1. L’éducation interculturelle : une finalité du CECRL et de la classe de langue
Face à une prise de conscience accrue de la diversité linguistique et culturelle, les décideurs politiques de nombreux pays cherchent à s’aligner sur la recherche en didactique des langues (depuis les années 1980) pour intégrer des dimensions interculturelles dans la scolarité obligatoire. Depuis le tournant du XXIe siècle, le thème est privilégié au niveau européen ; la compétence interculturelle fait partie des huit compétences clés pour les peuples de l’Europe, définies par l’Union européenne (désormais l’UE) dans le document directeur Recommandation du Conseil du 22 mai 2018 relative aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (Union européenne, 2018). Explicitement énoncée sous « 2. Compétences multilingues », elle est implicitement requise pour les sept autres compétences qu’il importe de développer chez chaque citoyen.
La classe de langue étrangère est un des lieux, a priori, où les élèves sont censés apprendre et se former à la compétence interculturelle, afin de la développer tout au long de leur vie. Ainsi, déjà dans le Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer (désormais le CECRL) paru en 2001, l’éducation plurilingue et interculturelle (désormais l’EPI) constitue « l’une des finalités essentielles » (Béacco et coll., 2016, p. 5). Traduit en 40 langues, vingt ans plus tard le CECRL est devenu l’un des outils de la politique du Conseil de l’Europe (désormais CoE) le plus connu et utilisé. Toutefois, si l’EPI est une des finalités et est considérée indispensable pour la cohésion sociale, la notion y est encore peu élaborée. Pour mieux fonder l’EPI et soutenir leurs États membres concernant les changements nécessaires de leur système éducatif, l’UE et le CoE proposent donc de nombreux outils complémentaires. En outre, toujours avec la classe de langue étrangère en premier plan, des activités transversales qui y sont proposées touchent aujourd’hui toutes les matières ; le CECRL n’est que la première pierre posée pour permettre aux acteurs des systèmes éducatifs à collaborer dans cette entreprise (Béacco et coll., 2016 ; Byram, Gribkova et Starkey, 2002 ; CoE, 2007, 2009, 2014, 2018, 2021, s.d. a, s.d. b, s.d. c ; Willems, 2002).
Vingt ans après la parution du CECRL, l’objectif de notre recherche est de parvenir à une meilleure compréhension de la manière dont les futurs enseignants sont formés à l’application de l’approche interculturelle, afin que les éventuelles lacunes puissent être abordées.
2. Cadre théorique : définitions et aspects didactiques
2.1. Définition de la compétence interculturelle
2.1.1. Un champ de recherche d’après-guerre pour des interactions multiculturelles
La compétence interculturelle (désormais CI) désigne tout un ensemble d’aptitudes qui facilitent les interactions efficaces et appropriées. « Efficace » se rapporte à la perception que l’on a de sa propre performance et « appropriée » à la façon dont la performance est perçue par l’autre. Ensuite, il existe de multiples définitions des composantes de la CI, des façons de les développer et de les évaluer, comme le résument entre autres Béacco (2018), Bartel-Radic (2009), Fantini & Garret-Rucks (2016) et Jackson (2014). Guidés par l’idée d’identifier des manières d’assurer que les interlocuteurs se comprennent suffisamment pour viser et réaliser des objectifs communs, ce sont d’abord des chercheurs en anthropologie, au service du Foreign Service Institute des États-Unis, peu après la deuxième guerre mondiale et à la suite d’échecs diplomatiques, qui ont fondé ce champ de recherche interdisciplinaire. Au fil du temps, les sciences de la communication, de l’éducation et de la psychologie et les sciences de gestion, se sont aussi impliquées dans ces nouvelles recherches. Également nommée compétence (de communication) pluriculturelle / transculturelle / cross-culturelle / globale, selon les chercheurs et leurs perspectives, le défi est de savoir percevoir et valoriser nos différences afin d’améliorer l’interaction humaine dans un monde multiculturel.
2.1.2. La compétence interculturelle selon le CoE
Parmi les définitions de la CI, cette étude se réfère à celle du CoE formulée comme suit :
La compétence interculturelle désigne la capacité à faire l’expérience de l’altérité et de la diversité culturelle, à analyser cette expérience et à en tirer profit. La compétence interculturelle ainsi développée vise à mieux comprendre l’altérité, à établir des liens cognitifs et affectifs entre les acquis et les apports de toute nouvelle expérience de l’altérité, à permettre la médiation entre différents groupes sociaux et à questionner les aspects généralement considérés comme allant de soi au sein de son propre groupe culturel et de son milieu. (Béacco et coll., 2016, p. 10)
La définition vient du Guide pour le développement et la mise en œuvre de curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle, fruit du travail d’équipe de plusieurs années de Béacco, Byram, Cavalli, Coste, Egli Cuenat, Gouillier et Pantier (2016), qui à son tour s’appuie sur des décennies de travaux d’autres didacticiens des langues au sein du CoE. Le Guide fait partie des Trois guides fondamentaux pour les politiques linguistiques du CoE (s.d. b) et il est référencé huit fois dans le dernier Volume complémentaire du CECRL (CoE, 2021). Pour articuler des connaissances et savoir-faire pour développer une CI en classe, soit donner une éducation interculturelle, nous utilisons le terme « approche interculturelle ».
