux consommations nocives pour les milieux de vie » (p. 20). L’ouvrage en question traite donc de ces enjeux et revendique la formulation de « propositions offensives » (p. 21), car l’heure n’est plus aux positions défensives et de dénonciation, mais à la mise en place d’alternatives concrètes. En cela la position des auteurs est à contre-courant de ce qui traverse le champ scolaire et de l’enseignement supérieur : il ne s’agit pas de concevoir les réformes par en haut mais de « faire le pari de pratiques altératrices, conduites ou soutenues par des collectifs critiques d’enseignants et de chercheurs, en lien avec les principaux syndicats d’enseignants, de lycéens et d’étudiants et avec les associations de parents d’élèves » (p. 23). Dans cette optique, Laval et Vergne déploient un programme reposant sur cinq principes, chacun étant l’objet d’un chapitre spécifique, et qui renvoie à des pratiques et des réflexions qui pré-existent à notre actualité. Cet aspect illustre sans doute cette idée selon laquelle il s’agit moins d’inventer une solution miracle que de se réapproprier des initiatives et des synergies qui traversent déjà l’espace social, certains milieux et contextes nationaux.

C’est la liberté de penser qui constitue le premier principe énoncé par les auteurs. Par « liberté de penser », ces derniers font référence aux libertés académiques. C’est le problème du manque d’autonomie des milieux scolaires et universitaires qui est abordé.

Après avoir évoqué le caractère « public » de plusieurs institutions, les auteurs apportent quelques clarifications sur l’éducation laïque. Celle-ci ne doit pas être dévoyée dans un combat contre les religions et les croyants, mais elle doit être incontestablement une des conditions d’une éducation démocratique3. Il faut préciser que les auteurs ne réduisent pas la question de la liberté de penser à la question du rapport de l’École à la Religion (quelle qu’elle soit), mais abordent également le poids du néolibéralisme sur les institutions éducatives et universitaires sur cette liberté. Les institutions de savoir doivent être marquées par un « impératif de rationalité ». Les auteurs prennent le temps de bien préciser leur pensée : « Rationnel veut d’abord dire que l’enseignement est critique du sens commun, de l’opinion générale et des illusions idéologiques qui sont autant d’obstacles à la connaissance et au “sens du problème” » (p. 40-41). Ces considérations permettent aux auteurs de bien clarifier ce qui se joue dans la formulation « éducation démocratique » :

L’éducation démocratique doit doter les citoyens des moyens d’intelligibilité du monde et leur fournir des instruments de résistance aux tendances antidémocratiques et anti-égalitaires, inhérentes aux structures sociales et économiques dont nous héritons.
(p. 43).

C’est pour cette raison que l’école ne saurait être sans politique (p. 43), ce qui ne veut évidemment pas dire qu’elle soit au service du politique ou de la politique. Une difficulté majeure à ce sujet est formulée par Laval et Vergne en ces termes : « l’éducation ne peut être émancipatrice que si elle est elle-même émancipée de la pensée d’État » (p. 48). Les auteurs introduisent un problème qui nécessiterait un détour par la philosophie politique : peut-on échapper à l’État et comment se représenter l’État ? C’était sans doute le cœur de certaines réflexions althussériennes autour de la pensée de Gramsci et de la « société civile », mais les contemporains ont choisi, jusqu’alors, de ne pas tenir compte de ce type de réflexions. Le livre de Laval et Vergne ne s’attardent pas sur ces considérations philosophiques. Plusieurs lignes sont consacrées à un thème omniprésent depuis quelques mois, l’anthropocène, qui est venu bousculer les enjeux de l’éducation et de l’École. Or, ce sont des enjeux fondamentaux que l’éducation et l’École doivent aborder. En l’état, et avec l’État, peuvent-elles le faire avec suffisamment d’égard pour que le champ éducatif prenne conscience de la crise climatique et tente d’y répondre (à court, moyen et long terme) ? Ces détours constituent un moyen pour faire comprendre aux lecteurs que l’enjeu de liberté de penser ne se restreint pas à la question religieuse. Au contraire, elle est même une condition de l’éducation démocratique, car celle-ci doit se distinguer par sa « fonction critique » et sa « fonction d’imagination des mondes possibles » (p. 52), et elle concerne autant l’École que l’Université.

Dans les pages suivantes, les auteurs poursuivent leurs réflexions portant sur une éducation démocratique et insistent sur la place qu’il faudrait faire à la réflexion philosophique et à la préparation des futurs citoyens à la discussion publique. Ils évoquent également les enjeux autour d’une « université démocratique ». L’université devrait être un « lieu de résistance » (p. 56). Dans leur argumentation, les auteurs s’appuient sur les positions du philosophe Jacques Derrida pour qui « l’université sans condition » repose sur trois aspects : « la résistance aux pouvoirs ; l’universalité de l’accès ; le caractère cosmopolite » (p. 56). La redéfinition de l’enseignement et de la recherche est pensée comme « une condition fondamentale de la “démocratie à venir” » (id.). Laval et Vergne écrivent notamment : « Ce que nous appelons ici l’Université démocratique est une institution qui préserve les libertés académiques depuis les écoles maternelles jusqu’à l’enseignement supérieur » (id.). Ce premier principe (la liberté de penser) est donc en soi un programme monumental : « L’éducation démocratique du xxie siècle a pour boussole l’idéal d’une république universelle de la connaissance à l’heure du nouveau régime climatique, avec pour horizon une nouvelle citoyenneté mondiale » (p. 61).

