Enseigner le français aux publics adolescents

p. 127-132

Référence(s) :

Valeria Catalano (2025). Enseigner le français aux publics adolescents. Hachette.

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Introduction

L’ouvrage Enseigner le français aux publics adolescents de Valeria Catalano propose une analyse approfondie de l’enseignement du français langue étrangère (FLE) et du français langue seconde (FLS) auprès des adolescents du secondaire dans les contextes européens et nord-américains. L’auteure met en lumière des résultats inégaux, quel que soit le statut du français dans les programmes scolaires, et souligne le besoin croissant de soutien, notamment de la part des enseignants. Elle invite à identifier les facteurs qui expliquent ces performances avant de repenser les approches pédagogiques.

Le livre s’articule autour de plusieurs axes complémentaires : le statut et la diffusion du français, les pratiques didactiques et cadres pédagogiques, les résultats des élèves et le rôle de l’enseignant, ainsi que la pertinence et l’application des approches cognitives et psychologiques adaptées aux adolescents. Par ailleurs, Catalano illustre ses propos à travers des parcours pratiques et fiches pédagogiques.

Ce compte rendu présentera d’abord les analyses de l’auteure sur l’univers d’usage du français et son enseignement. Il abordera ensuite son étude des cadres didactiques, des résultats scolaires et des facteurs d’influence. Enfin, il s’intéressera aux approches pédagogiques et fiches pratiques proposées, en mettant l’accent sur les outils favorisant un apprentissage actif, ciblé et guidé. Ces démarches visent, selon l’auteure, à dépasser les cadres habituels et purement pragmatiques promus notamment par le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR).

1. Le français et son univers d’usage et de diffusion

Dans son chapitre introductif, Valeria Catalano analyse le statut du français comme langue étrangère et seconde, principalement en Europe et en Amérique du Nord, avec des références ponctuelles à l’Afrique.

Rappelant certains faits historiques, elle montre que le français, devenu une langue de partage mondiale grâce, entre autres, à la Francophonie, reste marqué par son passé colonial, influençant les représentations qu’en ont les jeunes.

L’auteure distingue les notions de langue première, seconde et étrangère, soulignant que leur statut dépend des contextes historiques et géographiques, comme en Belgique où, en fonction des régions, il peut être soit une langue seconde soit une langue étrangère. Elle constate que ce genre de différence n’est pas toujours pris en compte par les politiques éducatives, soulignant par là un exemple de facteur qui, tout en influençant l’apprentissage des langues étrangères, ne dépend pas des pratiques pédagogiques des enseignants.

Elle insiste également sur l’importance du lien langue-culture et sur la valorisation du plurilinguisme, qui remet en cause l’idée d’une langue maternelle unique. Face au recul du français au profit de l’anglais ou de l’espagnol dans certains pays, Catalano invite les enseignants à intégrer l’histoire et la culture du français dans leurs pratiques pour redonner sens et attractivité à son apprentissage.

Afin d’illustrer cette réflexion, Valeria Catalano évoque, entre autres, le cas de l’Italie sur lequel je voudrais m’arrêter. En Italie, comme dans d’autres pays, la popularité d’une langue influence fortement la manière dont les adolescents la perçoivent. Le français y perd progressivement du terrain au profit de l’espagnol, jugé plus attractif et associé à une représentation touristique positive, constate Catalano. Si le choix de la langue à apprendre revient aux élèves, le fait de mettre le français et l’espagnol en concurrence dans les cursus scolaires résulte avant tout d’une décision politique, souligne-t-elle.

Face à ces réalités et en l’absence de solutions toutes faites, Catalano propose aux enseignants des pistes de médiation comme reconnaître ces contextes, c’est-à-dire en prendre conscience, et les intégrer dans leur pratique pédagogique. Pour cela, il est essentiel de s’intéresser à l’histoire de la langue et de montrer, dans sa pratique, son actualité. L’enseignant peut, pour y parvenir, s’appuyer sur des supports variés – interviews, bandes dessinées, témoignages – pour susciter l’intérêt des apprenants et leur faire percevoir la pertinence de l’apprentissage du français dans un monde multilingue.

2. Aperçu des pratiques didactiques

Dans le chapitre 2, Valeria Catalano s’intéresse aux cadres didactiques qui orientent, directement ou indirectement, les pratiques de classe dans l’enseignement obligatoire. Elle analyse en particulier l’influence du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR), dorénavant Cadre, qui s’est imposé à l’enseignement-apprentissage du français à partir des années 2000 pour ensuite se constituer en une référence incontournable dans le domaine.

