L’expérience sensible du corps en danse contemporaine en contexte de formation d’enseignants

Une voie vers l’égalité entre les personnes

DOI : 10.57086/lpa.882

Abstracts

Cette étude examine ce que notre dispositif sur lequel repose l’expérience de la pratique de la danse apporte à la réflexion sur l’égalité entre les personnes à l’école. Nous cherchons à éclairer en quoi ce dispositif permet de repenser les relations à l’Autre dans sa singularité et d’entrevoir des pistes pour favoriser cette égalité. Dans quelles mesures, dans le cadre de cette expérience, générer des relations égalitaires entre les personnes ? L’expérience a été menée auprès d’étudiants de master de première année du premier et du second degré lors d’un module de formation relatif à la place du corps à l’école. Les participants ont été confrontés à leur image et à celle des autres par le biais de l’enregistrement vidéo de la première séance de danse. Cette confrontation, lors des entretiens, a permis de faire émerger leurs ressentis à l’égard d’eux-mêmes puis ceux relatifs à la relation aux autres (notamment la rencontre et la construction des relations interindividuelles). L’analyse thématique des verbatims met en évidence que cette expérience a engendré des transformations motrices (en lâchant-prise, tout le corps conduit à des mouvements fluides) ; relationnelles (en considérant les autres comme des partenaires, la création chorégraphique est facilitée par l’écoute de la parole des autres) ; représentationnelles (en concevant la diversité des personnes comme un atout pour la création, la pratique de la danse devient un plaisir pour soi et des moments de partage avec les autres). Notre approche débouche ainsi sur de nouvelles perspectives d’une éducation plus égalitaire au sein de la formation des professeurs (du premier et du second degré) et entend générer un questionnement à ce sujet sur la forme scolaire.

This study examines what our device (based on the experience of dance practice) contributes to thinking about equality at school. Our aim is to shed light on how this device enables us to rethink our relationship with the Other in his or her singularity, and to suggest ways of promoting equality between people. In what ways can this experiment generate egalitarian relationships between people? The experiment was conducted with first-year master’s students in primary and secondary education, as part of a training module on the place of the body in school. The participants were confronted with their own image and that of others through a video recording of the first dance session. This confrontation, during the interviews, brought out their feelings about themselves, and then those relating to their relationships with others (in particular, meeting and building inter-individual relationships). A thematic analysis of the verbatims reveals that the experience generated motor transformations (by letting go, the whole body leads to fluid movements); relational transformations (by considering others as partners, choreographic creation is facilitated by listening to what others have to say); representational transformations (by conceiving the diversity of people as an asset for creation, dance practice becomes a pleasure for oneself and moments of sharing with others). Our approach thus opens up new prospects for a more egalitarian education within teacher training (primary and secondary), and aims to raise questions about the school form in this respect.

Outline

Text

Introduction

Cette étude examine ce qu’un dispositif mis à l’épreuve dans le cadre de la formation initiale d’enseignants apporte à la réflexion sur « l’égalité sans condition » (Sénac, 2015 ; Szerdahelyi, 2022) à l’école. L’étude de l’expérience subjective de la pratique de la danse (Kerlan et Lemonchois, 2017) est saisie au travers du principe de continuité de l’expérience (Dewey, 1968) qui invite à appréhender les pratiques dans une perspective dynamique par le biais du corps sensible (Necker et Filiod, 2014) et ce, en continuité avec les autres expériences qui nous forment.

En abordant l’égalité par l’observation des relations entre les personnes, nous nous démarquons d’une conceptualisation du genre pensée au regard des seules attitudes sexuées stéréotypées (Thorel-Hallez, 2023a) uniformes, couramment associées à la pratique de la danse. Par conséquent, notre parti-pris théorique est que la réflexion sur l’égalité passe nécessairement par un questionnement critique sur les catégories dans lesquelles et par lesquelles les groupes (de sexe, d’origine sociale, ethnique, d’orientation sexuelle…) sont amenés à se comparer et à se hiérarchiser. Cette hiérarchisation sous forme binaire relatif au « système de genre » (Parini, 2006) valorise le masculin au détriment du féminin, ce qui rend les relations inégalitaires, et ce, aussi bien dans les pays dits du Nord que ceux dits du Sud (Lange, 2023). Pour Sénac (2022) « afin de déconstruire les inégalités, il est ainsi nécessaire de dépasser les catégorisations, présentes dès l’enfance, déterminant ce qui est considéré comme possible et pensable » (p. 16). Le genre peut ainsi être appréhendé « comme un rapport de pouvoir qui assure sa reproduction en partie grâce aux mutations du système catégoriel qu’il produit et sur lequel il s’adosse » (Dorlin, 2021, p. 57).

Or les pratiques artistiques, et plus encore les pratiques de danse contemporaine, sont un terrain propice à l’éclatement des catégorisations puisque, quelle que soit l’époque considérée, les danses peuvent se différencier (entre elles et au sein d’un même style), se combiner (tout en étant différentes) ou s’éloigner des canons esthétiques d’un style particulier. C’est ce que l’histoire de la danse en Occident (Cappelle, 2020) nous rappelle :

L’histoire du mouvement est bien plus complexe, des techniques et des pratiques très différentes peuvent exister de manière concomitante. Certaines entretiennent un lien fort avec la notion de tradition, ou font écho à des idées déjà esquissées puis disparues ; on peut être classique et créer à l’orée du xxie siècle, de la même manière que les avant-gardes de l’entre-deux-guerres et certaines formes contemporaines sont susceptibles de se répondre au-delà des labels.
(Cappelle, p. 10)

Ainsi « désapprendre » (Chopin et Saladin, 2017) ici l’incorporation d’attitudes genrées au sein même d’une pratique de danse – au même titre que le font les praticiens de danse contemporaine issus d’une tradition classique – est une condition pour faire émerger un corps nouveau au fur et à mesure des expériences subjectives vécues. Ces expériences ouvrent ainsi à des relations diversifiées, posant les jalons de possibles relations égalitaires.

Par conséquent, et en écho aux travaux de Glicenstein (2022), nous nous posons ces questions. Peut-on penser autrement la forme scolaire qui s’enrichirait d’un « entre-deux » entre un apprentissage nécessaire de codes et de valeurs inhérents au milieu de l’art et en même temps qui s’affranchirait suffisamment de ces codes pour faire « réfléchir autrement, à cultiver leur curiosité (des formés) et leur inventivité » (Ibid. p. 70) ? Les écoles supérieures de formation en art peuvent-elles être une voie de réflexion et un terrain d’expériences et de problématisation pour la formation des enseignants au sein des INSPE1 ? En quoi les méthodes et les contenus de formation dispensés au sein des instituts de formation en danse peuvent-ils permettre l’élaboration d’un rapport aux autres délesté des images préconçues du féminin et du masculin dans le système de formation des enseignants français de l’école primaire et du secondaire ? Dans quelles mesures un travail sur le corps sensible au sein de la formation initiale des enseignants, par le biais de la danse, peut-il permettre d’observer des corps disponibles à une « humanité de la rencontre » (Schaller, 2016), une voie d’accès à l’égalité ?

Nous empruntons la formule de Heinich (1998)2 en essayant de comprendre ce que l’art, ici la danse, fait aux relations entre les personnes. Depuis l’implicite suggéré par les pratiques et leurs inégalités, nous questionnons d’une part les interactions entre types de communications relatifs aux contenus d’enseignement, et d’autre part l’agencement des relations entre les personnes dans cet espace de danse (Briginshaw, 2001). Ainsi la danse, par les principes et les valeurs véhiculés (respect du corps de l’autre, écoute, acceptation du regard de l’autre…) peut contribuer à la formation à l’égalité (Léchenet, Baurens et Collet, 2016 ; Marro et Pasquier, 2019) entre les personnes. Mais de quelle égalité parle-t-on ? « Celle de l’identique, celle des différences ou celle des similarités » (Szerdahelyi, 2022, p. 31) ? Si les travaux sur l’égalité à l’école montrent un « flou institutionnel autour du projet d’égalité » (Ibid, p. 32), la voie vers une égalité réelle demande de réfléchir aux conditions qui la permettent. Celles-ci demandent une clarification de la notion et par conséquent de mettre en tension le politique et le pédagogique et de réfléchir en termes de pratiques et de pédagogies transformatrices (Ibid, p. 32-33). En considérant les personnes comme des semblables (Sénac, 2019), nous nous démarquons ainsi des catégories homme/femme, fille/garçon, des assignations sexuées et des normes de genre productrices d’inégalités. Ainsi « réaliser une égalité sans condition serait de permettre à chaque individu·e de s’ouvrir à la richesse de toutes les diversités possibles » (Mosconi, 2022, p. 93).