La recherche de l’égalité dans l’accès à la culture et à la connaissance constitue un deuxième principe fondamental dans ce livre-programme sur l’éducation démocratique. D’apparence, ce principe semble « au travail ». Cependant, il convient de ne pas en rester au déclaratif et aux bonnes intentions. Pour cela, Laval et Vergne visualisent deux champs de bataille. Une première lutte a lieu à l’intérieur des institutions. Une seconde lutte se joue en dehors de ces institutions au sein de la société. L’énonciation de ce deuxième principe n’est pas étrangère à certains éléments de notre actualité. Laval et Vergne évoque notamment l’articulation entre « pauvreté » et « éducation », qu’il s’agisse de la situation des étudiants durant le premier confinement ou de la réalité de la pauvreté au quotidien à tous les niveaux de la scolarité4. Cette partie permet de clarifier la position des auteurs : il faut agir sur les conditions de vie des familles et de plus démunis tout en réfléchissant à l’« égalité réelle » dans les apprentissages. Ce deuxième principe constitue également un programme monumental puisqu’il traite du cadre économique des familles et également des questions éducatrices qui renvoient à différents chantiers (structuration du système, évaluation et rapport aux notes, pédagogie sensible aux enjeux sociaux, etc.). On lira avec intérêt comment les auteurs évoquent les liens entre pédagogie, égalité et inégalités, et surtout comment ils délimitent les conditions de possibilité d’une « pédagogie de l’égalité » qu’il reste à faire émerger.

Troisième principe : la mise en œuvre d’une culture commune. Ce que souhaitent les auteurs se présente comme radicalement différent de ce qui joue depuis plusieurs années dans le milieu éducatif dans lequel il est question de « socle minimal commun de compétences ». Laval et Vergne rappelle que la culture scolaire n’incarne pas seulement un héritage mais qu’elle porte également un idéal vers lequel on peut se projeter. Pendant plusieurs pages, les auteurs reprennent des arguments durkheimiens : l’éducation et l’École doivent contribuer à faire émerger des futurs citoyens qui pourront coopérer à partir d’une langue et d’une culture commune tout en veillant à entretenir la « diversité nécessaire » pour que des individus puissent faire société. Dans cette partie, les auteurs reviennent sur ce que peut englober une culture commune : transmission « de cette part nationale qui singularise les sociétés les unes des autres » tout en faisant une place « aux spécificités territoriales ou aux langues régionales ». Cette culture commune se doit d’être « nationale, plurielle et cosmopolite » (p. 116). À cet égard, les auteurs livrent des passages très stimulants sur la culture littéraire ou encore l’enseignement de l’histoire. Leur position est parfaitement claire : cette culture commune, démocratique et écologique doit être une alternative à deux logiques : « le néolibéralisme et le vieux nationalisme autoritaire » (p. 125). Pour cela, il serait nécessaire de réfléchir à nouveaux frais sur les savoirs, leurs évolutions, leur mise en lien et remettre en question certains principes hiérarchiques survalorisant certains savoirs en en dévalorisant d’autres.

La pédagogie est au cœur du chapitre suivant. Le quatrième principe consiste à faire émerger une pédagogie instituante. Les premières lignes de cette partie expliquent qu’il ne s’agit pas de revenir, pour la énième fois, sur un conflit entre partisans des méthodes actives et défenseurs de la pédagogie traditionnelle :

Ces disputes enferment aujourd’hui leurs auteurs dans un scolarisme qui masque la fonction réelle de l’école, elles empêchent la réflexion sur ce que devait être une école réellement démocratique.
(p. 141).

Ce qui est au cœur de ce chapitre, ce sont les pédagogies qui se sont attelées au développement des conduites de coopération et des rapports de solidarité chez les élèves en essayant de travailler à l’autonomie et à la formation des élèves à la participation des décisions collectives. Ces tentatives pédagogiques intéressent les auteurs car elles présentent « un double caractère » :

[…] elles sont « sociales », au sens où elles cherchent à développer une responsabilité envers le groupe et au-delà, envers la société, dans l’esprit de réciprocité ; elles sont « démocratiques », au sens où elles développent la participation effective des élèves à l’élaboration de la règle collective qu’ils intériorisent et qui les socialise.
(p. 141-142).