L’approche interculturelle s’inscrit dans « la perspective actionnelle », privilégiée par le CECRL. Elle est introduite comme suit :
[La perspective actionnelle] considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donné (…) [avec] les ressources cognitives, affectives, volitives et l’ensemble des capacités que possède et met en œuvre l’acteur social. (CoE, 2001, p. 15)
Cette perspective s’inspire et va au-delà de « l’approche communicative » proposée dès les années 1970, ce qui est davantage souligné dans le volume complémentaire du CECRL : « on passe des programmes fondés sur une progression linéaire à partir des structures du langage ou d’un ensemble de notions et fonctions prédéterminées, à des programmes fondés sur des analyses de besoins, des tâches de la vie réelle » (CoE, 2021, p. 22, [emphase ajoutée]).
L’approche communicative, quant à elle, va bien au-delà d’une approche axée strictement sur les compétences linguistiques. L’approche communicative est axée sur l’usage de la langue et prend donc en compte les facteurs socioculturels des interlocuteurs, tels que des différences socio-économiques, le plurilinguisme, les attitudes, la perception, les valeurs et les normes, « competence as to when to speak, when not, and as to what to talk about with whom, when, where, in what manner. (…) attitudes, values, and motivations (…) and the interrelation of language with the other code of communicative conduct » (Hymes, 1972, p. 277-278). Le lien de la communication à l’action reflète l’explication du sens originel du mot communiquer : commūnĭcō, (communis), mettre ou avoir en commun, comme dans « communicato inter se consilio partes ad rem agendam divisere » (« après s’être concertés, ils se partagèrent les rôles pour l’action ») (Gaffiot, 2016).
La compétence langagière générale selon le CECRL, illustrée dans Figure 1, comprend donc des compétences qui vont bien au-delà des connaissances linguistiques, requises pour répondre aux besoins de la vie réelle, dans un monde multiculturel et multilingue.
Figure 1. Structure du schéma descriptif du CECRL, dans la perspective actionnelle
(CoE, 2021, p. 33)
Le Volume complémentaire nous le confirme ainsi : « Le schéma descriptif et l’approche actionnelle du CECR mettent la coconstruction du sens (grâce à l’interaction) au centre du processus d’apprentissage et d’enseignement » (CoE, 2021, p. 30 [emphase ajoutée]). Nous en concluons qu’en d’autres termes, l’objet principal est la CI. Les mêmes composantes figurent dans le modèle de la CI de Byram (2021) et la co-construction du sens (meaning-making) est le fil conducteur dans, par exemple, Liddicoat et Scarino (2013). Dans l’ensemble, le même contenu est également présenté en d’autres termes, axé sur l’usage, dans le modèle répandu de processus de la CI de Deardorff (cité par exemple dans Deardorff & Arasaratnam-Smith, 2017, p. 10). Contrairement à l’impression que peut donner la Figure 1, les différents aspects ne sont pas indépendants. Les compétences générales (les savoirs) et communicatives (linguistiques, sociolinguistiques, et pragmatiques y compris discursives) sont imbriquées dans toutes activités et stratégies langagières. (CoE, 2021). Par ailleurs, les compétences générales, nommées « savoirs » dans le CECRL, sont élaborés dans Développer la dimension interculturelle de l’enseignement des langues — une introduction pratique à l’usage des enseignants, de la Division des politiques linguistiques au CoE (Byram & coll., 2002).
2.1.3. De profonds changements didactiques guidés vers un but permanent
Depuis la publication du CECRL, les implications de l’approche interculturelle dans les programmes de langues en milieu scolaire ont été abordées dans de nombreux guides de soutien élaborés dans le cadre du CoE ; les publications se sont enchainées (pour une liste étendue, voir Dollander, 2021). Toutefois, si les aspects didactiques sont nombreux et en développement continu, leurs points communs restent les principes fondamentaux et le but, qui sont présentés notamment dans le premier chapitre du CECRL (CoE, 2001) et rappelés dans le dernier volume complémentaire (CoE, 2021). Au lieu de viser une progression linéaire des compétences strictement linguistiques, il s’agit de puiser dans la diversité linguistique et culturelle, de favoriser la compréhension réciproque et de renforcer la coopération, pour parvenir à une plus grande unité parmi les peuples. Les aspects didactiques doivent être réorientés d’après ces principes et ce but, raison pour laquelle une coopération suivie des acteurs des systèmes éducatifs des États membres fait partie du cadre conceptuel.
Pour guider les acteurs impliqués dans le changement continu des aspects didactiques, le CECRL propose sept questions, auxquelles il faut toujours savoir répondre. Elles sont toutes axées sur l’apprenant ; la première est simplement « Qu’est-ce que l’apprenant aura besoin de faire avec la langue ? » et les autres sont reliées à ses motivations, ses capacités et ses ressources (CECRL, 2001, p. 4). L’idée est de continuellement appliquer des méthodes et des matériels appropriés « en fondant l’enseignement et l’apprentissage des langues sur les besoins, les motivations, les caractéristiques et les ressources de l’apprenant » (ibid., p. 10). Les besoins dépendent du contexte de l’apprenant et de la société, qu’il importe de bien suivre afin de continuellement offrir un enseignement pertinent. Les ressources mentionnées dans le CECRL incluent par exemple des dictionnaires ; ainsi, de nos jours il s’agit des outils de traduction automatique orale et écrite sur nos smartphones ; demain, d’autres outils, en cours de développement, seront à la portée de tous. Comme nous le montre la Figure 1, l’apprenant pourra alors valoriser tout son répertoire langagier.
