Éducation : rallumons les Lumières !

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Philippe Meirieu, Éducation : Rallumons les Lumières ! Éditions de l’Aube / CEMÉA, 2024.

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Philippe Meirieu, pédagogue et professeur émérite des universités en sciences de l’éducation, est un spécialiste reconnu de l’éducation et de la pédagogie. Auteur de nombreux ouvrages traduits dans le monde entier, il a mené des recherches approfondies sur les questions de l’apprentissage, sur différents pédagogues et jusqu’à l’élaboration d’un dictionnaire « inattendu » de pédagogie. La totalité de l’ouvrage intitulé Éducation : rallumons les Lumières ! publié en 2024 aux Éditions de l’Aube / CEMÉA comprend 186 pages et propose une réflexion à la fois synthétique et engagée sur les thématiques de l’enfance, de l’école, de la politique, de la jeunesse, de l’éducation populaire, des médias. Mais aussi, dans cet ouvrage plutôt court, mais très dense, l’auteur vise à traiter de front ce que veut dire « résister » et de « reconstruire ». Il expose la nécessité de la mise en relation entre projets politique et éducatif. Selon lui, « il est temps de redresser la barre et de faire de l’éducation une priorité absolue pour préparer notre avenir ! ». Jean-Baptiste Clerico1 souligne, dans sa postface, l’importance majeure des analyses et des pistes proposées par Philippe Meirieu dans cet ouvrage.

Le contenu de l’ouvrage est organisé en neuf parties.

Dès les premières pages, l’auteur confie avoir toujours été habité par « l’idéal romantique d’une société plus juste et plus solidaire ». Il revient sur son parcours et sur son éducation, depuis son enfance jusqu’à ses responsabilités institutionnelles. Il fait part aux lecteurs d’événements et des expériences dont il a été témoin. Cette introduction permet donc au lecteur de mieux connaître et de découvrir un auteur profondément humaniste qui a toujours cru à la possibilité d’un monde meilleur, ayant toujours foi dans les pouvoirs de l’éducation pour le construire. Dans un second temps, Philippe Meirieu retrace l’évolution historique et politique de l’éducation depuis la Révolution française jusqu’à aujourd’hui, en mettant en avant les principes fondateurs de la République : la liberté, l’égalité et la fraternité. Il s’interroge sur leur place dans notre société actuelle, en mettant un accent particulier sur la fraternité, qu’il considère moins comme un principe que comme une véritable valeur. Dans sa troisième partie. « On éteint les Lumières ! » (p. 43), s’exclame-t-il. Il retrace l’histoire et l’héritage des Lumières, en évoquant dans cette partie plusieurs auteurs très connus tels Descartes, Rousseau, Kant, ainsi que d’autres penseurs, jusqu’au docteur Jean Itard. Voici un extrait de ce que Meirieu dit à propos des Lumières :

Les Lumières c’est donc d’abord simplement mais fermement, l’affirmation qu’en éducation, tout échec est dépassable un jour ou l’autre : nul ne peut être condamné à vivre définitivement dans les ténèbres de l’ignorance ni à rester assujetti à la violence de son corps primaire
(p. 52).