Dans une perspective à la fois historique et de réflexion pratique, l’auteure retrace brièvement les méthodologies et approches qui ont précédé le Cadre – notamment la méthodologie grammaire-traduction et la méthode directe – avant de présenter la structure, le contenu et surtout les manifestations concrètes du Cadre dans l’enseignement du FLE/FLS au collège et au lycée. Elle s’interroge notamment sur l’impact réel de ce cadre sur les pratiques pédagogiques à travers deux questions. Retrouve-t-on dans les supports d’apprentissage les traces des cadres didactiques actuels ? Dans quelle mesure l’approche de l’enseignant s’en inspire-t-elle et serait-elle adaptée au profil des adolescents ?

Sans m’attarder sur les aspects historiques – le lecteur s’y intéressant pourra se reporter directement à l’ouvrage – je voudrais plutôt souligner les éléments de réponse proposés par Catalano invitant les enseignants à réfléchir à la traduction concrète du Cadre dans les pratiques de classe et à son adéquation avec les besoins spécifiques des adolescents apprenant le français.

L’avis de Catalano, quoique nuancé, est sévère vis-à-vis du Cadre et des approches communicative et actionnelle qu’il promeut. Catalano constate avec regret que le Cadre constitue avant tout un outil « pragmatique », utile pour définir des objectifs et soutenir les certifications, tout en privilégiant les approches communicatives et surtout actionnelles au détriment d’autres approches qui pourtant auraient toute leur place dans les pratiques pédagogiques compte tenu de leur efficacité.

Insistant sur le fait que le CECR a été conçu pour des publics adultes, Catalano affirme qu’il se révèle mal adapté aux adolescents, ce qui crée une incertitude pédagogique chez les enseignants lorsqu’ils tentent d’en transposer les principes à ce public. Les méthodes et approches qui en découlent privilégient la langue pratique et fonctionnelle, poursuit-elle, au détriment des dimensions éducatives telles que la réflexion grammaticale et l’enseignement de la prononciation.

Catalano constate et regrette l’abandon de certaines pratiques antérieures, jugées efficaces, et plaide pour un équilibre entre innovations méthodologiques et acquis didactiques éprouvés. Elle souligne que ni le Cadre, ni les nouvelles technologies, ni les visées dites communicatives ne devraient empêcher la diversification des pratiques.

Enfin, l’auteure critique la souplesse excessive de l’approche communicative et l’écart entre les tâches proposées dans l’approche actionnelle et la réalité sociale des adolescents. Selon elle, les activités devraient être ancrées dans leur vécu et leurs centres d’intérêt, et non projetées dans un monde futur éloigné de leur expérience.

3. Les résultats de l’élève, l’école et l’enseignant

Valeria Catalano analyse, dans ce chapitre, les résultats scolaires à partir des enquêtes PIRLS (2021), PISA (2022) et ESLC, en mettant l’accent sur la compétence de lecture, essentielle selon elle à l’apprentissage du FLE/FLS. Elle complète ces données par des études sur l’efficacité enseignante et par une enquête menée en 2023 auprès de responsables d’associations de professeurs de FLE en Europe. Malgré l’existence de ces enquêtes, l’auteure souligne la difficulté à évaluer précisément les performances en FLE/FLS, faute de données spécifiques dans les contextes européens et nord-américains.

À partir des résultats de PISA, elle relève plusieurs constats préoccupants : un quart des élèves n’atteint pas le niveau de base de compréhension de l’écrit, de nombreux enseignants sont perçus comme peu engagés par les élèves, et l’usage à mauvais escient du numérique perturbe l’attention des élèves.

Ces constats, note Catalano, sont essentiels pour comprendre le contexte réel de l’enseignement du français. Elle met en parallèle les recommandations de PISA et les résultats des autres enquêtes avec l’enseignement des langues étrangères, invitant à repenser le rôle de l’école, aujourd’hui partagée entre logiques de marché et valeurs humanistes (socialisation, intégration, développement personnel et intellectuel).

Enfin, l’auteure insiste sur l’importance de la conscience éducative collective : faire comprendre aux enseignants et aux parents que leurs attentes influencent directement la motivation et les résultats des élèves pourrait contribuer à améliorer l’apprentissage du FLE/FLS.