De profonds changements didactiques en résultent. Quelques aspects fondamentaux dans l’approche interculturelle sont résumés par Blanchet (2014) comme suit : 1) Il faut viser l’interaction avec des locuteurs d’autres langues, accomplir des tâches et répondre aux besoins du monde réel ; 2) il faut travailler les rencontres interculturelles en interaction, ou par des analyses des rencontres authentiques qui suscitent des réactions de la part des apprenants, car interculturel implique des interlocuteurs qui interagissent ; 3) il importe de suivre, analyser et guider le développement de la CI. D’autres chercheurs constatent que la réflexion guidée est fondamentale et non triviale pour la CI, raison pour laquelle l’enseignant a besoin d’une formation explicite et des outils et des méthodes pour guider et évaluer les élèves vers une progression (Béacco, 2018 ; Bennett, 2004 ; Fantini & Garret-Rucks, 2016). Les nombreux outils et méthodes accessibles aux enseignants ainsi que le fait que l’approche interculturelle soit davantage mise en avant par le CoE, nous amène à revoir les conséquences pour la formation initiale des enseignants de langue.
2.1.4. Conséquences pour la formation des enseignants
Se basant sur les travaux du CoE assorti d’un exemple concret mené dans six cantons de Suisse alémanique, Egli Cuenat (2011) montre les défis de l’adoption d’une approche interculturelle et plurilingue au niveau du curriculum. Elle résume comme suit :
L’éducation plurilingue et interculturelle demande un changement, tant au niveau de l’organisation des apprentissages qu’au niveau des savoirs, savoir-faire et savoir-être de la part des différents acteurs du curriculum. Il s’agit non seulement de coordonner l’enseignement des langues, mais d’inverser la perspective, si bien que certains parlent d’un véritable « tournant copernicien » : c’est le répertoire des ressources plurilingues et interculturelles auquel l’enseignement de chaque langue contribue qui se trouve désormais au centre, même si chaque langue continue à être un objet d’enseignement apprentissage en soi. Ce changement concerne tous les acteurs à tous les échelons du curriculum : du supra au nano. (Egli Cuenat, 2011, p. 54-55 [emphase de l’auteur]).
En particulier, Egli Cuenat met en évidence la nécessité de nouvelles approches de la formation des enseignants et propose trois facteurs essentiels (2011, p. 53), qu’il nous semble opportun de reproduire ci-après dans sa presque totalité avec l’emphase de l’auteur :
- Les compétences en langue doivent viser le niveau C1 du CECRL pour les enseignants du primaire et le niveau C2 pour les enseignants du secondaire. Basé sur le principe que les enseignants intégreront plus facilement dans leur pratique ce qu’ils ont vécu eux-mêmes durant leur propre formation, l’accent est mis sur les compétences fonctionnelles dans la langue cible (gestion de la classe, ressources pour enseigner des contenus adaptés aux intérêts des enfants) et sur le développement des compétences interculturelles, du plurilinguisme et de la capacité d’apprentissage autonome tout au long de la vie ;
- Les compétences en didactique et méthodologie couvrant à la fois les domaines « traditionnels » (la compréhension des processus d’apprentissage, l’enseignement orienté vers les contenus et les activités, la planification de l’enseignement, les besoins des jeunes apprenants etc.) et des orientations plurilingues et interculturelles (par exemple en tirant parti des outils et des méthodes partagés dans le cadre de l’UE et du CoE) ;
- Les compétences métadidactiques et la pratique réflexive au sens de la capacité de se servir de façon critique et ciblée des différents instruments et méthodes. Les enseignants sont encouragés à la réflexion permanente et à l’observation de leurs propres pratiques, notamment à travers une dimension coaching (travail sur les attitudes à l’aide de séquences filmées en classe et de transcription). L’approche d’une pratique réflexive accompagnée est sensée garantir l’ancrage de l’innovation et sa mise en œuvre dans la pratique actuelle d’enseignement, ses questions, ses problèmes, et ses besoins.
Enfin, les enseignants doivent vivre ce qu’ils enseignent, notamment quand il s’agit d’interculturalité, d’évaluation, des stratégies et de la réflexion sur l’apprentissage (ibid., p. 54). Il s’agit de faire des enseignants eux-mêmes des « apprenants interculturels » qui, enfin, peuvent en tirer des enseignements utiles à l’exercice de leur métier.
Ces expériences sont aussi reflétées dans le Guide (Béacco & coll., 2016) mentionné ci-dessus, dont Egli Cuenat est co-auteur. Une formation à l’approche interculturelle requiert de la part des enseignants des langues, outre des solides compétences langagières, les atouts en Figure 2.
Figure 2. Éléments pour une formation des enseignants à l’interculturalité
(Béacco & coll., 2016, p. 140)
Pour former les enseignants à l’approche interculturelle, le parcours de formation inclut de préférence diverses activités externes et internes à l’école, comme nous le propose Figure 3. Ces formules soutiennent le principe de laisser les enseignants vivre ce qu’ils vont enseigner.
Figure 3. Organisation des parcours de formation
(Béacco & coll., 2016, p. 142)
Enfin, étant donné que l’approche interculturelle s’inscrit dans la perspective actionnelle, selon laquelle les programmes doivent être fondés sur des analyses de besoins et des tâches de la vie réelle où les apprenants sont des acteurs sociaux, la formation initiale doit logiquement être adaptée au contexte culturel et linguistique réel et montrer comment elle se rapporte aux besoins réels qui exigent de la collaboration interculturelle. En outre, il paraît évident que les enseignants formés pour suivre et prioriser des besoins réels liés à la cohésion sociale seront plus aptes à proposer des projets pertinents à réaliser en classe, alignés sur la finalité de l’EPI coordonnée avec le CECRL.