Pour évoquer ces pédagogies, Laval et Vergne ont créé une dénomination générique : « pédagogies instituantes ». Celles-ci se singularisent en faisant de la démocratie « un principe de fonctionnement de l’institution scolaire et de formation des élèves » (p. 142). Cette catégorie permet d’opérer une distinction avec les « autres » pédagogies, ou en tout cas les « autres » catégories pour désigner ces pédagogies. Dans cette partie, les auteurs reviennent tout d’abord sur la pédagogie Freinet puis les pédagogies institutionnelles et autogestionnaires. Au terme de ces pérégrinations, les auteurs estiment que « [la] grande leçon de cette pédagogie instituante, c’est que la démocratie s’apprend par la pratique de la démocratie » (p. 166). L’enjeu central de l’éducation démocratique, c’est donc de « développer la capacité délibérante et le pouvoir instituant des individus ». Évidemment, serait-on tenté d’écrire, cela ne peut passer que par des voies démocratiques, « et non par l’imposition hiérarchique des règles, le transvasement des savoirs entre les esprits ou la transcendance de la société incarnée dans la figure magistrale » (id.). L’intérêt porté par Laval et Vergne à certaines œuvres pédagogiques est conditionné par la conviction selon laquelle l’éducation démocratique a besoin d’une pédagogie démocratique reposant sur un « collectif vivant animé d’un désir pour le savoir » fondamentalement opposé à l’idée d’« individualisme compétitif ». Cette pédagogie est une recherche permanente et c’est aussi pour cela que les auteurs encouragent l’engagement de tous les enseignants dans une démarche de recherche et le déploiement de l’imagination pédagogique.

Enfin, cinquième principe : l’autogouvernement des institutions de savoir. Face à la bureaucratisation de ces institutions et à la multitude d’instances prenant des décisions sans prendre en compte la base des usagers et des travailleurs, l’énonciation de ce principe est une prise de position courageuse dans un monde universitaire marqué par la prédominance des processus de compétition (dont le plus important est sans doute le Classement de Shanghai) et des stratégies qui en découlent (concurrence à des niveaux multiples, stratégie de communication, mise en place de « grands établissements », etc.). Dans cette partie, Laval et Vergne reviennent sur le désenchantement contemporain à l’égard de l’institution scolaire (p. 182) et les multiples problèmes qui sous-tendent ce phénomène. Les deux auteurs proposent une réflexion profonde sur « l’architecture d’ensemble des institutions de savoir » en envisageant que tous les établissements d’enseignement se transforment « en commun éducatif » (p. 183). Pour y réfléchir, ils remettent en perspective plusieurs propositions de démocratie scolaire. Un premier modèle historique est celui de la formation des citoyens héritée des Lumières réinvestie par l’École d’État dans laquelle « l’instruction civique n’a jamais été un apprentissage réel de la démocratie » et dans laquelle « l’école ne s’est pas définie comme un lieu démocratique où l’on apprend par la pratique à devenir citoyen » (p. 190). Ici, la démocratie est surtout incarnée par l’indépendance supposée des savoirs et de leurs passeurs. Un deuxième modèle est à l’œuvre dans l’histoire socialiste et marxiste avec le refus de l’éducation étatisée et la valorisation de l’autoéducation du prolétariat. Un troisième modèle est reconnaissable au cœur même du projet de l’Éducation Nouvelle avec l’idée que l’autonomie pédagogique des élèves est la « condition de la démocratie moderne » (p. 190). Pour Laval et Vergne, ce sont ce genre de questions que Mai 68, symptôme d’une « crise de gouvernementalité » (p. 193), a insufflé dans la société française et en particulier dans les milieux éducatifs sans pour autant « l’inscrire durablement dans les institutions » (p. 192). Quelques rémanences de ces questionnements et expérimentations seraient toujours à l’œuvre. Après avoir évoqué l’œuvre contestataire et créatrice de certaines figures de l’ancienne université de Vincennes devenue Paris 8 (Lapassade, Lobrot, Lourau, Hess et d’autres), les auteurs font référence aux établissements expérimentaux créées lors des premières années du ministère Savary dans les années 1980. Si ces expériences autogestionnaires ont déjà fait l’objet de réflexions et de travaux universitaires5, il est indéniable qu’il faudrait des recherches d’envergure sur ces questions et sur leurs prolongements contemporains. Laval et Vergne regrettent que ces tentatives, même si certaines existent toujours, n’aient pas permis de « transformation de l’ordre scolaire ».

Malgré d’innombrables difficultés et une précarité grandissante, l’enseignement supérieur repose, d’une certaine manière, sur une conception démocratique de sa gouvernance et de son fonctionnement. C’est aux yeux des auteurs ce qu’il faudrait déployer pour toutes les institutions d’enseignement et de savoir. Ces évolutions relèvent presque de l’évidence car, comme l’écrivent les auteurs : « L’école n’est pas un supermarché, mais une institution fondamentale de la démocratie » (p. 203). Cette cinquième partie prend l’apparence d’un programme avec différentes mesures possibles : étendre à tous les niveaux d’enseignement le principe de collégialité (p. 204), envisager cette activité au service de la collectivité pour les enseignants et pour les élèves (p. 205), et garantir une place pour les parents dans cette nouvelle institution démocratique de l’école (p. 206). Ces évolutions ne seraient pas sans conséquences, puisque cela nécessiterait de penser, à nouveaux frais, la question de l’espace et du temps de l’école, pour faire émerger quelque chose d’inédit6. Ces réflexions se connectent implicitement à de multiples travaux et réflexions sur la vie scolaire, l’architecture ou encore sur le temps didactique et scolaire. Dans ces quelques pages, on notera la référence à Henri Lefebvre dont le travail est encore profondément actuel. Par ailleurs, les auteurs ont parfaitement raison d’insister sur le fait que l’école et les institutions de savoir ne sont pas en dehors de la société, dans le sens où ces évolutions institutionnelles profondes doivent aller de pair avec d’autres évolutions : l’autogouvernement éducatif doit être articulé avec un autogouvernement local (p. 214). Les lecteurs assidus des travaux de Christian Laval pourront faire le lien entre ces pages et un précédent ouvrage où il est question de « municipalisme » et de « communalisme » (Dardot et Laval, 2017).