Cette option soulève deux questions : la première est celle de la tolérance de l’école à accepter d’autres façons d’entrer en relation avec les autres par le biais de l’apprentissage de nouvelles formes de rapport au corps, à l’espace et au genre ; la seconde interroge ce que ces expériences apportent à une réflexion sur une autre manière de penser la forme scolaire (Go, 2007 ; Go et Prot, 2023) et le curriculum de formation des enseignants.

Dans cet article nous cherchons à éclairer en quoi le dispositif explicité ci-après permet de repenser les relations à l’Autre dans sa singularité et d’entrevoir des pistes pour favoriser l’égalité entre les personnes. Ainsi pour penser la danse à l’école comme pratique artistique possiblement égalitaire, quel cadre conceptuel pour penser l’objet théorique et l’objet scolaire ?

Pour ce faire, dans un premier temps, nous discutons des notions clés qui gravitent autour de la notion d’expériences (genre, cultures, espace-relations) sur lesquelles reposent notre cadre conceptuel. Dans un second temps, du point de vue de la méthodologie, nos procédés et outils d’analyse sont ensuite présentés au regard de la place accordée à la subjectivité de l’expérience corporelle des participants. Dans un troisième temps, nous montrons comment notre approche conduit à éclairer de manière singulière l’égalité entre personnes. En prenant le corps sensible comme focale d’observation et d’analyse des relations entre les personnes, cette étude ouvre une voie de réflexion sur de nouvelles perspectives d’une éducation non genrée qui tend par conséquent vers une égalité réelle (Thorel-Hallez, 2023b) au sein de la formation de professeurs (du premier et du second degré).

1. Cadre conceptuel

Le point de départ de notre questionnement est de sortir du regard des corps observés sous l’aune du féminin-masculin marqueur habituel des stéréotypes sexués et des inégalités dues au genre. La focale d’observation et d’analyse est le lien entre corps et espace en danse, sources de caractérisation de relations égalitaires ou inégalitaires.

La recherche exploratoire sur laquelle repose cet écrit a été originellement centrée sur deux questions :

En quoi et à quelles conditions un travail sur l’espace en danse peut-il favoriser les relations à l’autre et l’égalité entre les personnes ? En quoi un dispositif particulier permet de se percevoir dans toute sa singularité tout en faisant partie d’un ensemble d’individus semblables (Sénac, 2019) en train de danser ?

Ces questions sont à examiner au regard de la notion d’expérience. L’expérience dynamique décrite par Dewey (1934) interroge les frontières entre l’art et la vie. En contexte d’éducation sa théorie de l’expérience, à condition qu’elle soit pleinement accomplie, « est le prototype de l’expérience esthétique » (Kerlan et Lemonchois, 2017, p. 98) du point de vue de la rencontre avec les œuvres et avec les autres ; et à l’inverse, « si l’on veut comprendre ce qu’est l’expérience esthétique, c’est dans l’expérience ordinaire, pleinement accomplie, qu’on trouvera la réponse » (Kerlan, 2021a, p. 47). De ce fait les pratiques artistiques comme les pratiques enseignantes sont des pratiques « existentiellement et socialement marquées » (Kerlan et Lemonchois, 2017, p. 97). Ainsi conjuguée cette réalité fait de l’expérience un éprouvé ; une mise en jeu corporelle (faire) ; une capacité à lire et à apprécier les œuvres (penser).

De cette manière l’expérience « est appréhendée comme un processus de “construction de sens” » (Bourgeois et al, 2013 p. 5) en conjuguant ces trois dimensions. Ce sont ces trois dimensions combinées (action, éprouvé, pensée) qui conditionnent l’effet transformateur de l’expérience sur l’individu et la mise en mouvement de son rapport à soi et au monde (Barbier, 2009).

Ce processus inclut une dimension interactionnelle : la relation aux autres (Mayen et Mayeux, 2003) et à l’environnement (Barbier, 2009). Pour cette raison, le module de formation des enseignants que nous avons mis en place est pensé comme un laboratoire où la pratique permet une théorisation de l’action (Vergnaud, 2004).

Deux inflexions de l’expérience nous semblent fécondes pour faire advenir un tel objet de recherche : entrer en relation par le biais du corps. L’expérience esthétique et l’expérience culturelle (Kerlan et Lemonchois, 2017) participent toutes deux à repenser la place de l’expérience dans le métier et la formation des enseignants qui met à l’épreuve également l’expérience de soi et de l’Autre. Ainsi l’expérience culturelle, selon ces auteurs, revient à décrire « l’expérience vécue à travers des objets et des lieux de culture » (Ibid. p. 105).

Nous discutons alors du concept d’expérience qui traverse trois notions : genre ; culture(s) ; espaces-relations.

1.1. Quelle conception du genre pour penser l’égalité ?

L’organisation binaire et hiérarchisée du monde social, qui se reflète au sein de l’école, est un formidable outil d’observation et d’analyse des inégalités. Prendre la focale du genre comme outil d’observation des rapports hiérarchiques est donc un levier d’action pour transformer la réalité (Lépinard et Lieber, 2020 ; Clair, 2023). La persistance des catégories femme/homme, fille/garçon dans les débats occidentaux contemporains (Lemarchand et Salle, 2023) influe sur la possibilité de réfléchir autrement les rapports de genre. Nous appréhendons en effet ces rapports de genre comme des rapports de pouvoir qui existent au sein des relations humaines indépendamment des marqueurs du féminin et du masculin.

Pour penser l’égalité, nous proposons de réfléchir en termes de pratiques de rapports et de relations que les personnes mettent en œuvre. Pour cette raison le genre est interrogé en tant qu’objet basé sur des représentations sociales et culturelles différentes en lien avec des usages fluctuants de « présentation de soi » (Goffman, 1973) dont les signes produits sont arbitraires. Nous prenons cette posture en nous appuyant sur les travaux anthropologiques de Mead (2004) en particulier, qui ont montré des différences des rôles et des statuts des femmes et des hommes au sein même de groupes proches culturellement. Le genre est ainsi appréhendé par les relations et non par les attitudes sexuées stéréotypées. Autrement dit « ce qui a un genre, (…) ce ne sont pas les personnes elles-mêmes, mais les actions et les relations que ces personnes mettent en œuvre » (Théry, 2010, p. 104) qui sont variables selon les sociétés.

Cette conception permet un élargissement au-delà d’une conception occidentale qui examine habituellement le genre selon deux groupes de sexe immuables du point de vue des actions conditionnées par le genre. Il ne s’agit pas de nier le sexe et de rendre les individus uniformes mais de ne pas tomber dans le piège d’un réductionnisme qui ne parvient pas, jusqu’alors, à résoudre les inégalités dues, en partie, au « système de genre » (Parini, 2006) dans lequel baignent les institutions éducatives.

L’impensé de l’égalité (Pasquier, 2019 ; Richard, 2020 ; Mozziconacci, 2022 ; Szerdahelyi, 2022) converge en effet vers des « modèles » de masculinité et de féminité habituels dans « l’ordre de genre occidental » (Connell, 2014).

Ce parti-pris théorique permet de ne plus s’attacher aux seuls déterminants de l’apparence physique et aux normes associées (d’ailleurs différentes en fonction des cultures) du féminin et du masculin. Une des fonctions du genre que nous retenons est que la distinction féminin/masculin est une distinction sociale, non réduite à la seule différence physique. L’option est plutôt de regarder ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous différencie.

Ainsi l’approche de genre qui nous semble pertinente est celle qui ne nie pas les différences entre les personnes, sans toutefois restreindre ces personnes à des groupes, de sexe ou autre, dont les rôles, valeurs et tâches seraient prétendument stables, dans des contextes (politique, idéologique, économique) culturels spécifiques (lointains ou proches). Les travaux de Mauss (1936 et 1950) et ceux de Mead (2004) ont nourri cette construction théorique.