2.2 Question de recherche
Notre recherche se concentre sur la formation initiale des enseignants de français langue étrangère du secondaire, visant la scolarité obligatoire dans deux États membres du CoE. Tout d’abord, nous examinerons le système éducatif en Suède, un État-nation avec une langue principale et officielle, le suédois (Sveriges riksdag, 2009), où le terme « interculturel » ne figure pas dans le curriculum (Skolverket 2019a ; 2019b). Puis, nous le comparerons avec celui d’un canton alémanique dans la Confédération suisse, un État fédéral qui compte quatre langues nationales et où l’approche interculturelle est intégrée dans le curriculum de manière explicite (Conseil fédéral de la Confédération suisse, 2020 ; Bildungsdirektion des Kantons Zürich, 2017). Parmi ses 26 cantons, 22 sont officiellement monolingues et l’enseignement des langues à l’école obligatoire est considéré important pour la cohésion sociale de la nation.
Dans la majorité des cantons en Suisse alémanique, les défis en classe de français ressemblent à ceux de la Suède ; la langue de scolarisation, l’allemand (qui remplace le suisse allemand comme langue de scolarisation dès l’école primaire) est une langue germanique tout comme le suédois ; la première langue étrangère est l’anglais et le français en tant que deuxième langue étrangère est rarement entendue en dehors des cours. Bref, les défis linguistiques de nombreux apprenants de français se ressemblent dans les deux pays d’étude, alors que leurs curriculums diffèrent en ce qui concerne l’interculturalité.
Notre question de recherche se résume ainsi : Au niveau de la formation initiale des futurs enseignants de français du secondaire, comment l’approche interculturelle est-elle intégrée dans la formation offerte par six universités en Suède et dans un programme proposé par une Haute École Pédagogique en Suisse alémanique, qui en fait une finalité explicite ?
3. Méthodologie
3.1. Les documents analysés
Afin de répondre à notre question de recherche, nous avons procédé à une analyse qualitative de ressources curriculaires composées de descriptions de programmes, de cours et de modules, accompagnées de bibliographies valables pour des programmes de formation des enseignants de français débutant à l’automne 2021, de six Instituts de formation en Suède et de la Haute École Pédagogique de Saint-Gall (localement nommée Pädagogische Hochschule St. Gallen, désormais PHSG), dans la Confédération suisse, à des fins de comparaison.
La sélection s’est faite comme suit : les formations choisies en Suède figuraient dans les premiers résultats de recherche pour la formation initiale des enseignants de français du secondaire en Suède sur « antagning.se » (le site Web central et officiel des candidatures aux programmes d’études des universités et des écoles supérieures de Suède). Après une lecture attentive des descriptions de cours, nous avons constaté que si les universités sont de tailles, d’histoires et de régions différentes, le contenu des formations était très similaire ; nous considérons donc ces formations représentatives des offres du pays. Le programme de la PHSG nous a été suggéré alors que nous sollicitions des descriptifs de cours pour une formation initiale des enseignants de français du secondaire en Suisse alémanique (où la CI est mentionnée de manière explicite dans le curriculum). Nous n’avons pas recherché dans quelle mesure ce programme était représentatif du reste de la Confédération suisse.
3.2. Les critères retenus pour la recherche
En nous appuyant sur notre revue de la littérature, les critères d’analyse suivants ont été élaborés afin d’orienter notre lecture des ressources curriculaires :
- La compétence interculturelle est visée demanière explicite et claire dans les instruments curriculaires et par les acteurs à tous les niveaux du système éducatif, et ce afin de soutenir les enseignants et de repositionner la compétence interculturelle en tant que croyance centrale et concrète dans leur cognition (Béacco et coll., 2016 ; Egli Cuenat, 2011)
- La formation initiale des enseignants est primordiale et vise la compétence interculturelle en demandant aux futurs enseignant de vivre eux-mêmes ce qu’ils vont enseigner (Egli Cuenat, 2011). Cela nécessite de mettre l’accent sur :
- La prise de conscience de soi et des autres, que l’on s’attarde sur les comportements, les sentiments, les croyances et les valeurs, des situations engageant les émotions et un investissement personnel ;
- L’engagement actif au-delà de la salle de classe par des interactions dans le monde réel (projets internationaux, des échanges, des séjours à l’étranger, des projets locaux avec des interlocuteurs d’autres grilles interprétatives), précédé par une phase préparatoire et suivi par l’auto-analyse guidée du propre vécu de chaque apprenant ;
- Des stages/pratiques en salle de classe avec des activités pour s’entrainer à enseigner la compétence interculturelle aux autres ; chaque stage doit être précédé par une phase préparatoire et suivi par l’auto-analyse guidée des expériences. La formation pour découvrir le matériel pédagogique disponible via le CoE et d’autres acteurs, pour effectuer des adaptations locales, et pour une utilisation concrète actuelle, est inclus ;
- Les conditions d’admission des étudiants pour commencer le programme de formation initiale des professeurs de langues comprennent des compétences linguistiques correspondant au moins au niveau B1 du CECRL, afin de pouvoir se concentrer sur les aspects interculturels et sur le comment l’enseigner ainsi que pour pouvoir viser le niveau C2 avant la fin de la formation.
- Il existe un rapport clair entre la formation et des besoins réels qui exigent de la collaboration interculturelle.