Après l’énonciation de ces « orientations de réflexion, d’action et de création » (p. 219), une conclusion d’une demi-douzaine de pages rappelle l’urgence de la situation, notamment pour les enseignants. À ce contexte déprimant, Laval et Vergne répondent par cette phrase :

Donner un sens politique fort à ce qu’on fait constitue encore le meilleur moyen de ne pas se démoraliser devant la difficulté qu’il y a à simplement faire son travail, surtout lorsque la condition économique et la place symbolique des enseignants et des chercheurs ont été si rabaissées dans un grand nombre de pays dont la France.
(p. 220).

C’est d’autant plus nécessaire, aux yeux des auteurs, que la question politique est en réalité déjà là, avec la « subordination du métier à une hiérarchie de proximité » ayant pour corollaire le déploiement, sans précédent, de nouvelles normes amenant les enseignants « à se conduire comme de sinistres rouages d’une mécanique de transmission des impératifs économiques » (p. 222). Le livre se termine sur un appel à faire « l’expérience du commun en éducation » et dans la société (p. 223) via « un nouvel expérimentalisme éducatif dans la perspective de la révolution démocratique et dans les limites du possible » (p. 123).

Convergences éditoriales et lignes de fuites

Les deux ouvrages recensés posent implicitement une même question : que faire dans le monde éducatif aujourd’hui ? Une telle question nécessite de rendre compte d’une conjoncture et d’y repérer des obstacles, des rapports de forces et des possibles. De ce point de vue, un des mérites du livre de Laurence De Cock est à la fois le souci de la contextualisation et la clarté du positionnement. Dire et écrire ce que bon nombre de personnes observent sur le terrain constitue un autre élément que l’on peut souligner. Ce livre sur les enjeux de l’actualité éducative propose une intéressante articulation entre diagnostic de l’actualité et regards sur l’histoire de l’éducation. Évidemment, on peut aussi accueillir avec un concert de louanges le stimulant travail fourni par Laval et Vergne qui prend également appui sur différents travaux, diverses réflexions et expériences d’hier ou d’aujourd’hui. Les deux livres recensés énoncent des éléments de diagnostic et de problématisation du champ éducatif très convergents. Abordant conjointement les inégalités dans le champ éducatif et la politisation de la question éducative, ces deux ouvrages interpellent indirectement le monde de la recherche.

Que nous suggèrent ces deux livres (livre-intervention et livre-programme) au sujet de la recherche en éducation en 2021 ? Il ne semble pas abusif de voir dans ces deux livres un plaidoyer en faveur d’une recherche entendue comme une démarche critique et créatrice, pouvant s’emparer spécifiquement d’un certain nombre de questions, dont plusieurs nous intéressent au premier plan : les alternatives pédagogiques, la question politique et les inégalités.

Au-delà du mérite, il y a donc l’utilité. En insistant sur la question politique, ces deux ouvrages ne peuvent qu’interpeller les acteurs de la recherche en éducation, et en particulier celles et ceux qui officient dans la discipline universitaire des sciences de l’éducation et de la formation. Les deux livres recensés contribuent à faire émerger une problématisation des questions éducatives relativement explicite : description d’un contexte social, économique et politique français (et dans d’autres contextes nationaux) dans lequel l’autoritarisme prend le pas sur la démocratie, les inégalités sont omniprésentes et la question écologique devient urgente ; objectivation de la mainmise du néolibéralisme sur l’appareil scolaire et sur la forme scolaire ; clarification des enjeux de l’action éducative et au niveau de l’École et plus largement des institutions d’enseignement et de recherche. De fait, ces propos sont riches d’une philosophie politique (plus ou moins implicite) permettant de lire les problèmes actuels dans l’éducation. Il n’est pas illégitime d’estimer que cette explicitation des problèmes et des enjeux (à travers laquelle divers processus de reproduction, d’assujettissement ou de « surdétermination » sont plus ou moins évoqués par les auteurs) puisse sous-entendre, sans le dire explicitement, que les champs abordant les questions éducatives et scolaires (et en particulier la discipline des sciences de l’éducation et de la formation) peuvent eux-mêmes être traversés par des tendances antagonistes : celles œuvrant explicitement ou implicitement à la dépolitisation des questions éducatives et une accélération des processus engagés et celles tentant de défendre une lecture scientifique critique. Les luttes dans le champ n’ont rien de nouveau, mais rappeler et énoncer clairement cette situation permet de sensibiliser nos pairs et nos étudiants à la prolifération de manières de parler et de manières de penser qui n’ont rien d’anecdotique et sont même de plus en plus dominantes (autour du management, de l’entreprise, et bien d’autres éléments).