Nous considérons que penser les groupes de manière fixe, dans lesquels les personnes sont amenées à pérenniser les codes sociaux de genre, produit ou reproduit les inégalités sur des différences perçues (au sein des groupes et inter-groupes).

Pour cette raison l’expérience d’apprendre et d’éduquer avait tout à gagner de l’expérience des arts (Kerlan et Lemonchois 2017) et donc d’un certain rapport aux cultures. En tant qu’expérience réussie, celle-ci est une expérience complète où rien n’oppose la théorie à la pratique et rien n’oppose la pensée et le corps.

1.2. Expériences et culture(s)

« Une culture (et cela implique le pluriel), au sens anthropologique du terme, c’est […] un ensemble de représentations collectives spécifiques à un groupe social, des valeurs, mais aussi des comportements et des pratiques » (Pastré, 2014, p. 16).

Ainsi les cultures : familiales, scolaires, d’un groupe social, d’un groupe professionnel participent de cet environnement humain. Toute culture entraîne un rapport au monde, à soi et aux autres. Mais comme les travaux de Lahire (2006, p. 232) l’ont montré, la notion de « culture » au sein de l’école est toujours en tension entre un sens anthropologique « pour nommer tout ensemble plus ou moins organisé de savoirs, de codes, de valeurs ou de représentations associé à des domaines réguliers de pratiques » et « un usage plus restrictif, plus valorisant et du même coup plus polémique… » parce qu’il renvoie à une culture des « élites ».

Nous considérons alors la culture comme « un environnement humain en tant qu’il possède les traits d’être une ressource pour les expériences individuelles » (Zask, 2007, p. 141). Pour cette raison toute recherche sur les expériences vécues par les élèves ou par de futurs enseignants ne peut occulter les fondements épistémologiques et les valeurs sur lesquels se construit le modèle éducatif (Chopin et Saladain, 2017).

Qu’en est-il de l’expérience de la pratique de la danse en milieu scolaire ou en contexte de formation des enseignants ?

Reprenant la question phare de Kerlan (2021b) « l’art peut-il encore éduquer » ? Comment ne pas réduire l’art à un simple outil de remédiation de difficultés inhérentes à l’école comme la lutte contre les violences, les inégalités ? C’est tout l’enjeu de sa place, de son statut et de son rôle au sein des institutions éducatives. À la fois objet de centration sur le corps sensible (dans le cadre de la danse) et moyen pour aborder autrement certains apprentissages, principes et valeurs. Mais alors sur quelles références de la danse s’appuyer pour faire émerger des conduites nouvelles visant l’égalité par exemple ? Par conséquent, la question posée par Daunay (2017) et qui renvoie à notre propre questionnement, est celle-ci : comment la référence des contenus joue-t-elle dans leur élaboration ? Ce qui pose la question du statut épistémologique des contenus : à quoi se réfèrent-ils dans le cadre de l’enseignement de la danse scolaire ? Peut-il s’agir d’une « transposition didactique » (Chevallard, 1985) de savoirs importés dans l’école ? Ou au contraire se réfèrent-ils davantage à une forme scolaire (Vincent 1994 ; Maulini et Perrenoud, 2005) qui les fait émerger et les justifie ? Dans les deux cas que reste-t-il à l’école des références culturelles multiples de la danse, dont les travaux cités ci-après (note de bas de page 3) aux ancrages scientifiques divers, en montrent l’étendue3 ?

L’histoire de la danse contemporaine4 (Louppe, 2004 ; Marquié, 2017) montre une prise en compte de la singularité de chaque personne. Or, du point des vue des apprentissages en « danse de création » à l’école ce qui est à apprendre est parfois difficile à comprendre par les élèves, formatés par leurs propres sources culturelles et habitués à apprendre dans le cadre contraint de l’avancée des programmes. Ainsi si cette danse scolaire, dispensée lors des cours d’éducation physique et sportive, s’appuie essentiellement sur les principes labaniens de rapport à l’espace, au temps, à l’énergie, aux relations à l’autre c’est pour être au plus près des programmes. Elle permet néanmoins de s’extraire, pendant le temps de la pratique, de la forme scolaire traditionnelle (celle qui ne fait pas du corps sensible l’objet principal de son enseignement). Cette ouverture des possibles en matière de relation à l’autre est encore plus conséquente lorsque des projets en partenariat avec des artistes voient le jour. En effet en danse de création même si « ce qu’il y a à apprendre »5 fait l’objet de contenus réfléchis par les enseignants en lien avec un univers particulier d’un ou de plusieurs artistes, il n’existe pas de chemin unique pour incorporer ces contenus. Souvent même ces contenus sont détournés, recomposés par les élèves (Thorel-Hallez, 2007, 2011) selon des procédés expérimentés par des chorégraphes comme Pina Bausch ou d’autres. Ce qui détourne de la forme scolaire ordinaire et en fait un objet de réflexion concernant « l’égalité sans condition ».

Par quelles entrées favoriser ce type d’expériences ? En quoi la rencontre art-formation permet-elle d’explorer d’autres manières d’entrer en relation ? Ces contextes de lâcher-prise peuvent-ils ouvrir des espaces à soi et aux autres et participer à l’émancipation vis-à-vis des normes de genre ?

1.3. Espace et relations

En danse, la notion d’espace peut être comprise selon plusieurs acceptions6 : espace-territoire ; espaces relationnels – dans lesquels ont été pensés les situations et les contenus dans un contexte particulier (ici celui de la formation initiale des enseignant.e.s) pour permettre la rencontre entre les personnes ; espace social en termes de reproduction ; espace problème (Fabre, 2011) en termes de construction des relations égalitaires entre les personnes. Mais comme la relation à l’autre, le(s) partenaire(s), le(s) spectateur(s) est le dénominateur commun de toute pratique de danse, les contenus enseignés ne peuvent occulter la confrontation des participants aux problèmes des espaces « relationnels » (Briginshaw, 2001). L’espace peut alors être envisagé selon plusieurs dimensions : l’espace proche, que le danseur peut investir sans se déplacer (il correspond à la kinesphère définie par Laban [2003a]), l’espace distal investi lors du déplacement. Ces deux espaces sont constitués des mêmes éléments : les directions (avant, arrière, droite, gauche), les orientations par rapport au public (face, dos, profil), les niveaux (haut, moyen, bas), les tracés correspondant aux trajets que le mouvement décrit dans l’espace, les dimensions (petit, grand) se rapportant à l’amplitude du mouvement et à l’espace interpersonnel (Pérez et Thomas, 1994).

En outre l’espace dont il est question ici est aussi un « lieu », un espace scénique dans lequel vont se construire ou se déconstruire des relations égalitaires ou inégalitaires. Nous considérons ce lieu comme un dispositif incluant des expériences orientées dans le temps et dans l’espace. Les situations d’apprentissage qui dynamisent ces expériences ont ainsi à composer avec une pluralité d’espaces comme nous venons de les définir. Prendre comme focale d’observation les corps d’étudiants (en formation initiale) au sein du dispositif de notre étude revient à définir ce corps comme activité (Billeter, 2012) mais plus encore de considérer « le sujet […] (comme faisant) corps avec la matière qui devient non seulement l’objet de son activité mais son moyen, constituant ainsi l’instrument de sa vitalité […] » (Clot, 2010 p. 16).

Dans quelles mesures, dans le cadre de cette expérience, générer des relations égalitaires entre les personnes ?

2. Éléments de méthodologie

Le dispositif a été conçu pour la recherche (lors d’un module de formation facultatif de neuf heures, relatif à la place du corps à l’école) auprès de dix étudiants (six femmes, quatre hommes) en première année de master (de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) du premier et du second degré.