4. Analyse des programmes de formation des enseignants de français
4.1. Formations initiales offertes par six universités en Suède
La formation initiale des enseignants de français du secondaire offerte par six universités en Suède a été examinée. Les universités de Stockholm, Göteborg et Uppsala sont les trois plus grandes du pays en fonction du nombre d’étudiants et ont une histoire qui remonte respectivement au 18e et au 15e siècle, tandis que les universités de Jönköping, Linköping et Dalarna datent des années 1970 et sont moins ancrés dans des traditions. Dans l’ensemble, les universités proposent quatre programmes complets, ainsi que quelques pistes alternatives, pour l’obtention d’un diplôme d’enseignant de français langue étrangère (désormais FLE) (voir Tableau 1).
Tous soumis aux directives du niveau national, les descriptifs de programme se réfèrent à L’ordonnance sur l’enseignement supérieur (Sveriges riksdag, 1993). Il y est stipulé, que les programmes doivent comprendre un certain nombre d’ECTS de FLE, de didactique du FLE, un travail indépendant en FLE, une formation pratique sous forme de stage, ainsi qu’un « tronc commun pédagogique » qui consiste en des études génériques en pédagogie requis pour les diplômes d’enseignant dans toutes les matières du secondaire. De ce tronc commun, notre lecture a été axée notamment sur les cours en relations sociales et gestion des conflits.
Tableau 1 Formations initiales d’enseignants de français en Suède dont les descriptifs sont revus
Lieu de l’Institut de formation | Programme complet de formation des enseignants de français + une matière supplémentaire : 240-300 ECTS | Programme complémentaire de formation des enseignants (« tronc commun pédagogique »), en Suède abrégé en « KPU » : 90 ECTS | Cours autonomes de français du niveau de base (à combiner avec KPU pour obtenir un diplôme d’enseignant de français) : 90 ECTS |
Dalarna | D_PROGa | x | x |
Göteborg | G_PROG | x | G_FRA |
Jönköping | s.o. | J_KPU | s.o. |
Linköping | s.o. | L_KPU | s.o. |
Stockholm | S_PROG | x | S_FRA |
Uppsala | U_PROG | U_KPU | U_FRA |
a. Codage : Les programmes/cours vérifiés sont identifiés par code, p. ex. « D_PROG » ; s.o. = sans objet, formation non disponible ; x = formation exclue, supposée peu susceptible d’influencer nos résultats |
Les cours de français, au total 90 ECTS, sont axés sur des compétences linguistiques (phonétique, grammaire et vocabulaire, communications écrite et orale simples). Des études de textes littéraires, à l’aide de dictionnaires, constituent une part importante de la formation. Les œuvres proposées sont des classiques comme Voltaire, Flaubert, Camus et les dictionnaires imprimés ainsi que les grammaires françaises font partie des ressources à mobiliser. « La culture » est abordée en tant que savoir, notamment sur la France et se centre sur la géographie, l’histoire moderne et des conditions sociales de la France. Une seule formation aborde l’interculturel de manière explicite : S_FRA propose un module de 7,5 ECTS nommé « Interculturalité et compétence communicative ». Selon le descriptif, les expressions culturelles, les stéréotypes et la formation des normes y sont examinés. Cependant, la liste des textes étudiés n’étant pas disponible, nous n’avons donc pas pu évaluer dans quelle mesure ils correspondent aux définitions de notre cadre théorique.
Dans les descriptifs des programmes D_PROG et G_PROG et du cours G_FRA, le terme « interculturel » est mentionné parmi les objectifs d’apprentissage. Toutefois, nous n’avons trouvé aucun appui à ce sujet dans les descriptifs détaillés des modules ou dans les bibliographies de chaque cours. Les descriptifs des autres formations ne mentionnent pas de termes se référant à l’interculturalité. Aucune formation ne vise la CI comme objectif principal de la compétence langagière générale.
Un fait peut-être plus remarquable est qu’aucune des formations ne pose d’exigences en matière d’interaction authentique avec des personnes de langue maternelle française, même si certains mentionnent la possibilité d’étudier un semestre en France. Comparée avec la Figure 1, les compétences pragmatiques et sociolinguistiques (des compétences communicatives), et le savoir apprendre/faire, ainsi que le savoir être (des compétences générales), sont peu abordées.
Le tronc commun pédagogique de 90 ECTS, ce qui correspond à 1,5 année d’études, aborde des sujets que nous groupons comme suit 1) l’histoire, l’organisation et les conditions du système scolaire ; 2) les valeurs de l’école, les valeurs démocratiques fondamentales et les droits de l’homme ; 3) théorie et didactique du curriculum ; 4) théorie scientifique et méthodologie de recherche ; 5) le développement et l’apprentissage des élèves ; 6) l’éducation spéciale ; 7) les relations sociales, la gestion des conflits et le leadership ; 8) l’évaluation et la notation des élèves ; 9) les travaux d’évaluation et de développement.
Parmi ces sujets, nous considérons qu’en particulier les relations sociales et la gestion des conflits pourraient être abordée selon une perspective interculturelle. Or, une lecture des descriptifs détaillés révèle que ces modules sont axés sur les interactions entre les élèves et les enseignants avec peu ou pas de mention d’un contexte multiculturel et multilingue (bien que 20 % de la population en Suède soit née à l’étranger, selon l’Office fédéral de la statistique de la Suède, 2021). Seuls les troncs communs pédagogiques d’U_KPU et de J_KPU exigent des futurs enseignants, et uniquement selon les bibliographies de chaque cours, la lecture d’un texte pertinent comme suit : dans U_KPU un chapitre intitulé « La pédagogie interculturelle » dans un livre publié en 2014 ; dans J_KPU un livre de 180 pages publié en 2016, dont le titre se traduit par « Perspectives interculturelles : la pédagogie dans les environnements d’apprentissage multiculturels ». Toutefois, la lecture et éventuellement la discussion qui en suit autour d’un texte semble loin d’être suffisant, selon notre cadre théorique. Les descriptifs des autres formations ne font nulle mention d’environnements d’apprentissage multiculturels. Aucune des formations examinées ne semble aborder la création de sens, l’auto-analyse ou la manière de l’enseigner aux autres. Les autres cours du tronc commun pédagogique sont axés sur l’institution scolaire, la didactique et la gestion des relations avec les parents.