Un point commun aux deux ouvrages recensés est leur rapport à l’histoire des pédagogies. Cet aspect intéressera de nombreux collègues en sciences de l’éducation car cette histoire spécifique, qui fut longtemps au cœur de la discipline et des offres de formation, a parfois connu des difficultés pour se maintenir dans toutes les universités. S’il faut saluer ce geste (souvent réalisé avec brio), on peut néanmoins faire quelques remarques. Tout en étant une réussite, le livre de Laval et Vergne porte sous doute en lui un paradoxe : chercher à s’appuyer sur certaines œuvres et expériences éducatives du passé pour faire émerger une éducation démocratique et écologique tout en passant à côté de certaines réflexions pourtant très stimulantes. Ayant travaillé sur certains éléments en jeu dans cette partie, nous nous autoriserons quelques remarques qui ne remettent pas en question l’intérêt que nous portons depuis plusieurs années pour le travail et l’œuvre de Laval et Vergne. Si stimulante (et si primordiale) soient les passages sur les pédagogies, elle reprend pourtant certains « poncifs » (notamment sur le dépassement de la pédagogie Freinet par les pédagogies institutionnelles et autogestionnaires), ce qui empêche à ces réflexions d’être encore plus puissantes puisque cela ne permet pas de penser la force réelle et singulière de chacune de ces œuvres pédagogiques. La méconnaissance de l’évolution de la « Freinetologie » est selon nous problématique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les allusions à la pratique permettraient de gagner en nuances avant de réduire l’œuvre d’Élise et Célestin Freinet (la « machine Freinet ») à une simple tentative prometteuse mais inaccomplie. On ne saurait trop conseiller aux lecteurs de se pencher d’ailleurs sur l’ouvrage Freinet à Vence (Go, 2007). Ensuite, l’autogouvernement populaire (qui est au cœur du travail de Laval et Vergne) nécessite d’être voulu et désiré par le peuple, et cette question est justement abordée par des pédagogues comme Élise et Célestin Freinet. Les débats de la revue L’Éducateur Prolétarien dans les années 1930 (débats largement méconnus par de nombreux jeunes militants Freinet des années 1960) portaient sur la manière dont les conditions de vie et la santé impactent la volonté et annihilent « dans l’œuf » les premières inclinaisons en faveur de la lutte. C’est pour cette raison que les Freinet élaborèrent un milieu éducatif fondamentalement original en fondant l’École Freinet à Vence, une école nouvelle, privée, prolétarienne et naturiste (Go et Riondet, 2020). L’enjeu n’y était pas de réussir aux examens et d’obtenir des diplômes, mais de « régénérer le prolétariat ». Il s’agissait à la fois de compenser les conditions de vie des plus précaires et de faire du milieu éducatif un espace et une institution réellement hospitalière. Ces pratiques du « milieu paysager » (Go, 2006) pour contribuer à accueillir, comme il se doit, l’enfance quel que soit son visage sont en fait d’une brûlante actualité. S’il s’agissait de faire rencontrer les œuvres et productions humaines d’en autre manière et par d’autres situations d’apprentissage et d’enseignement, il était également question à cette époque d’incorporer un mode de vie et un rapport au monde. Il fallait ainsi acquérir des « techniques de vie » et réfléchir sur son alimentation, son mode de vie et sa manière d’habiter le monde quitte à réduire ses besoins trop artificiels. Ce qui est souvent mésestimé dans l’œuvre des Freinet, c’est justement cette articulation pédagogie/philosophie/politique qui caractérise les débuts de l’École Freinet à Vence dans l’Entre-deux-guerres. Certes, cette école n’est plus, aujourd’hui, « une école de classe » engagée dans la stratégie « classe contre classe » de l’Entre-deux-guerres, mais elle a gardé, d’une certaine manière, ce rapport à l’écologie qui est pourtant au cœur des réflexions de Laval et Vergne. Or, c’est cet aspect du rapport au corps et à la nature qui fut parfois raillé de certains militants Freinet qui ont produit ces commentaires caricaturaux sur la pédagogie et la philosophie d’Élise et Célestin Freinet (Go et Riondet, 2020). Rappelons-nous ces oppositions entre « école rurale » et « école de ville » au sein du monde pédagogique. Est-ce que justement l’enjeu écologique, aujourd’hui, n’est pas de faire émerger la nature au sein des blocs des bétons et des milieux fortement urbanisés et d’introduire la question du « paysage » (Go, 2006) au cœur des réflexions sur l’architecture scolaire et la pédagogie ? En réalité, il est sans doute possible de tirer profit, à la fois, des expériences des pédagogies institutionnelles et autogestionnaires et des apports de la pédagogie d’hier et d’aujourd’hui d’Élise et Célestin Freinet.