Le dispositif a été pensé de telle sorte que ressentir est un éprouvé du rapport à soi et aux autres. Il repose sur une logique de l’entre-deux qui n’est pas fusion indifférenciée des deux pôles de liberté et de contrainte. Il s’agit plutôt de l’« attestation d’un espace de médiation et de relation irréductible entre ces deux-ci. L’entre-deux ne dissout pas les pôles, il les met en relation » (Peeters et Charlier, 1999, p. 22). Le module, appréhendé sous formes de jeux de danse, a permis une entrée rapide dans les jeux proposés et des relations aux autres facilitées par les relations de confiance ainsi établies. Chaque situation vécue a d’abord été explorée seul puis mis en espace avec une ou d’autres personnes. Nous avons confronté ainsi les participants à rencontrer l’Autre dans des espaces (proche, lointain, haut, bas) à partir d’une retraduction des verbes d’action de Laban (2003b) comme « glisser », « pousser », « flotter », ou « tordre », assorties des variations dynamiques du mouvement : force, temps, espace (Laban, 2003a). Ces éléments ont servi de base pour concevoir le module de danse. Ils ont permis d’amener les étudiants à danser ensemble, en décalé, à respecter les propositions de l’autre, à échanger, composer à deux ou à plusieurs, entrer en relation avec l’autre par contacts (qui peut résister ou accepter de donner son poids à l’autre) ou par l’écoute (visuelle, auditive, kinesthésique).

La première séance de danse de trois heures, filmée et analysée, a fait l’objet d’entretiens d’auto-confrontations simples (AC) avec cinq participants (trois femmes et deux hommes) choisis pour leur manière de participer différemment au module (en étant leader d’un groupe ou suiveur, en s’autorisant ou non des contacts avec les autres, en utilisant un espace restreint ou varié lors des situations d’improvisation) et par la transformation motrice et relationnelle spectaculaire de certains d’entre eux. L’analyse vidéo montre en effet qu’un des étudiants dont les déplacements étaient limités à des espaces proches et sans contacts avec les autres au début du module était celui qui s’était le plus transformé du point de vue des déplacements dans des espaces variés avec une gestuelle devenue fluide et un total lâcher-prise lors des contacts avec les autres membres de son groupe de travail.

Les entretiens ont été réalisés à partir de trois moments clés de la séance mettant en exergue des objets d’apprentissage concernant la relation à l’autre (espace, contact) à trois moments de l’avancée de la séance (l’entrée en danse, une situation « le leader », le module chorégraphié de fin de séance). Le choix de la période des entretiens a été volontairement mené loin du module (quelques mois après) pour déceler des traces du vécu incorporé. La première partie de l’entretien (hors vidéo) a consisté à faire resurgir des moments marquants ressentis lors de la pratique de la danse. Nous avons comparé alors ce que disent les interviewés à propos de moments marquants dont ils se souviennent à ceux détectés à la vidéo lors de la première phase d’analyse concernant la rencontre de l’Autre et la construction des relations interindividuelles. La seconde partie de l’entretien a été la confrontation à leur image d’abord, à celle des autres ensuite. Cette partie a été laissée à leur initiative puisque la consigne donnée a été : « quand vous avez besoin de commenter ce que vous voyez vous pouvez arrêter la vidéo ». Le troisième temps de l’entretien a concerné leur vécu en danse, leurs représentations avant et après le module concernant le rapport aux autres et à l’égalité, leurs ressentis et leur motivation à enseigner la danse visant l’égalité entre les participants.

L’analyse qualitative des verbatims a été centrée sur les relations que cette expérience a mises au jour à partir de quatre thématiques : la nature des déclencheurs de moments marquants plaisants ou déplaisants (situations, consignes, valorisations) ; les interactions entre les personnes (le choix des partenaires, une situation) ; les traces des transformations (corporelles, relationnelles, écart au système de genre) ; la danse à l’école.

Films et entretiens post-expérience, auprès de femmes et d’hommes volontaires pour participer à l’étude, cherchent à comprendre si ce dispositif permet un glissement vers des pratiques de classe prenant en compte réellement la question de l’égalité entre les personnes.

3. La parole des participants

Dans le cadre de cet article nous exploitons quelques extraits de corpus issus des entretiens d’autoconfrontation (AC) de deux des interviewés : Tesline et Martin.

Nous leur donnons la parole en deux temps : d’abord en les laissant mobiliser ce qu’ils ont retenu de l’expérience vécue, six mois après le module de pratique. L’entretien éloigné de l’expérience nous permet de comprendre ce que l’incorporation permet de faire émerger. Ici la parole est provoquée par le souvenir des ressentis. L’expérience corporelle a ainsi donné lieu à la verbalisation de ce qui a été réellement appris. Les sensations corporelles qui perdurent dans le temps sont donc au plus près de la subjectivité de l’expérience de chacun. Ainsi nous remontons : aux moments marquants ; aux étapes de leur transformation ; aux traces positives de leur expérience passée ; au rapport à l’égalité entre les personnes dans un premier temps. Le deuxième temps de l’entretien est consacré à la confrontation à leur image et à celle des autres par le choix des partenaires et d’une situation en particulier ; les transformations ; la danse à l’école.

3.1. Les moments marquants : de la crainte du regard des autres au plaisir de danser avec les autres

La première partie des entretiens7 révèle une crainte ou une gêne face au regard des autres au début de la séance :

Ben moi je dirai déjà au tout début parce qu’on se connaissait pas donc on était tous, vraiment gênés alors qu’à la fin ben on s’était tous détendus, on était tous à l’aise […] j’avais peur qu’on me regarde qu’on me juge, qu’on se moque […] d’avoir le regard sur moi et je trouve que c’est important ne serait-ce que pour les élèves, de pas avoir peur du regard des autres de, se sentir à l’aise avec son corps, de le découvrir aussi
(Tesline).

Au début pas vraiment à l’aise mais au fur et à mesure euh de plus en plus […] au début je ressentais de l’appréhension parce que moi, j’ai pas, j’ai aucun rapport à la danse, concrètement j’en fais jamais, donc moi c’est la seule occasion que j’ai d’en faire, à l’Inspé, vraiment au début un peu de stress forcément, parce que c’est quelque part danser c’est, fin en plus pour moi qui suis un homme, c’est pas, forcément facile parce que euh, il y a toujours ce fait que la danse c’est plutôt connoté féminin (rires), donc après moi c’est pas forcément la façon dont je pense mais je dirai qu’il y a le poids de la société qui est derrière en fait et on se dit ben quand on s’expose ben on aura le regard des autres, les autres se disent ah un garçon qui danse
(Martin).

Ces deux extraits font apparaître également : d’une part le lien entre le sens de l’expérience vécue en formation par Tesline et l’extrapolation qu’elle en fait à une expérience potentielle avec ses élèves ; d’autre part la puissance du genre, comme construction sociale de catégorisation binaire et hiérarchisée des sexes, influant grandement sur les rôles, les statuts et les valeurs, dont Martin peine à s’extraire. L’imprégnation du genre agit fortement sur les pratiques corporelles, en particulier lors des pratiques connotées comme la danse.

3.1.1. Les étapes de leur transformation

Tesline remet en question ses repères culturels de pratiquante de danse classique. Elle qui pensait qu’ensemble, à partir des matériaux donnés lors du module, « ils allaient faire n’importe quoi », ajoute « mais au final ça faisait un tableau ».

Sa transformation en cours est due aussi à la valorisation ressentie lors des moments de réalisation devant les spectateurs :

Quand on passait chacun notre tour, euh en groupe, ben on sentait qu’il n’y avait pas de jugement, on faisait tous la même chose8 on était valorisés par les autres groupes qui regardaient on se disait ah c’était bien ça, c’était intéressant de faire ça, et quand je regardais les autres, je me disais ils sont pas professionnels mais ça rend quelque chose c’est beau.

Pour Martin c’est la liberté ressentie qui est mise en avant :

Je saurais pas donner un moment particulier c’est vraiment au fil des exercices, c’est à force de faire de découvrir […] je sais pas je me suis senti plus euh plus, libre de plus en plus en fait au fil des exercices on a été rassuré quelque part […] et le fait d’être assez vite en binôme c’est plus facile de réfléchir avec quelqu’un.

Cette aisance qui se confirme au fur et à mesure est sans doute due également au fait d’être en binôme.

La transformation de Martin, confirmée par la verbalisation de ses ressentis, passe :

– de la méfiance et de la peur du jugement des autres (accentué par les regards stéréotypés sexués associés à cette pratique) qui ne l’incite pas à s’associer à une forme d’expérience partagée avec les autres garçons) :

Parce que les autres garçons je pense qu’il y a une sorte de, pas de complicité mais je pense qu’ils ressentent plus ou moins la même chose que moi, donc ouais c’est plus à vis-à-vis des filles parce qu’elles savent que, quand il y a de la danse c’est plus filles mais quand il y a des garçons c’est là que ça se remarque en fait c’est là qu’on regarde un peu plus comment faire [en s’appuyant sur ce que font les filles qui auraient d’emblée des compétences en danse] (rires).