Enfin, notre examen des ressources curriculaires n’a trouvé aucune trace de la perspective actionnelle, dans laquelle l’approche interculturelle s’inscrit, et très peu de mention de l’approche communicative lancée dans les années 1970, sur laquelle elle s’appuie. Bien que tous les descriptifs généraux de programmes ainsi que certains descriptifs de cours mentionnent l’exigence d’une perspective de développement durable, ce qui est en accord avec l’Ordonnance sur l’enseignement supérieur (Sveriges riksdag, 1993), ce thème n’est pas mentionné dans les descriptions plus détaillées du contenu des modules. Pourtant, les objectifs de développement durable fournissent des occasions infinies d’aborder des besoins qui nécessitent une collaboration interculturelle et sont d’ailleurs également soulignés par l’UE (2018). Nous n’avons pas non plus trouvé de référence liée aux autres besoins réels qui exigent des interactions interculturelles. Finalement, nous constatons un manque de cohérence entre une grande partie de la formation obligatoire axée sur des études littéraires et la finalité de l’EPI et du CECRL concernant la cohésion sociale.
4.2. Formation offerte par la Haute École Pédagogique de Saint-Gall
Le canton suisse de Saint-Gall a l’allemand comme langue officielle et est limitrophe de l’Allemagne et de l’Autriche. Le programme de formation initiale des enseignants du secondaire proposé par la PHSG compte 270 ECTS, conduit à une Maîtrise des arts (ou en sciences) en enseignement secondaire et un diplôme d’enseignant pour quatre matières scolaires. Les ECTS requis par matière varient entre 20 et 40 ; plusieurs cours sont interdisciplinaires et les crédits peuvent donc être partagés entre deux ou plusieurs matières (PHSG, 2021, programme complet de formation des enseignants de français + trois matières supplémentaires). Ainsi, la durée des études varie en fonction des choix de matières de chaque étudiant ; un exemple de parcours d’études est donné dans le tableau 2 :
Tableau 2. Exemple de programme d’études pour un diplôme d’enseignant de cinq matières du secondaire (PHSG, 2021)
Domaine de matière | ECTS |
Allemand | 30 |
Anglais | 15 |
Français | 15 |
Séjour linguistique (8 ECTS par langue étrangère) | 16 |
Cours interlinguistiques | 15 |
Matière C (au choix : Musique / Beaux-Arts / Economie Travail Maison / Éducation physique et sportive) | 30 |
Espaces, temps, sociétés, avec un accent sur l’histoire | 40 |
Pédagogie / sciences de l’éducation | 37 |
Formation pratique (répartie plutôt équitablement entre les matières d’enseignement) | 50 |
Mémoires de licence et de maîtrise | 33 |
Études complémentaires (informatique, médias et technologie de présentation, compétences linguistiques en allemand, éducation au développement durable, éthique, religions, communauté) | 22 |
Total | 303 |
Années d’études à temps plein | 5 |
Pour une compréhension approfondie, nous invitons le lecteur à consulter les descriptifs des cours ou un conseiller d’études de la PHSG. Ici, nous nous concentrerons sur le fait que les cours de langues ont été conçus avec l’objectif explicite « les enseignants de langues à titre d’experts en plurilinguisme et en interculturalité », comme illustré dans la Figure 4 (voir ci-dessous). Par une étroite collaboration, ce travail influence également certains cours en sciences de l’éducation liés à la valorisation et à la prise en compte des besoins des élèves d’autres langues maternelles3.
4.2.1. Un modèle pour une formation visant l’EPI
Le modèle de ce programme d’études découle en grande partie des recommandations du CoE. Ainsi, la formation des professeurs de langues est conçue pour qu’ils soient plurilingues et incités à enseigner plus d’une langue, qu’ils soient versés dans les dimensions de l’interculturalité, qu’ils aient un haut niveau de conscience linguistique générale et qu’ils voient la langue comme moyen de construire du sens dans les sujets à travers le programme scolaire (Bleichenbacher & coll., 2019). La Figure 4 montre la relation entre les composantes du programme et l’objectif final. Quelques éléments sont brièvement décrits ci-dessous :
Figure 4. Principes de conception didactique et domaines du programme d’études
(Bleichenbacher & coll., 2019, cités dans Bolitho et Rossner, 2020, p. 60)
Globalement, les futurs enseignants de langues sont donc formés pour promouvoir le plurilinguisme et l’interculturalité (en accord avec l’EPI du CoE), pour être conscients des connexions entre les langues et les cultures et pour promouvoir l’apprentissage synergique et la sensibilisation linguistique et interculturelle à travers différents outils.