Cette réserve que nous formulons n’enlève rien à l’estime que nous portons au stimulant travail fourni par les auteurs. Au contraire, elle permet de formuler un enjeu majeur de la recherche sur ces questions pour prolonger les réflexions de Laval et Vergne. En effet, au-delà des mérites et de l’utilité des deux livres recensés, c’est une bien une véritable question épistémologique et méthodologique qui s’est invitée : pourquoi et comment étudier les pédagogies en marge de l’institution scolaire, ces pédagogies qualifiées parfois de « nouvelles » ou d’« alternatives » (alors qu’elles ont parfois de longue date, y compris dans le milieu ordinaire et l’École publique) ? En effet, face à la reproduction des inégalités et aux enjeux socio-politiques de l’actualité, De Cock, Laval et Vergne mettent au cœur de leurs réflexions les possibilités offertes par l’action éducative et la pédagogie. Les trois auteurs rappellent avec beaucoup de lucidité que la pédagogie n’est pas spontanément un levier pour réduire les inégalités et remédier à certains enjeux socio-économiques et politiques. C’est bien l’enjeu de l’étude des pédagogies dites « différentes », « alternatives », ou plus simplement « spécifiques », qui est au croisement de ces deux ouvrages. Certaines pédagogies peuvent être progressistes, d’autres non. Certaines manières de pratiquer certaines pédagogies peuvent être progressistes, d’autres non.

L’objet « pédagogies alternatives » se connecte plus ou moins fidèlement à d’autres formulations : « pédagogies différentes », « pédagogies spécifiques », « Éducation Nouvelle » ou encore « pédagogie active ». Bien que chacune de ces terminologies comporte des spécificités qui lui sont propres, elles renvoient à différents types de recherche : histoire des acteurs, des dispositifs et des expériences ; philosophie et histoire des idées pédagogiques ; recherche pédagogique sur les dispositifs, ethnographie de ces contextes éducatifs particuliers, objectivation didactique des pratiques, etc. L’ensemble de ces manières d’aborder ces objets converge vers un même objectif : circonscrire la spécificité de ce qui est en jeu. À l’évidence, cet objectif est plus ou moins bien pris en charge par les dispositifs méthodologiques et le travail d’enquête mais, indéniablement ces recherches répondent à des interrogations relativement simples. Qu’est-ce que c’est ? Qu’y a-t-il de singulier ? En quoi est-ce nouveau, spécifique, alternatif ? Par rapport à ces questions, il y a trois problèmes : le fait que la recherche puisse avoir deux visages ; le fait qu’une critique ou la valorisation de l’alternative ne font pas science ; le fait que la fragmentation disciplinaire peut nuire à la compréhension d’une pédagogie « spécifique », « différente » ou « alternative ».

Comment et pourquoi étudier les pédagogies « spécifiques » ?

Première remarque : la recherche en éducation (et donc, par la même occasion, la discipline des sciences de l’éducation et de la formation) peut être une courroie de transmission, un moyen d’accélérer les transformations dans le champ éducatif en vertu d’un modèle surdéterminé par les normes et idéologies dominantes, et plus particulièrement néolibérales (« idéologie » très largement contestée et critiquée par les auteurs des deux livres recensés), mais elle peut aussi être un moyen d’interpeller le monde social en objectivant ces évolutions et en rendant visible s des voies autres. Évidemment, une telle manière de représenter le champ peut apparaître caricaturale. C’est pour cette raison qu’il faudrait sans doute parler de tensions. Tel ou tel travail peut être plus ou moins habité par telle ou telle tension.

Deuxième remarque : d’une part, la science peut jouer le jeu de l’idéologie dominante et ne pas s’intéresser à certains aspects, mais certains travaux scientifiques traversés par cette idéologie dominante peuvent aussi s’accaparer et dénaturer des « alternatives » ; d’autre part, des scientifiques peuvent se revendiquer « critiques » et/ou « engagées » et ne pas travailler sérieusement certains objets relatifs à ces pédagogies. Dans ces deux premières remarques, on voit que l’étude des pédagogies « spécifiques » est un sujet important qui doit être mis sur la table car il ne suffit pas de s’intéresser à ces pédagogies pour produire nécessairement un travail scientifique, éthique et utile.

Troisième remarque : de nombreuses approches peuvent aborder tel ou tel aspect d’une pédagogie dite « spécifique ». En effet, la recherche a abordé ces objets de différentes manières. L’histoire des idées pédagogiques, souvent effectuée par des philosophes de formation à destination de futurs enseignants, a envisagé, à sa manière, la question des pédagogues et des pédagogies à partir d’une entrée sur les « idées pédagogiques ». Les collègues spécialisés sur l’histoire de l’Éducation Nouvelle, en déployant des approches plus historiques que philosophiques, ont également permis de mieux appréhender certains aspects des œuvres pédagogiques, en étudiant les itinéraires, les réseaux de sociabilité et le contexte des premières expériences pédagogiques. La recherche en didactique s’est aussi penchée sur la question et les chercheurs en sociologie et en psychologie s’investissent de plus en plus sur ces questions (Moody et al., 2021). Il est sans doute nécessaire de poser ici la question de la transdiciplinarité (traverser les champs disciplinaires pour faire émerger un style de recherche adapté au type d’objet en jeu) et la question des dialogues intra-disciplinaires qu’il peut y avoir en sciences de l’éducation et de la formation pour envisager comme un domaine propre à cette discipline l’objet d’étude des pédagogies « spécifiques ». Il s’agirait ici de surpasser le risque de fragmentation disciplinaire (par laquelle l’histoire, la philosophie, la sociologie, la didactique et toute autre discipline restent, malgré tout, des carcans et des corsets qui ne dialoguent qu’à de très rares occasions) pour délimiter les contours de ce qu’on pourrait appeler des sciences « créolisées » de l’éducation, pour reprendre la très belle expression du philosophe Jean-François Dupeyron. Cet enjeu est crucial dans un contexte intellectuel où l’on peut observer la relative invisibilisation éditoriale des productions en sciences de l’éducation, et notamment en histoire et en philosophie de l’éducation.