– au lâcher-prise grâce aux jeux avec les autres et au partage de la création d’une œuvre commune :

la toute dernière activité qu’on a faite9 quand on a fait la chorégraphie qu’on a dû préparer je me souviens que j’étais avec Micha et puis l’autre fille […] je me souviens plus de son prénom parce qu’elle est pas avec nous10 et je me souviens que c’était c’était bien quand on avait fait la chorégraphie à la fin parce que ça faisait une sorte de synthèse de tout ce qu’on avait fait et puis on, on s’était amusés à, ben à créer quelque chose en fait et on avait vraiment pris ça comme un comme un jeu en fait.

Finalement il évoque un dilemme entre ce à quoi il croit en matière d’égalité et ce à quoi il se sent obligé de se conformer en termes de stéréotypes sexués par peur du jugement des autres :

Ben, je dirai qu’il y a un conflit entre ce que moi j’aimerais que les choses soient perçues par la société et la réalité de ce que la société nous fait percevoir en fait, moi personnellement j’aimerais que la danse ce soit indifférent au niveau de, masculin ou féminin, j’aimerais que ce soit accepté des deux [groupes de sexe], qu’on dise pas que la danse direct on pense aux filles, j’aimerais qu’on pense à n’importe qui en fait mais, mais d’un autre côté il y a le poids de la société où, je me dis (rires), ben c’est je sais que, la société pense que c’est connoté féminin donc je, je sais que, ben les garçons seront plus regardés quand on fait de la danse […] ce poids fait qu’au début que je suis plus crispé en fait je dirai que je suis moins je me sens moins, je me sens moins libre au début parce que je sais que je vais être regardé donc je vais essayer de faire le minimum… et c’est après en faisant que je vois que finalement c’est pas sujet à moqueries ni rien donc c’est là que je me dis ah peut-être que je peux un peu plus faire un peu plus me libérer.

La participation entière dans le projet avec les autres passe nécessairement par l’assurance de ne pas être moqué. Certaines situations lui procurent le sentiment d’être regardé davantage :

Le fait d’être leader on est forcément plus regardé…parce que je me souviens que, que au début fin pendant qu’on faisait cet exercice euh yen a certains qui renvoyaient tout de suite le leader à quelqu’un d’autre et je pense que ça c’était dû au fait qu’on voulait pas prendre la responsabilité pour s’éviter d’être jugé sur ce qu’on voulait faire faire aux autres, de créer quelque chose qui serait potentiellement perçu comme bizarre […] cette appréhension que les autres [les spectateurs] voient ce que je fais faire aux autres en fait […] parce que si on leur fait faire n’importe quoi, peut-être que ça va être sujet à ce qu’on se moque de nous […] parce que je pense que, dans la danse en général [telle qu’elle est perçue] ce qui manque vraiment c’est euh que, c’est que tout le monde pense qu’on on est libre de faire ce qu’on veut, que qu’on soit pas jugé pour ça en fait.

Il existe une dissonance entre ce qu’il s’oblige à être et ce qu’il aimerait potentiellement vivre sans jugement :

Moi je pratique pas parce que j’ai pas forcément l’occasion j’ai pas forcément l’envie non plus ou l’intérêt mais, ça peut m’arriver de regarder parfois, ça peut m’arriver de regarder de la danse sur internet […] je suis pas fermé à l’idée, (de pratiquer) […] si un jour peut-être, peut-être que si un ami m’invitait […] je dirais pas non non, non mais si on me propose, euh, pourquoi pas.

La volonté de participer et de se transformer passe par la liberté ressentie lors des jeux de danse.

3.1.2 Les traces positives de l’expérience passée

Pour Tesline :

J’étais bien quand je suis sortie, j’étais contente, je me suis dit c’était bien c’était pas quelque chose que j’ai fait en soufflant ou j’ai trouvé le temps long et je trouvais que je pouvais le réinvestir partout pas que, justement dans ma vie professionnelle.

Elle continue à exprimer ce dont elle se souvient en considérant que ce qu’elle a vécu en danse dans ce cadre peut lui apprendre en termes de langage. Les ressentis exprimés font émerger une correspondance entre langage corporel et langage oral et une possible amélioration de son langage oral (par la confiance acquise grâce au corps) :

Ben par exemple euh, ici, quand je m’exprime ben c’est à peu près la même chose que quand je parle avec mon corps et du coup je trouvais que ça, ben ça m’a détendue et je trouvais que en fait je peux m’exprimer plus facilement, avec les autres.

Certains moments, les métaphores en particulier, sont clairement identifiés comme source de transformation :

Ben surtout lors des consignes, par exemple c’était la terre en chewing gum je crois ben le fait d’avoir des images ça nous détend ça nous pousse à produire des choses.

Pour Martin la liberté ressentie est une des conditions pour qu’il se sente en confiance :

Je me suis senti en confiance oui oui en sortant, en sortant de la salle oui, oui […] Ben, typiquement je pense que si on avait eu, une autre séance avec les mêmes participants dès le début je pense qu’on aurait été tous plus libres […]

Ceci l’amène à entrevoir des notions d’égalité conditionnée, en partie, par la durée de pratique dans les mêmes conditions, c’est-à-dire dans un espace sécuritaire de liberté et de confiance.

3.1.3. Le rapport à l’égalité et la formation

Pour Martin la construction de l’égalité entre les personnes demande du temps :

« Ben, je pense que la pratique là qu’on a fait de la danse ça a permis d’uniformiser cette pratique de la danse, je pense que ça a pu, montrer à tout le monde, à tous ceux qui participaient là que, filles comme garçons on pouvait tous danser finalement […] parce que en soi si on faisait plusieurs fois ce type de séance c’est ça en fait à quoi je pensais pour ce travail de fond pour changer euh, cette mentalité […] [considérer la danse uniquement comme une activité de filles] ne pas être moqué par les autres pour ce qu’on veut leur faire faire, ce qu’on veut faire faire aux autres quand on est leader par exemple, le temps de pratique est important pour changer les représentations ».

L’ouverture aux autres par une éducation non genrée et égalitaire suppose au moins deux conditions : un changement de paradigme, un temps de pratique suffisamment long pour que le changement de regard puisse advenir : « l’évolution des mentalités demande du temps » (Martin).

Ce qui ouvre les prémisses d’une réflexion sur la forme scolaire : d’« un paradigme sinon alternatif, du moins un paradigme qui interroge et travaille la forme scolaire » (Kerlan et Lemonchois 2017, p. 111).

3.2. Le dilemme de leurs représentations genrées : évolution dès la confrontation à leur image et à celle des autres.

Trois moments vidéo, à partir de trois situations ont été exploités11 lors de la deuxième partie de l’entretien. Ces trois moments nous permettent d’éclairer les choix à partir desquels se tissent les relations puis les dilemmes auxquels sont confrontés les participants : le choix des partenaires, les contacts, les conditions de l’égalité, une situation particulière (le leader) pour un travail sur l’écoute dans un premier temps. Puis nous mettons au jour les transformations motrices, relationnelles, représentationnelles lors des moments de création et de représentation. Ces transformations ouvrent la voie à des réflexions sur la programmation de la danse à l’école pensée comme une pratique permettant des relations égalitaires.

3.2.1. Les relations à soi et aux autres

Tesline prend conscience de ses contradictions et du dilemme dans lequel elle se trouve :

Je dirai que oui ben peut-être que les filles elles auraient plus de facilités à, faire l’activité que les garçons

Puis, se remémorant une situation d’injustice et de souffrance due à « l’ordre de genre » (Connell, 2014) :

fin pour ma part moi j’ai un ptit cousin et il adore danser et, ben du coup sa mère lui dit je vais t’inscrire à la danse et tout de suite [la réponse du cousin] non c’est pour les filles, ils vont se moquer de moi tout de suite ils vont se moquer ils vont rire donc euh non je préfère faire chez moi tout seul mais jveux pas aller dans un club.

Ayant évoqué cette anecdote elle ajoute :

c’est dommage je trouve.

Chercheur (C) : Nous allons revenir sur les facilités des filles.