Dans la quatrième partie, Meirieu revient sur la pensée du philosophe Jean-Jacques Rousseau, et montre combien Rousseau est mal lu et mal compris lorsqu’on l’accuse d’avoir inspiré une pédagogie laxiste. Pour lui, avec les « Lumières s’ouvre vraiment le temps de l’éducation » (p. 56). Dans cette partie, l’auteur revient sur le fameux traité de l’éducation2 de Rousseau tout en évoquant les thématiques de l’actualité telles que le rôle de l’instituteur, le principe de l’éducabilité. Puis, face aux slogans institutionnels comme « Libérer, protéger, unir », il lance : chiche ! Dans cette cinquième partie, Meirieu invite à prendre ces mots au sérieux, à les confronter à la réalité, et à questionner leur application concrète dans l’école d’aujourd’hui. Il approfondit les problématiques liées à l’ordre, au contrôle, à l’autorité et à la sanction, tout en étendant sa réflexion à la notion d’empathie. Il revient sur les relations entre des pairs, « le conseil des élèves », en évoquant là ce que les pédagogues Célestin et Élise Freinet ont proposé3. Puis, il évoque sur Condorcet et les droits de l’homme selon lui en s’appuyant sur l’œuvre d’Eirick Prairat4. Vient la sixième partie où il expose son propos avec un œil critique et exigeant sur les politiques éducatives d’aujourd’hui en intitulant cette partie « École : des remèdes pires que le mal ! » (p. 87) : il commence par l’exemple du premier devoir d’une République en citant Ferdinand Buisson et détaille son analyse en la reliant avec la situation actuelle. La suite de cette partie porte sur la place des programmes, de pédagogie et d’organisation de l’école. Mais Meirieu ne se contente pas d’une critique : dans la septième partie, il affirme qu’il y a bien une alternative. Il s’appuie sur des initiatives de terrain, de l’organisation des pédagogies, des programmes du système scolaire. L’auteur suggère de s’appuyer sur le plan Langevin-Wallon élaboré en 1947 qui, pour lui, est une référence majeure et précieuse pour reconstruire une nouvelle école et une nouvelle éducation. Meirieu évoque quelques éléments de ce plan, par exemple l’allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans, et la multitude de propositions qui méritent d’être revisitées. La huitième partie sous-titrée : « De Hanouna à Condorcet… revenir aux fondamentaux ! » vise à traiter la question des médias et des problèmes éducatifs. Réformer l’École pour l’auteur ne suffit pas, si les médias tels que l’émission de Cyril Hanouna diffusent en parallèle des contre-modèles. Enfin, la neuvième partie se clôt sur une invitation à la responsabilité : « Nous sommes embarqués ! Il faut choisir » (p. 157). Dans la dernière partie de l’ouvrage, Philippe Meirieu insiste sur les fondements de sa pédagogie, articulée autour des principes d’espérance et de responsabilité. Il s’inscrit dans la lignée des Lumières et dans une conception de l’éducation qui affirme l’éducabilité de chacun. Face à un contexte politique et social de plus en plus tendu, il défend un projet de société dans lequel l’éducation doit occuper une place centrale. Meirieu termine son ouvrage en disant que :

Il est urgent que toutes les forces politiques, syndicales et associatives se rassemblent et proposent à nos concitoyens un projet de société où l’éducation, sous toutes ses formes, occupe la place centrale. Car c’est à cela, n’en doutons pas, que nous serons jugés, un jour ou l’autre par nos enfants. Et c’est le seul jugement qui devrait nous importer
(p. 178).

L’auteur y met en lumière le rôle fondamental de l’École, tout en soulignant l’importance d’autres influences majeures telles que les médias, la famille et la société dans son ensemble. Philippe Meirieu invite dans ce livre à « rallumer les Lumières en éducation » et à mesurer l’importance des dangers auxquels nous sommes exposés. L’ouvrage se termine par une bibliographie regroupant les principaux écrits de l’auteur, classés selon leur date de parution.

Bibliographie

Meirieu, P. (2024). Éducation : Rallumons les Lumières ! Éditions de l’Aube / CEMÉA.

Prairat, E. (2022). L’école des Lumières brille toujours : les grands défis de l’école de demain. ESF Sciences humaines.

Notes

1 Jean-Baptiste Clerico, nouveau directeur général des Ceméa France. Retour au texte

2 Jean-Jacques Rousseau, Émile, ou De l’éducation, livre I. Retour au texte

3 Freinet ne parlait pas de « conseil d’élèves », mais de « réunion de coopérative ». Retour au texte

4 Prairat, E. (2022). L'école des Lumières brille toujours : Les grands défis de l'école de demain. ESF Sciences humaines. Retour au texte

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Référence électronique

Bleona Rugovaj, « Éducation : rallumons les Lumières ! », La Pensée d’Ailleurs [En ligne], 7 | 2025, mis en ligne le 22 octobre 2025, consulté le 03 décembre 2025. URL : https://www.ouvroir.fr/lpa/index.php?id=1288

Auteur

Bleona Rugovaj

Doctorante, université de Lorraine – LISEC (UR 2310), équipe Normes & Valeurs.

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