4. Quelles approches et quels contenus ?

Catalano se penche à cette occasion sur la dimension psychologique et cognitive de l’apprentissage du FLE/FLS. Après avoir analysé les facteurs institutionnels, pédagogiques et contextuels qui influencent directement ou indirectement l’enseignement du français, elle s’intéresse désormais à la façon dont l’élève apprend. L’auteure pose deux questions centrales qui guident sa réflexion. Quelles approches et quels contenus permettent de mieux prendre en compte le profil psychologique de l’apprenant, et comment le jeune apprend-il de façon générale et plus spécifiquement une langue étrangère ? En explorant ces interrogations, elle cherche à relier les observations cognitives aux pratiques de classe, afin d’aider l’enseignant à adapter son enseignement aux modes d’apprentissage propres aux adolescents.

Pour illustrer l’un de ses propos, Catalano recourt à un exemple particulièrement parlant issu du domaine musical, qu’elle utilise pour montrer combien le temps consacré à l’apprentissage, en classe comme en dehors, et l’étude d’éléments linguistiques ciblés sont déterminants dans la maîtrise d’une langue. De la même façon qu’un musicien progresse par la pratique régulière, l’apprenant d’une langue développe ses compétences à travers une exposition et un entraînement constant. Le musicien commence souvent par jouer les morceaux qu’il aime ; cependant, sans technique solide, il se retrouve rapidement limité et peine à aborder des œuvres plus complexes : pour progresser, il doit étudier la musique dans sa structure. Il en va de même pour les apprenants en langue : le plaisir est certes essentiel, mais il ne suffit pas. Pour avancer, il faut également s’attacher à comprendre les éléments de la langue – sa grammaire, son lexique, sa prononciation. Ainsi, comme le musicien qui allie divertissement et discipline, l’élève en langue doit conjuguer plaisir et travail méthodique pour parvenir à une véritable maîtrise linguistique.

En tant qu’enseignant de langues, cet exemple me paraît pertinent d’un point de vue pédagogique : il pourrait être repris en classe pour aider les élèves à prendre conscience de l’importance du travail personnel, de l’étude consciencieuse de la langue et de la régularité dans l’apprentissage du FLE/FLS – conditions essentielles agrémentées d’autres facteurs, pour parvenir à une réelle maîtrise linguistique selon Catalano.

Or, si le temps consacré à l’apprentissage d’une langue est un facteur essentiel de réussite, le temps de classe, lui, demeure très limité. De même, si l’apprentissage ciblé de points structurants d’une langue est essentiel, il est de plus en plus négligé, laissant place à des pratiques pragmatiques visant la communication et la réalisation de tâches. Dès lors, l’enseignant joue un rôle crucial : il lui revient de mettre à profit chaque moment pour favoriser un apprentissage efficace, encadré, guidé et ciblé.

Cette réflexion conduit Catalano à insister sur les propositions d’activités, de contenus et les démarches pédagogiques proposées en cours, qui doivent permettre à l’élève de comprendre, de fixer et d’appliquer les éléments linguistiques étudiés sans réduire ce moment à des simples activités ludiques et informelles. L’enseignant est ainsi invité à planifier ses cours en tenant compte de la nature des composantes de la langue (lexique, grammaire, prononciation, discours) et à réfléchir à la manière de les ancrer durablement dans la mémoire des apprenants adolescents.

Pour y parvenir, l’auteure encourage une approche équilibrée, articulant réflexion théorique mais surtout réalité de la classe, c’est-à-dire une pédagogie certes éclairée par la recherche mais avant tout ancrée dans la pratique quotidienne.

Afin d’outiller les enseignants, elle présente plusieurs modèles et pistes concrètes basées sur les dimensions du fonctionnement cognitif sur lesquelles il est possible d’agir – notamment l’attention et la mémoire de travail (Roussel, 2021).

Enfin, elle préconise, à titre d’exemple, de combiner apprentissage explicite et implicite : le premier pour les structures linguistiques simples et à court terme, le second pour les formes plus complexes et leur ancrage durable. L’auteure décline ensuite cette logique dans des approches ciblées sur la prononciation, la grammaire, le lexique, les contenus socioculturels et les compétences communicatives, offrant ainsi un ensemble cohérent de pistes pour un enseignement du FLE/FLS mieux adapté au public adolescent.