Ben, pas de facilité technique ou euh mais euh elles vont moins se sentir jugées, pour elles c’est normal alors qu’un garçon qui danse c’est tout de suite stéréotypé (Tesline).

C : Quand vous voyez les images est-ce cette réalité ?

Se rendant compte du décalage, entre ses présupposés et l’image, elle se met à rire :

Non, pas du tout pas du tout […] oui parce que là pour le coup à pas du tout, c’était même plus Benoit dedans dans l’activité que certaines filles […] ils n’avaient pas peur du tout d’être jugés12
(Tesline)

La vidéo lui permet de se distancier de ses représentations initiales en questionnant à la fois ses présupposés sur l’activité de danse et sur les autres dans cette activité.

Le choix des partenaires de danse est un élément de compréhension des relations qui se constituent à partir du « système de genre » (Parini, 2006) dans lequel baigne toute institution éducative.

Pour Tesline, le choix des partenaires est celui de la proximité (du même sexe ou du même groupe de connaissances) :

Je choisis des filles que je connais […] parce que ça passe mieux avec quelqu’un qu’on connaît qu’avec quelqu’un qu’on ne connaissait pas on aurait peut-être pas osé, faire les mêmes choses.

C : d’emblée vous choisissez des filles ?

Mum non parce que par exemple Benoit je le connais ça ne m’a pas gênée, après peut-être qu’avec un garçon que je connaissais moins que Benoit pas ça m’aurait peut-être plus gênée, les contacts physiques
(Tesline).

À la fin de l’AC elle déclare :

j’aurais pu danser avec tout le monde à la fin.

Si Martin déclare choisir d’emblée des filles c’est pour mieux se conformer à « l’ordre de genre » associant danse-fille-réussite :

Euh je pense pas que ce soit un hasard […] en tout cas je me sentais plus à l’aise de me mettre avec une fille qu’avec un garçon […] je pense que si j’avais été avec un garçon on aurait vraiment pas trouvé je pense qu’on aurait pas trouvé du tout d’idées peut-être par euh, timidité
(Martin).

Les contacts ne lui posent pas de problème et ne conditionnent pas son choix de partenaires :

Non pas du tout oui ça s’est fait vraiment naturellement mais je pense que quand on a fait la chorégraphie, après je suis pas à leur place fin à la place fin de mes camarades mais je pense qu’on n’a vraiment plus penser en termes de filles ou garçons, on a, on a pensé en termes de partenaires en fait, on a pensé en termes de partenaires oui
(Martin).

La suite du discours fait évoluer encore la notion d’égalité :

[…] et si on se considère comme partenaires et plus comme fille garçon, c’est sûr qu’on est au même plan là, on est au même niveau, il n’y a plus d’actions qui sont faites en condition de ce qu’on pense vis-à-vis d’un sexe ou de l’autre on a une chorégraphie qu’on a imaginé ensemble et on l’exécute… si nous avions été qu’entre garçons je pense pas, je pense pas, je pense que ouais, fin en tout cas pour moi, ça m’a aidé d’être avec des filles
(Martin).

La situation du leader pour Tesline :

… ben là on était plus suiveurs parce qu’on suivait Benoît donc est-ce que c’est le fait que ce soit un homme, qu’on ait changé les groupes13 (Tesline).

C : parce que c’est un homme ?

…euh mmm non parce que…, c’est l’homme (rit) fin c’est pas l’homme mais c’était le seul [garçon] de mon groupe alors du coup ben allez Benoit ! (Tesline).

Ici ce sont les représentations du statut et du rôle de genre attribués au sexe masculin qui fondent le choix de Tesline d’être plutôt « suiveuse ». C’est un paradoxe avec ses déclarations du début de l’entretien « les filles auraient plus de facilités à faire l’activité que les garçons ».

Pour Martin le fait d’être leader :

[…] c’est un peu la peur d’être regardé mais surtout, la peur d’être jugé, si on fait un exercice, ou on passe leader quand on est leader on sait, qu’on est responsable du mouvement des autres et les autres en plus quand on est leader on est devant donc euh c’est à ce moment-là que, y a tout qui converge pour qu’on, sente ce poids du regard de l’autre.

C : Oui mais vous êtes tous passés à ce rôle ?

Oui mais je dirai qu’il y a toujours ce fait qu’on, qu’en tant que garçon je pense qu’on est plus, jugé qu’une fille je pense que si une fille est leader ben, on va pas, ben si elle propose quelque chose d’un peu original ou de décalé, on va plaisanter je dirai on va pas juger [négativement] alors que si c’est un garçon, là c’est là vraiment qu’on va regarder et peut-être qu’on va se dire euh, bon de toute façon c’est un garçon, fin ce qu’il propose […] (Martin)

En sous-entendant ici que ce que les garçons proposent n’a aucun intérêt, Martin confirme les stéréotypes de genre associés à l’activité de danse. Ainsi si les stéréotypes sexués sont différemment activés par Tesline (rôles de sexe) et Martin (peur du jugement des autres) ils ont une influence sur leur activité.

3.2.2. Les transformations motrices, relationnelles, représentationnelles

Le plaisir ressenti est une notion clé des transformations. Il vient également de la découverte d’un autre rapport au corps et d’un autre système de communications favorisant les relations :

Oui et y a pas de parole, c’est ça qui est bien, fin moi j’ai bien aimé, parce qu’on n’avait pas besoin de parler pour suivre l’autre et on se comprenait en regardant du coup […]
(Tesline).

Martin revient sur le respect des propositions de chacun :

Ah oui oui, oui y a vraiment une entente entre nous deux [lui et Micha lorsqu’ils sont en binôme] elle me force pas à faire quelque chose ou moi non plus non on se met vraiment d’accord.

Les moments de création et de représentation à plusieurs sont aussi des moments de satisfaction qui engendrent un travail constructif de relations à l’Autre :

on attend le top et le go de Benoit c’est lui qui donne les repères […] ben du coup au final euh même si on n’était pas tous d’accord euh, ben ça rendait quelque chose et au final ça se voit qu’on aimait bien, qu’on a apprécié de faire
(Tesline).

Là on s’amuse mais je pense qu’après ça évolue quand même parce que au début on était plus dans l’appréhension de voir comment ça allait se passer mais c’est vrai qu’à la fin ouais on rigole tous ensemble
(Martin).

Effectivement la suite de la vidéo montre que :

Là on sent la concentration au début on riait maintenant non attentifs même si on s’amuse toujours et puis comme il y avait beaucoup de mouvements, on était aussi concentrés à, à se rappeler ce qu’on voulait faire dans le bon ordre
(Martin).

Nous revenons alors sur le moment où la vidéo montre Martin lâcher prise en donnant son poids, tout en le contrôlant, sur le corps de ses partenaires :

on se lâche complétement […] je pense que, je suis plus libre quand même que, qu’au départ je suis plus à l’aise en tout cas ça c’est sûr.

Ce travail redécouvert à la vidéo les amène à prendre conscience d’un enrichissement-déplacement du système de langage :

Ben moi, […] j’ai plus pris confiance en moi je me suis dit que, ben en fait il faut un peu dédramatiser parce que au début quand j’ai su que c’était de la danse fin OK (puisqu’elle est danseuse elle pense qu’il n’y aura pas de problème) mais devant tout le monde des gens que je connais pas et en fait c’est un peu comme à l’oral j’osais pas tout le temps m’exprimer alors que, ben être enseignante c’est quand même euh, prendre la parole devant tout le monde et du coup euh ben à chaque fois maintenant je me dis ça ben j’ai dansé devant des gens que je ne connaissais pas donc euh je peux m’exprimer aussi devant des gens que je connais pas, je peux, sans avoir peur […] Ben par exemple euh, ici, quand je m’exprime ben c’est à peu près la même chose que quand je parle avec mon corps et du coup je trouvais que ça, ben ça m’a détendue et je trouvais que en fait je peux m’exprimer plus facilement, avec les autres
(Tesline).

En se revoyant à la vidéo ils confirment les traces positives incorporées de l’expérience, émises au début de l’entretien :

j’étais, ben quand je suis sortie j’étais contente […] à l’issue des 3 h je me suis dit c’était trop bien, ça a été vite, ouais, pis c’était pas euh, fin c’était ça avait un but mais c’était pas scolaire, c’était pas on fait ce pas là, ça fin c’était vraiment euh des images euh sans pression aussi
(Tesline).