« Cross linguistic teaching methodology » (sprachenübergreifende Didaktik / didactique interlinguistique) est un élément de base. Elle combine la didactique intégrative des langues avec le domaine de l’intercompréhension. Cela implique l’utilisation productive et réceptive de plusieurs langues dans les différents domaines de l’éducation pendant la formation. Il s’agit principalement des langues étrangères cibles du programme de formation, à savoir, dans l’exemple de la Suisse alémanique, l’anglais, le français et l’italien, en plus de l’allemand comme langue de scolarisation (Bleichenbacher & coll., 2019)
« Language across the curriculum » et « development of language awareness » suivent le principe d’un focus sur la langue dans toutes les matières, afin de permettre aux élèves d’acquérir une sensibilité de base pour les langues. Dans ce domaine, d’autres langues pertinentes, dont notamment les langues d’origine dominantes parmi les élèves, sont prises en compte. La comparaison du contenu dans les différentes langues peut permettre de comprendre quels domaines peuvent être rendus interlinguistiques et interculturels et lesquels sont plutôt spécifiques à la langue et à la culture. Cela encourage également les compétences interculturelles (Bleichenbacher & coll., 2019).
Dans les descriptifs de modules des cours de français, des cours interlinguistiques (« Sprachenübergreifend ») ainsi que des cours de pédagogie / sciences de l’éducation (« Erziehungswissenschaften »), nous identifions des éléments répétés mettant l’accent sur l’autoréflexion (parfois soutenues par des séquences filmées en vidéo), les rencontres authentiques et la diversité parmi les élèves (par le sexe, l’origine des réfugiés/migrants, le milieu social et la performance/la douance). Les mouvements de population sont traités de manière récurrente ; si la « culture » francophone est axée sur la partie francophone de la Suisse en accord avec la finalité de « la cohésion sociale » du pays, la « culture » française aborde la France en tant qu’ancienne puissance coloniale et son impact sur les vagues de migration actuelles. Un module amène les étudiants à réaliser 20 leçons de soutien pour un élève nouvellement immigré et à réfléchir sur les expériences. Il y a des éléments d’études concernant la grammaire et la littérature, mais aussi le théâtre et la musique, et dans l’ensemble un fort accent sur la gestion de la classe en français, ainsi que sur la planification et l’exécution des leçons (PHSG, 2021).
4.2.2. Séjours linguistiques et compétences linguistiques
« Exchange and encounter methodology », « Subject knowledge » et « Language development » impliquent entre autres des rencontres authentiques et des compétences linguistiques élevées dès le départ, qui sont développées au cours du programme. Pour chaque langue choisie (anglais, français, italien), un séjour linguistique d’au moins trois mois est requis. Le séjour doit inclure une formation en langue avec 25-30 leçons par semaine et ne peut être interrompu. Un rapport de terrain doit être rédigé pour chaque séjour (Pädagogische Hochschule St. Gallen, Richtlinien Sprachaufenthalte / Sprachkompetenz, 2016).
Pour être admis aux cours d’une langue étrangère, une preuve des compétences linguistiques d’au moins le niveau B2 du CECRL est requise. À la fin du 6ème semestre, les étudiants doivent démontrer une compétence linguistique dans les langues étrangères dans lesquelles ils souhaitent obtenir une qualification d’enseignant, à un niveau minimum de C1 selon le CECRL avec un diplôme reconnu au niveau international. Pour la matière « français », au moins un Diplôme Approfondi de Langue Française, DALF C1 doit être démontré. Au bout de leur formation, la compétence linguistique par langue devrait atteindre le niveau C2 (Pädagogische Hochschule St. Gallen, Richtlinien Sprachaufenthalte / Sprachkompetenz, 2016).
4.3. Les formations des enseignants par rapport aux critères retenus
Pour finir de répondre à notre question de recherche, nous passons à une revue comparative des formations par rapport aux critères de recherche du chapitre 3.2 développées à la suite de notre revue du CECRL, des guides connexes ultérieurs du CoE et d’autres publications qui soutiennent l’approche interculturelle.
4.3.1. Critère : la compétence interculturelle est visée de manière explicite et claire dans les instruments curriculaires et par les acteurs à tous les niveaux du système éducatif
Pour la Suède, au niveau du curriculum et de la formation initiale des six universités revues, la CI n’est pas visée de manière explicite, ni claire. Dans les documents revus, nous n’avons pas été en mesure d’identifier un soutien à l’approche interculturelle.
Pour la Confédération suisse, à la fois dans le curriculum et dans la formation de la PHSG, la CI est visée de manière explicite et claire. Toutefois, dans le programme examiné, l’interculturalité semble moins développée que le plurilinguisme. Nous considérons également que la perspective actionnelle, dans laquelle s’inscrit l’approche interculturelle, reste à développer.
4.3.2. Critère : les futurs enseignants doivent vivre ce qu’ils vont enseigner
Sous-critère a : accent mis sur la prise de conscience de soi et des autres, que l’on s’attarde sur les comportements, les sentiments, les croyances et les valeurs, des situations engageant les émotions et un investissement personnel ;
Pour les formations en Suède, nous ne l’avons pas identifié. D’après les noms des cours, certains cours pourraient s’attarder sur ces facteurs, telle que la formation des enseignants sur la gestion des relations entre les élèves et les enseignants ou sur le développement de l’élève. Toutefois, après un examen des descriptifs détaillés nous constatons que le contenu n’y correspond pas.
Pour la formation de la PHSG, les séjours linguistiques et les rencontres authentiques sont requis et l’autoréflexion est soutenue. Un examen plus approfondi du contenu des cours serait nécessaire pour savoir à quel point les sentiments, les croyances et les émotions sont engagés et analysés.