Pour répondre à ces enjeux et interrogations, il n’est pas inintéressant de partir de l’existant. Nous nous permettrons ici de rappeler que le collectif qui a travaillé sur l’École Freinet à Vence dans le prolongement des travaux d’Henri Louis Go (Go, 2006, 2007a, 2007b ; Gégout, 2017 ; Prot, 2018 ; Riondet, 2021) a œuvré pour justement produire de la connaissance afin de répondre sérieusement à ces questions et d’éviter les nombreuses réponses toutes faites qui circulaient dans l’espace social7. Ces recherches mobilisaient et faisaient dialoguer des approches plurielles : historique, philosophique, didactique, ethnographique. Ces collectifs n’étaient pas composés uniquement des chercheurs (dont d’ailleurs certains étaient d’anciens enseignants), il y avait également des enseignants en relation avec ces chercheurs. En réalité, ce que préconisent Laval et Vergne (lorsqu’ils évoquent des collectifs mêlant chercheurs et praticiens) existent en réalité déjà (notamment dans le champ de la didactique avec les ingénieries coopératives), mais il faudrait, en effet, que des collectifs de ce type prolifèrent en différents endroits pour faire évoluer les pratiques, ainsi que pour aborder avec précision et complexité les différentes œuvres pédagogiques spécifiques ou alternatives qui existent ici ou . Il s’agit d’objectiver la singularité de l’expérience originelle, décrire et comprendre ses évolutions, l’engouement, sa réception et son institutionnalisation, tout étant attentifs aux dérivations et aux dérives qui ont pu se produire. Il faut à la fois comprendre la genèse de ces œuvres et comment, parfois, elles ont été génétiquement modifiées (Go et Riondet, 2020). Tout cela est nécessaire pour continuer à savoir de quoi on parle et à quoi on se réfère, notamment dans une période où certains éléments de langage ont été captés par l’idéologie néolibérale. Ces quelques lignes permettent de comprendre l’importance de l’objectivation historico-philosophique mais également celle de l’objectivation ethno-didactique. De fait, une pédagogie « spécifique » ne peut s’étudier sans prendre compte les pratiques effectives. Dans l’optique des recherches évoquées dans ce paragraphe, l’observation, la compréhension et la description de ces pratiques nécessitent un séjour in situ relativement long, un appareillage méthodologique et conceptuel pour rendre compte du style pédagogique en jeu (qui renvoient à des « institutions didactiques » parfois très singulières et à des interactions éducatives et didactiques spécifiques), mais également un travail d’étude incluant la compréhension philosophique et historique du « monde de pensée » en jeu. Seule la profondeur de la description de ces pratiques permettra de tracer une ligne de démarcation entre les pratiques « correctes » et les pratiques approximatives des pédagogies dites « spécifiques », mais également entre les pédagogies dites « alternatives » œuvrant pour le bien de l’enfance et certaines valeurs effectives et celles faisant office de divertissement et de diversion pendant que s’organise la destruction de l’École publique. Le paradoxe, c’est que c’est sans doute au sein des sciences de l’éducation que ce type de travail à la fois pluri, inter et transdisciplinaire peut avoir lieu, mais c’est aussi au sein de cette même discipline que ce type de travail peut avoir le plus de difficultés pour se rendre visible (étant donné que ce type de champ est très marqué par la demande sociale et économique).

On peut évidemment estimer que dans le contexte actuel il devient nécessaire de croiser la connaissance des pédagogiques spécifiques/alternatives et la question des inégalités (et notamment les travaux en sociologie des inégalités et en sociologie du curriculum). Seulement, il est important d’anticiper ce croisement, cette rencontre, afin d’en maîtriser a minima les effets. Laval et Vergne évoquent cette question lorsqu’ils s’intéressent à une « pédagogie de l’égalité ». Il peut sembler en effet impératif, actuellement, de chercher à observer si les pratiques pédagogiques dites « spécifiques » favorisent ou entravent la « réussite scolaire » des élèves qui peuvent vivre dans des milieux sociaux, culturels et langagiers très différents. Il est également fondamental, au-delà des questions d’apprentissages réels dans ces situations et des éventuelles pratiques différenciatrices que l’on pourrait repérer, de travailler sur la manière dont les pédagogies spécifiques/alternatives se retrouvent au cœur d’un véritable marché scolaire et sont parfois utilisés pour permettre à certaines familles de sortir du public pour reconstituer un « entre-soi ». Néanmoins, il nous semble que ces recherches doivent être précédées d’un long travail d’objectivation et de compréhension des « mondes » et « styles pédagogiques » spécifiques qui, parfois, peuvent résister à certains angles d’étude et critères d’évaluation que l’on peut mobilier dans l’espace social (Gégout, Go et Riondet, 2016)8.