Je pense que j’étais agréablement surpris que, finalement ça a abouti à une chorégraphie ou, ou voilà les deux groupes se sont regardés, de façon bienveillante
(Martin).

À la fin des AC, sont mises au jour les prémisses d’une transformation des représentations genrées :

J’ai pas senti une seule fois les garçons euh
(Tesline) [est interloquée par ce qu’elle vient de dire].

C : les garçons ?

(rires) les garçons ou les filles, les garçons se sentir gênés ou se comparer aux filles ou se mettre en retrait ils étaient jamais en retrait […] ils étaient plus [moteurs] […] j’avais un peu des jugements au début je me suis dit ben par exemple Martin je le connaissais mais juste des couloirs je me suis dit oula il va être timide il va pas oser faire les choses, et en fait si […] cette année il est dans ma classe et, ben on dirait qu’il est renfermé sur lui-même alors que quand on revoit ça (la vidéo) on se dit pas du tout […] même sur son visage on voit qu’il est content […] il se lâche complétement et entre en contact avec les deux filles […] Ouais ouais, oui et même les filles sur lui elles osent
(Tesline).

Le corps de l’autre n’est plus un obstacle, il est juste un support pour la création, un moyen pour entrer en relation et danser avec les autres sans figer l’autre dans une identité.

Les représentations de Tesline ont changé :

Ben oui du coup totalement (rires) totalement.

C : c’est-à-dire ?

Ben parce que du coup, moi, en danse classique c’est des pas très précis des choses très strictes et du coup ben là, pas du tout et je me suis dit ben on peut savoir danser sans savoir danser au final, ça ressemble à quelque chose et c’est pas pour autant ridicule
(Tesline).

Pour Martin au contraire elles sont restées les mêmes :

Euh ben comme je l’ai dit déjà au début de l’entretien que, pour moi la danse, je la regarde euh de la même façon que si c’est un homme ou si c’est une femme qui la pratique et, en sortant du module ça, ça a juste conforté cette idée en fait, quand j’ai fait la chorégraphie à la fin c’est vraiment là que j’ai senti que oui c’est ça […] j’aurais pu euh, refaire une autre après par exemple.

Même si Martin déclare ne pas avoir changé ses représentations, son attitude initiale (timide, mal à l’aise, peur du jugement des autres) ne permettait pas de comprendre un tel désir d’accéder à ces pratiques sensibles. C’est sa transformation motrice, due au lâcher-prise, qui donne accès à la compréhension de ce que le corps révèle de soi lorsqu’on l’autorise à sortir des carcans incorporés. La relation à soi et aux autres s’en trouve transformée. La vidéo montre un corps transformé et une relation aux autres positive et égalitaire, sans tabou ni jugement.

Cette évolution des représentations par le biais du corps va certainement contribuer à ce qu’ils osent enseigner la danse à l’école de manière à favoriser l’égalité entre les personnes.

3.2.3. La danse à l’école

C’est l’expérience vécue au sein de ce dispositif qui a contribué à ce qu’ils envisagent de programmer la danse à l’école tout en ayant conscience des conditions à instaurer pour qu’une telle expérience soit vécue positivement. Si jusqu’ici Tesline ne s’était pas sentie armée pour enseigner la danse à l’école :

Ben j’aurais aimé [l’enseigner avant] mais je m’étais dit surtout filles garçons comment pas créer de différences comment intégrer faire intégrer les garçons qui se ressentent pas fin qui se ressentent pas, rejetés comme l’histoire de mon cousin par exemple fin je trouve ça dommage donc c’est pour ça que je voulais pas faire danse justement parce que j’avais peur que les garçons ou les filles (se rattrape) se disent nan c’est pas pour les garçons […]

Elle déclare maintenant :

qu’il y a quand même un gros travail à faire avant donc quand j’ai vu ça [le dispositif dans ce cadre] je me suis dit c’est possible avec des petites activités sans dire pour autant ben on va faire de la danse
(Tesline).

Pour Martin il s’agit d’aider les élèves à trouver leur place au sein des groupes de travail :

Mum, ben [pour enseigner la danse à l’école] je dirai que ce serait de gommer cette différence entre garçons et filles, qu’on n’ait pas un regard différencié euh, de la danse […] vraiment se focaliser sur ce qu’on peut faire avec notre corps euh, dans la danse qu’on peut créer et en se libérant justement de, de ce regard qui peut être différencié, donc amener garçons ou filles à s’exprimer librement en fait […] mais je pense que, si je devais l’enseigner je pense qu’il faudrait un ptit peu contrôler les groupes pour pas qu’il y ait que des garçons, ensemble, ou que des filles ensemble, vraiment essayer de, que ce soit mixte […] ou en les amenant progressivement à la mixité […] tout le monde doit trouver sa place comme nous on l’a senti
(Martin).

Les ressentis verbalisés à la fin de la vidéo concordent avec ceux du premier temps de l’entretien. Les images confirment ce qu’ils ont incorporé :

– Satisfaction, joie, lâcher-prise, apprendre à se connaître pour Tesline :

ben par exemple de danser avec Benoit ou, fin moi j’ai toujours peur de toucher les gens de et au final à la fin ça crée une bonne ambiance le fait d’être tous en groupe comme ça et de tous faire la même chose de tous d’être dedans euh ben après on n’avait plus peur, on sentait plus le jugement et on osait.

– Se libérer, joie de faire partie d’un groupe de partenaires, avoir sa place, transfert à l’école pour Martin :

quand on a été lancés sur les chorégraphies là j’étais vraiment là j’étais à l’aise […] je pense qu’on se sent pas regardé, mum on sent qu’on peut quand même faire sans se sentir regardé donc ya, c’est ça qui permet de libérer je trouve et pis comme les ptits exercices au début c’est pas assimilable tout de suite à de la danse » […] j’ai été agréablement surpris qu’on ait pu aboutir à une chorégraphie entre camarades garçons et filles pour laquelle on avait oublié qu’on était des filles et des garçons mais qu’au final, pour l’activité de danse, nous étions seulement des partenaires. Cela m’a conforté dans l’idée que c’est en enseignant cette dimension à l’école (le fait que la danse soit praticable par toutes les personnes) qu’on arriverait progressivement à changer la mentalité de la société au sujet des sexes et de leur rapport à la danse qui est à mon sens aujourd’hui encore orienté sur le fait qu’il est normal de voir des filles danser, mais qu’un garçon qui danse est potentiellement sujet à ce qu’on se moque […] je pense que si c’était généralisé dans les écoles si vraiment il y avait un travail au niveau de la société qui était fait, dans ce sens, ça serait vraiment bénéfique qu’on puisse vraiment libérer ce le regard de la société sur ces pratiques.

Ici encore une réflexion est amorcée sur une autre manière d’appréhender les relations à soi et à l’Autre à l’école et invite à repenser les curriculums de formation.

Discussion conclusive

Les deux cas présentés reflètent ce que les cinq participants à l’étude mentionnent comme point principal de leur transformation : de l’appréhension au plaisir de pratiquer et de partager.

La liberté ressentie, la valorisation par les autres de leurs propositions, le respect de la place de chacun au sein du groupe leur procure de la confiance en soi et en l’autre. C’est cette confiance qui procure une ouverture au monde, une vision des autres qui rend possible une voie vers l’égalité (de participation, de place au sein d’un groupe, de réussite). Ils se sentent alors autoriser à lâcher-prise et à s’ouvrir au monde et aux autres en reconsidérant le sens de leurs relations au sein de cet espace de rencontre. Ainsi les personnes ne sont plus catégorisées comme appartenant à des groupes de sexe, dont les structures sont conditionnées par « l’ordre de genre » (Connel, 2014), mais sont considérées comme des partenaires où chacun a une responsabilité vis-à-vis de la création et des autres.

Lors de la confrontation à leur image, les ressentis positifs exprimés au début de l’entretien de Martin et Tesline sont confortés et les transformations motrices et relationnelles sont réelles. Toutefois le travail sur les représentations, eu égard aux stéréotypes de genre et aux inégalités associées, demande du temps et un retour narratif sur l’expérience comme nous l’avons mis en évidence. La vision binaire restrictive de la relation à l’Autre est donc un élément à prendre en compte en début d’expérience dès lors que le but affiché du travail sur les corps sensibles permette à chacun de trouver sa place au sein d’un collectif de travail de création au fur et à mesure de l’avancée du module de pratique.