5. Démarches, parcours et fiches pratiques

Le dernier chapitre est consacré aux différents parcours d’enseignement du FLE/FLS à l’école secondaire, accompagnés d’un aperçu commenté de fiches pratiques adaptées aux profils des élèves. Ces outils visent à aider les enseignants à ajuster leurs démarches selon les besoins réels de leurs classes.

Constatant que la prononciation demeure souvent négligée dans l’enseignement/apprentissage des langues, pour ce compte rendu, j’ai voulu mettre en évidence le parcours d’apprentissage centré sur l’oral proposé par Catalano. Il illustre concrètement comment l’enseignant peut redonner à la dimension phonétique toute sa place dans la classe de FLE/FLS. Il répond également à l’ensemble des problématiques soulevées par l’auteure au fil de l’ouvrage. Ainsi, comment l’enseignant peut-il sortir des cadres habituels de la communication et des tâches purement pragmatiques promus par le Cadre ? De quelle manière peut-il aborder des questions linguistiques précises tout en tenant compte du profil cognitif et adolescent de ses élèves ? Et enfin, comment mobiliser concrètement les dimensions du fonctionnement cognitif sur lesquelles il est possible d’agir en classe de FLE/FLS ?

C’est à ces interrogations que répond la fiche 2, en proposant une démarche pratique et très concrète.

La fiche porte sur la distinction phonétique entre les sons /œ/ et /ø/ (comme dans œuf et œufs) à partir d’un petit poème (un texte donc non fonctionnel) permettant d’aborder les faits prosodiques du français comme les liaisons et les enchaînements (point linguistique précis).

Le déroulement de l’activité suit une progression claire :

  1. Identifier le genre du texte (« poème ») et le traduire en anglais et en néerlandais (langues communes du groupe) ;
  2. Repérer les sons récurrents dans le poème Un œuf, des œufs ;
  3. Associer le contenu à une image illustrant plusieurs œufs ;
  4. Répéter et imiter la prononciation du mot œuf telle qu’entendue ;
  5. Lire le poème vers par vers à voix haute, puis le mémoriser et le réciter intégralement, en soignant les liaisons (activité qui se prête au profil du public adolescent).

Ainsi, cette activité allie sensibilité linguistique, conscience phonétique et plaisir du jeu poétique, tout en restant adaptée au développement cognitif et affectif des adolescents.

6. Conclusions

L’ouvrage de Valeria Catalano constitue une contribution précieuse à la réflexion sur l’enseignement du FLE/FLS aux adolescents. En croisant analyses contextuelles, apports théoriques et propositions concrètes, il met en lumière les défis d’un public souvent sous-estimé dans la recherche didactique et négligé par les cadres linguistiques. L’auteure invite à dépasser les approches purement pragmatiques issues du Cadre pour redonner toute sa place à la dimension linguistique, cognitive et culturelle de l’apprentissage. Elle souligne le rôle central de l’enseignant, médiateur entre théorie et pratique, capable d’adapter ses démarches aux besoins réels de ses élèves. Enfin, à travers ses fiches et parcours d’apprentissage, où elle propose des exemples concrets tenant compte des exigences promues dans son ouvrage, Catalano propose une pédagogie équilibrée, fondée sur la rigueur, la précision, la régularité et le plaisir d’apprendre – conditions essentielles pour une véritable maîtrise du français chez les adolescents.

Bibliographie

Roussel, S. (2021). L’approche cognitive en didactique des langues. De Boeck.

Citer cet article

Référence papier

Rodrigo Edvard Araujo Silva, « Enseigner le français aux publics adolescents », Didactique du FLES, 4:2 | 2025, 127-132.

Référence électronique

Rodrigo Edvard Araujo Silva, « Enseigner le français aux publics adolescents », Didactique du FLES [En ligne], 4:2 | 2025, mis en ligne le 18 décembre 2025, consulté le 19 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/dfles/index.php?id=1804

Auteur

Rodrigo Edvard Araujo Silva

Doctorant à l’université de Strasbourg, il enseigne la littérature, l’acquisition du vocabulaire et la compréhension des textes littéraires en langues scandinaves. Après une formation à la didactique du FLE à l’Universidade Federal de Goiás (Brésil), il poursuit maintenant des recherches dans le domaine de la littérature en adoptant des approches croisées : linguistique, théorie littéraire et sciences humaines. Il est membre titulaire de l’UR 1341 Mondes germaniques et nord-européens à l’université de Strasbourg.

rearaujosilva@unistra.fr

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