Sous-critère b : l’engagement actif au-delà de la salle de classe par des interactions dans le monde réel, précédé par une phase préparatoire et suivi par l’auto-analyse guidée du propre vécu de chaque apprenant ;
Pendant les formations en Suède, l’étudiant a la possibilité d’effectuer certaines parties de ses études à l’étranger (explicitement mentionné pour U_PROG et G_PROG). Toutefois, l’initiative doit venir de l’étudiant et aucune phase préparatoire ni analyse guidée du vécu n’est mentionnée.
Pendant la formation de la PHSG, l’engagement au-delà de la salle de classe est central. Cependant, la phase préparatoire et l’auto-analyse guidée du propre vécu n’a pas pu être suffisamment examiné pour donner une réponse complète.
Sous-critère c : des stages/pratiques en salle de classe avec des activités pour s’entraîner à enseigner la compétence interculturelle aux autres ; chaque stage doit être précédé par une phase préparatoire et suivi par l’auto-analyse guidée des expériences. La formation pour découvrir le matériel pédagogique disponible via le CoE et d’autres acteurs, pour effectuer des adaptations locales, et pour une utilisation concrète actuelle, est inclus ;
Pour les formations en Suède, ceci n’a pas pu être constaté.
Pour la formation de la PHSG, ces stages/pratiques en salle de classe sont centrales.
Sous-critère d : les conditions d’admission des étudiants comprennent des compétences linguistiques correspondant au moins au niveau B1 du CECRL et visent le niveau C2 avant la fin de la formation.
Pour les formations en Suède, le niveau des compétences requis est inférieur (plutôt A2). Ce niveau est censé s’élever au niveau B au cours de la formation, mais il n’existe aucune exigence pour le certifier.
Pour la formation de la PHSG, les candidats doivent avoir des compétences linguistiques correspondant au niveau B2 pour commencer la formation. Un certificat de niveau C1 doit être obtenu d’un institut externe autorisé pendant les études et les élèves sont supposés arriver au niveau C2 à la fin.
4.3.3. Critère : Il existe un rapport clair entre la formation et des besoins réels qui exigent de la collaboration interculturelle
Pour les formations en Suède, nous ne pouvons pas constater de rapport clair entre le contenu des cours et la cohésion sociale. Les compétences linguistiques en français visées semblent peu susceptibles de contribuer à la cohésion sociale, ni dans le pays où 20 % de la population est née à l’étranger avec un paysage linguistique et culturelle et des besoins qui en résultent, ni au niveau mondial.
Pour la formation de la PHSG, conçue pour la cohésion sociale de la Confédération suisse où le français est une des langues officielles pourtant rarement parlé dans la grande majorité des cantons alémaniques, le rapport est plus clair. Le « Cross linguistic teaching methodology », où les futurs enseignants sont exposés à toutes les langues officielles de la Confédération, ainsi que les thèmes de migration abordés avec par exemple des leçons de soutien pour un élève nouvellement immigré, renforcent ce rapport. Toutefois, nous n’avons pas trouvé d’exemples où les futurs enseignants sont formés à suivre et prioriser des besoins réels liés à la cohésion sociale. À notre avis, cela les rendrait plus aptes à guider des projets plus pertinents avec leurs futurs apprenants et renforcerait la perspective actionnelle.
5. Conclusion
Cet article avait pour ambition de parvenir à une meilleure compréhension de la manière dont les futurs enseignants sont formés à l’approche interculturelle, afin que les éventuelles lacunes puissent être pointées.
De la Suède et de la Confédération suisse, des descriptifs des programmes de formation initiale des enseignants de français ont été analysés. Dans les documents examinés des six universités suédoises, aucune cohérence avec l’approche interculturelle ou sa finalité n’a été constatée. Seules une des formations revues comprend un module de cours sur l’interculturalité. Or, un module est loin d’être suffisant pour parler d’une approche interculturelle. En revanche, selon les documents examinés de la PHSG en suisse alémanique, la formation a été conçue avec l’objectif explicite « les enseignants de langues à titre d’experts en plurilinguisme et en interculturalité » et se base sur les recommandations du CoE. Nous avons pu confirmer une correspondance avec des parties importantes de notre cadre théorique ; de toute évidence, cette formation devrait être d’un grand intérêt pour tout système éducatif dans le monde en quête d’inspiration et d’un retour d’expérience solide. Toutefois, la formation semble plus axée sur l’éducation plurilingue que celle interculturelle. Nous voyons également une possibilité pour développer la perspective actionnelle, en formant par exemple les futurs enseignants à guider des projets en fonction de besoins réels qui dépendent de la collaboration interculturelle.
La réforme d’une formation scolaire ancrée dans la tradition, que l’approche interculturelle en classe de langue implique, est difficile. Pour faciliter une réelle application du CECRL et des publications connexes, tout en permettant un développement continu en fonction du contexte et des besoins, pourrait-on envisager une nouvelle formation scolaire, qui valorise et exploite encore mieux l’hétérogénéité dans la classe et des communautés ? « L’interaction avec l’altérité » pourrait viser la cohésion sociale dans un monde en mutation où la multiculturalité et le multilinguisme sont la norme : il s’agirait de respecter les valeurs qui sous-tendent les démarches décrites dans le CECRL d’exploiter la recherche en communication entre les êtres vivants, y compris les neurosciences cognitives sociales, ainsi que les outils techniques conçus pour soutenir la communication et qui traduisent des phrases bien mieux que leur sens ou leur pouvoir symbolique. Dans une perspective actionnelle, l’interaction avec l’altérité suivrait également le statut des objectifs de développement durable pour prioriser les actions à entraîner. Ainsi, les pratiques pédagogiques seraient en permanence axées sur la préparation des élèves à répondre aux besoins du monde réel.