Ces quelques remarques n’empêchent pas de considérer les deux livres en présence comme des ouvrages importants posant des questions fondamentales au sein du champ éducatif. Il serait opportun que de nombreux collectifs de recherche se mettent en place, s’organisent et se rencontrent pour prolonger ce précieux travail. Comme l’énonce avec courage De Cock : malgré la récupération du terme « émancipation » par les néolibéraux9, il convient de se réapproprier cette notion et de l’accompagner d’une action éducative concrète. Reste à savoir comment la recherche en éducation peut y contribuer, et c’est cette interrogation que nous ont suggéré ces deux ouvrages. Sans doute peut-on identifier et hiérarchiser deux actions fondamentales : i) mise en place de synergies de recherche et de modèles d’objectivation pertinents pour rendre compte de ces pédagogies spécifiques (et mise en lumière de leur éventuel caractère progressiste, instituant, démocratique et écologique) ; ii) réflexions sur la captation du langage, l’assujettissement, le détournement des alternatives et résistances par l’idéologie dominante et les classes dominantes.

Références

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Tarragoni, F. (2021). Émancipation. Anamosa.

Notes

1 Nous renvoyons les lecteurs à l’ouvrage Émancipation (2021) de Federico Tarragoni, et en particulier aux passages portant sur « la réécriture néolibérale de l’émancipation ». Return to text

2 Cf. Go, H.L. et Riondet, X. (dir.), L’hospitalité en éducation. Nancy : PUN-Edulor. Return to text

3 « Entrer dans l’école de la démocratie, c’est accepter la supériorité des connaissances positives, des œuvres d’imagination et des lois humaines sur les articles de la foi, c’est accepter de penser par soi-même et donc de pratiquer le questionnement rationnel étendu à toute idée et en toute opinion, c’est refuser le primat de la croyance de Dieu dans les choses de l’intelligence et de la création » (2021, p. 37). Return to text

4 La pauvreté est incontestablement une des questions vives du champ éducatif. Cf. Go, H.L. et Riondet, X. (dir.), La pauvreté scolaire. Recherches & Éducations ; Ben Ayed, C. (dir.), Grande pauvreté, inégaités sociales et école. Sortir de la fatalité. Paris : Berger-Levrault. Return to text

5 Citons, sans être exhaustif, plusieurs références de mémoires et de thèses sur le Lycée Autogéré de Paris (L.A.P.) : Elman, B. (1995), Institutionnalisation et questions de temps au Lycée Autogéré de Paris, Mémoire de maîtrise de SDE, université Paris 8 ; Papantoniou, M. (2020). Éléments d’une analyse institutionnelle du Lycée Autogéré de Paris (LAP) : réflexion théorique et recherche ethnographique. Thèse de doctorat en SDE, université Paris 8 ; Patry, D. (2019). Histoire d’un idéal. L’autonomie des élèves dans l’enseignement public français (1959-2019) : les expériences de l’École Vitruve et du Lycée Autogéré de Paris. Thèse de doctorat en SDE, université de Montpellier ; Riondet, X. (2003). L’autogestion et les élèves en rupture avec le système « traditionnel », l’exemple du Lycée Autogéré de Paris en mai 2002. Mémoire en SDE, université Nancy 2. Return to text

6 « On pense autrement dans un palais que dans une chaumière » (cité par Laval et Vergne, 2021, p. 210). Return to text

7 À ces recherches sur l’École Freinet, il faut ajouter les recherches menées par Bérengère Kolly sur la pédagogie Montessori (Kolly, 2018a, 2018b, 2019, 2020) puisqu’elles reposent sur les deux versants d’objectivation évoqués dans le texte (historico-philosophique et ethno-ddidactique) en mobilisant des références proches et parfois identiques (notamment la Théorie de l’Action Conjointe en Didactique). Return to text

8 Pour certaines pédagogies, la « réussite scolaire » et le rapport à certains savoirs ne permettent pas toujours de se prononcer sur ce que peut faire ou rendre possible une pédagogie « spécifique » en termes d’apprentissages, de rapport au savoir ou au sujet des questions sociales et politiques. De la même manière, l’évaluation de tels savoirs, la réussite aux diplômes, le devenir professionnel et l’insertion ne peuvent être les seuls aspects en jeu lorsque l’on s’intéresse à ces pédagogies et leur éventuelle « pertinence ». Return to text

9 Tarragoni parle de « réécriture néolibérale de l’émancipation » (2021, p. 10-11). Return to text

References

Bibliographical reference

Xavier Riondet, « Éducation, inégalités et politique », La Pensée d’Ailleurs, 3 | 2021, 143-164.

Electronic reference

Xavier Riondet, « Éducation, inégalités et politique », La Pensée d’Ailleurs [Online], 3 | 2021, Online since 06 octobre 2022, connection on 11 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/lpa/index.php?id=178

Author

Xavier Riondet

PU, université Rennes2, CREAD (EA 3875). Chercheur associé à l’équipe Normes & Valeurs (LISEC UR 2310).

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