Cette étude pose également la question des références vécues et des opinions stéréotypées construites hors école et importées au sein de l’école. Les trois dames de l’étude par exemple ont un passé de danseuse dans des univers aussi différents que ceux du hip hop, de la danse classique et de la danse contemporaine. Systématiquement elles évoquent au début de l’entretien les différences qu’elles perçoivent du rapport à la danse des garçons et leur présupposée moins bonne réussite dans cette activité. D’ailleurs Martin14, alors même qu’il déclare vouloir s’émanciper des normes de genre afin d’assouvir son besoin de liberté ressenti grâce à la danse, se conforte dans des normes de genre en préférant, au début du module, intégrer un groupe de filles (puisque les normes de genre associent féminin-danse-réussite des filles). C’est tout le travail sur leurs ressentis et la confrontation à leur image qui les met face à la réalité de l’expérience vécue. Ce retour sur l’expérience dévoile l’écart avec les normes de genre dont ils se sont écartés au fur et à mesure de la pratique. Nous faisons l’hypothèse que ce qui a été incorporé dans ce cadre facilite leur engagement auprès des élèves dans ces activités sensibles où le corps est au centre des transformations.

Cependant, si les effets des situations de création, telles que nous les avons imaginées, ont instauré un climat de travail positif au sein d’un collectif, c’est probablement et en partie parce qu’elles ont été conçues en se focalisant sur des contenus et des consignes suffisamment ouverts pour inciter les participants à rencontrer les autres dans différents types d’espaces pour se transformer.

Cette expérience ouvre sur des éléments permettant d’entrevoir des pistes pour repenser le curriculum de formation des enseignants du point de vue d’une didactique relative à l’égalité entre les personnes aux multiples manières de se définir dans le temps et dans l’espace. Nous rejoignons en cela les réflexions de Couchot-Schiex et Collet (2022, p. 150) qui proposent de croiser les catégories de pratique, de classification et d’identification au-delà des « limites des cadres de pensée et d’action classiques » en matière de sexe et de genre. Ainsi les expériences pratiques de l’égalité permettent de ce point de vue d’aborder ou de faire ressortir « la structure conceptuelle des relations en jeu et les points d’impact des opérations du sujet en situation » (Vergnaud, 2004, p. 97).

Mais jusqu’où l’école est-elle capable d’accepter de nouvelles manières d’entrer en relation avec les autres par le biais de l’apprentissage de nouvelles formes de rapport au corps à l’espace et au genre ?

Cette recherche a comme perspective de discuter l’articulation pratique-théorie en formation et pose la question des contenus et des démarches innovantes pour continuer à développer une véritable dynamique relative à la formation à l’égalité de genre (Léchenet, Baurens et Collet 2016 ; Couchot-Schiex et Collet, 2022). Les curricula de formation repensés à partir d’une éducation non genrée et par conséquent plus égalitaire, et prenant en compte les messages véhiculés par le corps, auraient comme fonction d’aborder autrement les contenus de formation et les relations interpersonnelles.

Des dispositifs, comme celui présenté, sont un moyen de penser autrement l’articulation pratique-théorie relative aux questions de genre en formation initiale d’enseignants. Ici c’est surtout la notion de plaisir, procuré par les situations, qui connectent ces PE à une signification du métier de professeur basée sur le plaisir de travailler et de produire ensemble. Les univers (la classe, la formation, les personnes), tout en restant spécifiques, sont imbriqués. Théoriser la pratique (Vergnaud, 2004), en passant par sa mise en scène, semble être un des moyens pour se ressentir en train de faire et percevoir les attitudes des autres. Cette formation à percevoir est un support pour apprendre à instaurer des relations égalitaires entre les personnes, toutes singulières. Ainsi la formation à l’égalité ne peut s’abstenir de réfléchir à la déconstruction de catégories figées que la pratique de la danse permet d’interroger. Notre point de vue n’est pas de nier les différences dans tout rapport de pouvoir existant au sein de toute relation humaine mais de trouver une voie pour contribuer à développer une « humanité de la rencontre » (Schaller, 2016) à partir de contenus enseignés et incorporés dans des espaces problématisés à cet effet. Par l’expérience d’une pratique corporelle sous formes de jeux de danse, nous avons mis en évidence des possibles pour instaurer une autre forme de relation à soi et aux autres en faisant émerger la confiance et l’envie d’apprendre par et avec les autres. Il reste à creuser des pistes pour « penser la formation professionnelle des enseignants comme une expérience culturelle » (Kerlan et Lemonchois, 2017, p. 110) ou à orientation esthétique dans laquelle le corps serait au centre des transformations envisagées. « L’art comme expérience » (Dewey, 1934) deviendrait alors une des possibles voies pour former à « l’égalité sans condition ». Pour ce faire, la dimension narrative de l’expérience subjective nous paraît essentielle pour laisser aux participants la nécessaire prise de conscience des dimensions incorporées en termes de connaissances et d’ouverture sur le monde et sur les autres.

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Notes

1 Institut national supérieur du professorat et de l’éducation. Return to text

2 Ce que l’art fait à la sociologie. Return to text

3 Citons notamment les travaux de Sorignet (2004) en sociologie, de Faure (2000) en socio-anthropologie, de Grau et Wierre-Gore (2005) en anthropologie de la danse, de Montaud (2014) en didactique, de Marquié (2016) en étude de la danse, de Nordera (2020) en histoire, de Duval (2017) en études de pratiques pédagogiques en danse (construction identitaire des praticiens en danse). Return to text

4 Qui se traduit par une « danse de création » à l’école. Return to text

5 Expression utilisée dans les programmes de l’EPS. Return to text

6 Nous posons ici le problème des espaces relationnels (Briginshaw, 2001) et « transformatifs » (Méziani et al, 2021) qui sont également des « espaces-lieux » de construction/déconstruction des relations égalitaires entre les personnes (Thorel-Hallez, 2023a). Return to text

7 Réalisés en novembre 2023. Return to text

8 Tous les groupes devaient s’emparer des matériaux proposés pour des créations singulières. Return to text

9 Sa transformation est celle qui est la plus spectaculaire de tous les participants : de l’appréhension à l’abandon sur le corps des autres. Return to text

10 S est une étudiante d’arts visuels et était également très en retrait eu début du module. Return to text

11 Situation 1 : explorer par deux l’espace bas : trouver les combinaisons, à partir de verbes d’action travaillés lors des improvisations qui permettent de danser ensemble, en décalé (respecter les propositions de l’autre, échanger, composer à deux).
Situation 2 : explorer l’espace en groupe (de 3 à 5) ou chacun devient leader à son tour ; problème posé : se retrouver en situation d’improvisation, être à l’écoute des autres, respecter les orientations, les directions etc.
Situation 3 : composer à plusieurs en choisissant les jeux explorés ; problème posé : choix de l’agencement pour donner à voir un produit avec un début et une fin, tout le corps sert d’appui, de traces. On sort des mouvements de bras seuls au début du module, l’espace est appréhendé de différentes façons et surtout on constate un lâcher-prise et des contacts entre femmes et hommes. Return to text

12 Quatre garçons participaient au module. Return to text

13 Les situations d’apprentissage les obligent à passer de deux à cinq partenaires. Return to text

14 La vidéo montre qu’il est très mal à l’aise avec son corps au début c’est pourtant lui qui va le plus se transformer : lâcher prise de tout le corps sur ceux de ses partenaires, sentiment de liberté (il s’autorise à réaliser des mouvements en conformité avec ce qu’il ressent et non en rapport avec les mouvements qu’il pensait devoir réaliser eu égard à son groupe de sexe). Return to text

References

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Sabine Thorel-Hallez, « L’expérience sensible du corps en danse contemporaine en contexte de formation d’enseignants », La Pensée d’Ailleurs [Online], 6 | 2024, Online since 28 octobre 2024, connection on 04 décembre 2024. URL : https://www.ouvroir.fr/lpa/index.php?id=882

Author

Sabine Thorel-Hallez

MCF HDR, Cirel (ULR 4534), Centre interdisciplinaire de recherches en éducation lillois. Équipe interne Récifes (Recherche en éducation compétences interactions formations éthique savoirs).

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